Chapitre 1



Un quart d'heure que je poireaute toute seule au café. J'ai déjà avalé deux expressos et si Josie ne se grouille pas un peu, je me tire dans deux minutes. Surtout que le boutonneux qui me sert de serveur n'arrête pas de me dévorer des yeux. Il n'a pas lu ce qu'il y a sur mon tee-shirt : « Je n'ai pas le temps d'être gentille. » Evidemment qu'il l'a lu, ses yeux sont scotchés sur mon décolleté. J'avale d'une traite le contenu de ma tasse, attrape mon téléphone pour le consulter pour la centième fois. Rien. Cette fille va finir par me rendre folle un jour.

Bon ! cette fois, il y en a marre ! pour une fois, je vais la planter. Ça remboursera tous les rendez-vous où elle a été en retard, soit tous ceux qu'on a eus depuis qu'on se connait. Ce qui veut dire... non, il ne vaut mieux pas que je fasse le compte ou je vais bouffer ma veste de rage. Alors que je me lève, une tornade rousse déboule dans la salle, perchée sur des talons de 12 cm.

- Ma chérie ! Désolé du retard ! Tu sais ce que c'est. Tony ne voulait pas me laisser partir. Ce mec ne pense qu'à baiser en permanence.

Je secoue la tête, tout en cachant mon visage avec la main. Josie et sa discrétion légendaire. Maintenant, tout le restaurant est au courant de sa vie sexuelle. Elle me colle deux bises bruyantes sur les joues avant de se laisser tomber sur le fauteuil en face de moi. Je me rassois, bien obligée devant son manque de considération pour ma patience qui est partie en fumée.

- Suis-je bête, tu ne peux savoir de quoi je parle, reprend-elle. Ça fait des siècles que tu n'as pas couché avec un mec.

- N'exagérons rien ! réponds-je en levant les yeux au ciel.

- Oh, mais si exagérons, exagérons ! Si ça continue, tu vas avoir des fils d'araignée là où je pense !

- Bordel, Jo ! ça ne fait que 2 ans que je n'ai pas eu de copain. Ce n'est pas la mort non plus.

C'est à ce moment-là que le gentil serveur voyeur décide de se ramener. Et bien sûr, il n'a rien loupé de notre conversation. Il me regarde avec les yeux ronds, comme si je venais de dire une énorme connerie.

- Tu vois ! Même le serveur est d'accord avec moi. Deux ans c'est une éternité. Un cappuccino double crème mais sans sucre, avec une pincée de cannelle, petit cœur. Tu seras un amour.

Le boutonneux bafouille quelques mots indéchiffrables et se barre. Et moi, je me sens nulle à un point où on va devoir rajouter une bonne dizaine de barreaux à l'échelle de nullité universelle. Si même un ado sûrement pas dépucelé croit que mon cas est désespéré, c'est que vraiment, j'ai touché le fond.

- Bon, parlons peu, mais parlons bien...

Je ricane en entendant ça. Josie, parler peu, ça ne marche pas dans la même phrase. Mais elle continue comme si de rien n'était et du coup, je rate une partie de sa phrase.

- ... je me suis dit que vu ton cas, il faut savoir prendre le taureau par les cornes. Enfin, façon de parler, glousse-t-elle.

- Quoi ?

- J'ai pris un rendez-vous pour toi cet après-midi à 16 heures. Je me suis dit plus tôt tu commenceras, plus vite le résultat arrivera.

- Un rendez-vous ?

- Mais oui, chérie. Chez le thérapeute. Tu n'écoutes pas quand je parle ou quoi ?

Je n'ose pas lui dire que je n'ai rien entendu. Elle risque de tout reprendre depuis le début et franchement, je n'ai pas envie de l'entendre une nouvelle fois dire que ma vie sexuelle est une insulte à l'espèce humaine.

- C'est bon, j'ai compris. Le thérapeute.

- Oui, parce que franchement, tu dois avec des blocages, ou un truc du genre pour te tenir aussi longtemps éloignée des mecs. Je te jure, à un certain moment, je me suis même demandé si tu n'avais carrément pas viré de bord.

- Mais non ! m'offusqué-je.

- Tu sais, chérie. Je ne te juge pas, j'essaie juste de t'aider.

Je croise les bras et boude. Je sais très bien pourquoi je n'ai rencontré personne depuis deux ans. On ne se remet pas aussi facilement de son premier chagrin d'amour. En plus Josie le sait. Elle était là quand il a fallu me ramasser à la petite cuillère. Je soupire et joue avec la serviette en papier posée devant moi. La main parfaitement manucurée de Josie se pose sur la mienne.

- Tu sais, il faudra bien qu'un jour, tu tournes la page.

- Je sais, marmonné-je.

Un silence pesant s'installe. Le serveur ramène la commande de ma meilleure amie. Je ne lève même pas les yeux des morceaux de papier que j'ai éparpillés sur la table. Repenser à cette période de ma vie me rend toujours aussi malheureuse. On dit que le temps atténue les blessures. Pas toujours apparemment.

- Bon, il est temps d'y aller ou on va être en retard.

Je grimace à l'intention de mon petit lapin blanc préféré.

- La faute à qui ?

- Tu te plaindras auprès de Tony ce soir quand on ira diner. Pour l'instant, debout, Miss Grumpy, on doit aller rencontre l'homme qui va changer ta vie.

J'attrape mes affaires tandis que Josie se pend à mon bras, tout en déblatérant sur le resto qu'elle veut essayer ce soir. De la cuisine alternative dit-elle. Je crains pour mes papilles. Je monte dans le SUV flambant neuf que son homme vient de lui offrir. Il faut dire que Josie a des goûts de luxe. Tout mon contraire. On est un peu comme le feu et la glace, le yin et le yang. Josie est la poupée californienne par excellence, excepté ses cheveux auburn qui attirent tous les regards, sans parler de ses formes parfaites de fit girl. Moi je suis le garçon manqué, toujours habillée en jeans et converse. La seule chose qui attire l'attention des hommes ce sont mes foutus attributs féminins plus que développés. Hé oui, pour mon plus grand malheur, j'ai une paire de nichons à en faire pâlir Pamela Anderson.

Du coup, quand je parle avec quelqu'un, que ce soit un mec ou une fille, ils ne peuvent s'empêcher de me reluquer les seins. Et franchement, ça devient lourd à un certain moment. J'ai l'impression qu'ils parlent avec ma poitrine et j'ai envie de hurler : « Putain, ma tête est plus haut ! ». Mais bon, je m'abstiens. Je ne suis pas du genre à me laisser aller avec n'importe qui. Josie me l'a déjà fait remarquer plus d'une fois que ma timidité maladive ne m'aide absolument pas à trouver un copain. Mais je n'y peux rien, je n'arrive pas à trouver cette saloperie de bouton « déblocage ».

Jo se gare devant une petite maison, située sur les abords de la plage. Rien de tape à l'œil. Je dirais même que si elle ne m'y avait pas emmené elle-même, je n'aurais jamais trouvé. Quel genre de thérapeute peut bien vivre dans une baraque pareille ? Je m'approche de l'entrée. Pas de plaque. Je suis de plus en plus dubitative.

- Tu es sûre que c'est ici ?

- Sûre et certaine. J'ai entré l'adresse qu'il m'a donnée dans mon GPS et mon GPS ne se trompe jamais, dit-elle en passant devant moi.

Je hausse les épaules et lui emboite le pas.


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