Chapitre 44
Les bras croisés sur mon sweat trop grand, je me crispe. Mes yeux refusent de cligner. Le temps semble suspendu. Depuis que Mike a quitté la pièce, Christian a reporté son regard hargneux sur moi. Je suis si tendue que mes dents vont finir par se fissurer sous la pression. La colère qui habite ses iris leur donne une couleur d'océan déchainé. Pourquoi ? Qu'ai-je fait pour mériter cette haine ?
- Qui c'est lui ?
Sa phrase me déstabilise. Il me faut quelques secondes pour lui répondre.
- Quoi ?
- Celui qui vient de sortir de chez toi et qui a l'air de si bien te connaitre. C'est ton nouveau mec ?
Je tombe des nues. Cette agressivité, ce n'est pas lui. Qu'est-ce qui lui prend ? ses poings sont si serrés que les jointures ont blanchies. Ses traits ont durci. Ses yeux me lancent des éclairs. C'est comme si je regardais une autre personne. Christian n'est plus l'homme si calme, si doux que je connais.
- C'est Mike, mon entraineur.
- Celui qui bavait sur toi ? Ne me dis pas que tu t'es laissé avoir par cette petite ordure !
Je fais un pas en arrière, choquée par son ton vindicatif.
- Je...
Ma voix tremble. Je me sens en faute. Pourtant, je n'ai rien fait qui mérite ce comportement agressif. Je ne l'ai pas trahi. C'est lui qui m'a rejetée, qui m'a fait sentir comme une moins que rien. C'est moi qui devrais être en colère. Pas lui. Je fronce les sourcils, pince les lèvres et lui crache à la figure mon exaspération.
- Et alors ? en quoi ça te regarde ?
Mon changement d'attitude le fait vaciller. C'est à son tour d'être déstabilisé. S'il croit être le seul à pouvoir montrer son mauvais caractère, il est mal tombé.
- Je n'ai pas à me justifier auprès de toi. Ce que je fais de ma vie, les gens que je fréquente, tout ça ne te concerne pas. D'ailleurs, j'aimerais bien savoir ce que tu fous là, si ce n'est venir me prendre la tête.
Il me fixe, sans rien dire, mais je le vois peu à peu perdre toute son assurance. Même si sa mâchoire tressaute encore, son regard finit par dévier vers le sol. Sa bouche, si prompt à juger, est maintenant muette. J'hésite entre lui claquer la porte au nez et me jeter dans ses bras. Non, il ne faut pas que je flanche. Mes doigts se posent sur la poignée et la serrent aussi fort que la douleur étreint ma poitrine. Je m'apprête à refermer quand sa voix rauque me stoppe.
- Je...
A lui maintenant de bredouiller. J'en serais presque contente de le voir en mauvaise posture. Mais encore une fois, il réussit à mettre mon monde à l'envers.
- J'avais besoin de te voir...
Mon cœur se retrouve propulser dans la plus haute des montagnes russes. Ma colère s'effrite en entendant sa voix se transformer en un souffle tremblant. Mes épaules s'affaissent et je ne sais plus comment réagir. Cette rage qui me comprimait il y a peu s'est envolée. Mais le doute subsiste. Qu'est-ce qu'il attend de moi ? Pourquoi a-t-il attendu plusieurs semaines si je lui manquais tant ? Mon cœur se prend à espérer, mais je tente de le maintenir muselé.
- Pourquoi ?
Il passe une main dans ses cheveux et lâche un long soupir.
- Je peux entrer ?
Son regard émeraude vient libérer mon cœur des griffes de ma colère devenue si faible. Je m'écarte et il se faufile à l'intérieur. Tandis qu'il se dirige vers le salon d'un pas hésitant, je referme derrière moi et m'adosse à la porte. Je l'observe laisser trainer son regard sur mon intérieur et je me demande ce que j'attends réellement. Je ne sais pas si je reste là parce que je veux pouvoir m'enfuir si ça tourne mal, ou pour le garder prisonnier, près de moi à jamais. Ses grandes mains caressent le tissu du canapé. Il semble perdu dans ses pensées, inconscient de ce qui l'entoure.
D'où je suis, je ne vois que son corps voûté par-dessus le divan. Ses cheveux dissimulent son expression. Les secondes s'égrènent et toujours rien. Ma poitrine monte et descend de plus en plus vite. L'angoisse d'être dans la même pièce que lui, sans savoir ce qu'il me veut, me comprime la poitrine. Je décide de rompre ce silence pesant.
- Tout ça m'a fait beaucoup de mal...
J'essaie de passer outre cette peur de me jeter dans le vide. Josie avait raison. Je dois lui parler, pour qu'il sorte de ma tête. Tout lui avouer, qu'il comprenne et qu'il me dise que je me suis faite des films. Comme ça, ce sera définitif. C'est comme retirer un pansement, il faut le faire vite pour que la douleur soit plus fulgurante mais plus courte.
- Je sais, ce qui s'est passé entre nous, ce n'était pas ce que je croyais, continué-je. Je l'ai compris maintenant. Mais il faut que tu saches, il y a des choses qu'on ne contrôle pas. Je ne fais pas exprès d'être attirée par toi. Et puis, s'il n'était rien arrivé, j'aurais fini par me faire à l'idée, mais ce soir-là, j'ai cru... et puis, ta réaction... je n'ai pas compris. Je me suis sentie trahie.
Je suis incapable d'en parler d'une manière cohérente. C'est beaucoup trop frais, trop fort. Même après tout ce temps, je me rends compte que je n'ai pas réussi à le digérer. Le fait de l'enfouir, de tenter de le taire n'a fait que garder cette plaie ouverte.
- Je suis désolé.
Je devrais être soulagée de son repentir, mais il ne fait que confirmer mes peurs. Je tente de contrôler la douleur, de reprendre mon souffle. Mais il faut croire que je suis maso car j'ai besoin de comprendre ce que j'ai raté, ce que j'aurais pu changer, ce que je n'ai pas pour lui plaire.
- Je veux savoir pourquoi tu ne veux pas de moi ? Je ne suis pas assez jolie, trop timide. Que sais-je ? Dis-moi, j'ai besoin de comprendre ce que j'ai encore foiré.
Christian lève vers moi ses yeux lagon. Il me faut toute la volonté du monde pour ne pas me précipiter dans ses bras. C'est vraiment la dernière chose que je devrais faire, mais j'en crève d'envie.
- Ce n'est pas toi, c'est moi. Je ne suis pas celui qu'il te faut. Tu mérites mieux qu'un mec comme moi.
L'incompréhension envahit mon esprit. Qu'essaie-t-il de faire ? me raconte-t-il des bobards, histoire de faire passer la pilule ?
- Christian, arrête ça. J'ai besoin que tu sois honnête. Dis-le tout simplement. Je ne te plais pas et ce qui s'est passé ce soir-là n'était qu'une erreur. Je peux l'encaisser.
Christian prend une grande inspiration et ferme les yeux.
- Putain, si c'était aussi simple ! Mais tu te gourres complètement. Tu ne peux pas savoir à quel point je lutte pour ne pas me jeter sur toi.
Mes yeux s'écarquillent de surprise et je manque de défaillir. Ai-je bien entendu ou est-ce ma vicieuse de libido qui fait des siennes ?
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