CHAPITRE 05

CHARLIE

***

Elle est concentrée, le visage a quelques centimètres de la feuille. Sa main balade avec énergie le crayon vert sur la feuille. Quand Jamie dessine un arbre, c'est tout un spectacle.

Quand elle se sent observée, elle lève le visage vers moi et me sourit.

- Bah tu sais quoi Tata Cha, Adam Millers, il a pas été gentil avec moi aujourd'hui à l'école, fait Jamie en faisant une petite moue adorable.
- Ah bon ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
- Il a prit mon feutre et il l'a lancé dans la classe. Après, il a gribouillé sur mon dessin et au goûter, il a fait exprès de marcher sur les cookies que tu avais fait pour moi.

Je serre les dents.

Adam Millers, tu n'es qu'un petit merdeux. Écraser des cookies, c'est mal mais toucher à ma petite Jamie, ça tu n'aurais jamais dû ! Tu es devenu mon nouvel ennemi mortel, toi, du haut de tes cinq ans.

Jamie est comme ma fille. Elle est mignonne, une adorable tête blonde. Elle est toujours très polie, intelligente et carrément craquante. Shaw, son frère est différent mais tout autant attachant. Il est vif, curieux, moins calme que sa soeur. C'est un petit kamikaze qui nous fait courir partout. J'adore les jumeaux. Ils sont ma famille.

- Tu sais quoi ? Je crois qu'Adam Millers t'embête car il t'aime bien.
- Mais non tata ! Repond-t-elle en rougissant légèrement. Rooo ! Tu n'as pas écouté ce que je t'ai dit. Il fait exprès de m'embêter. Ça veut dire qu'il m'aime pas.

Je pouffe de rire. Ma nièce ne se dégonfle jamais. Elle dit toujours tout ce qui lui passe par la tête.

- Les garçons sont bêtes. Parfois, pour montrer qu'ils aiment bien une fille, ils ne sont pas gentils avec elle.
- Mais pourquoi ils font ça ? Tu le sais tata Cha ?

Je secoue la tête en laissant échapper un petit rire.

- Ça c'est parce que les garçons sont plus compliqués que les filles. Ils essayeront de te faire croire le contraire mais, c'est uniquement car ils n'aiment pas avoir tort.

Jamie pouffe de rire en plaquant ses deux petites mains sur sa bouche.

- Tu es trop rigolote Tata Cha.

Je lui fais un petit clin d'oeil alors que la porte d'entrée s'ouvre. Jane arrive, les bras chargés de sacs de courses. Elle dépose tout sur le comptoir de la cuisine que nous avons pris possession avec Jamie depuis la sortie de l'école. Atelier coloriage. Jamie adore ça et j'aime encore plus les dessins qu'elle me fait. Je les garde tous.

Jamie lâche son crayon vert et accourt déjà dans les bras de sa mère qui s'est accroupie, suivie par son frère. Ils se câlinent tous les trois et je les regarde, attendrie. Jane aime ses enfants, bien que quand elle m'a annoncé qu'elle attendait des jumeaux, elle était bouleversée.

Steven et elle se sont rencontrés il y a six ans maintenant. C'était juste l'histoire d'une nuit pour eux. Sauf que trois mois plus tard, elle lui a annoncé qu'elle était enceinte de lui suite à un petit accident de capote. Il l'a épousé aussitôt après la naissance des jumeaux. Depuis, ils sont heureux tous les quatre.

- Merci d'avoir été chercher les petits monstres à l'école, me dit Jane.
- Il n'y a aucun souci, tu le sais bien.

Je me lève pour l'aider à ranger les courses.

Jane me sourit, reconnaissante. On s'entraide beaucoup et même si je vis dans la dépendance qui fait office de maison d'invités, je suis à table avec eux à tous les repas.

Je connais Jane depuis que nous sommes enfants. Elle vivait dans la maison voisine, dans notre petite ville en périphérie de la Nouvelle Orléans. Et depuis, nous ne nous sommes pas quittées. Elle comme moi sommes filles uniques mais nous nous sommes toujours considérées comme des soeurs. Nous avons été dans le même collège, dans le même lycée et quand j'ai été acceptée dans l'université de Coral Gabes, elle m'a suivi à Miami. Malgré notre proximité, nous n'avons pas eu le même milieu familial. Alors que j'ai eu la chance de grandir entre mes deux parents qui m'aimaient, elle a grandi sans père, avec une mère qui picolait beaucoup trop pour se préoccuper d'elle. Dès qu'elle le pouvait, elle se faufilait jusque chez moi pour fuir l'éducation néfaste de chez elle. Sa mère avait le don de toujours se trouver des mecs violents, des ratés ou des alcooliques.

Alors forcément, quand elle est tombée enceinte de Steven, ce petit dentiste sans ombre au tableau, prêt à l'épouser pour élever les enfants qu'elle attendait, elle s'est promise de donner l'éducation la plus parfaite à ses enfants. Jane a la dent longue contre sa mère et ne lui parle plus depuis des années.

- Alors ? Tu as fait quoi de beau aujourd'hui ?

Je m'apprête à ouvrir la bouche mais elle m'arrête en levant l'index.

- Hormis des gâteaux, je veux dire ?

Je pouffe. Je suis si prévisible que ça ? Je n'y peux rien si j'adore ça. Certains aiment peindre, faire du tricot, du sport ou lire. Moi, j'allie passion et gourmandise en faisant des gâteaux. Et j'adore régaler ceux que j'aime.

- J'ai fait le dîner pour ce soir, j'ai fait un peu de rangement et j'ai été à mon rendez-vous.
- Oh super ! Ça s'est bien passé ?

Mon sourire s'efface. Je ne le sais même pas. Harper a dû écourter notre entrevue.

- Oh tu n'as pas décroché le contrat ? C'est ça ? Demande-t-elle d un air triste.
- Oui et non.
- Oui et non ?

Je laisse échapper un rire et lui explique qu'Harper a dû reporter le rendez-vous suite à une urgence au zoo. Jane hausse les épaules mais quand je lui dis que Luke, le fiancé d'Harper a adoré mon framboisier, elle est convaincue que j'aurai le contrat. Il faut dire que c'est presque fait.

- Harper m'avait donné rendez-vous chez Jason, je fais.

Jane se fige, pivote son corps rapidement vers moi et me sourit.

- Attends ! Tu parles de Cupcake-hot-choco ?

Je secoue la tête en riant quand j'entends le surnom qu'elle a donné à Jason. Jane aime donner des surnoms pour tout et n'importe quoi.

- C'est quoi Cupcake-hot-choco, maman ? Demande Jamie en relevant la tête vers nous.
- Ce n'est rien ma chérie. Juste un gâteau que seule tata Cha a le droit de dévorer. Continue ton dessin.

Et j'avoue que j'aimerais y goûter. Le revoir tout à l'heure a réveillé en moi quelque chose. Je suis irrémédiablement attirée par cet homme. Je ne sais pas d'où me vient ce désir. De la façon qu'il s'occupe de sa fille peut-être. A moins que ce soit de son côté torturé et brisé. Il faut avouer que ce surnom lui va comme un gant. Il est hot, comme dirait Jane.

- Jane, je la réprimande
- Bah quoi ? Ça fait combien de temps que tu n'as pas dévorer ?

Je lève les yeux au ciel et soupire. Longtemps ! Bien trop longtemps !

- La dernière fois c'était qui ? Jérémy ?

Je grimace quand j'entends son prénom. Ce mec était un véritable boulet. Il semblait avoir tout pour lui. Il était gentil, galant, attentionné. Mais sa jalousie était invivable. Je ne pouvais pas faire un pas dans la rue sans qu'il se sente obligé d'agresser les pauvres gens qui nous croisaient et me regardaient. Ça en devenait bien trop gênant. Et quand j'ai découvert qu'il ne se gênait pas pour se loger entre d'autres cuisses que les miennes, je l'ai quitté.

N'empêche que si on y regarde de plus près, ça fait plus d'un an qu'un homme ne m'a pas touché. Je soupire aussitôt et Jane considère ce soupir comme une confirmation. Elle me sourit encore plus et joue avec ses sourcils.

- Donc Cupcake-hot-choco est un candidat potentiel à ton prochain grignotage ?

Mes lèvres s'étirent. Je n'ai jamais été adepte du grignotage. Pour tout dire, je ne mange jamais entre les repas. Je suis une fille conventionnelle. Il me faut du temps pour apprivoiser quelqu'un et j'attends toujours le quatrième rendez-vous - minimum - avant de coucher avec un homme. Alors que certaines peuvent s'envoyer en l'air au bout de cinq minutes, moi, je n'y arrive pas, bien que je n'ai jamais tenté l'expérience.

- Non, pas de grignotage !

Le sourire de Jane s'efface.

- Attends Cha ! Ne me dis pas que si tu revenais de l'émission Survivor après quarante jours de jeun, tu ne mangerais pas le premier truc qui te tombe sous la main, une fois que tu reviendrais à la civilisation ?

Je plisse le front. On parle toujours de sexe là ?

- Es-tu vraiment en train de comparer ma période d'abstinence à une émission de télé-réalité ?
- Tout à fait ! Et j'assume fièrement cette comparaison ! Allez Charlie, il est temps de construire ce radeau pour fuir au plus loin de Frigide Island. Vire moi ta ceinture de chasteté !

J'éclate de rire. J'adore la façon dont Jane expose les choses. Elle a toujours été ainsi. Elle rit avec moi, fière de sa connerie.

Jamie, toujours sur les genoux de sa mère se délaisse de la conversation qu'elle ne comprend pas. Dieu merci. Elle se laisse glisser jusqu'au sol après avoir lâché son crayon puis accourt vers son frère qui joue avec Spike.

Spike est le chien de la maison. Un bouledogue anglais que j'ai offert aux jumeaux pour Noël. Steven m'en veut toujours un peu de ce qu'il appelle un cadeau empoisonné alors que Jane, comme mes neveux, adorent cette petite boule de poils à la gueule ratatinée.

- Alors ? Cupcake-hot-choco ?

Je secoue la tête, navrée de son insistance. Jane est butée, déterminée. Elle ne lâche jamais l'affaire.

- Non. Il ne se passera rien avec Cupcake-hot-choco ! Et arrête de l'appeler comme ça. Il s'appelle Jason je te rappelle.
- Cupcake-hot-choco, Jason, John, Paul. Peu importe. C'est un bel en-cas pour le goûter !

Un très bel en-cas !

- Il ne se passera rien avec Jason, j'affirme.
- Oh ! Pourquoi ? S'attriste-t-elle.
- Parce qu'il m'a fait une proposition et que si je l'accepte, je travaillerai pour lui.

Le regard de Jane se réanime. Elle patiente, pressée et curieuse que je lui en dise plus.

- Il m'a proposé de m'occuper de son bébé.
- Oh ! C'est une façon de dire qu'il veut sexer avec toi ? Son bébé, c'est un nom de code pour parler de son engin ?

Je secoue la tête. Jane ne peut pas être sérieuse cinq minutes.

- Non. Pas de nom de code ! Quand je parle de son bébé, je parle de sa petite fille. Elle s'appelle Emmy-Jordan.
- Ah oui ! C'est vrai qu'il a une petite fille. Elle est mignonne en plus. C'est lui qui en a la garde ou il la partage avec la mère de la petite ?

J'hausse les épaules. Pour être franche, je ne me suis pas posée la question. Je pensais même qu'il était toujours avec jusqu'à ce qu'il dise qu'il s'occupait seul de sa fille. Je suppose qu'il en a la garde exclusive et je me demande comment ils ont pu en arriver là avec son ex.

- Alors ? Tu as accepté sa proposition ?

Je serais tentée de dire oui. Être payée à m'occuper d'un bébé tout en cuisinant est une occasion à ne pas louper.

- Je ne sais pas
- Mais pourquoi ?

Je me mords les lèvres. Je sais qu'elle va m'engueuler dans quelques minutes et je sais aussi que quand je fais une petite tête d'enfant sage, elle s'adoucit. C'est une technique que j'ai piqué à Jamie. Et elle marche plutôt bien.

- C'est un temps plein.
- Et ?
- Et je travaille à mi-temps au salon.
- Il n'y a que ça qui te dérange ? Tu crois que je ne te trouverai pas une remplacante ? Des CV, j'en reçois vingt par jour. Je pourrais prendre une étudiante.

J'hausse les épaules. Je savais que ça ne dérangerait pas Jane si je lui annonçais que j'avais trouvé un temps complet. C'était un peu le marché.

Non, la véritable raison de mon hésitation est que j'ai peur de craquer et devenir une grignotteuse. Je sais que je lui plais, bien que je ne comprenne pas pourquoi. Harper me l'a confirmé. Mais cela serait immoral. Qui couche avec son patron de nos jours ?

Bon ok, pas mal de monde mais ce n'est pas pour autant un exemple à suivre.

Les mains de Jane s'emparent des miennes. Elle plonge son regard dans le mien et m'offre un large sourire. Je sais qu'elle s'apprête à user de tous les arguments possibles pour que j'accepte cette proposition.

- Tu es virée !

Elle se relève de son tabouret alors que mes yeux s'écarquillent. Elle n'est pas sérieuse ? Je ne m'attendais pas à cet argument. Jane se met à rire.

- Si j'étais au chômage, je ne ferais pas la fine bouche pour un plein temps, rajoute-t-elle.
- Bien jouée petite maligne !

Elle me fait une révérence digne de Miss America.

- Allez ! Dis-lui que tu acceptes le poste.

Je saisis mon téléphone laissé sur le comptoir et pianote mon message.

[À : Jason
Je serai très heureuse de m'occuper d'E-J ]

Je pose mon téléphone et relève les yeux vers Jane qui m'offre un large sourire.

- J'en connais une qui va dévorer un Cupcake-hot-choco dans pas longtemps.

Je secoue la tête. Non je vais devoir être sérieuse. Je m'interdis tout acte non professionnel avec lui. Je suis consciencieuse dans mon travail et avoir une relation avec un supérieur, j'ai donné. Je ne referai plus jamais l'erreur.

Mon téléphone vibre sur le plan de travail en marbre de la cuisine.

[ De: Jason
Super ! Demain, 8h00 ? ]

~~~

Coucou les LoveAddict !

Comment allez vous ce soir ? Moi, je suis claquée. Grosse journée de 10h aujourd'hui (j'y suis encore d'ailleurs. Plus que 15 min). Je me console en me disant que je suis en vacances demain à 14h (Oh et puis 13h tout compte fait. Je fais mes horaires à la carte maintenant).

Alors ce petit chapitre ? Je ne sais pas vous mais moi, j'adore Jane. Elle est trop marrante. Elle ne se prend pas la tête et ne coupe pas les cheveux en quatre. Elle a tout de même viré Charlie uniquement pour qu'elle succombe au grignotage.

Entre nous, qui arriverait à résister à Jayz ?

Allez je file et retourne au boulot. Se planquer dans la réserve télé pour écrire cette NDA et publier le chapitre, c'est pas très pro.

Bisous

L
(LoveWriter)

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