Chapitre 19
Son regard amusé réchauffe mon cœur. Il laisse même échapper un petit rire. Mais celui-ci n'a rien de joyeux, il est même affreusement triste.
- Je ne le suis absolument pas. Mais j'ai appris à être meilleur. De toute manière, ça aurait été difficile de faire pire.
Mes sourcils se lèvent.
- Tu sais que tu peux être vraiment bornée comme fille. Il va falloir que je déballe tout pour te convaincre, on dirait.
Il repose son verre, passe une main dans ses cheveux et tourne de nouveau la tête vers l'océan.
- Au lycée, j'étais un garçon populaire. Le beau gosse athlétique qui avait toutes les filles qu'il voulait. Tout le monde m'aimait. J'avais toujours une foule de copains et de groupies autour de moi. Et comme tout me réussissait, je me suis cru important, au-dessus des autres. Et Dieu sait que j'ai abusé de mon statut. J'ai dû me taper plus de la moitié du bahut et je ne me privai pas pour m'en vanter. Les filles, pour moi, n'étaient que de la chair fraiche, une croix de plus sur mon tableau de chasse. Avec mes potes de l'époque, on en faisait même un jeu. A qui se ferait le plus de nanas dans la semaine. Tu imagines bien qui remportait souvent la mise.
La froideur de son ton me donne la gerbe. Le connard endormi en lui semble refaire surface. Maintenant, je ne doute plus de son mauvais côté.
- Mes parents ont bien essayé de me raisonner, mais je les traitais de pauvres cons, de vieux qui ne comprenaient rien à la vie. Sauf que je ne savais pas alors que cette vie superficielle dans laquelle je me complaisais allait bientôt voler en éclats. Je les ai perdus quand j'avais dix-sept ans. Ça a été la plus grosse claque de ma vie. Le karma qui me rattrapait sans aucun doute.
Christian marque une pause, souffle longuement. Je sens bien que de parler de ses parents lui arrache les tripes. Je ne suis pas sûre de vouloir qui s'inflige ça, juste pour me prouver que j'ai tort.
- C'est bon, j'ai compris. Inutile de remuer ton passé pour moi.
Il se tourne vers moi et me donne un sourire timide.
- Tu vois, c'est pour ça que j'ai envie de te voir t'épanouir. Tu es quelqu'un de bien, toujours là à te soucier des autres. C'est de plus en plus rare de tomber sur des personnes comme toi.
Dans sa bouche, ça a l'air d'un compliment mais dans la réalité, c'est une vraie plaie au quotidien.
- Je ne suis pas toujours bien récompensée. Avant j'étais trop gentille. Et j'en ai bavé. Il m'a fallu des années pour apprendre à me blinder et je n'y arrive pas toujours.
- A cause de gens comme moi. De petits cons qui prennent sans rien donner. Mais c'est toi qui as raison. La vie, ce n'est pas ça. Ce qui compte réellement, c'est de partager avec ceux que tu aimes chaque instant, avant qu'il ne soit trop tard.
Je ressens son chagrin dans chaque mot qui ponctue sa phrase. Et ça me fait mal. Il ne se rend pas compte que c'est difficile à vivre d'être toujours investie dans les émotions. J'aimerais qu'il ressente ce qui me tord le bide tous les jours, qu'il voit à quel point je dois lutter pour ne pas devenir folle. Chaque instant, je ressens ce vide depuis que Nathan est parti et je me sens affreusement seule, même entourée de l'amour des miens. J'admire sincèrement sa capacité à être si détaché, car il faut l'être pour pouvoir faire un job comme le sien. Je hausse les épaules pour clore le sujet, mais il ne semble pas vouloir lâcher prise. Il tire sur ma chaise pour la placer face à lui. Maintenant, je suis coincée, impossible de détourner mes yeux de son beau visage.
- Michelle, il faut que tu te libères de ces chaines que tu t'es toi-même fabriquée. Arrête de toujours redouter ce que pensent les autres. Vis ta vie, prends ce qu'elle te donne et apprécies-en chaque seconde.
- Je me fiche de ce que les autres pensent de moi.
- Ce n'est pas vrai. Tu es constamment en train d'observer et de caler ta réaction sur la leur.
J'aimerais démentir mais il a entièrement raison. Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard franc. Ses mains se referment sur les miennes.
- Michelle... veux-tu retenter l'expérience ?
Mes doigts se resserrent entre les siens. Je sais que je n'en serais pas capable, que mon cœur ne le supportera pas, mais ses mains douces sur les miennes bâillonnent ma raison.
- Prendre confiance en toi et en ton corps, c'est tout ce qui te faut, pour que tu puisses enfin vivre ta vie.
Comment peut-il croire que ce soit aussi facile à faire, surtout avec lui à mes côtés. Je déglutis avec peine, essaie de calmer les battements affolés de mon cœur. Il faut que je me raisonne. Ce n'est pas si compliqué d'apprécier un moment partagé avec lui, sans arrière-pensée. Juste pour le plaisir. Parce que oui, j'ai foutrement envie de le sentir à nouveau contre moi. Juste une dernière fois. Et puis, flirter, sans rien attendre en retour, ce n'est pas si insurmontable. Prendre mon pied et basta. Allez, Michelle, sois une grande fille, tu es capable de le faire.
- Tu es libre maintenant ? demandé-je de but en blanc.
Christian semble déstabilisé un moment, mais bien vite, son sourire revient.
- Pour toi. Evidemment.
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