Chapitre 75


J'ai pu éviter Jo toute la journée de samedi mais dimanche, je n'ai pas pu y couper. Brunch obligatoire chez elle. Je sens l'interrogatoire en bonne et due forme qui va me tomber dessus. Et pour que je ne puisse pas me débiner, elle est carrément venue me chercher. Merde, j'aurais pu tenter le coup de la grippe soudaine et foudroyante, mais Josie me connait que trop bien.

Tout le long du trajet elle n'a pas dit un mot, et franchement ça ne me dit rien qui vaille. Elle qui est si prompte à demander des explications, voilà qu'elle retarde le moment de vérité. Qu'est-ce qui va me tomber sur le bout du nez ? Quand on se gare devant sa magnifique maison, je crois que je suis sur le point d'imploser.

- Bon, allez, interroge-moi. Tu me fiches la trouille à rester aussi silencieuse.

Elle se tourne lentement vers moi et me fusille du regard.

- Ne sois pas aussi pressée. Crois-moi, tu ne vas pas apprécier.

Je déglutis avec peine. Quand elle s'y met, Jo peut vraiment foutre les jetons. Et là, je crois qu'elle est au summum de son art. Le diable s'inclinerait devant elle. Je la suis, penaude, à l'intérieur. Elle traverse le salon, sans même s'arrêter, et file droit vers la terrasse. Dehors, la table est déjà dressée. Avec la vue qu'elle se paie, elle a bien raison d'en profiter un maximum. Là, je marque un temps d'arrêt. Assis confortablement, le téléphone à la main et les lunettes vissées sur les yeux, Tony sirote tranquillement son café. Non, mais non ! C'est quoi ce bordel ? Elle ne compte pas me faire parler devant lui. Jo contourne la table, dépose un baiser sur la joue de son homme et va s'installer à ses côtés. Moi, je reste figée, devant la table. Elle m'intime l'ordre silencieux de prendre place en face d'eux, tandis que Tony se lève pour venir me faire la bise.

- Michelle ! ça fait un petit moment que je ne te vois plus. Trop occupée ?

Son sourire ultra Bright laisse sous-entendre qu'il sait bien trop de choses. Ou qu'il les a devinés. Bref, je me sens soudain mal à l'aise.

- On va dire ça, conclue-je, en tirant une chaise pour m'assoir.

Face à moi, Jo et Tony semblent inspecter chacune de mes réactions. Heureusement, que je porte encore mes lunettes de soleil. Les secondes s'égrènent et personne ne semble vouloir bouger. Pour détendre l'atmosphère, je tente d'engager la conversation avec le maître des lieux.

- Alors Tony, comment va ?

- Oh, toujours la même routine. Des affaires, encore des affaires. Et de méchants clients qu'il faut sortir du merdier dans lequel ils se sont fourrés. D'ailleurs, il parait que tu en connais un. James Browning, si j'ai bien compris.

Je glisse un regard de travers à Jo. Voilà donc son plan, me mettre face à Tony pour qu'il me tire les vers du nez. Sauf que c'est plutôt le contraire qui va se produire. Il va se révéler une source intéressante d'informations.

- En effet, j'ai fait sa connaissance. Mais, rassure-moi, il ne fait pas partie de tes méchants clients ?

Tony m'observe un instant, avale une gorgée de café avant de reposer la tasse très lentement. Je déteste quand il joue à l'avocat avec moi.

- James est quelqu'un de très bien. Je l'aide juste à gérer ses affaires. Et à lui éviter de retomber dans de mauvaises fréquentations.

Nous y voilà !

- Des mauvaises fréquentations ? Ah bon ! Lesquelles ?

- Tss, tss, tss. Secret professionnel, jeune fille.

Son sourire de requin du barreau fait surface. Il adore détenir des infos que les autres n'ont pas et se joue de leur ignorance. Et sur le coup, ça fonctionne à merveille. Je pince les lèvres, frustrée de ne pas obtenir plus d'indices que ça. Bon, va falloir que je balance un peu ce que je sais pour ferrer ce gros poisson.

- Juste comme ça, est-ce que ça aurait un rapport avec les gens qu'ils fréquentaient dans le passé ? Comme... Jared Patton ?

Son regard se met à briller dès que je prononce le nom du cinglé qui m'a foutu la trouille de ma vie.

- Tes nouvelles fréquentations sont douteuses, Mickie. Tu devrais te tenir éloigner de cette petite ordure.

Bon, ben là, c'est clair. Si même Tony a une dent contre lui, c'est que cet homme est vraiment dangereux.

- J'ai cru comprendre.

Je l'ai à peine murmuré mais les oreilles de chat de ma meilleure amie l'ont tout de suite capté.

- Comment ça ? Tu as eu des problèmes avec ce mec ?

Oups.

- Comment dire...

- Il t'a fait du mal ?

Josie semble soudain franchement affolée. Mais qu'est-ce qui lui prend ?

- Mais non, ça va. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tout à coup, tu t'emballes comme ça ?

- Michelle, cet homme est un danger ambulant. Il faudrait lui accrocher un panneau, dans le dos, où il est écrit « pervers psychopathe ».

Je cligne des yeux, un peu perdue.

- Jo a eu quelques soucis avec lui. J'ai dû intervenir et lui remettre les idées en place. C'est mon client, mais ça ne lui donne pas le droit d'emmerder ma femme.

Ah ouais ! Carrément ! J'imagine la scène. Tony a dû d'abord temporiser le caractère de feu de sa belle rousse, avant de menacer à demi-mot Jared.

- Pour être tout à fait honnête... Il a eu une altercation avec Christian.

- Christian... Christian Sorensen ? me demande Tony.

Mais il connait tout le monde ou quoi ?

- Oui.

- Qu'est-ce que tu as à voir avec ces deux-là ?

Mon cerveau se met soudain à carburer. Pourquoi semble-t-il soudain inquiet ?

- C'est de ma faute, lâche Jo. Je les ai présentés. On m'avait dit beaucoup de bien de lui. Jamais je n'aurais pensé qu'il avait un lien avec l'autre enfoiré. Il avait l'air si gentil.

- Attendez... vous voulez dire que le thérapeute de Michelle est en fait Sorensen ?

Tony et son esprit de déduction. Il me fixe un moment puis tout à coup, un rire tonitruant sort de sa bouche et je manque de faire une crise cardiaque.

- Vous couchez ensemble ?

Ça y est. Je ne sais plus où me mettre.

- Oui, ils couchent ensemble. Et franchement, j'aurais aimé être contente de cette situation, mais jusqu'à présent, ça la rend plus triste qu'heureuse.

Et voilà que Jo recommence à parler de moi comme si je n'étais pas là.

- Jo, tu m'emmerdes. Je t'ai déjà dit que je couche avec qui je veux et quand je veux.

- Comme pour Musclor.

Tony nous observe, chacune notre tour comme s'il regardait un match de tennis. Et il a l'air de bien s'amuser.    

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