Quand Josie débarque chez moi, une heure après, j'ai la mine des mauvais jours. J'ai essayé de la camoufler, mais la connaissant, elle le verra direct. Et ça ne manque pas. Dès que j'ouvre la porte, sa mine réjouie s'efface pour laisser place à un froncement de sourcils. Le sac qu'elle tenait fièrement devant elle redescend.

- J'ai bien peur que la bouteille de téq' que j'ai ramenée ne suffise pas. Qu'est-ce que t'as ? un souci avec Christian ou avec Jared ?

- Non, ça ne suffira pas.

Je me précipite dans ses bras et enfouis mon nez dans sa chevelure rousse.

- Ben alors, Micky chérie, qu'est-ce qui se passe ?

- Tu m'as manqué. J'ai besoin de ma meilleure amie.

Elle me repousse légèrement et m'entraine vers le salon.

- Allez, soirée filles. Téquila, chocolat et série pour mater le petit cul des beaux acteurs.

Je m'affale au pied du canapé, comme on le fait à chaque fois. Josie revient de la cuisine avec tout ce qu'il faut. Je la regarde tout installer et je sens les larmes affleurer.

- Josie, je suis dans la merde.

- Oui, je sais, ma chérie. Allez, dis-moi tout.

Elle me sert un shoot que j'avale aussi sec. Il me faut bien ça pour me lancer.

- La situation est en train de m'échapper.

Et là, je me lance. Je lui raconte tout ce qu'elle ne sait pas, tout ce qui me rend malade. Josie écoute patiemment, ne commente pas. Ce qui est plutôt rare. Quand j'ai fini, je m'attends à ce qu'elle me sermonne, mais au lieu de ça, elle me tire à elle et m'enveloppe de ses bras protecteurs.

- Josie, je suis sensée faire quoi maintenant ? continué-je, les larmes roulant sur mes joues.

Elle me caresse doucement le dos comme on câline un enfant.

- Si je lui en parle, il va venir régler son compte à Jared et tout ce que j'ai fait tombera à l'eau.

- Tu dois attendre la confirmation de Tony, c'est ça ?

Je hoche la tête. Je me détache d'elle et attrape un autre verre.

- Tant que je n'aurais pas les infos, je ne peux pas arrêter toute cette comédie.

- Sois patiente. J'ai confiance en Tony. Il trouvera.

J'avale la téquila en grimaçant, avant de mâchouiller un quartier de citron.

- Mais j'ai une question à te poser et je veux que tu sois honnête, continue-t-elle sur un ton très sérieux.

- Bien sûr.

- Est-ce que tu ressens quelque chose pour Jared ?

Je le dévisage comme si elle venait de me dire qu'elle rentrait dans les ordres.

- Non mais ! Non ! Ce mec est un cinglé. D'accord il n'est pas mal, mais il me fiche une trouille bleue. Jamais je ne pourrais.

- D'accord, j'ai compris, tente Josie de m'apaiser. Je voulais juste être sûre. Disons que ton discours n'est pas très clair. Certaines choses que tu m'as dites pourraient laisser croire que...

- Oublie ça. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas le connard fini que je pensais au départ, que ça veut dire que je ressens quelque chose pour lui. Je veux juste me débarrasser de lui. Point barre.

- Sauf que lui ne voit pas les choses de cette manière.

Un frisson me fait trembler de la tête aux pieds. En effet, Jared veut plus que jamais m'avoir et j'en ai la nausée.

- Je suis dans la merde.

- Attends, ne dramatisons pas, me reprend Jo. On va trouver une solution.

- Et tu envisages quoi ? que je lui dise que je suis folle de lui ?

- Quelque chose comme ça.

- Hein ! m'étranglé-je.

Non, mais là, Josie a pété un câble.

- Je t'explique. Puisqu'il est persuadé que tu es sous son charme, il faut mettre ça à profit. Il sait que tu n'es pas le genre de filles à se laisser tenter alors que tu as déjà un mec. Fais-le poireauter en prétextant que tu dois mettre de l'ordre dans ta vie, parce que tout ça te perturbe. Tu sais, d'avoir des sentiments pour lui alors que tu es avec Christian.

- Tu veux que je lui fasse croire que je vais quitter Christian pour lui ?

- C'est ce qu'il attend, non ?

- Hé bien... C'est ce qu'il le ferait plaisir. Ça, c'est sûr.

- Alors continue à le mener en bateau. Au point où tu en es, on n'est plus à un mensonge près. Demande-lui un peu de temps.

- Tu crois qu'il va accepter ?

- Ce mec est arrogant. Flatte son égo et il gobera tout.

Flatter son ego. S'il s'agit de lui dire que je suis attirée par lui et c'est tout, c'est faisable. Mais j'ai peur qu'il réclame plus.

- Et s'il veut qu'on recommence ? s'il veut qu'on aille plus loin ? Je ne pourrais jamais faire ça, Jo. J'ai déjà ce baiser sur la conscience.

- Joue aux vierges effarouchées et enfuis-toi s'il le faut. Il n'en sera que plus fier de te mettre dans tous tes états.

Je me laisse couler contre le canapé.

- Ouais, ça ne m'étonnerait pas de lui. Il adore jouer avec mes nerfs.

- Alors, rends-lui la monnaie de sa pièce.

- J'en compte bien. Quand j'aurais la preuve qui me manque, je vais me faire un plaisir de voir sa mine déconfite.

Josie attrape deux shooters et m'en tend un.

- Tu deviens machiavélique, Mickie. C'est assez effrayant.

- La fin justifie les moyens.

Je trinque avec elle et avale l'alcool qui me brûle les entrailles. Le faire languir, retarder l'inévitable le plus longtemps possible, il faut que je puise dans mes ressources pour le faire, mais je n'ai pas vraiment le choix.

- Et pour Christian, reprend-elle. Parle-le-lui de ton job. Ça te fera du bien et lui aussi.

- Je sais. Je vais le faire demain. Ça me tue de devoir lui cacher le reste.

- Ce ne sera pas pour très longtemps. Ensuite, tu pourras tout lui avouer.

Je pose ma tête sur l'épaule de ma meilleure amie. Vivement que tout ça se termine. J'ai juste envie de m'enfouir dans mes couvertures, de me coller au corps chaud de mon surfeur et de ne plus jamais sortir de mon lit pour les trois prochaines années. Mes paupières sont de plus en plus lourdes et je commence à somnoler. Josie s'en aperçoit et m'oblige à me redresser.

- Allez, la marmotte, va te coucher. Demain tu vas pouvoir profiter de ton bel apollon. Il va te rebooster et te donner toute l'énergie nécessaire pour affronter le terrible Jared qui en veut à ta petite culotte.

Je pouffe de rire. Je crois qu'elle et moi avons vraiment trop bu.

- Tu ne vas pas prendre le volant, hein ?

- Non, je vais dormir sur ton canapé. Tony sait déjà que je ne rentre pas. File te laver et va dormir.

Je me lève et me dirige vers ma chambre.

- Oui, maman.

Josie grogne. Elle déteste que je l'appelle comme ça et moi ça me fait toujours marrer. Avant de fermer ma porte, je lui lance du fond du cœur.

- Je t'aime ma Josie.

- Moi aussi, vilaine cachotière. Allez, ouste !

Je referme derrière moi et décide de faire l'impasse sur la douche. De toute façon,j'en avais pris une avant qu'elle n'arrive. J'avais besoin d'enlever l'odeur du parfum de Jared sur moi. La tête dans l'oreiller, je laisse mes pensées dériver jusqu'à mon beau blond. Je rêve de sentir ses bras me tenir contre son corps musclé, d'entendre sa voix grave me murmurer à quel point il m'aime. Je revois notre après-midi sur la plage, quand nous étions seuls au monde. C'est ça que je veux vivre. Encore et encore. Mon cœur se détend tandis que mon esprit sombre lentement dans un sommeil réparateur.