Chapitre 53
L'atmosphère a été étrange après le repas. J'ai préféré rentrer chez moi et me poser. Durant toute l'après-midi, j'ai tourné dans ma tête, encore et encore, ce qui s'était passé. Christian n'est pas la personne paisible que j'imaginais. J'avais saisi qu'il avait ses propres démons, mais je ne pensais pas qu'il les gardait aussi bien enfermés. Au premier abord, il semble être une personne équilibrée, rayonnante, pleine de confiance. Mais au fond, il est aussi perturbé que moi.
Ce constat a un peu apaisé mes doutes. Je ne suis pas parfaite, mais lui non plus. Peut-être peut-on s'aider mutuellement à balayer l'ombre de notre passé. Il a déjà commencé à me montrer le bon chemin. J'essaie de l'emprunter, même si je trébuche souvent. Depuis qu'il est entré dans ma vie, beaucoup de choses ont changé. Du bon, du mauvais, mais évoluer n'a rien de simple. Je lui en ai voulu un moment d'avoir dépoussiéré mes peines, mais en fin de compte, c'est ce dont j'avais besoin.
Nathan n'est en fait que le révélateur de quelque chose de plus profond. Je ne sais pas comment faire pour être moi, pour aimer ce que je suis. Quand je me regarde dans la glace, je ne vois toujours que les défauts. Pourtant, Christian me laisse entrevoir autre chose. Une autre Michelle. Mes courbes me semblent moins prononcées. Mon côté maladroit tente à s'atténuer. Dans ses bras, j'ai envie d'être entière, sans concession, ni complexe. Je veux devenir la femme sexy, sûre d'elle que je rêve d'être en secret. J'y suis parvenue le temps d'une étreinte, quand j'ai vu le désir flamboyer dans son regard.
Je me dis que lui aussi a besoin que quelqu'un l'aide à apaiser ses tourments. J'ai envie d'être cette personne-là. Ce ne sera sans doute pas facile, mais si je persiste, si je tiens bon, je pourrais sans doute réussir à gratter suffisamment le vernis de sa perfection apparente pour voir ce qui se cache dessous. Pour l'instant, il ne veut pas m'en parler. Mais je suis une personne têtue et je tiens à lui. Je ferais tout ce que je peux pour l'amener à s'ouvrir.
Comme promis, je rejoins Christian devant l'Exhibition Room. Comme promis, j'ai mis ma robe noire. Je me sens fébrile en l'attendant sur le trottoir. Me retrouver dans une foule, habillée de la sorte, me rend toujours aussi mal à l'aise. Cette tenue dévoile trop, m'expose au regard inquisiteur des autres. Les mains serrées autour de mon sac, plaquées sur le devant de ma robe, je trépigne d'impatience. Les gens qui entrent dans le bar me frôlent, tournent de temps à autre les yeux vers moi. Mais je m'obstine à fixer la rue pour tenter de le voir arriver. J'ai hâte qu'il soit là pour qu'on entre à l'intérieur et qu'on se mêle aux autres. Pour enfin disparaître dans la multitude agglutinée autour du bar.
Tout à coup, une main familière se pose dans le creux de mes reins et une voix chaude vient susurrer à mon oreille.
- Tu es magnifique.
Ses lèvres frôlent ma nuque et me filent des frissons. Je me tourne vers lui, un sourire sincère de soulagement illuminant mon visage. Il laisse glisser un doux regard sur moi et cela me réchauffe le cœur.
- Prête à t'amuser ?
- Oui.
Je glisse mon bras sous le sien et me colle contre lui. Je sais que ça fait trop amoureuse, mais franchement, là j'en ai vraiment besoin. Sa présence à elle seule réussit à estomper ce sentiment d'insécurité que je ressentais quelques secondes auparavant. A ses côtés, je me sens belle. Et surtout chanceuse, vu les regards que me lancent les autres femmes. Et puis, il n'a pas l'air de s'en plaindre.
Nous entrons dans l'établissement et là je comprends la signification de l'expression « plein à craquer ». C'est à peine si on peut mettre un pied devant l'autre. Mais ça n'a pas l'air de le gêner. Il est comme dans un poisson dans l'eau. Il glisse dans la foule, me tirant dans son sillage. D'un pas sûr, il se dirige vers une table sur laquelle trône une petite pancarte dorée.
- Tu as réservé ? haussé-je le ton pour me faire entendre.
- Evidemment. Sinon impossible d'avoir un endroit pour se poser.
Il me cède la place pour que je me faufile sur l'assise de cuir moelleuse, puis se penche vers moi.
- Je vais aller commander à boire. Une préférence ?
Je secoue la tête et il me quitte, le sourire aux lèvres. Me voilà seule et ce sentiment désagréable de ne pas être à ma place est de retour. On me jette tantôt des regards envieux, tantôt interrogateurs. Qui peut bien être cette parfaite inconnue qui a le privilège d'avoir une table dans le bar le plus couru de la ville ? Je me raidis en constatant que je suis leur centre d'intérêt. Pour chasser cette angoisse naissante, j'essaie de me concentrer sur Christian. Il est accoudé au comptoir et parle avec le barman. Soudain, un homme lui tape l'épaule. Il se retourne, semble le reconnaître et lui fait une accolade. Mais c'est qui ce mec ? le grand brun au corps effilé et au look de jet-setteur a l'air proche de lui. Ils bavardent un moment, rigolent. Je me rends compte que je ne connais rien de sa vie. Aucun de ses amis, aucune de ses habitudes en dehors des moments qu'on a passé ensemble. Nos discussions étaient essentiellement tournées vers le passé et pas le meilleur côté.
Christian revient avec deux verres.
- Et voilà ! dit-il fièrement, en les posant sur la table.
Il me rejoint sur la banquette et s'installe à mes côtés, assez proche pour que nos genoux se touchent. Instinctivement, je sers les cuisses. Sa main se pose entre nous et il porte ses lèvres à mon oreille. Son souffle chaud me fait frissonner.
- Tu as mis ton porte-jarretelles ?
Mon ventre se contracte et mon visage prend feu. Je déglutis, n'osant pas lui répondre. Son sourire s'élargit.
- J'aime quand tu prends cet air effarouché. Ça me donne envie de te susurrer encore plein d'autres choses et te voir t'enflammer.
Piquée au vif, je me lève d'un bond. Il me regarde, amusé.
- Tu viens, on va danser ? demandé-je pour détourner son attention de mon teint rosé.
- Avec plaisir.
Il se lève lestement, passe sa main dans mon dos et me conduit jusqu'à la piste. Sa main remonte le long de mon échine et vient se poser sur ma nuque, tandis qui me tire vers lui pour que nos corps se frôlent. Un frisson de plaisir attise ma peau déjà très réceptive. Il m'enferme entre ses bras et commence à donner un mouvement sensuel à notre corps à corps. Je suis comme coupée du monde, blottie contre lui. Son souffle caresse ma mâchoire. Son front se pose contre le mien. Timidement, je pose mes mains sur son dos. Notre rapprochement est presque trop intime pour cet endroit.
- Je suis heureux que tu sois là, ce soir.
Ses mots me touchent. Il est heureux d'être avec moi ? Un espoir fou s'immisce au plus profond de mon être. Peut-être y a-t-il une chance pour qu'il ressente plus que de l'attirance ? Peut-être pourrais-je bientôt espérer faire écrouler le mur qu'il semble avoir construit autour de son cœur ? J'en ai vraiment envie. Je me sens soudain l'âme d'une guerrière, prête à conquérir l'amour de Christian.
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