CHAPITRE 5 - LUI

JASON

***

Mon coeur fait un triple salto arrière dans ma cage thoracique. Je ne sais pas si c'est le cognement de la porte contre le mur ou le cri strident que vient de pousser ma soeur qui a augmenté mon rythme cardiaque. J'ouvre un oeil en grognant, et voit ma soeur foncer sur le lit et sauter sur le matelas.

- Debout les moches !

Elle sautille dessus et j'entends Ben grogner à son tour.

- Putain mais faites la taire ! Râle t-il.

Sans rire, ma soeur est la pire des chieuses. Parfois, j'aurais préféré être fils unique.

- Casse toi, Kate !
- Je t'emmerde ! me répond t-elle alors qu'elle saute toujours sur le lit comme une débile.
- Mais abattez la, putain ! J'en peux plus de sa voix de crécelle.

Je me redresse rapidement du lit et lui balance mon oreiller en pleine gueule. Elle paraît surprise puis se saute du lit. Elle atterrit sur la vieille moquette bleu nuit, parsemée d'étoiles. Je m'allonge de nouveau et ma tête cogne contre le bâti en bois du tour de lit. Je laisse échapper un petit "Aie".

- Tu aurais dû y réfléchir avant de me lancer ton oreiller, débile.

Je lui offre un majestueux doigt d'honneur alors que Ben lâche un énorme soupir.

- Je te file cent dollars si tu la fermes, dit il à Kate. J'ai mal au crâne.

Je ne peux m'empêcher de sourire. Hier soir, on a fait fort. Nous avons discuté toute la nuit et quand nous avons fini les bières que Ben a ramenées, on s'est attaqués au bar de Chuck. On a vidé tellement de bouteilles qu'on a vite fini par ne plus se rappeler de la soirée. La seule chose dont je me souviens, c'est que nous avons refait le monde, comme nous le faisions adolescents, en se remémorant nos conneries d'avant. Je n'ai presque aucun souvenir d'avoir grimpé l'escalier jusque ma chambre, hormis le fait que Ben me tenait pour pas que je m'écroule à chaque marche.

- Vous n'aviez qu'à pas picoler comme des trous. La cour est remplie de cadavres.
- Tu dis ça parce que tu es jalouse et que tu aurais aimé boire avec nous.
- J'ai bu avec vous, dit elle. En rentrant du restaurant. Mais vous étiez tellement pétés que vous vous êtes rendus compte de ma présence qu'au bout de vingt minutes. C'était vexant, d'ailleurs. J'attends vos excuses.
- Ok, on s'excusera uniquement si tu promets de parler moins fort, dit Ben.
- Je le ferai uniquement si vous dites que je suis la plus belle, la plus intelligente et la plus formidable des petites soeurs.

Elle rêve !

Ben souffle, mais cette fois ci d'agacement.

- Ok, Kate, tu es la petite soeur la plus...
- T'es dingue ! Je le coupe. Elle va être invivable si tu lui dis ça.
- Je suis prêt à tout si elle se tait et qu'elle me laisse dormir encore une heure.

Je secoue la tête. Grave erreur, j'ai encore plus mal au crâne. Ben et moi nous regardons avant de porter notre attention sur Kate. Elle attend, un poing sur une hanche et la tête légèrement inclinée.

- J'attends ! dit elle.
- Vas y ! Elle me saoule ! Je lâche.

Je me lève d'un bond, ignore ma tête qui tambourine contre ma boîte crânienne et m'approche de ma soeur. Je lui saisis un bras et la passe par dessus mon épaule. Je crois que je vais devoir la calmer cette merdeuse. Je sors de ma petite chambre et emprunte le couloir jusque la salle de bain. Kate comprend bien sûr et commence à pédaler dans le vide avec ses pieds et taper contre mon dos avec ses petits poings.

- Jayz ! Relâche moi de suite ! Jayz !

Je ris. En fait, la chiantise doit être un truc de famille, un truc des Simmons.

- Jazzy, une fois !

Je la dépose dans la baignoire. Ses yeux s'assombrissent encore plus quand elle lève son index.

- Jayz ! Deux fois !

J'actionne le robinet et le pousse vers l'eau froide.

- Putain ! Jason Carter Simmons ! Tu n'as plutôt pas intérêt à...

Je souris et dirige la douchette sur elle. Elle se met à hurler comme une gamine et je referme le rideau de la douche avant de me barrer de la salle de bain.

Une fois dans ma chambre, je me jette sur mon lit après avoir claqué la porte alors que Ben rit aux éclats. Je demandais qu'une heure de sommeil, rien qu'une moi aussi.

- Tu as conscience qu'elle va te pourrir ?
- Rien à foutre ! Il était temps que je la remette en place !

Ben se met à rire et je me joins à lui quand ma soeur se met à hurler de rage depuis la salle de bain et ma mère gronder depuis le rez-de-chaussée.

- Putain ! Ça fait du bien de t'entendre rire, me dit il.

Mes lèvres retombent aussitôt. C'est vrai que je ne me suis pas senti aussi bien depuis hier soir.

La porte de ma chambre s'ouvre alors et je ris quand ma soeur entre, complètement trempée. Des gouttes d'eau tombent sur la moquette de ma chambre et je me retiens de rire. Elle pointe son doigt vers moi, ouvre la bouche et la réforme plusieurs fois.

- Maman m'a engueulée ! J'espère que tu es content !
- Assez oui !

Elle râle en tapant du pied contre le sol comme une enfant et Ben pouffe de rire. Il s'est toujours très bien entendu avec Kate. Elle passait pas mal de temps avec Charlotte, sa demie soeur quand elle est venue faire ses études à Miami, chamboulant la tranquillité de la salle de boxe. Mon oncle aimait l'avoir au loft, même s'il avouait qu'elle pouvait être agaçante parfois.

- Allez, levez-vous bande de feignants ! Maman fait des gaufres.

J'adore la tradition de ma mère de faire des gaufres tous les dimanches matin. Je me lève d'un bond, prenant soudainement conscience que je meurs de faim. Ben sourit lui aussi et se lève. Il enfile son polo et s'assoit sur le lit pour mettre ses chaussures. Kate ne cesse de l'observer, un sourire aux lèvres.

- J'en reviens pas que tu sois quand même venu ! dit elle alors.

Les yeux de Ben se posent sur moi avant de se reporter sur Kate. J'aurais dû me douter qu'ils étaient de mèches. Je ne sais même pas si je dois être en colère ou au contraire, heureux.

Kate se met à rouler des yeux et pose un poing sur sa hanche. Plus fille que ma soeur, ça n'existe pas.

- Oui, j'avoue, j'ai fouillé dans ton téléphone pour prendre le numéro de Ben.
- Euh Ok.
- Je lui ai envoyé qu'un SMS

Ben se racle la gorge.

- Ok, deux SMS.

Ben se met à tousser, souriant au faux aveu de ma soeur.

- Putain, mais on peut rien cacher avec toi. Ok, je lui envoie de tes nouvelles depuis qu'on est arrivés ici. Sois pas fâché, me dit elle.

Je me mets à rire. Kate n'a jamais su mentir et honnêtement, je trouve ça touchant qu'elle ait fait ça.

- Allez ! Maman va criser si on ne descend pas pour les gaufres.

Kate se met à sourire puis me saute au cou quand je passe devant elle, prêt à sortir de ma chambre.

- Putain Kate ! T'es toute mouillée, dégage !
- La faute à qui ?

Elle me met à un coup de coude puis sort de ma chambre. Je fais un signe à Ben et nous sortons à notre tour.

- Merci de m'avoir hébergé cette nuit. Je ne suis pas sûr que j'aurais retrouvé le chemin jusque l'hôtel.

Je ris en me frottant la nuque. De toute façon, je n'aurais pas pu le laisser repartir dans cet état. Ça ne me gêne pas d'être contre les lois, mais je sais les dégâts que peuvent provoquer l'alcool au volant.

Quand nous arrivons dans la cuisine, j'embrasse ma mère. Elle est devant son gaufrier et fredonne un petit air de musique country. Quand son visage se lève vers Ben, elle lui sourit.

- Bonjour Benjamin, le salue t-elle.
- Bonjour Madame Simmons, je suis ravie de vous revoir après tout ce temps.

Ma mère secoue la tete, amusée.

- C'est vrai que ça fait longtemps. La dernière fois, c'était pour la remise des diplômes

Ben sourit. C'est vrai que ça fait tout ce temps. Ma mère évite le plus possible d'aller à Miami. Cette ville lui rappelle trop de mauvais souvenirs.

- Assieds toi, Benjamin. Tu veux un café ?
- Oui, merci, répond t-il en s'asseyant sur la vieille banquette de notre table de cuisine.

Le lieu doit le changer radicalement. Ben a toujours vécu dans le luxe et le confort. Alors le voir ici, dans une vieille baraque toute branlante et loin de séduire quelqu'un doit lui paraître bizarre. J'ai presque honte qu'il soit ici, dans cet endroit limite insalubre.

Ma mère arrive avec une tasse de café fumante et la dépose devant Ben en souriant. Il la remercie alors que ma soeur arrive dans la cuisine, changée et en sautillant comme une gamine. Elle s'asseoit près de moi et saisit ma tasse de café des mains que ma mère vient de déposer devant moi.

- Vas y ! Je t'en prie !
- Merci Frèrot. Tu es adorable, on ne te l'a jamais dit.

Petite peste ! Elle m'offre un petit sourire provocateur puis se ressaisit quand elle croise le regard sombre de ma mère qui s'assoit face à elle.

- Alors, Benjamin. Jazzy m'a dit que tu avais trois enfants.

Les lèvres de Ben s'étirent comme à chaque fois qu'il pense à ses progénitures. Ben est celui sur lequel j'aurais le moins misé sur le thème de l'amour. Il n'y connaissait rien et était un parfait enfoiré avec les filles. Mais Selena est entrée dans sa vie et il est devenu un mari et un père à la minute où il l'a rencontrée. Son évolution de petit connard pourri gâté en homme respectable a été radical.

Si un jour j'ai la chance d'être père, j'aimerais être comme lui. Ben est devenu mon modèle quand il s'agit de paternité. Mais pour ça, il faudrait que j'arrive à oublier Ellya.

Peut être qu'un jour, j'y arriverai. J'arriverai à oser dire ces trois putains de mots qui m'effraient et que je serai suffisament bien avec une femme pour avoir envie de lui faire un enfant.

- Oui, il y a Sam, qui a huit ans. Leana qui a dix huit mois et Gabriella, ma petite dernière qui a six mois.

Ma mère l'écoute attentivement tandis que mon ami parle de sa famille. Ben peut en parler pendant des heures et n'importe qui verrait qu'il en est fier. Il a de quoi. Il a une femme magnifique, compatissante et aimante.

Nous passons notre temps à rire autour de cette petite table de cuisine, à nous régaler des meilleures gaufres que j'ai mangé.

- Quand dois-tu retourner à Miami ? demande Kate.

Ben tourne sa tête vers elle et lui sourit.

- Euh... J'en sais rien.
- T'en sais rien ? demande Kate, surprise.
- Tout dépend de ce crétin.

Ben me désigne d'un signe de tête. Je ne comprends pas. Est il en train de me dire qu'il ne partira pas du Texas sans moi ?

- Les filles m'ont dit, non, elles m'ont menacé que je n'avais pas intérêt à revenir sans toi.

Je ne suis pas vraiment surpris. Je m'étonne même de ne pas y avoir pensé par moi même. Connaissant ces chieuses, elles ont dû mettre une sacrée pression à Ben. Ça ne m'étonnerait même pas qu'Amber ait convaincue Selena d'user de la carte "grève du sexe".

Ma mère et ma soeur sourient et je les interroge du regard. De ma soeur, je ne suis pas étonné. Depuis deux mois, elle me supplie de retourner à Miami car, selon ses propres mots, "ça fait pitié de me voir ici".

Je finis par secouer la tête. Non, je ne peux pas retourner à Miami. C'est impossible.

- Ma vie est ici. Je travaille au garage et je...
- On pourrait embaucher le fils des Smith. Je sais qu'il cherche un job et qu'il est plutôt bon en mécanique.

Putain ! Alors même ma mère veut que je me casse. À elle aussi, je lui fais pitié au point qu'elle préférerait me voir repartir en Floride ?

Je continue à secouer la tête. Non, je me suis promis d'aider ma mère et je ne compte pas rompre cette promesse. Elle a besoin de moi et je dois du fric à Johnny.

Ben et ma mère ne cessent de se fixer, parlant silencieusement entre eux. Mon ami finit par se lever de la banquette.

- Elena, c'était un plaisir de goûter vos gaufres, dit il poliment. Jason a raison, elles sont très bonnes.

Ma mère lui sourit et acquiesce d'un signe de la tête. Ben tourne alors son visage vers moi.

- Je vais retourner à l'hôtel prendre une douche. Je repasserai tout à l'heure.
- Pour me convaincre de partir avec toi ?

Ben laisse échapper un petit rire.

- Non, pour dire au revoir à mon ami. Je ne sais pas quand je te reverrai alors.

J'hoche la tête. Si ce n'est que pour ça, il n'y a pas de soucis.

Ben fourre alors sa main dans la poche de son jean et en sort une enveloppe pliée en deux. Il la dépose sur la table et me fixe.

- Luke m'a demandé de te donner ça. C'est important. Alors lis la.

Il glisse l'enveloppe sur la table en ma direction avant de se redresser. Kate se lève alors.

- Je te raccompagne à la porte.
- À tout à l'heure.

Il me salue d'un petit signe de la tête puis tourne les talons.

Mes yeux se posent sur la petite enveloppe blanche. Je me demande ce qu'elle peut contenir.

Je lève mon visage vers ma mère qui m'observe silencieusement. Elle m'offre un petit sourire timide.

- Écoute Jazzy, il faut qu'on discute.

Je fronce les sourcils. Je sais où elle veut en venir mais je refuse de la laisser tomber. Je n'ai jamais vraiment été présent et ma mère a besoin de moi.

- Tu dois retourner chez toi, Jason.

J'ouvre la bouche, prêt à lui dire que je suis déjà chez moi mais elle m'arrête d'un signe de la main.

- Miami te manque, tes amis te manquent, tes frères te manquent. Il est temps que tu retourne à Miami, là où tu ne seras pas malheureux.

Je pince mes lèvres. Je ne suis pas spécialement malheureux ici mais c'est vrai que je le serais sûrement moins en Floride.

- Je t'ai promis que je t'aiderais, Maman.
- Je sais Jazzy, je le sais. Et tu m'aides. Mais tu m'aiderais encore plus en étant heureux.

Elle me fixe, de ses grands yeux dont j'ai hérités. Son regard est animé par l'espoir, l'amour et la compassion.

- J'appellerais Tyler Smith tout à l'heure, pour lui dire que je l'engage.
- Maman, je...
- Il est temps que tu sois heureux, Jazzy. Et pour ça, il faut que tu retournes à Miami. Arrête de t'interdire d'être heureux, arrête de croire que si tu t'attaches aux gens, tu finiras par souffrir. Et arrête de croire que tu peux oublier Ellya. Je suis sûre qu'elle doit être aussi malheureuse de que toi.
- Elle ne veut plus de moi.
- Et je suis sûre du contraire. Bats toi pour elle. Montre lui que tu tiens à elle.

Elle pose sa main sur la mienne et me la serre. Elle veut que je m'ouvre à l'amour mais je ne sais pas faire ça. Je n'ai jamais su. Les seules fois où j'ai dit ces trois putains de mots, j'ai perdu ces personnes. Je ne peux pas les dire à Ellya, car je sais que ce sera le début de ma perte. Je sais que quand je lui soufflerai ces trois mots interdits, je la perdrai.

- Maman a raison, j'entends derrière moi.

Je tourne ma tête et ma soeur s'approche de moi, le regard compatissant.

- Tu as le droit au bonheur, Jayz. Mais tu es le seul qui peut accéder à ce bonheur. Ellya t'aime et je sais au fond de toi, que tu l'aimes aussi. Retourne à Miami, va la voir et récupère la. Arrête de te tourmenter et souris à la vie.

Elle s'assoit près de moi et me dépose un baiser sur la joue. Les deux femmes de ma vie ont raison. Je dois récupérer celle qui fait battre mon coeur et que je n'arriverais jamais à oublier. Je dois récupérer Ellya. Quitte à devoir prononcer ces mots interdits.

Les yeux de ma soeur se posent alors sur l'enveloppe que je tiens toujours dans la main. Je ne sais pas ce que c'est, ce que Luke avait de si important à me transmettre et j'ai peur d'en lire le contenu.

- Tu vas l'ouvrir ? demande Kate.

J'opine de la tête. Même si cette lettre m'effraie, je dois m'ouvrir aux gens.

Je déplie l'enveloppe blanche. Seul mon nom y est inscrit ainsi que le cachet d'un cabinet d'avocat. J'ouvre la lettre et la déplie lentement. Mon coeur se met alors à battre la chamade. Jamais je n'aurais pensé qu'une simple lettre pouvait me faire ressentir ça.

Mes yeux se posent sur la lettre officielle et je lis les premiers mots

" Convocation officielle à l'ouverture du testament de Mark Davis "


***

Hey !

Comment allez vous ? (Je sais même pas pourquoi je vous demande encore, je vous le demande à chaque fois et personne ne me répond 😔)

Certains lecteurs me disent qu'ils ont hâte de connaître le point de vue d'Ellya. Malheureusement, je n'en ai aucune idée de quand nous pourrons rentrer dans sa tête.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais je vous avais dis que ce tome ne serait pas comme les autres. Et j'ai décidé (depuis pas mal de temps, j'avoue) que Love Sacrifice sera uniquement du point de vue de notre Jayz. Bien sûr, de temps en temps, nous aurons les pensées de notre petite Ellya. Alors, qu'en dites vous ? Ça vous plaît ?

Et ce petit chapitre, on en parle ? Qu'en avez vous pensez ?

Sortez vos agendas, on se retrouve dans deux jours pour la suite.

Je vous love

Laurie

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