Chapitre 100
Quand je rentre chez moi, je suis sur les rotules. Devoir jouer un rôle face à Jared est épuisant. Je dois faire attention à tout, au moindre mot qui sort de ma bouche, au moindre geste à son encontre. Je me laisse tomber sur le canapé et fixe la télé éteinte pendant de longues minutes. Vais-je pouvoir tenir le rythme ? Je me sens déjà éreintée, rien que d'y penser. Dans un effort surhumain, je m'oblige à aller sous la douche. Le flot brûlant réussit à me détendre un peu. Qu'est-ce que je ne donnerai pas pour un petit massage, là ? Alors que je m'extirpe de cet endroit merveilleux un peu à contre-cœur, la sonnette retentit. Je m'emballe rapidement dans une serviette et file voir qui peut bien débarquer chez moi à cette heure tardive. A peine ai-je jeté un coup d'œil dans le judas qu'un soulagement sans nom me fait expirer.
- Christian.
La porte à peine entrouverte, il se jette sur moi pour me serrer contre lui. Une pluie de baisers m'empêche de le regarder dans les yeux.
- Hé ! Tout va bien.
- Je n'ai pas arrêté de tourner en rond chez moi. Il fallait que je te voie.
Je souris contre sa peau, tandis qu'il enfouit son nez dans mes cheveux. Je l'emprisonne dans mes bras avec bonheur.
- Moi aussi, je suis heureuse de te voir.
Je le garde encore un instant contre moi et finis par le repousser.
- Je vais bien, tu le vois.
- Oui, je sais, soupire-t-il. Mais, savoir que tu vas devoir passer toutes tes journées à côté de lui et qu'il t'embarque dans ce plan foireux... ça me met les nerfs en pelote.
Je caresse amoureusement son visage. Son regard de chien battu fait fondre mon cœur.
- Tu veux rester ici ce soir ?
Un large sourire illumine aussitôt ses traits.
- Je n'osais pas te le demander. Ça ne risque pas de poser problème par rapport à tout ça ?
- On a le droit de se réconcilier sur l'oreiller. Et pour demain, on verra.
Je n'ai pas le temps de réagir qu'il me soulève et glisse son bras sous mes jambes. Telle une princesse, il vient me poser délicatement sur le lit, sans me quitter des yeux.
- Une réconciliation sur l'oreiller, dis-tu ? ça me tente bien.
En guise de réponse, j'amène son visage jusqu'au mien et plaque mes lèvres sur les siennes. Ses mains détachent avec lenteur le tissu éponge qui fait encore barrière entre nous. Voilà un excellent moyen de se détendre.
Christian dort profondément mais moi j'ai l'esprit bien trop agité pour réussir à fermer l'œil. Tony doit m'avoir déjà envoyé les photos. Il faut que j'aille tout de suite voir ça. Ça tourne dans ma tête depuis ce midi. Je tente de me dégager de l'étreinte de mon beau blond, sans le réveiller. Il grommelle quelque chose d'incompréhensible avant de se retourner. Je me glisse hors du lit, attrape son tee-shirt et l'enfile. Avoir son odeur sur moi a quelque chose de réconfortant. Il me donnera un peu de courage. J'allume l'ordinateur et m'installe devant. J'ouvre ma messagerie avec un peu d'appréhension. Le mail de Tony est là. J'hésite quelques secondes avant de cliquer dessus. Je ne sais pas à quoi m'attendre. Je fais défiler lentement les photos. Soudain, mon cœur fait une embardée. C'est lui. Ce regard noir, cette assurance à vous faire hérisser tous les poils. Il y a quelque chose de profondément perturbant chez cet homme. Comme si l'enfer passait à travers un seul de ses regards.
- Michelle ? Qu'est-ce que tu fais ?
La voix ensommeillée de Christian me surprend. Il me rejoint et se penche par-dessus mon épaule.
- Pourquoi tu n'es pas avec moi dans le lit ? Et qu'est-ce que tu regardes sur...
Sa phrase reste en suspens. La main qu'il a posé sur ma chaise se crispe.
- Bordel, Michelle. Pourquoi regardes-tu une photo de Gabriel Fierro ?
Je me tourne instantanément vers lui. Comment le connait-il ? Son visage grave et inquiet ne me dit rien qui vaille.
- Tu le connais ?
- C'était dans une autre vie, se renfrogne-t-il. Pourquoi tu t'intéresses à lui ?
- Je l'ai croisé au restaurant. Il semblait bien connaître Jared.
Christian lâche un juron et frotte son visage.
- Quel petit con ! Pourquoi est-ce qu'il traine avec cet enfoiré ?
- Comment ça ? C'est qui ce mec ?
Il se met à faire les cent pas, fourrageant son cuir chevelu nerveusement.
- Bon, on arrête tout. Ça va trop loin. Là, on s'attaque à du lourd. Ça va nous péter à la gueule.
Je pivote sur la chaise et l'observe paniquer de plus en plus.
- Bon sang ! tu m'expliques ?
- Gabriel Fierro est un chef de gang mexicain. Le plus gros fournisseur de drogue de la ville. Et pour en arriver là, il n'a pas fait dans la dentelle avec ses ennemis. Si tu vois ce que je veux dire. Il est bien trop dangereux. Tu ne peux pas rester dans l'entourage de Jared.
- Mais...
Christian se rapproche de moi rapidement et plaque ses mains de part et d'autre des accoudoirs de ma chaise.
- Là, on ne joue plus, Michelle. S'il soupçonne quoi que ce soit, il te tuera après avoir massacré toutes les personnes importantes de ta vie.
Une sueur glacée dévale dans mon dos.
- Calme-toi, Christian. Je n'ai pas l'intention de m'approcher de lui ou de lui faire du tort. La seule personne qui m'intéresse, c'est Jared.
- Mais le problème, c'est que cet idiot est de toute évidence en relation avec ce fou furieux. Ce qui te met en danger. Tu dois tout arrêter. Le plan, mais aussi le chantier.
Je le repousse violemment pour me mettre debout.
- Non, mais ça ne va pas ! Pas question !
- Michelle ! sois raisonnable, bordel !
- Et toi, fais-moi un peu confiance ! Je ne suis pas une tête brûlée. Je sais ce que je fais. Je vais trouver de quoi mettre la pression à Jared et puis basta. Si on s'en tient au plan, il n'y a pas de raison que ça dégénère.
- Mais...
Il pousse un cri de rage avant de balancer un coup de pied dans la chaise qui valdingue à travers la pièce.
- Et puis, arrête de vouloir tout casser quand la situation t'échappe.
Il prend une grande inspiration et fixe le plafond.
- Tu ne lâcheras pas, c'est ça ?
- Non. Je le fais pour nous. Il faudrait que tu commences à comprendre que je suis prête à tout pour qu'on puisse vivre ensemble, sans que personne vienne nous pourrir la vie.
Un long silence s'en suit. Je déteste ce genre de silence. Pesant, désagréable et annonciateur de mauvaises nouvelles.
- J'ai peur de te perdre, murmure-t-il enfin.
- Ce ne sera pas le cas. Sauf si tu t'obstines à me repousser tout le temps.
Je m'approche de lui, prudemment, et viens l'encercler de mes bras. Il finit par capituler en me serrant contre lui. Nous restons ainsi de longues secondes,avant que je me détache pour le ramener dans le lit.
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