CHAPITRE 02
CHARLIE
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Je le fixe, le regard concentré, l'étudiant sous tous les angles. Il est beau, proportionné. Je ne dis pas qu'il est parfait, c'est loin d'être le cas. Mais une chose est sûre : il semble appétissant et c'est le principal. Je trouve que je me démerde pas si mal, pourtant mon geste est loin d'être suffisamment précis, je vais devoir m'améliorer et je me console en me disant que ce n'est qu'un essai. En tout cas, j'ai hâte de le faire découvrir à Madame McKinney. Si elle aime mon gâteau, elle en commandera un pour régaler les cinquante invités de l'anniversaire de son mari.
Je suis une perfectionniste. Le genre de personne à s'acharner des heures et des heures avant d'obtenir le rendu parfait. C'est très important pour moi et ma mère me dit encore aujourd'hui que je suis une maniaque du contrôle.
Elle exagère un peu, je ne suis pas comme ça. Je suis juste une femme qui aime quand le travail est bien fait, quand tout est planifié et que tout se déroule comme prévu. Je déteste par dessus tout ce qui pourrait m'échapper et les imprévus. Bon, ok, c'est un peu être "maniaque du contrôle". Mais ce n'est pas un défaut, non ?
Ma mère me dit que je devrais être aussi consciencieuse dans le choix de mes mecs. Pour une fois, elle n'a pas tort. Toute ma vie est parfaitement huilée mais sentimentalement, c'est le chaos. Je suis tombée sur des cons, des jaloux, des indécis mais le prince charmant n'a toujours pas croisé mon chemin. Pourtant, ce n'est pas faute de le chercher. Il doit bien être quelque part.
Je lisse le glaçage au chocolat blanc sur mon gâteau aux framboises afin de l'améliorer. J'adore faire des gâteaux. Devant les fourneaux, je suis heureuse. Créer des décors, imaginer des recettes, monter des gâteaux à cinq étages. Déjà petite, j'investissais la cuisine de ma maison d'enfance et vendais mes gâteaux dans le jardin, avec des limonades à vingt-cinq cents. Mon père disait que j'étais tellement douée que je pouvais vendre de la glace aux esquimaux. Souvent, c'est lui qui m'achetait tout mon stand alors je ne crois pas réellement en mon pouvoir de négociation et de vendeuse. Cette partie appartient à Jane, qui vend mes gâteaux comme des petits pains au salon de thé.
Je relève la tête et observe la salle bien trop silencieuse. Malgré ça, je suis sereine. J'aime être ici, dans ce grand espace rempli de fours, de moules à gâteaux et où l'odeur de pâtisserie plane dans l'air. C'est ici qu'est ma place. C'est mon élément.
Je peaufine encore plus mon gâteau et fais un peu de rangement de mon plan de travail. Il est pas loin de minuit et les cours de pâtisserie que je donne les jeudis soir sont terminés depuis une bonne heure.
Quand on toque à la grande porte vitrée de la salle, je relève mon visage. La petite blonde très sympa qui est venue avec Jason me sourit en me faisant de grands signes. Je fronce aussitôt les sourcils. Que fait-elle ici ? Peut-être a-t-elle oublié quelque chose ? Je lâche ma spatule dans mon bol et traverse la salle en m'essuyant les mains dans un torchon. Je déverrouille chaque serrure avant d'ouvrir la porte.
- Harper ! Tu as oublié quelque chose ?
Elle me sourit encore plus alors que je la laisse entrer. Ce quartier est sûr mais mes parents m'ont toujours appris qu'on ne laisse jamais quelqu'un sur le pas de sa porte et encore plus la nuit. Et s'il y a une chose dont je suis fière, c'est l'éducation que mes parents m'ont donné.
- Je suis revenue car je n'ai pas rangé mon plan de travail et je n'ai pas fait ma vaisselle.
Je souris puis me retourne, lui montrant le plan de travail qu'elle a utilisé plus tôt, propre et rangé. Je m'en suis chargée une fois qu'ils sont partis précipitamment alors que les élèves faisaient leurs brownies.
- J'ai déjà tout nettoyé. Mais c'est très gentil de...
- Merde ! Jure-t-elle. Bon, je ne suis pas venue pour ça en réalité. Quoi, pas que pour ça. Je voulais te parler aussi.
- Me parler ?
Harper défait son énorme écharpe en me souriant. Je referme la porte derrière elle en me demandant pourquoi elle porte un énorme manteau alors que les températures sont douces pour la saison. J'ai la réponse à ma question quand elle sort un mouchoir en papier de sa poche. Elle éternue dedans en faisant un petit couinement qui me fait penser à une souris.
- Malade ?
- Oui, souffle-t-elle. C'est juste un gros rhume. Rien de bien méchant.
- Tu aurais dû rester au chaud.
Elle me sourit et je l'imite en voyant son nez rouge.
- Je ne te dérange pas ?
- Non, non. J'étais en train de finir mon glaçage.
- Oh ! Dit-elle, les yeux pétillants.
Je souris. Cette fille me fait penser à moi quand j'étais enfant et voyait mon grand-père dans la cuisine de son restaurant familial près de la Nouvelle Orléans. Mes yeux pétilllaient en voyant les plats qu'il faisait. J'étais une grande gourmande, aujourd'hui encore d'ailleurs.
- Tu veux me donner un petit coup de main ? Ça nous permettra de papoter un petit peu.
Harper hoche la tête, excitée. Elle me fait penser aux enfants au matin de Noël, pressés de déchirer l'emballage de leurs cadeaux pour découvrir leurs nouveaux jouets.
Je l'invite à me suivre jusqu'à mon plan de travail et elle sourit encore plus quand elle voit mon framboisier.
- Oh ! Il est magnifique ! Et il a l'air bon !
- Je l'espère. C'est une nouvelle recette que j'ai inventé. C'est pour l'anniversaire d'un client. Sa femme m'a commandé ce framboisier pour ses soixante ans.
Le regard d'Harper s'anime encore plus.
- Donc ça veut dire que ce ne sera pas ce gâteau ?
- Non ! Il risque d'être un peu juste pour le nombre d'invités. Je vais le faire goûter à ma cliente demain.
Elle hausse les épaules alors que je saisis ma spatule et retourne à mon glaçage. Elle semble déçue. Et vu la petite pointe de déception dans son regard, je comprends qu'elle espérait le goûter.
- J'ai bien envie de le goûter. Ça te dirait qu'on en fasse un ensemble ? Rien que pour nous.
Le regard d'Harper s'anime à nouveau quand elle entend ma proposition. Elle paraît aussi gourmande que moi.
Elle hoche la tête et je sors du matériel propre. Elle me rejoint derrière le plan de travail et saisit un tablier.
- Donc tu voulais me parler.
- Oui, répond Harper en prenant une spatule en bois. Je voulais m'excuser de la façon dont nous avons dû partir.
Je secoue la tête. Il n'y a pas de quoi. Je comprends. Mais c'est vrai que je me demande quelles sont les raisons de ce départ précipité.
- Non, ce n'est rien. Jason devait être pressé et...
- Mon beau-frère est un crétin parfait, dit-elle en claquant un peu trop fermement la spatule en bois sur le plan de travail.
Son visage affiche sa colère et la voir ainsi me fait aussitôt rire. Je ne sais pas pourquoi, je ne connais pas cette fille mais s'il y a bien une expression de visage qui ne lui va pas, c'est la colère. Cette fille est lumineuse, joviale, pétillante. Pas en colère. Elle paraît surprise par mon rire et je la sens mal à l'aise un bref instant.
- Comme beaucoup d'hommes sur Terre, je ris. Mais ça, ce n'est pas la grande nouvelle à placarder dans toute la ville pour informer chaque femme de Miami.
- C'est vrai qu'ils sont un peu crétins parfois. Heureusement que Luke est en dessous du taux de débilité moyen.
Je suppose que Luke est son fiancé et la façon dont elle sourit me fait comprendre qu'elle est très amoureuse de lui. C'est beau à voir. J'aimerais sourire comme elle en pensant à celui qui fera battre mon coeur et qui se l'appropriera.
- Enfin bref, reprend-t-elle. Jason est un peu... caractériel parfois. Mais il n'est pas méchant.
Non, il ne l'est sûrement pas. J'ai très bien vu comment il regardait sa fille. Ce n'était que de l'amour et de la protection.
J'hausse les épaules. Tout à l'heure, je n'ai pas compris sa réaction et j'ai été vexée. Je ne pense pas avoir été désagréable. Je l'aidais juste avec son bain-marie et son chocolat. Peut-être a-t-il était blessé dans son amour propre d'avoir fait cramer son chocolat. Les hommes sont fiers et ne supportent pas qu'on voit leurs faiblesses.
- Je ne sais pas pourquoi il a fait ça, je souffle.
- Moi, j'ai très bien compris. Pendant tout le trajet du retour, il n'a pas dit un mot. Il a récupéré E-J et est reparti aussitôt.
- Qu'est-ce que... J'ai fait quelque chose de mal ?
Harper laisse échapper un petit rire puis secoue la tête. Cette petite blonde est mignonne et sympa. Elle me fait un peu penser à une enfant dans ses réactions.
- Non. Tu n'as rien fait de mal. Jason a eu peur. Et il a fui, comme il le fait toujours quand il flippe.
Lui ? Avoir peur ? Je suis étonnée. Comment un mec aussi grand et baraqué peut-il avoir peur de quelque chose ?
- Pourquoi ? Je suis si effrayante que ça ?
Je ne le pense pas. Je suis une fille banale parmi toutes les autres filles banales de la planète. Je suis une femme polie, serviable, maladroite, trop naïve parfois. Je pourrais même dire que je suis la bonne patte, trop bonne, trop conne, qui passe le bonheur des autres avant le sien. Jamais un mot plus haut que l'autre. Je manque d'assurance et je m'écrase souvent pour ne pas faire de mal aux gens, même si c'est moi qui souffre au final.
- Non Charlie. Loin de là. Je pense que tu l'impressionnes.
Je sens que mes joues chauffent et je sais que je viens de rougir. Harper sourit en voyant ma réaction. Oui, j'ai rougi, trahissant mon intérêt pour Jason car une chose est sûre, Jason me plaît. Vraiment. Mais il n'est pas disponible. Il y a la mère de sa petite fille. J'ai beau avoir eu un coup de coeur pour lui, je ne suis pas une briseuse de ménage. Et là, il s'agit d'une famille.
Quand il est entré tout à l'heure dans la salle et que je l'ai vu, je n'ai pas pu retenir mon sourire, heureuse de le revoir mais aussi d'avoir de nouveaux élèves. Mais quand j'ai vu la beauté de la petite blonde qui l'accompagnait, je l'ai effacé un cours instant. Harper est une belle femme, très belle même. Sa beauté est naturelle et elle dégage d'elle une aura lumineuse et bienveillante.
Je ne dis pas que j'ai ressenti de la jalousie de le voir accompagné, c'est juste que je ne m'imaginais pas Jason avec une fille aussi solaire. Et clairement, je ne ferai jamais le poids face à une si jolie femme. Je me suis retrouvée bien bête quand Harper m'a dit qu'elle n'était pas la mère d'Emmy-Jordan mais sa tante.
Pourquoi Jason est-il venu à mon cours avec sa belle-soeur et non sa petite amie ? Peut-être que la mère de son enfant est une super cuisinière qui n'a pas besoin de cours ?
Je me suis souvenue alors qu'il m'avait parlé des dégâts culinaires de la fiancée de son frère. C'était pour elle que je lui avais donné ma carte et il lui a conseillé de venir. Peut-être qu'Harper a insisté pour que Jason l'accompagne ?
Quand je l'ai rencontré dans les toilettes du salon de thé de mon amie Jane, je suis tombée sous le charme de la façon dont ce papa s'occupait de son bébé. Il a envoyé bouler des petites pimbêches qui avaient osé critiquer mes cupcakes pomme-cannelle, qui sont parfaits d'ailleurs, et j'avais ri de la façon dont il leur avait parlé. Sa petite fille me fixait avec ses grands yeux noisette. Elle était mignonne et jouait avec une bouteille d'eau qu'elle tentait de mordre.
Je ne sais pas ce qu'il m'a pris ce jour- là mais j'ai engagé la conversation. D'ordinaire, je suis bien trop timide pour ça et il me faut un certain temps d'adaptation avant de donner à un inconnu d'autres réponses telles que "oui", "non" ou "tout à fait". Je ne suis pas sauvage mais je suis souvent sur ma réserve.
Je ne sais pas pourquoi mais quand je l'ai vu s'occuper de son bébé, j'ai ressenti la vulnérabilité de cet homme. Il ne semblait pas très bien rodé avec elle, commettant des petites erreurs. Il était gauche, perdu, peu sûr de lui. Je me suis dit que c'était la première fois qu'il s'occupait de son bébé tout seul. Et qu'il détestait l'odeur d'une couche sale.
Alors quand il s'est abaissé au sol, laissant à la petite le champ libre de se retourner, voir de tomber de la table à langer, mon premier réflexe à été de la mettre en sécurité et de la tenir. Je ne sais pas pourquoi. L'instinct maternel peut-être, bien que je ne suis pas mère mais une super tata rigolote. Les enfants de Jane sont comme mes propres enfants, bien que nous n'ayons pas le même sang.
Je n'ai parlé que quelques minutes avec lui, pourtant j'ai eu l'impression de le connaître depuis bien plus longtemps. Je ne sais pas d'où ça vient. Le feeling sûrement, comme lorsque j'ai rencontré mon amie Jane pour la première fois.
- Pourquoi ? Je ne comprends pas. Je suis quelqu'un de normal, qui a une vie normale et... Je ne vois pas pourquoi je l'impressionnerais alors que j'atteins à peine un mètre soixante cinq avec des talons. Je... Je... Lui fait deux mètres, non trois !
Bon j'exagère là. Mais il fait bien deux têtes de plus que moi. Il pourrait m'écraser entre son pouce et son index. Et vu ses biceps, il n'aurait aucun mal.
Harper se met à rire devant mon malaise. Je ne suis pas le genre de personne à être impressionnante. Je suis Charlie Mitchell, juste Charlie Mitchell. Une fille sans problème qui vit dans un petit deux pièces de Miami Springs et qui adore tellement faire des gâteaux qu'elle a toujours les doigts plein de chocolat ou de la farine dans les cheveux.
- Je crois que tu n'as pas très bien compris Charlie. Tu plais à Jason. Beaucoup trop et il a eu peur.
Je rougis encore plus. Je lui plais ? Mais comment ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui peut bien intéresser cet homme comme lui chez moi ? Je suis banale, normale, à peine jolie.
Et si je lui plais, c'est qu'il n'est plus avec la mère de sa petite fille...
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Hello les LoveAddict !
Vous allez bien ? Et votre petit dimanche ? Vous faites quoi de beau ? Certains sont déjà en vacances ?
Pour moi, c'est écriture, thé et câlins avec mon petit chien.
Ah ! Je suis sûre que vous l'attendiez tous, le premier chapitre du point de vue de Charlie. Qu'en avez vous pensez ?
Cette fille n'est pas très sûre d'elle et un brin timide. Je l'adore, autant que tous les autres personnages que la saga.
En tout cas, je suis très heureuse de vous retrouver tous ici.
Je vous embrasse tous très fort
L
(LoveWriter)
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