CHAPITRE 4 - LUI

JASON

***

Je fixe mon ami. Il n'a pas besoin de sourire, ses yeux rieurs parlent pour lui. Bien que je sois surpris de le voir, je suis tout de même content qu'il soit là. Il m'a manqué. Mais je ne peux m'empêcher de me poser un tas de questions dont la principale concerne la raison de sa venue.

- Qu'est ce que tu fais là ? Je demande un peu trop sèchement à mon goût.

Je m'approche de lui alors qu'il s'abaisse vers le sol. Il prend deux bouteilles de bière, posées sur le ciment. Il relève son visage vers moi et me sourit.

- On est samedi soir. Et j'avais envie de boire une bière avec mon pote.

Il me sourit encore plus quand il m'encourage à venir vers lui.

Pourquoi lui refuserais je ? Il est là, alors que je ne l'ai pas vu depuis deux mois. J'ai peur de ce qu'il va me dire, du sermon qu'il s'apprête à me faire car je suis sûr qu'il ne s'en privera pas.

Je m'assois près de lui et il me sourit encore plus. À main nue, il décapsule la bouteille de bière et me la tend avant de faire de même pour lui. Il lève sa bière en me souriant puis en prend une gorgée. Je l'imite aussitôt.

- Sérieusement, tu fais quoi ici, Ben ?

Il laisse échapper un petit rire.

- Je pourrais te retourner la question, Jason.
- Je suis chez moi ici.

Ben rit encore plus. Il a raison. J'ai soufflé ma réponse sans réelle conviction après tout. Même moi, je n'y crois pas, bien que j'essaie de m'en convaincre depuis deux mois.

- Tu vas pas me faire croire ça, Jason. Tu détestes Rollingwood.
- Je ne déteste pas Rollingwood, je m'empresse de mentir.

Ben tourne son visage vers moi et arque un sourcil. Il n'est pas dupe. Ben m'a suffisament entendu me plaindre de cette petite ville sans intérêt quand je devais m'y rendre pendant les vacances ou que j'y revenais.

- Comment va Selena ?
- Elle va bien. Elle voulait venir avec moi ici, mais j'ai réussi à l'en dissuader.
- Chapeau ! Selena est têtue.
- Tu ne me le fais pas dire. Quand elle a une idée en tête...

Il ne finit pas sa phrase mais j'ai très bien compris ce qu'il voulait dire. Selena est une force de la nature. Mais elle est surtout entêtée. Elle aurait été capable de venir ici rien que pour le plaisir de me botter les fesses. J'adore Selena. C'est une mère forte, déterminée et prête à tout pour ses enfants. Quand on voit comment elle a galèré avec Sam, on ne peut que la respecter. J'aime beaucoup Selena car au fond de moi, je l'identifie un peu à ma mère. Elles ont toutes les deux élevé leurs enfants comme elles ont pu, en leur apprenant le respect des autres et en les aimant à l'infini.

- Tu lui manques, souffle t-il. Tu nous manques à tous.

Je ne peux m'empêcher de sourire. L'entendre me dire ça me réchauffe le coeur. Eux aussi ils me manquent, bien que je sois tellement occupé tout au long de la journée pour vraiment penser à eux. Mais nos soirées autour d'un verre ou sur la terrasse de la villa me manquent. Ces petits moments avec mes amis, ma famille de coeur, bien que je partage mon sang avec certains d'entre eux.

- Et sûrement beaucoup à Aaron et Luke, je réponds, sarcastique.

Ben me fixe, hésite plusieurs fois mais ne répond rien.

- Pourquoi tu ne réponds pas à nos appels ?
- Pour vous dire quoi ?
- Bah, pour au moins nous dire comment tu vas.
- Bah je vais bien.

Ben efface son sourire et lève un sourcil. Il va vraiment falloir que j'arrête de le prendre pour un con. Ben est observateur et il faut dire que je porte mon humeur sur mon visage.

- Tu ne vas pas me faire croire ça, Jason. Je te connais depuis tout ce temps. Tu n'as pas besoin de me le dire pour que je sache que tu es mal. Rien que le fait de t'exiler ici prouve que tu ne vas pas bien.

Je ne réponds rien et me contente de prendre une gorgée de ma bière. Je ne sais pas où il les a trouvées mais elles sont bonnes.

- Parle moi, Jason, me dit il

Je laisse échapper un petit rire.

- Tu es psy maintenant ?
- Non, l'horreur ! Je bouffe assez de psychologie quand j'aide Selena à réviser ses cours. C'est d'un barbant.

Tu m'étonnes ! S'il y a bien un job que je ne pourrais pas faire, c'est psychologue. Écouter les gens pleurnicher à longueur de journée, les voir pleurer ou même me raconter leurs vies m'emmerderait.

- Je suis pas psy, mais je suis ton ami, Jason.

Et l'un des meilleurs ! Ben et moi, ça a collé des notre première rencontre, le jour où Mag l'a inscrit dans la salle de boxe de mon oncle. Je venais de revenir à Miami et je n'avais pas d'amis. La première fois que nous nous sommes retrouvés sur un ring d'entraînement, il m'avait collé une droite qui m'avait laissé sans voix. Ben m'a tout de suite plu, avec son esprit rebelle et provocateur semblable au mien. Sauf que contrairement à moi, lui faisait ça pour attirer l'attention de son père. Moi, c'est dans ma nature.

- Je vais pas t'emmerder avec toutes mes conneries.

Ben agite son index devant moi tout en prenant une gorgée de sa bière.

- Non, non, mon pote. Je n'ai pas fait deux milles kilomètres pour avoir cette réponse. Et je ne les aurais sûrement pas fait si je me foutais de tes conneries comme tu dis.
- C'est trop long à expliquer.
- Ça tombe bien..

Il se penche vers le sol et soulève un pack de bière

- ... Il y a de quoi tenir la nuit ! Alors maintenant, crache le morceau, mec !

Je continue de le fixer. Je sais qu'il peut être tenace quand il le veut. A quoi ça servirait de parler ? À me sentir mieux ? Ça ne résoudra pas mes problèmes pour autant.

Voyant que je ne réponds pas, Ben sort les autres bières et les ouvre. Il en dépose deux devant moi et en garde deux devant lui.

- T'es coincé mon pote, ça serait dommage de les gacher. Commence à parler.

Tenace n'est pas le terme le plus approprié apparement.

Je laisse échapper un soupir. Je vais devoir céder, bien que ça ne m'enchante pas. Je déteste parler de moi, j'ai toujours l'impression de saouler les gens. Et qu'est ce qui serait suffisamment intéressant en moi ? Rien. Ma vie est banale.

- Tu veux savoir quoi ? je demande.
- Ce que tu veux. Je pense qu'on va aborder pas mal de sujet cette nuit. Pour commencer, si tu me parlais de Mark.

Je soupire une nouvelle fois.

- Par quoi commencer ? J'ai perdu mon père, alors que je l'avais retrouvé depuis peu.
- Tu le sais depuis longtemps ?
- Depuis nos seize ans. Tu te rappelles de l'anniversaire de Luke ?
- Vaguement. J'étais tellement pété ce soir là que je me souviens juste d'avoir fini entre les cuisses de Gemma Hopkins.

Je laisse échapper un rire.

- Ouais, tu avais bien déconné ce soir là.
- M'en parle pas. La pire connerie de ma vie. La meuf a cru qu'on allait se marier. Je l'avais juste sautée, je ne comprenais rien. Mais ce n'est pas le sujet.

Mon sourire s'efface. Impossible de lui faire changer de conversation. Je vais devoir tout lui expliquer.

- C'était pendant la fête. On préparait tout pour l'anniversaire de Luke et avec Sam, on cherchait désespérément des ciseaux pour je ne sais plus quelle raison.

Ben me fixe, concentré. Il est silencieux et m'écoute attentivement.

- On s'est retrouvés dans la pièce d'Ava. Elle était dans sa période tricot de bonnets pour les petits Tibétains, je ne sais pas si tu t'en souviens. Enfin bref, avec Sam, on a fini par chercher dans sa boîte à couture. Et en fouillant dedans, on a trouvé une lettre. J'ai tout de suite reconnu l'écriture de ma mère alors on l'a ouverte.

Je me souviens de chaque mot, de chaque phrase de cette lettre. Ce soir là, j'avais l'impression d'avoir reçu un coup de massue. L'homme qui m'avait élevé n'était pas mon père. Je portais son nom, j'avais reçu son amour mais je n'étais pas son fils.

- Ma mère expliquait qu'elle avait longuement hésité à lui avouer que j'étais son fils, le fruit d'une simple nuit. J'étais sous le choc. Je venais d'apprendre que l'homme qui m'avait appris à faire du vélo n'était pas mon vrai père. Elle expliquait à Mark qu'elle ne lui demandait rien, que Carter avait toujours su que je n'étais pas son fils, que de me savoir en compagnie de mes frères la suffisait en sachant que grâce à eux, j'acceptais enfin la mort de mon père. Elle lui demandait de me surveiller, qu'elle savait qu'à seize ans, des garçons pouvaient vite mal tourner.

Chose que j'avais fait. L'année de mes quinze ans, je passais plus de temps au poste de police qu'au lycée. Je pense que c'est ce qui a décidé ma mère d'envoyer cette lettre. Elle voyait que mon oncle commençait à ne plus avoir d'emprise sur moi et que je commençais à faire le con.

- Sam le savait ? Me demande Ben.

J'opine de la tête. Il a toujours su. C'est même lui qui a lu la lettre.

- Sam et moi, c'est un peu comme toi et Luke. Notre amitié était plus forte qu'avec les autres.

Ben se contente de m'offrir un petit sourire discret.

- Ce soir là, j'ai prétexté me sentir mal. Je n'avais pas vraiment envie de faire la fête alors j'ai écourté la soirée. Je suis rentré chez moi et j'ai parlé à mon oncle. Il connaissait toute la vérité bien sûr et j'ai pris un bus pour Rollingwood le lendemain. Ma mère m'a tout expliqué. Sa rencontre avec Mark, sa décision de m'elever seule. Elle a rencontré mon père alors qu'elle ne savait pas qu'elle m'attendait et il a décidé de m'élever.
- Et il l'a très bien fait, me souffle Ben. Il t'a aimé comme son propre enfant. Il t'a choisi non pas pour les liens du sang qui vous unissaient, mais pour les liens du coeur.

Je souris. Tout comme Ben a choisi Sam. Ils se sont aimés et choisis en un regard.

- Je n'ai rien dit. Je l'ai gardé pour moi mais Sam faisait que d'en parler. Ils disaient que je devais le dire à Mark, à Aaron et Luke. Tu sais comment il pouvait être tenace ton frère.
- Une vraie calamité parfois.

Je laisse échapper un rire car c'est tout à fait comme Ben est.

- Alors j'en ai parlé à Ava. Elle a pleuré ce jour là. Elle m'a supplié de ne rien dire, ni à Mark, ni à ses fils. Je ne sais comment elle a réussi mais elle m'a convaincue et j'ai gardé ce secret pour moi. Et garder ce putain de secret a été compliqué. C'était dur de voir Mark avec ses fils, dur de voir l'amour qu'il leur portait ou la fierté qui animait son regard quand il les regardait. Quand je passais les fêtes avec eux ou que je partais en vacances, j'étais là, j'étais le fils de trop mais personne ne le savait. Personne sauf Ava et moi.

La main de Ben se pose sur moi et il me tapote l'épaule. Il sait ce que je peux ressentir. Avec Howard, il a toujours été vu comme le fils de trop aussi mais lui a été rejeté par son propre père. Mark ne savait pas pour moi, et c'est sûrement ce qui a fait que je me sentais moins mal. Ben, lui, en souffrait depuis trop longtemps et je suis heureux que les choses se soient arrangées avec son père.

- Garder ça tout ce temps pour toi, c'est...

Il ne finit pas sa phrase mais j'en comprends tout son sens. Compliqué ? Dur ? Impossible ? Ça rend fou à la longue et on se sent encore plus mal. On a envie de le dire, surtout quand j'entendais mes amis dire que nous sommes tous des frères. Plusieurs fois, j'aurais voulu leur dire que c'était le cas. Mais à chaque fois, j'ai tenu bon pour je ne sais quelle raison. Sûrement car je l'avais promis à Ava et qu'une promesse ne se rompt pas.

- Quand Ava m'a contacté pour la greffe du rein, je n'ai pas réfléchi une seconde. Mark avait besoin de moi et qu'il soit mon père ou non n'aurait rien changé. Alors j'ai accepté mais sous une seule condition. Ava m'a proposé du fric mais l'argent ne m'intéresse pas. La seule chose que je désirais, c'était que Mark sache. Je voulais qu'elle m'accorde la possibilité de rompre cette promesse.
- Je ne comprends pas pourquoi Ava n'a pas voulu en parler à Mark ? dit il.

Je secoue la tête. Moi non plus, je n'en sais rien. Cela devait être dur pour elle. Elle était avec Mark depuis peu qu'elle était déjà cocue. Luke et moi sommes du même mois et nous fêterons nos trente trois ans le mois prochain.

- Ava a cédé bien sûr, je reprends, et quand il l'a appris, Mark était sonné. Grace à ces quelques jours passés avec lui, je me sentais mieux. J'avais l'impression d'être différent. Pour une fois, je n'étais plus transparent, je n'étais plus le fils de trop. Je me sentais... plus vivant. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
- Tu avais l'impression d'être enfin reconnu.

J'hoche la tête. Oui, c'est ça. Je me suis senti à ma place pour la première fois de la vie. Je n'étais plus le mec paumé et torturé. J'ai eu l'impression d'enfin retrouver mon chemin.

- Mark voulait l'annoncer à Aaron et Luke, bien qu'Ava n'était pas vraiment d'accord. Il ne lui a pas laissé le choix. C'était tendu entre eux deux et je m'en voulais un peu d'être celui qui posait les problèmes dans leur couple et j'ai fini par me rallier au choix d'Ava. Peu importe si mes frères ne le savaient pas. C'était bien plus important pour moi d'avoir enfin un père.
- Je pense que Mark avait raison. Luke et Aaron avaient le droit de savoir.

Je me pince les lèvres. Ouais, avec le recul, j'aurais dû en parler. Mais j'appréhendais leurs réactions et même si je pensais que celle de Luke serait plus violente, j'ai eu tort.

- Et tu vois où ca nous a tous mené ?

Ben secoue la tête.

- Aaron pète les plombs en ce moment. Je ne lui trouve pas d'excuses car te cogner n'était clairement pas la meilleure des réactions. Mais entre le problème Mary, la grossesse d'Aalya, la mort de Mark, il accumule.
- Moi aussi, j'ai perdu un père, je lâche.

Ben me tapote une nouvelle fois l'épaule pour m'apaiser. Il finit sa bière et pose la bouteille à même le sol. Je l'imite aussitôt et en reprends une.

- Je sais, Jason. Je sais que c'est dur pour toi. Tu as attendu tout ce temps pour enfin être avec Mark et...
- Et il est parti trop tôt. Je...

Ben m'offre un petit sourire timide.

- J'aurais jamais la chance de le connaître plus. Même si je le connaissais depuis des années, il ne m'a jamais été aussi proche que les deux dernières semaines de sa vie. Je... Je l'ai perdu.

J'ai perdu un père pour la deuxième fois.

- Quand Mark est mort, Ava a voulu le dire à Luke et Aaron. Elle voulait respecter la volonté de Mark mais moi, je ne le voulais plus. Ça aurait servi à quoi ? À faire plus de mal que de bien. Mais elle insistait.
- Je crois qu'elle n'aurait pas pu trouver pire moment pour l'annoncer.

J'opine de la tête.

- Je me suis retenu, Ben, mais j'étais prêt à l'éclater. J'en avais envie mais je ne pouvais pas. Aaron est mon ami mais il est avant tout mon frère. Qui tape sur sa famille, hein ? Qui est suffisament con pour le faire ? A mes yeux, la famille est ce qu'il y a de plus précieux et me faire lyncher par Aaron m'a fait mal.
- Je comprends. Se taper dessus sur un ring est une chose, mais se taper dessus quand on a la rage en est une autre.

J'hoche la tête. Aaron m'a frappé car il était mal. Sauf qu'au lieu de se serrer les coudes, il a eu la pire des réactions. Je suis quelqu'un d'impulsif, limite violent. De toutes les bagarres ou nous avons été impliqué, neuf fois sur dix, c'était de ma faute. Mais là, il a déversé sa rage sur moi.

Quand je suis rentré au loft après l'enterrement, j'ai fait mes bagages et je me suis cassé. Kate était toute affolée mais voyant que je ne parlais pas, elle a fini par me suivre.

- Et je suis arrivé à Rollingwood.
- Et tu as fui à Rollingwood, rectifie Ben.

Il laisse échapper un petit rire. Ouais, c'est tout à fait ça. J'ai fui à Rollingwood car plus rien ne me rattachait à Miami. J'avais perdu Ellya, j'avais perdu Mark, mes amis et j'avais besoin de quitter cette ville que je pense maudite. Je pensais que Rollingwood me ferait sentir mieux, que retrouver ma famille me ressourcerait mais ce n'est pas le cas. Bien sûr, j'aime m'occuper de ma mère mais ici, je me sens aussi mal qu'à Miami. Le manque que je sens au plus profond de moi semble s'élargir encore plus. Mais je n'arrive pas à le définir.

- Tu comptes rentrer à Miami ? me demande Ben.

Je relève mon visage vers lui. Il m'interroge du regard, essayant de capter par avance ma réponse. Je ne sais pas ce qu'il y voit, car moi même, je ne le sais pas. Il se met tout de même à sourire.

Il me tapote la cuisse et secouant la tête, son éternel sourire optimiste aux levres.

- Tu rentreras, me dit il.

Il semble bien sûr de lui. Est ce que j'ai envie de rentrer à Miami ? Bien sûr que oui. Cette ville me manque autant que je déteste Rollingwood. Je finirai par y revenir. Mais je ne sais pas si j'y suis encore prêt...

***

Salut les Wattpadiens !! Comment allez vous ? Aujourd'hui, c'est les soldes ! Ce qui veut dire plaisir pour vous et malheur pour moi (les joies de travailler dans le commerce).

Beaucoup d'entre vous ont devinés que c'est notre petit Ben qui est venu rendre visite à notre badboy préféré.

Alors ? Vous y voyez un peu plus clair sur le secret Jason/Ava ? Sur le ressenti de Jayz et son mal être ?

Mais ne vous inquiétez pas, cette petite discussion est loin d'être terminée...

À bientôt mes petits pandas

Baisers sadiques...

💋💋💋

Laurie

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