10. a p e u r é e
"E-Et après i-il m'a dit que c'était u-une erreur !" baragouinai-je dans un langage que moi-même je ne comprenais pas. "Tu t'rends compte Gary, ce connard a osé me dire à moi, MOI Anzel Adorable Scott, que notre baiser était une simple erreur !" geignis-je. J'avouai que j'étais un petit peu saoule. Mais rien qu'un petit peu.
"Comprends-le Anzel, il y avait son ex -etite copine à côté, c'est normal de te repousser." répliqua-t-il. Gary allait sur ses quarante ans. C'était un petit homme aux cheveux poivre et sel assez bien conservé pour son âge. Il m'avait raconté qu'il était marié avec un petit bout de femme nommé Marilyn depuis quinze ans. Gary était incroyablement gentil et n'avait rien d'effrayant. Non seulement, il était barman mais il était aussi propriétaire du London Royal Pub. Il travaillait dans ce bar situé à côté de sa boîte de nuit.
Je m'y étais aventurée préférant sécher les cours, après avoir bu une bouteille d'alcool toute entière et deux autres verres de vodka. Autant dire que je planais complètement.
" 'Scuse moi, monsieur j'sais-tout mais il m'a affirmée qu'il la voyait seuuuulement ~ comme une soeur ! Alors shhht~, tu comprends rien." bafouillai-je, en mettant mon index contre ma bouche.
"C'est toi qui a débarqué ici complètement ivre et qui m'a demandé des conseils sur tes problèmes de coeur. Je suis barman, pas psychologue."
"Ahhh tu me donnes mal à la tête. J'ai tellement soif..." me plaignis-je. "Donne moi encore de la vodka !"
"Chérie, je constate bien que tu es en manque d'alcool mais là, c'est mort. Je t'ai déjà donné deux verres que tu ne m'as bien sûr pas payé alors maintenant je dois aller servir d'autres clients qui, eux, me paieront au moins." Il partit servir un vieil homme aux cheveux gris et longs. On aurait dit un poney. Je poussai un gloussement qui se transforma petit à petit en fou rire. Gary revint au bout de quelques minutes. Je redevins sérieuse et, en repensant à Harry, les larmes me montèrent aux yeux.
"Gary, Harry me manque ~ !" sanglotai-je doucement. Les larmes se mirent à couler d'elles-mêmes. Aïe, la chose près de ma poitrine a si mal ! Ai-je mes règles ?
"Mmh, oui je comprends." Il essuya distraitement le comptoir avec sa serviette blanche.
"N-Non tu ne comprends paaaas ~ ! Il est c-comme une vodka à la fraise, oui c'est ça ! C-C'est un truc dont je peux pas me passer !" dis-je. "Mais pou-pourtant j'y arrivais bien quand il n'était pas avec moi ces derniers mois..!"
"Si, je comprends parfaitement Anzel. Je connais quelqu'un qui était comme toi." insista-t-il. Intriguée, je le fixais. Il venait d'attirer mon attention.
"A-Ah oui ? Qui ?" bredouillai-je, pendue à ses lèvres.
"Il s'appelle Cody." Je m'étranglai presque à l'entente de son prénom.
"Cody genre, Cody Cody ?" Il roula des yeux.
"Cody Trascott." Comme si je connaissais son nom de famille. "Il était dingue d'un type qui s'appelait lui aussi Harry." Ça n'est forcément pas une coïncidence. Je décidai de jouer la comédie pour en savoir un peu plus sur lui.
"Ah bon ? Mais nan ~ !" Gary secoua vigoureusement la tête de haut en bas.
"Si, j'te jure. Et quand je dis qu'il était dingue de lui, je blague pas. Tous les soirs, il venait ici, il me parlait de son Harry. C'était un supplice ; Harry par-ci, Harry par-là. C'était plus qu'une amourette, c'était une obsession." m'avoua-t-il en astiquant un verre.
"Oh !"
"Je te dis un truc mais tu le dis à personne." Il s'approcha plus près et me chuchota à l'oreille : "Il était tellement fou de lui qu'il harcelait tous les jours une fille dont Harry était proche jusqu'à ce qu'elle finisse par mettre fin à ses jours. Après la mort de la jeune fille, il a profité du chagrin de son « bien-aimé » pour servir d'essuie-larme et combler le vide qu'il avait lui-même creusé dans le coeur de cet Harry." Je n'en revenais pas. Cody avait profité de la faiblesse d'Harry pour flirter avec lui ? Et bien sûr Harry a bêtement accepté, étant sûrement trop dépressif pour refuser les avances de Cody. Les pièces du puzzle s'assemblaient une à une dans mon esprit. Mais ce que je ne comprenais pas c'est que je n'avais jamais entendu parler de cette Keithan l'année passée. Harry ne m'avait absolument rien dit à propos d'elle ni même un seul mot au sujet de Cody. Il était tellement secret.
"De quand date cette histoire ?" le questionnai-je. Gary se gratta la barbe avec réflexion.
"J'imagine que ça doit bien faire deux ou trois ans. Mais depuis ce qui s'était produit l'an passé ; lorsque Harry était venu avec sa petite amie et qu'il s'était bagarré dans mon pub avec Cody, je n'ai plus de nouvelle de ce pauvre gamin." Je ne cessais de touiller ma paille rose fluo dans le verre vide. Cela ne justifie donc pas le baiser entre Harry et Cody. C'est l'un des principaux mystères à élucider. Hi hi hi, on se croirait dans Scooby-Doo ! Moi je serais Daphné et Harry serait mon Fred. Mais Harry aimait peut-être encore Keithan... ou bien Calice... ou alors Cody... Mais certainement pas la petite conne qui lui courait sans arrêt après en répétant qu'elle l'aimait. Ugh, j'ai vraiment trop de rivaux.
"Mais du coup, cette fille-là... Keithan, elle était la petite-amie d'Harry ?" Gary arrêta d'astiquer le verre et me dévisagea.
"Attends, je n'ai jamais dit que son nom était Keithan. Comment tu sais ça toi ?" s'exclama-t-il. Je haussai les épaules, mine de rien.
"J'ai... euh... deviné." Il ne répondit pas et je l'en remerciais mentalement. Harry est quelqu'un de manipulateur, je le déteste tellement ! Le monde esttoujours à ses pieds.
*
"Anzel ! Anzel ! Anzel !" Je pris mon élan sous leurs encouragements puis me jetai à l'eau. L'eau glacé de la piscine claqua violemment contre ma peau et me frigorifia instantanément. J'ouvris les yeux dans l'eau et guettais la surface de l'eau. Tout paraissait si lumineux, si éblouissant. Et si je ne faisais pas partie de ce monde ? J'étais une mauvaise personne. Je demeurerai toute ma vie une mauvaise personne alors à quoi bon vivre ? A quoi bon vivre si c'est pour rester malheureuse dans ce monde ? Mon dos frappa doucement le sol. Je coulais. Je touchais le fond. Qu'allait-il m'arriver ? Vais-je mourir, noyée ? Je n'avais pas la force de remonter à la surface. Harry. Viens et sauve moi. Je fermai doucement les yeux et imaginai Harry. Il m'aurait souri et m'aurait dit : "On ne se passe plus de moi bébé ?"
"Réveille toi ! Ne meurs pas Anzel, reste avec moi." Oh, il y avait quelqu'un qui me désirait sur cette planète. Qui était-ce ? Je fus prise d'une toux horrible puis recrachai quelques tasses d'eau que j'avais du ingurgiter. Je rouvris les yeux.
"Elle s'est réveillée !"
"Elle est en vie !"
"Bravo, t'as eu des couilles Anzel, je m'incline."
"Moi j'aurais jamais osé le faire, t'es grave impressionnante !"
J'étais encerclée d'une trentaine de personnes, ça me donnait envie de suffoquer. Mes oreilles sifflaient.
"Écartez-vous, laissez-la reprendre ses esprits." s'exprima une voix masculine. Des plaintes fusèrent un peu partout puis la masse noire se dispersa. Le sifflement dans mes oreilles se réduisit jusqu'à ce que je discerne la musique provenant de la maison ainsi que des cris d'excitation.
"Ma-Matthew, que s'est-il passé ?" le questionnai-je d'une voix pâteuse. Mon meilleur ami caressa mon visage de manière tendre mais je repoussai doucement sa main pour pouvoir me relever.
"T'as pété un plomb. Tu m'as hurlée comme quoi tu détestais ce monde et que tu avais envie de te jeter à l'eau. Littéralement. Deux ou trois gens t'ont entendu puis tout le monde s'est ramené dehors pour te voir te jeter dans la piscine. Pendant une trentaine de secondes, tu es restée sous l'eau ce qui m'a inquiété. J'ai donc plongé pour te ramener sur la terre ferme. Tu nous as fait une peur bleue Anzel."
"Tu parles, ils s'en foutent tous. Qui trouve ça dangereux une fille bourrée en sous-vêtement qui se jette dans une piscine en risquant une hydrocution ou pire, une noyade ? Pas eux, en tout cas. Tant que ça les divertit, ils sont heureux." marmonnai-je. Matthew me jeta un coup d'oeil inquiet.
"Ce genre de truc t'amuserait d'habitude." remarqua-t-il.
"Oui, avant." Matthew se releva à son tour et fronça le front, irrité.
"Pourquoi « avant » ? Tu veux dire avant de venir en Angleterre et de revoir ton soi-disant ex ? C'est à cause de lui, hein ? Que tu ne t'amuses plus autant qu'avant, que tu ne ris plus autant qu'en Italie ?"
"Non, je me suis juste rendue compte que toute ces merdes ne menaient à rien Matthew. Tous les rires que je prenais n'étaient pas..." Je m'interrompis un instant puis mes yeux s'écarquillèrent un instant en réalisant quelque chose. "Ça n'était pas... moi..." balbutiai-je.
"Qu'est-ce que tu m'racontes ? Tu es toi ! Tu es Anzel Scott, la fille la plus forte que je connaisse, la dure à cuire qui bat tout le monde au « beer pong », la fille qui aime se faire désirer par des mecs, la f--"
"Stop. Je ne suis pas forte, comme tu le crois. Je suis la fille la plus stupide au monde qui préfère fuir ses problèmes en allant boire de l'alcool, qui aime se faire désirer car elle ne se sent pas bien dans sa peau, la fille qui, au lieu de faire face à son ex, a préféré fuir dans un autre pays. Matthew, je connais tes sentiments pour moi mais ces sentiments ne sont qu'un leurre, qu'une façade. Tu es tombé amoureux d'un masque. De ce putain de masque que j'ai bâti au fil du temps. Et je m'en excuse Matthew." Ce dernier me fixa et recula de quelques pas, secoué.
"Mais n-nous.. et t-tu..." bafouilla-t-il, à court de mots.
"Anzel." prononça une voix dans mon dos. Je me retournai pour faire face à Harry. Il était debout, devant moi, les bras le long de son corps. Quelqu'un me prit les épaules et Matthew me tourna vers lui en plantant ses yeux dans les miens.
"Zel, non, je t'en prie..." Ses yeux étaient remplis de larmes. Mes lèvres se tordirent en un sourire qui dut ressembler à une grimace. Mon regard s'alterna d'Harry à Matthew.
"Je suis désolée." Je croisai le regard détruit de Matthew au moment où je m'écartais de ses bras. Je vis dans ses yeux et je compris. Je venais de mettre un terme à notre amitié. C'était la fin. Cette amitié allait se terminer un jour ou l'autre sachant qu'elle n'était faite que de choses nocives. Comme le sexe, l'alcool, la fête, les malfrats. Il était quelqu'un d'adorable, d'attachant, de drôle et de généreux. Peut-être que dans d'autres circonstances, je serais tombée amoureuse de lui. Mais hélas, mon coeur était déjà beaucoup trop perdu pour accepter l'amour de Matthew.
Je m'approchai alors d'Harry. Ses si belles iris encerclées de vert rencontrèrent mes yeux et je compris.
Maintenant, j'allais devoir lui résister. À lui et à ce putain de sentiment.
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