Chapitre 52


Je tourne les yeux vers lui. Si seulement je pouvais lui en parler, mais je ne crois pas qu'il apprécierait. Je dirais même que ce serait le meilleur moyen de le faire fuir. J'avale une bouchée en faisant mine de n'avoir rien compris.

- Arrête ça. On a dit qu'on était amis. Les amis, ça se parle, ça raconte ce qui les tracasse.

Sauf qu'en général, les amis ne s'envoient pas en l'air dans la douche avant de grignoter un morceau ensemble comme si de rien n'était. Il pose ses baguettes et me toise d'un regard sévère.

- Laisse tomber, me renfrogné-je.

- Lâche le morceau.

- Tu vas regretter d'avoir insisté.

- Balance, réplique-t-il sur un ton de défi.

Je soupire bruyamment avant de lui jeter le truc à la figure.

- Pourquoi m'as-tu dit que pour toi, une relation sur le long terme n'est pas possible ?

Son visage se décompose instantanément. Je savais que ça allait mal passer.

- Je te demande ça en tant qu'amis, évidemment. N'y vois rien d'autre.

Mais bien sûr, Michelle, essaie de t'en convaincre.

- En fin de compte, j'ai eu tort. Il y a des sujets qu'il vaut mieux éviter, répond-il d'un ton sec.

Je suis ennuyée qu'il prenne ça aussi mal. C'est normal que je me pose des questions. Je tiens à lui, bien plus que je ne lui avoue. J'ai besoin de comprendre.

- Quelqu'un t'a brisé le cœur ? osé-je avancer.

- Laisse tomber.

Il reprend ses baguettes et mange en silence. Je fronce les sourcils. S'il croit qu'il suffit de faire comme si on n'avait pas déjà mis les pieds dans le plat, il ne me connait pas.

- Es-tu, ne serait-ce, déjà tombé amoureux ?

Il reste mutique et ça a le don de m'exaspérer. Je pose mon assiette et m'assois sur la table, en face de lui.

- Bon, tu craches le morceau ou vais-je devoir énumérer toutes les questions qui me passent par la tête ?

Il pousse un grognement d'ours mal léché, qui m'horripile.

- C'est juste avec moi que tu refuses ? Si c'est ça, dis-le tout de suite que je sois fixée.

Il relève la tête vers moi. Son regard est dur.

- Tout ne tourne pas autour de toi et ton manque de confiance, Michelle.

Mes cheveux se dressent sur ma tête. J'encaisse comme je peux et essaie de ne pas me décomposer. Sa remarque acerbe me fiche un coup au cœur. Christian a des fois des réactions que je ne comprends pas, une agressivité qui vient de nulle part, détruisant tout sur son passage. J'essaie de faire descendre cette fichue boule qui s'est formée dans ma gorge, et détourne les yeux.

- Ok, j'ai reçu le message.

Je me lève et retourne sur mon siège. J'attrape l'assiette, la fixe un moment puis la repose. Je n'ai plus faim. D'ailleurs, je n'ai plus envie de rester non plus. Je me lève et sans un mot, me dirige à l'intérieur. Sa main se referme sur mon poignet. Les larmes menacent de déferler alors je tente de me soustraire, mais il tient bon.

- Excuse-moi. Je ne voulais pas...

Il n'a toujours pas relevé la tête. Son regard fixe obstinément ses pieds.

- Parfois, je réagis comme un con quand je me sens acculé. Et là... C'est un sujet dont je n'aime pas parler.

Mes épaules s'affaissent. Je vois bien qu'il est mal à l'aise avec ça, mais cela ne change pas le fait que mon cerveau carbure pour tenter de le comprendre.

- Christian, je suis ton amie. Tu peux tout me dire. Je ne te jugerai pas.

Un long silence suit ma déclaration. Il n'a pas l'air de vouloir s'ouvrir. Alors, quand il me relâche, je me dis que je ferais mieux de partir.

- Laisse-moi un peu de temps, lâche-t-il dans un soupir. Je t'en parlerai un jour, je te promets. Mais là... Je ne me sens pas encore prêt pour ça.

Devant son effort, je prends sur moi et retourne à ma place. Le tremblement dans sa voix me déchire le cœur. De toute évidence, c'est quelque chose de douloureux pour lui. Assez pour provoquer un comportement agressif que je ne lui connais pas. Mes yeux fixent l'horizon. J'évite soigneusement de croiser son regard car je meurs d'envie de le consoler, de me jeter sur lui pour le prendre dans mes bras. Mais ce serait lui révéler trop de choses.

- Je comprends. J'attendrai.

La conversation se finit ainsi et laisse place à un long silence interrompu seulement par le bruit des vagues s'écrasant sur la grève.    

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