Chapitre 108


Avoir mis les choses au clair avec Josie m'a retiré un sacré poids. Depuis qu'on est amies, on s'est toujours tout dit. Le bon comme le mauvais. Elle est la sœur que je n'ai jamais eue. Devoir lui mentir, même si c'était pour nous protéger, a été une véritable épreuve. Je suis heureuse qu'elle ne m'en veuille pas. J'en suis moins sûre pour Tony, mais je suis certain qu'il trouvera comment faire retomber la pression entre eux. Ils sont comme le feu et la glace. Ils s'attisent, autant qu'ils s'apaisent. Une parfaite harmonie malgré leurs caractères diamétralement opposés. Pourtant leur début n'a pas été facile, mais quand on est fait l'un pour l'autre, rien n'est insurmontable, apparemment.

Un peu comme pour Christian et moi. Une histoire qui a commencé d'une drôle de manière et qui continue à présenter son lot de surprises et de tourments. Je ne peux m'empêcher de sourire en n'y pensant. Une chose est sûre, je n'ai pas le temps de m'ennuyer. Les moments calmes entre nous sont rares et précieux. Je relève la tête vers l'horloge. Il n'est pas si tard que ça. Une idée germe alors dans ma tête. Je file dans ma chambre me changer.

Chaque moment passé ensemble est précieux, je dois en profiter à fond. C'est pourquoi je décide d'aller passer la journée avec Christian. Je n'ai plus à m'inquiéter d'être surveillée. Alors je veux profiter de lui, me gorger de sa présence avant d'attaquer une nouvelle semaine de travail. Armée de mon sac en bandoulière dans lequel j'ai fourré mes affaires, les lunettes de soleil sur le nez, je file à l'arrêt du tram, que j'attrape de justesse. Une bouffée d'enthousiasme envahit mon cœur. Il me tarde de le retrouver et lui dire qu'on pourra se voir à nouveau, sans craindre qu'on découvre notre supercherie. Enfin, il faudra qu'on soit quand même discrets, mais on pourra se voir et c'est là l'essentiel.

J'aperçois enfin sa maison. Je hâte le pas, fébrile, passe le portillon et m'engage dans son jardin si particulier, qui m'avait tellement interpellé la première fois que je suis venue. Si j'avais su ce qui m'attendait derrière cette porte, je ne sais pas si je m'y serais précipité ou si j'aurais pris mes jambes à mon cou. A l'époque, j'avais encore l'opportunité d'échapper à l'éclat envoûtant de ses prunelles émeraude. Enfin, je n'en suis pas si sûre. J'ai comme l'impression que, dès qu'il a posé les yeux sur moi, j'étais finie. Je frappe quelques coups à la porte, mais pas de réponse. Je tente de voir à l'intérieur, mais aucune trace de lui.

Très bien, je vais faire le tour. Le connaissant, il est sans doute aller taquiner les rouleaux que je perçois d'ici. En contournant sa maison par la plage, mes intuitions son confirmées. Sa planche n'est pas là. Je décide de m'asseoir sur les marches qui conduisent à la terrasse pour admirer l'océan en l'attendant. C'est un spectacle magnifique et envoûtant. Le ressac des vagues a le don de m'apaiser depuis toujours. Alors rester là à les regarder déferler encore et encore ne me dérange pas.

Pourtant, au bout d'une demi-heure, mes fesses commencent à s'ankyloser. Que cela ne tienne, j'ai de la positivité à revendre. Je vais aller m'installer sur la véranda et profiter du soleil. Je vire mes tongs, mon short et m'enduis de crème avant de me prélasser avec bonheur sur une des chaises longues. Les rayons qui ont déjà bien réchauffés mon épiderme continuent leur travail bienfaisant. Je pose mes bras au-dessus de ma tête et me laisse bercer par le chant de l'océan. Lentement, je me sens sombrer dans un demi-sommeil. Tout à coup, je sens des gouttes tomber sur moi. Mince ! Il pleut. Pourtant, j'aurais juré qu'il n'y avait aucun nuage à l'horizon.

- Qui est donc cette magnifique sirène qui se prélasse devant chez moi ?

J'ouvre aussitôt les yeux. Le sourire magnifique de Christian me surplombe. Ses cheveux encore humides laissent perler des gouttes d'eau de mer sur mon visage.

- Salut, ne puis-je m'empêcher de minauder.

- Bonjour.

Ses lèvres se posent délicatement sur les miennes. Elles ont le goût salé de l'onde marine et la douceur de mon surfeur.

- Ce n'est pas que je ne sois pas heureux de te voir ici, mais on n'avait pas dit qu'il fallait éviter de trop se voir ?

Je lui souris chaleureusement et cale une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Le détective ne me suit plus.

- Tu en es sûre ? demande-t-il, prudent.

- Oui, Tony me l'a dit.

Son sourire réapparait.

- Alors, je me suis dit qu'on avait du temps à rattraper. J'avais besoin de te voir. Tu me manquais.

Il s'accroupit à côté de moi et me tire à lui. Sa peau gelée contre la mienne brûlante me tire un hoquet de surprise. Son rire se faufile jusqu'à mon bas-ventre.

- Je vais te garder avec moi et ne plus jamais te laisser partir, murmure-t-il à mon oreille.

- J'aimerais tant. On a eu si peu de temps pour profiter l'un avec l'autre, avec toutes ces histoires...

Je laisse ma phrase en suspens. Je n'ai pas envie de relancer un sujet délicat. Pas maintenant. Aujourd'hui, il ne s'agira que de nous. Aux oubliettes Jared, Maxine et autres complications. Christian caresse doucement mon visage et me regarde comme si j'étais la huitième merveille du monde. Ça me gêne et j'esquisse un sourire timide. Soudain, il se relève et m'entraine avec lui.

- J'ai une idée. Attends-moi ici. Je reviens tout de suite.

Il se détourne pour aller vers la maison. Sur le palier, il s'arrête pour me dire d'une voix enjouée.

- Rhabille-toi. On va aller faire un tour. Je te kidnappe pour la journée.

Quelques instants après, il réapparait, un sac à dos à la main. Sans rien m'expliquer, il me conduit à sa voiture et nous prenons la route. Je me sens tout excitée comme une ado qui a un rendez-vous secret avec son amoureux. Nous nous arrêtons un peu plus loin, devant une maison identique à la sienne. Christian m'intime l'ordre de rester là tandis qu'il rejoint un mec que je ne connais pas. J'obtempère sans broncher, tant sa joie est communicative. Je retrouve l'homme dont j'ai fait la connaissance il y a quelques semaines. Doux, serein, éblouissant. Quand il revient, j'avoue être surprise par ce qu'il ramène avec lui.

- Un paddle ? Tu veux qu'on fasse du paddle ?

- Oui, mon ange. La mer, toi et moi. Tout ce qui est important à mes yeux. J'ai envie qu'on partager ça, tous les deux.

Son sourire est tellement sincère que mon cœur se réchauffe. Il est comme un soleil. Ça m'avait manqué. J'acquiesce d'un hochement de tête et il file l'accrocher sur le toit de la voiture. En remontant à bord, ses mains attrapent mon visage avant que ses lèvres viennent happer les miennes dans un baiser passionné. Ses yeux brillent quand il se détache enfin de moi. Sans un mot, il remet le contact et on repart sur la route.

Appuyée contre la vitre, j'admire son profil. Cet homme si beau, si désirable m'aime. Je sais que l'aimer est la chose la plus difficile que j'ai faite dans ma vie. Non pas parce que ce n'est pas réciproque, mais parce qu'il y a tant d'obstacles qui nous empêchent de vivre ce genre de moments. Simples, parfaits, où notre affection mutuelle suffit à nous combler. Je le vois dans l'éclat de ses yeux, lui aussi n'attend que ça. Pouvoir aimer sans que quelque chose ou quelqu'un se mette entre nous.

Le véhicule s'immobilise enfin devant un fourré. J'interroge du regard Christian.

- Ne t'inquiète pas. Il y a un petit chemin qui conduit à la plage. Là, on met le paddle à l'eau et je te réserve une surprise.

Il attrape la longue planche et s'engage sur le sentier. Je le suis avec nos sacs. Le chemin nous conduit effectivement à la mer. L'accès y est plus escarpé que devant sa maison mais j'en apprécie le côté sauvage. Le paddle commence à flotter sur l'eau. Christian me tend la main pour m'aider à m'y hisser.

- Tu en as déjà fait ?

- Heu... non, réponds-je un peu honteuse.

- Installe-toi à genoux et prends une rame.

Lestement, il me rejoint, faisant à peine tanguer l'embarcation. A grands coups de pagaie, il nous éloigne du bord. Bientôt, la plage est à une distance plus que respectable. Nous sommes seuls, face à l'immensité bleue et c'est génial. Christian ne dit rien. Il est comme moi. Il écoute le bruit des vagues, il hume l'air marin, il ressent la brise fraîche. Seules nos rames pénétrant l'océan brisent le calme de cet endroit presque sauvage. La côte défile à un rythme lent, permettant à mon regard d'épouser chaque changement dans le paysage, chaque note colorée. Cette balade est une très bonne idée. Une bulle de sérénité dans nos existences si tourmentées dernièrement.

Au détour d'une escarpement, une petite crique apparait. Elle est isolée du monde, à flan de montagne, accessible uniquement par la mer.

- On est arrivé.

Christian augmente la cadence. Je suis subjuguée. Cet endroit est tout bonnement merveilleux. Un petit coin de paradis. Nous accostons enfin. Christian ramène la planche sur le sable, tandis que je tourne sur moi-même pour admirer l'endroit.

- Christian, c'est...

- Oui, je sais. Je l'ai découvert quelques temps après mon retour. J'avais besoin de trouver un endroit où m'isoler quand vivre avec les autres devenait trop pesant. Je voulais te le montrer.

Je le prends dans mes bras et le sers très fort.

- Merci. C'est exactement ce qu'il me fallait.

Me retrouver seul avec lui, sans personne pour venir nous déranger.

Christian ouvre son sac et sors de quoi manger. Mon cœur menace d'exploser. Jamais un homme n'a été aussi attentionné. J'en suis toute chamboulée. Une larme roule sur ma joue, mais avant que je ne puisse l'effacer, Christian s'en aperçoit.

- Hé !

Il me prend à nouveau contre lui.

- Je n'ai pas fait ça pour que tu pleures.

- Je sais, mais... Tu n'aurais pas pu me rendre plus heureuse aujourd'hui.

Il me sourit tendrement.

- Moi aussi, je le suis.

Il m'emmène jusqu'à la serviette qu'il a étendu par terre. Nous nous allongeons côte à côte, les yeux perdus dans le bleu du ciel, les doigts scellés. Rien ne pourrait être plus parfait. Enfin, jusqu'à ce qu'il parle à nouveau.

- Ces derniers temps, j'ai oublié tout ce que mon séjour en Inde m'avait appris. La vie est courte. Il faut profiter de chaque précieux moment passé avec les gens qu'on aime. Je me rends compte que j'ai perdu trop de temps à nier l'évidence. Je t'aime, j'ai besoin de toi dans ma vie. Tu as su me redonner l'envie pour bien des choses. Je pensais avoir réussi à surmonter la douleur de la perte de Caitlyn, mais c'était faux. Je ne faisais qu'essayer de me rattraper pour tout le malheur que j'avais répandu autour de moi. C'est pour ça que je ne voulais pas abandonner Maxine. J'avais merdé avec elle. Je ne voulais pas la laisser tomber une nouvelle fois. Mais je m'étais trompé. Encore.

Ma tête se pose sur son épaule. Je me tourne légèrement vers lui, mais ne l'interrompt pas.

- Les erreurs du passé ne s'effaceront jamais. Je n'y peux rien. Mais je peux éviter de les recommencer. Avec toi, je veux faire les choses bien. Je veux que tu aies confiance et te montrer que tu as la mienne aussi. Je veux partager tout, sans concession. Même si un jour tu décides de partir, je ne veux pas avoir de regret.

- Je ne partirai pas, rectifié-je. Et toi ?

Il se redresse et plante son regard dans le mien.

- Plutôt mourir. Il n'y a qu'une chose qui me fera partir, que tu me le demandes.

Mes yeux s'écarquillent. Mon cœur bat à tout rompre. La seule réponse qui me vienne à l'esprit est d'écraser sauvagement mes lèvres sur les siennes. Un baiser où je lui donne tout. Mon être, mon âme, mon cœur.     

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