Chapitre 37


Mon sac sous le bras et mes chaussures à la main, je le rejoins dans l'entrée. Il est en train de jeter un coup d'œil au reste de mon appartement. Les mains dans les poches, le profil éclairé par les lumières tamisées du séjour, il est juste sexy à en mourir. J'enfile une de mes chaussures, tout en le matant sans vergogne. Je manque de m'étaler quand je lève l'autre pied. Je tente de viser la chaise non loin de là pour tenter de me rattraper. Sauf que côté discrétion, c'est râpé. Je pousse un petit cri de surprise qui alerte Christian. Il se précipite vers moi et me tire avec force contre lui. Et me voilà collée contre son torse, une chaussure à la main et un feu d'artifice à la place du cœur. Il me maintient fermement contre lui et je n'ose plus bouger. Nous restons l'un contre l'autre, les yeux dans les yeux, nos souffles s'entremêlant. Mon rythme cardiaque est désordonné. Son regard quitte un instant le mien pour effleurer mes lèvres avant d'y retourner.

- Tu n'as rien ?

- Non. C'est bon, réponds-je, un peu décontenancée.

Je ne sais pas combien de temps a duré cette étreinte, mais quand Christian se détache, je me rends compte à quel point elle a été intense. Mes joues sont en feu. Je baisse les yeux, troublée. Ma première impression était peut-être la bonne en fin de compte.

- Il faut qu'on y aille.

Tout en parlant, il s'est dirigé vers la porte d'entrée. Je mets mon autre chaussure, passe une main dans mes cheveux et le rejoins. La descente dans l'ascenseur est étrange. L'atmosphère entre nous est électrique. Jusqu'à présent, Christian a toujours montré un visage doux, sensible. Là, je le trouve mystérieux, même un peu sombre et foutrement attirant. Encore plus que d'habitude. Je n'ose pas parler. Il a l'air perdu dans ses pensées. Tendu même. Il s'obstine à regarder droit devant lui et je me sens de plus en plus mal à l'aise.

- Il y a un problème ?

Christian tourne les yeux vers moi un bref instant.

- Non absolument pas. Pourquoi ?

- Je te sens... tendu.

Une grimace déforme un instant son visage.

- Désolé. Je suis juste un peu fatigué.

Il m'ouvre la portière de sa voiture et je me glisse à l'intérieur. J'ai comme l'impression que c'est plus que ça. Mais je n'insiste pas. Le trajet se fait dans le silence pesant. Est-il contrarié à cause de moi ? M'en veut-il pour une raison quelconque ? A cause de Mike ? Toutes ces questions qui tournent en boucle dans ma tête et son attitude bizarre me donnent envie d'arriver au plus vite. Christian se gare enfin, en face d'une baraque immense.

Je baisse la tête pour mieux détailler la maison. Une immense demeure d'architecte, d'où s'échappe de la musique et où s'engouffre la jeunesse dorée californienne. Soudain, une certaine nervosité m'envahit. Qu'est-ce que je fous là ? Je n'ai rien à voir avec ces gens. Je n'ai pas leur statut, ni leur classe naturelle. Je vais faire tâche. Et je suis persuadée que Maxine va se faire un plaisir de me le rappeler. Je suis crispée et n'ose pas sortir. J'ai peur de me ridiculiser, surtout en voyant les femmes qui entrent dans la maison. Bien plus belles et sophistiquées que moi.

- Je crois que nous devrions y aller, me dit-il, sur un ton monocorde.

Je me tourne vers lui. Il a l'air aussi tendu que moi. Que lui arrive-t-il bon sang ? Je pose la main sur son bras et cherche son regard. Ses yeux émeraude se plantent dans les miens et je me sens devenir toute chose.

- Tu es sûr de vouloir y aller ? Si tu n'es pas dans ton assiette, on peut aller ailleurs.

Un doux sourire refait surface. Sa main se referme sur la mienne et la serre un instant.

- ça va aller. Et puis, je t'ai promis une soirée, répond-il en haussant les épaules avant de se détourner pour ouvrir la portière. Je le regarde faire le tour pour venir m'ouvrir. Je me sens fébrile. Attrapant la main qu'il me tend, je m'extrais de la voiture et lisse ma robe pour tenter de me calmer. Mais la main de Christian qui vient se poser dans le creux de mes reins anéantit tout espoir.

- Détends-toi. Tu es parfaite, susurre-t-il à mon oreille.

Et voilà que mon cœur repart dans les tours. Ça promet. L'endroit grouille de monde. Je suis complètement tétanisée. On dirait une poupée de cire que mon marionnettiste préféré guide d'une main douce. Mon visage est figé dans un sourire de circonstances. Mes zygomatiques vont lâcher d'ici la fin de la soirée. Je m'accroche désespérément à Christian. Je crois que s'il me lâche, je vais mourir, bouffée par tous ces requins qui me scrutent comme si j'étais une pièce de viande de premier choix.

Mon cavalier fait la bise à pas mal de monde et je suis obligée de faire de même. Je ne reconnais personne. Je me sens complètement perdue. J'aurais dû suivre Josie quand elle m'avait proposé de venir avec elle dans ce genre de soirées. Je me serais sentie moins pommée à cet instant. Tous ces gens me dévisagent, me détaillent sans honte. J'ai l'impression d'être jugée, jaugée. Et plus le temps s'écoule, moins je me sens à la hauteur. Je vais tout faire foirer à un moment où un autre. Je le sens. Je me vais me ridiculiser en beauté. Devant tout le gratin de la ville, devant Christian. Et je ne vais jamais m'en remettre.

- Je vais nous chercher à boire.

Il me lâche la main et je panique. Je la rattrape aussitôt et lui lance un regard suppliant.

- Ne me laisse pas ici toute seule. Ils ont tous le regard braqué sur moi.

Ses sourcils se froncent avant que son visage s'illumine d'un sourire rassurant.

- C'est parce que tu es la fille la plus jolie de la soirée et que personne ne sait qui tu es. Ils sont aux abois. Les ragots, c'est ce qu'ils préfèrent.

- Comment tu peux savoir ça ? demandé-je, tout en essayant de masquer ma gêne devant son compliment.

Il se rapproche et se colle à moi pour murmurer à mon oreille.

- Parce que j'ai toujours évolué dans ce genre de milieu. Du moins jusqu'à que je parte en Inde. Et avec ma clientèle, j'ai été un peu obligé de retourner dans ce monde de faux-semblants. Mais n'aie pas peur. Je suis avec toi. Je ne les laisserai pas te faire de mal.

J'ai à peine écouté ce qu'il vient de me dire tellement je suis troublée par sa proximité. Je me contente de hocher la tête et il me relâche. Sa main reprend sa place de droit et Christian me tire à nouveau dans son sillage.    

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