Chapitre 25


Arrivée chez moi, les bras chargés de paquets, je m'installe dans mon canapé. Cet après-midi entre filles m'a donné à réfléchir. Josie m'a assommé de questions et de déclarations coups de poing dont elle a le secret.

« Je t'ai toujours dit que tu avais plus de potentiel que tu ne voulais bien l'admettre. Tu es une bombe, ma chérie. Tu ne veux juste pas qu'un homme s'intéresse à toi. Pour toi, ce n'est pas possible. Pourtant, tu vois bien. Tu en as deux qui te courent après. »

Bon, ok, l'accro au soulevé de poids semble en effet intéressé par ma petite personne. Mais d'après ce que j'ai compris, c'est un chaud lapin qui ne se prive pas pour sauter sur la première lapine qui lui fait les beaux yeux. Et crétine que je suis, je lui ai lancé une sacrée perche. Pour l'autre protagoniste masculin, j'ai franchement des doutes.

J'allume la télé et choisit une émission quelconque. J'ai juste besoin de me lobotomiser un peu. Sauf que ça n'a pas vraiment l'air de fonctionner. Admettons que Jo ait raison, que je plais aux hommes, pourquoi n'ai-je jamais remarqué quoi que ce soit ? Certes, j'ai bien vu que certains lorgnaient sur mes attributs féminins, mais ça ne va jamais plus loin que ça. Ou peut-être ne leur ai-je jamais donné l'occasion d'aller plus loin. Mes doigts tapotent le bord du canapé. En ce moment, je suis dans une phase de questionnement existentiel, de remise en cause de ma façon de voir la vie, ou plutôt ma vie. Une sacrée révolution.

Et tout ça, grâce à lui. Je souris comme une idiote en pensant à son doux visage. Lui et ses méthodes un peu dingues ont réussi à me remuer. Dans le bon sens du terme. Michelle, il faut se rendre à l'évidence, tu te dois de tenter quelque chose. Lundi, je laisse tomber le look geek pour celui que Josie ne cesse de vouloir m'imposer. Mettre une robe de temps à autre, ce n'est pas la mort non plus. C'est sur cette bonne résolution que je décide d'aller me coucher. Cette journée riche en émotions a eu raison de ma volonté de veiller tard.

Sauf que lundi matin, face à mon placard, je suis prise d'un doute gigantesque. C'est bien la première fois que je ne sais pas quoi mettre pour aller travailler. Je pousse et repousse les vêtements suspendus, les observe, les touche, mais j'ai comme une angoisse qui nait au fond de moi. Et si je me plantais complètement ? et si j'étais ridicule ? moi le garçon manqué de service, si je débarque habillée en fille, j'aurais l'air de quoi ? d'un bouffon, Michelle ! Non, non, non, je ne vais pas me laisser avoir par cette peur ridicule. Et puis, j'en ai déjà porté des robes. Il n'y a pas si longtemps d'ailleurs, pour le mariage de ma cousine, il y a... trois mois. Ok, je suis un cas désespéré.

Après tergiversation, j'en choisis une toute simple, fluide, s'arrêtant juste au-dessus du genou. Un basique selon ma styliste personnelle. En farfouillant, je finis par retomber sur une paire de sandales à talons. Pas aussi hauts que ceux de Josie, mais de quoi me donner un côté fille que je peine à avoir. J'ai bien des robes dans mon dressing mais elles sont là parce que Josie m'oblige à les acheter. Je l'enfile rapidement avant de changer d'avis. Devant le miroir, je m'inspecte de la tête aux pieds. Une grimace m'échappe. Je ne suis pas convaincue.

Quand je quitte mon appartement, j'ai une demi-heure de retard. Se préparer ainsi prend plus de temps que je ne le pensais. Je cours aussi vite que je peux avec ces machins aux pieds. Heureusement, je réussis à choper le tram de justesse. Le conducteur s'apprêtait à faire les portes quand il m'a vu.

« Bonjour Mademoiselle » Je sors ma carte. Il la regarde à peine. Ses yeux dévalent, sans pudeur, mon corps. Je me sens tout à coup hyper gênée, comme si j'avais une tenue inappropriée. Je me dirige rapidement vers le fond du véhicule pour échapper à son inspection.

Le trajet ne m'a jamais paru aussi long. Je trépigne d'impatience car je suis pressée d'arriver. Non pas que je ne veuille pas être en retard, mais surtout pour voir la réaction des mecs avec qui je travaille. Ce seront mes cobayes pour aujourd'hui. Quand je passe enfin les portes du building, je suis pile à l'heure. Je souffle de soulagement en traversant le hall d'entrée.

- Bonjour, Ed, lancé-je pour le gardien, tout en cherchant mon badge dans mon sac.

- Mlle Muller ? Vous êtes en beauté aujourd'hui.

Je relève la tête, intriguée par son ton enjôleur. Pas de doute, ce bon vieux Ed vient de me faire un compliment. En général, il me lance une boutade parce que j'arrive dans les premières ou que je peine à mettre la main sur mon laisser-passer. Mais non, aujourd'hui, j'ai droit à un grand sourire et des yeux qui pétillent. Bizarre. Je passe le contrôle et me dirige vers l'ascenseur, toujours dubitative. Est-ce la conséquence de ma nouvelle tenue ? non, je dois me faire un film.

Un bip retentit, m'indiquant que je suis enfin arrivée. Je prends une grande inspiration et avance d'un pas décidé. Mais plus je me rapproche de l'open space, plus je sens mon courage s'effriter. Bon sang, Michelle, pourquoi est-ce que tu es partie te déguiser ? Tu n'es pas une fille comme ça. Ça va se voir au premier coup d'œil. Assumer son corps, le mettre en valeur, tout ça ce n'est pas mon genre. Mais il est trop tard pour reculer. Alors je vais foncer jusqu'à mon bureau et me terrer jusqu'à l'heure du déjeuner. Je traverse la salle comme une fusée, le regard vissé sur mes pieds. Je ne reprends mon souffle qu'une fois assise. J'allume mon ordinateur et évite de regarder autour.

- Bonjour Michelle. T'as passé un bon weekend ?

La voix chaleureuse de Max crispe mes doigts sur le clavier. C'est l'heure de vérité.

- Salut.

Ma voix s'étrangle un peu. Je me fais violence pour lever les yeux vers lui.

- Ça alors ! Tu... J'aime bien ton nouveau look.

- Merci.

Comme Ed tout à l'heure, son attitude est étrange. Un sourire exagéré, un regard brillant. Un peu comme... Oh mon dieu ! Josie avait raison. Je sens le rouge me monter aux joues.

- C'est la première fois que je te vois en robe. Ça te va bien.

- Je... j'avais envie de changer un peu.

- Tu as eu raison. Tu es... resplendissante.

Je cligne des yeux devant sa déclaration. Ok, là, je ne sais plus où me mettre.S'en suit un long silence, où son regard me pèse de plus en plus. J'ail'impression de me redécouvrir à travers ses yeux. Peut-être en fin de compte, Josie avait raison. Peut-être est-ce moi qui me met des freins, qui me met des œillères. La trahison de Nathan a fini de briser ma confiance en moi déjà fragile. Mais depuis quelques temps, elle semble vouloir se reconstruire. Et tout ça, je le dois à un seul homme. Un homme qui m'évite consciencieusement. Un homme qui je meurs d'envie de revoir et avec qui je veux tenter ma chance,coûte que coûte.    

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