Chapitre 63
Doucement, l'adrénaline quitte mon corps. Doucement, mon cœur ralentit, comme le sien. Doucement, nos respirations s'accordent et s'apaisent. Je devrais me sentir mieux. Je devrais. Mais c'est exactement l'inverse qui se produit. Je me sens encore plus triste et méprisable.
Je n'ai pas réussi à me chasser la sensation d'étouffement que j'ai ressentie quand Jared m'a plaquée contre le mur. Je pensais pouvoir l'effacer en me précipitant dans les bras de Christian, mais ça n'a pas marché. Je me sens encore plus mal. La honte me tord le bide. Je me suis comportée comme une putain d'accro, exactement comme me l'a balancée l'autre connard. Il a raison. Christian réapparait et je me jette dans ses bras, le supplie de me sauter. Maintenant, c'est sûr, il ne verra plus en moi que la fille facile qu'il peut avoir quand ça lui chante.
Son corps quitte le mien et j'ai l'impression qu'il m'arrache la seule chose qui m'empêchait de m'effondrer. Ma poitrine se serre, la panique revient. Je fais un effort surhumain pour le cacher. Je ferme les yeux pour ne pas croiser son regard. Il est toujours là, debout à côté de moi. Je l'entends respirer. Je détourne la tête et cherche des yeux mon sous-vêtement. J'ose jeter un coup d'œil dans sa direction. Il me tourne le dos et se rhabille. Ce répit me permet d'aller chercher ma culotte et de l'enfiler. Mes yeux fixent le sol tandis que je tire ma robe vers le bas. Je ne me suis jamais sentie aussi nulle de toute ma vie.
Les secondes défilent et ni lui ni moi ne bougeons. Mais l'air me manque, je n'arrive plus à rester dans cette pièce. Je me dirige d'un pas rapide vers la porte. Il se décale et s'interpose. Je m'arrête net et recule. Il est trop près, beaucoup trop près.
- Michelle...
Non, non, pas d'explication, pas de questions. Pas maintenant. Je me fige, serre les poings et réprime les larmes qui menacent. Il se tait de nouveau, puis lâche un soupir.
- Je te raccompagne. Tu n'es pas en état de conduire.
Je suis trop perturbée pour m'opposer à lui. Alors je hausse les épaules et le laisse ouvrir la porte. J'avance, comme un zombie. Tout ça ne peut pas être réel. Il ne doit pas l'être. C'est un cauchemar. Un putain de cauchemar que je fais parce qu'il hante mes pensées tout le temps et que mon cœur le réclame à cor et à cris. A l'extérieur, il n'y a plus personne. La vie a repris son cours comme si de rien n'était. Les gens dansent, discutent, rient. Moi je les frôle, les côtoie mais je suis à des milliers de kilomètres d'ici, dans un autre monde où tout s'embrouille et me détruit, petit à petit. La main de Christian se pose prudemment sur mon épaule, ce qui ne m'empêche pas de sursauter. Je me suis arrêtée sans me rendre compte. Je tourne la tête vers lui et son regard me tue. De la pitié. Il a pitié de moi. Je ne sais pas si ce n'est pas pire que la condescendance qu'affichait Jared.
Soudain, une sueur froide déferle dans mon dos. Où est-il ? Je me mets à trembler et à parcourir du regard les gens autour de moi pour essayer de le retrouver. Les doigts de Christian pressent un peu plus fort mon bras.
- Tu n'as pas t'inquiéter. Il est parti.
Même s'il a pris un ton rassurant, je n'arrive pas à calmer ma respiration. Il glisse sa main dans la mienne et sans rien dire m'entraine à l'extérieur. On croise James, sur le chemin. Christian se contente de lui faire un signe de tête. Ce dernier lui répond de la même manière et esquisse un sourire à mon intention. J'ai l'impression que je vais vomir. Je presse le pas. Dès les portes franchies, je cours jusqu'à un buisson et laisse sortir tout ce qu'il y avait sur mon estomac. L'alcool me brûle encore la gorge, mais en sens inverse cette fois. Christian attrape mes cheveux et les dégage de mon visage. Je me sens tellement minable. Jusqu'où vais-je sombrer ? jusqu'à quel point puis-je me rendre pitoyable ?
Mon haut le cœur s'apaise enfin. Heureusement, j'ai réussi à ne pas m'en mettre partout. Je me redresse avec peine. Mon ventre me fait un mal de chien. Christian glisse sa main sous mon bras pour me soutenir et nous marchons en silence jusqu'à sa voiture. Je n'ose plus le regarder tellement j'ai honte. Le paysage défile mais je n'y prête pas attention. Ce n'est que lorsqu'il gare la voiture en bas de mon immeuble que je me rends compte que j'ai oublié mon sac.
- Je n'ai pas mes clés. Mon sac est resté au bar.
Il y a un flottement, puis Christian remet le contact.
- Tu vas dormir chez moi. Je vais appeler James pour qu'il le récupère et le mette de côté.
- Mais...
- Retourner au club maintenant n'est pas une bonne idée. Je ne sais pas si Jared est encore dans le coin alors je veux éviter que tu tombes encore sur lui.
Je ressers mes bras autour de ma poitrine. Il a raison. Je risquerai de péter un câble, rien qu'en le voyant. Mais dormir chez Christian, ce n'est pas forcément la meilleure solution non plus.
- Dépose-moi chez Josie.
Christian lâche un grognement.
- Pour qu'elle m'étripe dès qu'elle verra ta tête ? Pas question. Et puis, ça tombe bien que tu aies oublié tes affaires. Je crois que je n'aurais pas réussi à dormir en te sachant seule. Je veux te garder à l'œil. Au moins pour cette nuit.
J'ouvre la bouche pour protester mais la referme aussitôt.
- Demain, tu pourras m'envoyer me faire foutre, mais ce soir, j'ai besoin de te savoir en sécurité, marmonne-t-il.
Cet homme est déroutant. Je ne sais plus ce que je dois ressentir. De l'amour, de la haine, du dégoût, de l'admiration. Mon cœur se met à espérer, ma raison me dit de ne pas oublier. Je suis trop lasse pour décider de ce que je veux ou pas. Alors je me laisse porter. S'il préfère m'avoir à l'œil cette nuit, je le laisserai faire. Demain, je me demanderai pourquoi. Demain, j'essaierai de comprendre ce que je ressens et ce que lui éprouve. Car ça devient bien trop compliqué entre nous pour rester au statut quo. On devra s'expliquer. On devra discuter de tout ce qu'il vient de se passer. Mais demain. Là, tout de suite,j'ai juste besoin dormir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top