Chapitre 26
Mercredi midi. Toujours aucune nouvelle de Christian. J'ai le moral dans les sandales. Je touille mon Virgin mojito avec humeur. Josie, elle, a la banane. Depuis qu'elle m'a vue arriver en robe, elle n'en démord pas. J'ai bien cru un moment qu'elle allait pleurer de joie. Non, mais il ne faut pas exagérer, ce n'est qu'un bout de tissu.
- Arrête de sourire bêtement comme ça. On dirait que tu as grillé la moitié de tes neurones.
- Je crois que c'est l'un des plus beaux jours de ma vie.
Je lève les yeux au ciel. Jo et ses exagérations.
- Je me ferais un plaisir de le dire à Tony, répliqué-je, un sourire mauvais aux lèvres. Il risque de moyennement apprécier.
- Il ne peut pas comprendre. Te voir arriver dans cet état, c'est tout simplement... hallucinant.
- Dis carrément que j'ai l'air d'une extra-terrestre.
Elle pose la main sur son cœur et fait mine d'être choquée.
- C'est tout le contraire. Je serais presque jalouse. J'ai dit presque.
Je pouffe de rire devant son air sérieux.
- Je suis si contente. Mon vilain petit canard s'est transformé en un joli cygne.
- Mais, je t'en prie, insulte-moi sans éprouver la moindre gêne. Et sache que les cygnes sont des oiseaux hyper agressifs. Alors tu devrais faire attention.
- Je m'en fiche que tu fasses ta méchante. Tu ne réussiras pas à gâcher mon bonheur.
Je soupire d'exaspération mais je ne peux réprimer un sourire complice. J'aimerais avoir autant d'enthousiasme. Certes, ce changement vestimentaire m'a valu quelques tentatives d'approche de certains de mes collègues et même un haussement de sourcils de ma boss accompagné d'un « Jolie tenue, Mlle Muller. Espérons qu'il ne déconcentre pas trop vos homologues masculins. » Ben, oui, c'est ma boss, on ne changera pas la harpie. Pourtant, j'ai du mal à me réjouir de tout ça. Le seul à qui je voudrais montrer mon évolution fait le mort. Et ça me rend de plus en plus triste.
- Alors, ma chérie, tu m'expliques ce qui te rend aussi mélancolique ?
Je fais la moue. Josie me connait trop bien. Elle sait tout de suite quand quelque chose me perturbe. Elle voit au-delà de mes apparences d'ourse grognonne. J'ouvre la bouche, prête à tout lui dire quand son téléphone sonne. Elle le saisit, regarde le numéro de son correspondant et ouvre de grands yeux. Sa main se lève entre nous, m'intimant de me taire.
- Allo... Oui parfaitement... Et qu'est-ce que tu lui veux ?...
Son ton est assez sec. Je ne sais pas qui c'est, mais elle n'a pas l'air contente de discuter avec lui.
- Il était temps. Elle patiente quand même gentiment, depuis samedi...
Son regard glisse vers moi. Attends, elle parle à qui ?
- Pas la peine. Elle est juste devant moi. Je te la passe.
Avant même que je n'ai pu en placer une, Josie me tend le smartphone. Je fronce les sourcils devant son sourire un peu trop grand pour être honnête.
- Allo ?
- Michelle ?
Mon sang se fige et je commence à manquer d'air. Christian. Sa voix suave m'avait grave manqué. A moi et à une partie de mon corps qui m'oblige à croiser les jambes un peu plus fort.
- Christian...
J'ai prononcé son nom, presque dans un murmure suppliant. Putain, on dirait que je vais jouir rien qu'en lui parlant. Il faut que je me reprenne. Je me racle la gorge et me redresse.
- Tu voulais me parler ?
Un silence s'en suit. Je n'entends plus rien, à part les battements frénétiques de mon petit cœur.
- Christian ? tu es toujours là ?
- Oui... je... en fait, je pensais avoir trouvé les bons mots, mais maintenant que je t'ai au bout du fil...
Au son de sa voix, je sens bien qu'il n'en mène pas large. Envoler sa belle assurance, sa force tranquille. Est-ce à cause de moi s'il se sent si mal à l'aise ?
- Est-ce qu'on pourrait se voir ? j'aimerais qu'on discute et te présenter mes excuses de vive voix.
Mon cœur se transforme en marshmallow géant.
- Bien sûr. Quand ?
- Demain soir, ça te va.
Aïe ! Demain soir, pas possible, j'ai rendez-vous avec Mr Biscotto. Je pourrais décommander, après tout... non, Michelle, il ne faut pas mettre tous tes œufs dans le même panier. Comme dit Josie, rien n'est joué, je ne peux pas tout lâcher pour lui. Je ne dois pas refaire la même erreur. Laisser un mec décider de mon bonheur. Surtout que je ne sais même pas ce qu'il veut réellement.
- Non, demain je suis déjà prise. Ce soir, tu serais disponible ?
- Ah... oui, mais seulement à partir de 18h.
- Parfait. Je finis à 18h. Donnons-nous rendez-vous à 20h. Le Venice Ice Cream, tu connais ?
- Euh... oui...
- Alors, à tout à l'heure.
Je raccroche et regarde le combiné, incrédule. Est-ce que c'est bien moi qui viens de parler de cette manière à l'homme qui enflamme ma petite culotte ? Je relève la tête vers ma meilleure amie. Elle a les mains sur la bouche et les yeux écarquillés. Merde, j'ai fait une connerie. Soudain, elle explose dans un cri strident et se jette sur moi.
- Bon sang, Michelle, je suis sur le cul. Te voir parler comme ça avec un homme, sans te refermer sur toi-même, c'est juste un miracle. Je suis si fière de toi !
Je reste figée, tandis qu'elle me serre si fort que je vais sûrement mourir par asphyxie. Je ne me reconnais pas non plus. C'est moi qui viens de parler avec autant d'aplomb avec Christian ? Je crois que c'est plus grave que je ne le pensais. Le fait de vouloir porter des robes de temps à autre n'était qu'un symptôme. De toute évidence, je suis vraiment en pleine mutation. Pourtant, les tremblements de mes mains me démontrent que ce n'est pas si naturel et facile que ça.
- Bordel, Josie, qu'est-ce que je viens de faire ? Un rendez-vous avec Christian, en dehors de sa maison ou de son cours de yoga... et sachant comment ça s'est terminé la dernière fois... je crois que je vire folle.
- Mais non, tu prends confiance, ma chérie. Tu oses t'affirmer. Tu n'as plus peur de te retrouver avec un homme à qui tu pourrais éventuellement plaire.
- Tu te fiches de moi ! Regarde mes mains.
Elle les prend dans les siennes, sans même y jeter un coup d'œil. Ses yeux chocolat accrochent les miens, sans détour.
- Tu vas aller à ce rendez-vous et tu vas assurer. Sois toi-même, sois la Michelle que je vois devant moi. Je suis certaine que tu n'en feras qu'une bouchée.
Je secoue la tête avec vigueur. Je vais me planter, lamentablement.
- Et puis, je te l'ai déjà dit. Si le blondinet laisse passer sa chance, tu pourras te rabattre sur le Dom Juan du club. Au moins, avec lui, c'est sûr que tu finiras en position horizontale avant même de pouvoir le dire.
Elle éclate de rire devant mon air choqué. Non mais celle-là, vraiment, elle ne sait pas se tenir. Je ne sais pas si j'arriverai un jour à penser comme elle.J'avale une grande gorgée de limonade pour essayer de faire descendre la boule d'angoisse qui vient de se former dans ma gorge. Je suis dans de beaux draps.
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