Chapitre 118
Jared a les yeux fixés sur ma bouche. Les miens n'arrivent pas à se détacher de la sienne qui se rapproche inexorablement. Quand enfin elles se rencontrent, je me raidis. Je veux me soustraire à ce baiser mais je suis comme paralysée. Sa langue caresse langoureusement mes lèvres qui s'entrouvrent. Elle se faufile dans le passage et s'enhardit. Elle cherche la mienne, la défie, bat en retraite et revient. Un gémissement remonte dans ma gorge. Alors que je devrais être dégoûtée, je me prends à aimer ça. Bien trop. Alors je me détache de lui, mon regard est attiré par quelque chose derrière moi. Mon cœur s'écrase à mes pieds. Christian. Il est là, à la porte, et nous fixe, le regard rempli de tristesse.
- Pourquoi ? Pourquoi tu me fais ça ? Tu avais promis que tu n'aimais que moi.
Ma respiration s'emballe et la panique me submerge.
- Pardon, mon amour. Je n'aurais pas dû ...
Je tente de me lever pour le rejoindre, mais Jared me retient et le défie du regard.
- Elle a aimé que je l'embrasse.
Ma tête pivote vers lui et rencontre ses yeux bleu acier qui me crient son désir.
- Elle m'aime, ajoute-t-il, avec douceur.
Je voudrais lui hurler d'aller se faire foutre, qu'il ne sait pas ce qu'il y a dans mon cœur et dans ma tête. Sauf que rien ne franchit mes lèvres. Je reste muette parce que je doute. Je ne sais qui choisir. Leurs regards pèsent sur moi. Je sens leur empressement, leur besoin de savoir pour qui penchera la balance.
- Il est temps d'assumer, me martèle Jared.
- Je t'ai fait confiance, hurle Christian.
Ma poitrine se soulève rapidement, cherchant l'air qui ne vient pas. Tout s'embrouille, tout s'obscurcit. Qu'ai-je fait ? Seuls demeurent un regard vert et un autre bleu qui m'accusent. Encore et encore.
Je me réveille en sursaut, le corps moite de sueur. Bon sang, c'était quoi ça ? C'était quoi ce putain de cauchemar ? ma main tremblante touche mes lèvres, comme si ce baiser avait laissé des traces. Je n'arrive pas à croire ce que mon esprit torturé a élaboré pour mettre en exergue ma culpabilité. Oui, je mens à Christian, je mens à Jared, mais pour des raisons différentes. Sauf que je me rends compte que si j'avais pris ce dernier pour le méchant de l'histoire, ce n'est plus aussi vrai. Et je me demande si j'ai bien fait de me lancer là-dedans. Malheureusement, il est impossible de faire machine arrière.
Mon téléphone prépayé sonne alors et me fait sursauter. Je décroche et entend la voix rassurante de Tony.
- J'ai découvert le pot aux roses. Cet idiot de Patton Junior est dans la merde jusqu'au cou.
- Bonjour à toi aussi, Tony, soufflé-je encore embourbé dans mon rêve.
- Ah oui ! Bonjour. Alors je te disais que Jared a bien déconné cette fois-ci. La société à qui il a vendu les parts est une société écran qui appartient au clan Fierro. Nous le tenons, Michelle.
Mon cœur tambourine avec force, mais un goût amer remonte dans ma gorge. J'aimerais être heureuse, mais je me sens juste triste pour lui. Et inquiète. Ce sentiment nouveau me perturbe encore plus. Je me fais du souci pour lui parce qu'il commence à compter pour moi. Je voudrais toujours le détester mais ce n'est plus le cas.
- C'est génial.
Mon peu d'enthousiasme n'échappe pas à Tony.
- Qu'est-ce qui se passe ? un problème ?
- Non, non, c'est juste que... je me rends compte que je l'ai mal jugé.
- Ouh la ! Ne fais pas ça !
- Quoi ? m'étonné-je.
- Eprouver de l'empathie pour lui, poursuit-il sur un ton moralisateur. C'est un connard. Point final. Il a voulu jouer dans la cour des grands mais il s'est fait avoir par une petite architecte. C'est son problème. Quand on traine avec de la merde, on finit par être éclaboussé.
J'acquiesce en marmonnant quelques mots incompréhensibles.
- Nous avons tous ce qu'il nous faut pour arrêter là la mascarade, conclue-t-il.
- Non.
Ma réponse un peu trop rapide va passer pour suspecte sous le radar de Tony.
- Si je m'arrête maintenant, me reprend-je, tout le travail que j'ai fourni dans ce fichu restaurant n'aura servi à rien. Mlle Madden en récoltera les lauriers et je finis à la rue. Sans travail et possibilité de me faire embaucher ailleurs.
- Je comprends, finit-il par dire. Tu comptes le lui dire quand ?
- A la soirée d'inauguration.
- Devant tout le monde ? demande Tony, surpris.
- Non, en aparté. Je ne tiens pas à faire un scandale. On peut très bien régler ce problème en huit clos.
- Je serais là. On ne sera pas trop de deux.
- Merci Tony.
- Mais c'est normal. Tu fais partie de la famille, Mickie, et je fais tout ce qu'il faut pour la famille.
Sur ce, il raccroche, me laissant avec encore plus de doutes qu'à mon réveil.
Quand j'arrive au restaurant, quelle n'est pas ma surprise de tomber sur Mr Suarez faisant l'ouverture.
- Bonjour ! Quel plaisir de vous voir. Déjà en train de reprendre vos marques ?
- Oui, on peut dire ça, s'en amuse-t-il. Mais pas seulement. Mr Patton est en déplacement. Il ne reviendra que samedi. Alors il m'a chargé de vous communiquer ses instructions et son numéro de téléphone. Il sera disponible à toute heure, en cas de besoin.
Je prends le dossier qu'il me tend et le regarde un moment. Une pointe de déception mêlée à du soulagement vient titiller mon cœur. Le savoir loin m'attriste. J'ai pris l'habitude de l'avoir dans les pattes tous les jours. Mais en même temps, je sens un poids me quitter en comprenant que je n'aurais pas à l'affronter avant notre dernière entrevue, qui serait pour lui pas très agréable.
- Merci, Mr Suarez. Les chefs de chantiers sont arrivés ?
- Ils vous attendent dans ma cuisine, dit-il en grimaçant.
- Ne vous inquiétez pas, on n'a pas touché à votre matériel.
Enfin, on ! Jared l'a fait, mais c'est son patron alors, il en a tout à fait le droit. Je rejoins le groupe agglutiné autour de l'îlot central et leur donne mes directives.
A dix-huit heures trente, je suis devant la devanture de l'établissement. J'attends Christian avec un peu d'appréhension. Le fait que Jared ne soit pas dans les parages ne change rien au fait que j'ai des choses à lui expliquer et d'autres que je dois absolument taire. Sa voiture se gare à côté de l'arrêt de tram, quelques minutes plus tard. Je m'installe à ses côtés. Il me donne un baiser léger en guise de bienvenue. Les réminiscences de mon rêve me font frissonner. Il est temps de mettre certaines choses à plat. J'inspire profondément, tout en fixant son beau profil.
- On se commande à manger ? dis-je pour briser la glace.
- Oui, pourquoi pas. Je n'ai pas très envie de cuisiner ce soir. Je veux rester concentré sur toi et sur ce qu'on doit se dire.
Bien. Il annonce la couleur. Il veut des confidences. Je vais lui en donner le maximum, sans que je ne sois obligée de lui dévoiler ce qui s'est passé entre Jared et moi.
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