Chapitre 107
Une sonnerie, puis une autre s'invite dans mon rêve. J'étais si bien allongée dans les bras de Christian qui me faisait un de ses massages sensuels dont lui seul a le secret. Pourquoi est-ce qu'un imbécile vient m'appeler durant ce moment de pure volupté ? Et puis là, je percute. C'est une vraie sonnerie. Ce n'est pas un téléphone qui gueule à tue-tête dans mon fantasme. Ni une ni deux, j'ouvre les yeux, bondis de mon lit et tente de localiser ce fichu engin. En furetant, je me prends les pieds dans mes chaussures et dans ma robe. Crotte ! Je me suis vraiment endormie en sous-vêtements. Enfin, je mets la main sur cet appareil de malheur. Mais trop tard ! mon correspondant a déjà été basculé sur le répondeur. Je patiente quelques secondes et écoute ma messagerie.
- Bonjour, belle au bois dormant ! On est de retour ! Tu m'as trop manqué ! Tony et moi on passe faire un petit crochet par chez toi. On te kidnappe pour le déjeuner. Prépare-toi, on débarque dans dix minutes.
Merde, merde, merde ! Josie arrive et je suis dans un état lamentable. Entre mes fringues de la veille qui jonchent le sol et une tête de déterrée que je me paie à coup sûr, elle va se poser des questions. A la vitesse de l'éclair, je ramasse les preuves de ma soirée d'hier et file dans la douche. Devant mon miroir, je ne peux que constater les dégâts. Mon rimmel a coulé, j'ai les cheveux en mode incrustés dans l'oreiller et on dirait même que j'ai bavé. Le total look glamour. Je suis bien contente que Christian ne soit pas là ce matin. En parlant de lui, un relent de culpabilité remonte dans ma gorge. Non, ce n'est pas le moment.
Je lui parlerai après que la tornade Josie soit passée. Un bon coup de démaquillant, ma brosse magique, une douche express et j'entends déjà la sonnette. Décidément, en ce moment, je passe mon temps à aller ouvrir en serviette de bains.
- Jo ! Tony ! Quel plaisir de vous voir !
Ma rousse préférée se jette littéralement sur moi.
- Ma chérie ! Tu m'as tellement manqué !
J'agite la main pour Tony qui se tient derrière elle, un sourire en coin. Je l'interroge du regard. On s'était pourtant dit qu'il valait mieux ne pas se fréquenter en ce moment. Pourquoi sont-ils ici ? Son sourire s'agrandit et me fait signe que tout va bien. Okay, j'ai manqué un épisode.
- Alors ? Pourquoi es-tu encore au lit à cette heure-ci ? Christian t'a épuisée hier soir ?
Je me crispe dans ses bras.
- Non, non, pas du tout. Juste une semaine chargée. Enfin, tu vois !
Elle me scrute d'un œil de lynx, sentant le mensonge qui pointe.
- Michelle...
- Bon, vous n'allez pas rester dans l'entrée, la coupé-je. Installez-vous. J'en ai pour deux minutes pour m'habiller.
Je me détourne aussi sec. Il va me falloir améliorer ma capacité à duper. Et vite fait. Quand je reviens au salon, Tony et Josie sont en pleine discussion et de toute évidence, elle n'a pas l'air très contente. Quand elle m'aperçoit, elle fronce les sourcils et me fusille du regard.
- Tu comptais m'en parler quand exactement ?
Je me tourne vers Tony, prise de court.
- Elle est au courant.
- De tout ?
- Dans les grandes lignes.
- Tu joues à l'espionne, maintenant ? s'insurge-t-elle.
- Par la force des choses.
- Et toi, tu l'aides dans ce délire ? dit-elle à Tony sur un ton pas très agréable.
- C'est moi qui lui aies suggéré cette idée, répond-il sur un ton posé.
Cette fois, elle bondit carrément du fauteuil.
- Quoi ? Mais tu es complètement cinglé ou quoi ? Tu mets sa vie en danger alors qu'il suffirait que tu lui refiles un des documents qui tu as en ta possession puisque tu es l'avocat de cette pourriture.
- Il saura tout de suite que ça vient de moi et il fera tout pour me foutre dans la merde. Je risquerai alors de perdre mon job, mes biens et pire je nous aurais tous mis en danger parce qu'alors il en aurait après nous tous à la fois. Tu crois vraiment que je ne l'avais pas envisagé avant ?
Josie ouvre et referme la bouche plusieurs fois, cherchant le reproche à lui balancer à la figure. Mais force est de constater que sa logique est implacable. Il faut que je mette la main sur une preuve qui ne peut être reliée à Tony. Et c'est chose faite, en tous cas, partiellement.
- En parlant de ça, reprend-il, tu m'as dit que tu avais des photos d'un type louche qui trainait avec Jared, mais tu ne m'as pas dit qui c'était exactement.
- Heu, oui, en effet... D'après Christian, ce serait Gabriel Fierro.
Le visage de l'avocat vire au blanc. Il se décompose littéralement. Je n'aime pas trop sa réaction. Tony ne panique jamais. Il maîtrise toujours et là j'ai l'impression qu'il vient de voir un fantôme. Soudain, il se lève, commence à faire les cent pas. Jo et moi nous regardons, un peu inquiètes.
- Tony, qu'est-ce qui se passe ?
Ce dernier se retourne brusquement et donne un coup de poing dans le mur.
- Putain de bordel de merde ! Je vais le tuer de mes propres mains !
Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à taper dans les murs et les objets de ma maison ? Il n'y a pas une autre manière d'évacuer leur frustration ?
- Il faut que tu m'expliques là, parce que je suis perdue, essayé-je pour l'apaiser.
- Jared ! Je vais aller lui foutre une raclée. Et ensuite, je m'occupe de ton petit copain, éructe-t-il en me pointant du doigt.
- Holà ! On se calme. Tu ne vas toucher à personne. Tu t'assois gentiment et tu m'expliques.
Tony ressemble à un lion en cage. Un peu comme Christian quand je lui ai montré la photo.
- Christian a eu la même réaction, mais je lui ai dit de me faire confiance et que je n'allais pas jouer au kamikaze.
- Et il t'a quand même laissé continuer ? s'insurge-t-il.
- Oui, parce qu'il a foi en moi. D'ailleurs, je n'ai pas revu la tête de ce Fierro depuis.
- Quelqu'un pourrait m'expliquer ? s'énerve alors Josie.
- J'ai photographié un homme qui discutait avec Jared. Grâce à Tony et Christian, j'ai pu l'identifier. Ce serait a priori un trafiquant de drogue.
- Pas a priori. C'est sûr. Jared est un putain de camé qui se fournit auprès de son réseau. Il faut croire qu'il a voulu passer à la vitesse supérieure. Non mais quel con !
- Donc, si je comprends bien, reprend Jo sur un ton difficilement pondéré. Tu te retrouves à fréquenter un type dangereux à cause de ce minable. Et tu dois prendre des risques inconsidérés parce que monsieur Sforza, ici présent, n'a pas assez de couilles pour te refiler de quoi faire taire Jared.
- Oh bordel ! Josie ! Ferme-la !
La voix forte et exaspérée de Tony me fait sursauter. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état d'énervement. Cet homme est l'archétype-même du mec qui se maîtrise en toutes circonstances. Il faut croire que la situation n'est vraiment pas bonne.
- Je vous ai dit que tout est sous contrôle, tempéré-je. J'ai les photos et je suis entrée dans les bonnes grâces de Jared. Donc j'espère mettre la main sur les documents rapidement.
- Dans les bonnes grâces ? comment ça dans les bonnes grâces ?
Oups !
- Allez, ça suffit ! On arrête les frais, coupe court Tony. Tu as les photos. Je vais trouver de quoi foutre la trouille à l'autre. Même si on joue à quitte ou double, quand il verra qu'on est soudé contre lui, il va faire machine arrière. Son instinct de survie est plus développé que sa volonté de s'enfoncer dans les emmerdes.
- Et c'est maintenant que tu dis ça, relève Jo.
- Joséphine, tais-toi !
Mon intervention a le don de réussir à faire le clapet de ses deux-là. Ben quoi ! Il n'y a pas qu'eux qui peuvent se rebeller.
- Très bien, reprends-je. Tu es sûr de toi, Tony ? Parce que, comme je viens de le dire, Jared semble me faire confiance à présent. Donc je pourrais profiter de ça pour poursuivre mes recherches.
- C'est beaucoup trop dangereux avec Fierro dans les parages. Boucle ce chantier, sinon tu risques d'éveiller les soupçons, et après tire-toi loin de lui.
J'acquiesce un peu dubitative. Je n'ai pas envie qu'il mette en danger sa vie entière pour moi. Il me reste encore deux semaines pour réussir à trouver quelque chose. J'irais prudemment mais je ne lâche pas l'affaire.
- Ok, on fera comme tu as dit. Attendons la fin des travaux pour le mettre au pied du mur.
- Très bien.
Un silence de plomb s'installe. Je vois bien que Josie est en colère contre moi et contre son homme. Je ne veux pas être responsable d'une friction entre eux deux. Leur couple est un véritable modèle pour moi.
- Ecoute, Jo, ne sois pas fâchée. Tony a juste voulu m'aider. Il m'a même suggéré de quitter Christian pour me mettre en sécurité, mais j'ai refusé.
- Tu auras dû ! Je t'avais dit qu'il n'allait t'apporter que des ennuis.
Je laisse échapper un soupir et elle hausse les épaules.
- Fais-moi confiance. Jusqu'ici tout se passe bien. Jared a changé de stratégie me concernant. Il a arrêté d'être désagréable. Il s'est même excusé. Il devient presque gentil.
- Gentil ? On parle bien de Jared Patton, celui qui a failli te violer dans un bar ?
Je baisse la tête, consciente que cet événement suffit à cristalliser son comportement déplorable.
- Oui, je sais. Mais je reste méfiante. Ne t'inquiète pas. Pas question qu'il me refasse le même coup.
- J'espère bien.
Je lui sors un petit sourire triste et comme c'est un cœur d'artichaud, elle ne peut résister à l'envie de venir me prendre dans ses bras.
- Allez, viens là, ma petite guerrière. J'avoue quand même que tu m'impressionnes. Jamais je n'aurais pensé que tu puisses te conduire de la sorte.
- J'ai changé. Grâce à Christian.
- Mouais... celui-là, quand je vais le recroiser, il va m'entendre.
- Josie, s'il te plait.
Elle me sourit tendrement avant de se lever.
- Je crois qu'on attendra un peu avant de se faire ce déjeuner finalement. On va éviter que Jared nous cherche des poux.
J'acquiesce d'un hochement de tête vigoureux. Je les raccompagne à la porte et leur fais la bise avant qu'ils ne partent. Tony me retient un instant et glisse à mon oreille.
- Il a fait lever la surveillance du détective. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous, mais ne te fies pas à son air gentil. C'est un vrai serpent.
Je lui souris en guise de réponse et referme la porte. Je m'adosse quelques secondes contre elle et laisse sortir toute la tension dans un énorme soupir.
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