6 - La punition
Qian se laissa traîner derrière Amber qui n'avait finalement qu'une envie, celle de sécher les cours pour retourner à la librairie et chercher le livre qu'elle avait remarqué sur le chemin. Malheureusement pour elle, son sérieux l'en empêchait car jamais elle n'était absente, même lorsqu'elle était malade. Il n'y avait jamais eu un seul jour où elle n'était pas allée au lycée.
Jamais elle n'allait pouvoir le sortir de sa tête, elle avait besoin de l'avoir, à tout prix.
« Le surveillant va nous tuer si on n'arrive pas à temps », pesta la basketteuse en regardant l'aiguille de sa montre qui tournait beaucoup trop vite.
Cette dernière se mit à trottiner, la main de l'autre Chinoise broyée dans sa poigne. Elles montèrent les marches trois par trois puis arrivée devant les grilles, le professeur de sport les attendait, un petit sourire mesquin aux lèvres.
« Liu Amber, tu sais ce qui t'attend... »
L'autre élève l'entendit marmonner quelques insultes dans sa langue natale, il fallait que ce soit lui alors que la veille, elle était arrivée bien plus en avance. Qian s'extirpa de l'emprise de son amie et évita tout problème, s'inclinant poliment devant l'homme.
« Bonjour monsieur, passez une bonne journée. »
Amber souffla et glissa son sac de son épaule, comme toujours, la vie était injuste avec elle. Sa main glissa dans sa courte chevelure et le professeur s'adossa aux grilles à moitié fermées. Les bras croisés, il se racla la gorge, tapota son menton du bout de son index et l'élève s'impatienta en voyant que l'heure du début des cours allait sonner.
« Monsieur Choi, j'ai cours, trépigna-t-elle.
̶ Vingt squats et vingt pompes, puisque tu sembles pleine d'énergie et que le matin c'est le meilleur moment pour se remettre sur pieds avant l'entraînement de ce soir. »
La basketteuse serra les dents avant de commencer pour ne pas rater sa première heure. Elle fit rapidement ses flexions avant de se mettre à plat ventre pour terminer sa punition. C'était récupérant avec son coach, Amber semblait assez mal-aimée dans le lycée, mais la demoiselle était aussi celle qui avait le plus de chance de devenir le capitaine de l'équipe de basket. Ainsi, dès qu'il en avait l'occasion, le professeur de sport lui donnait des séances de sport gratuites pour la garder prête à toutes les éventualités.
Qian était déjà assise à sa place, son souffle reprit, c'était un bâillement qui avait quitté ses lèvres sèches par sa course. Elle posa son coude sur sa table et retint sa joue avec son poing en regardant les dernières secondes défiler avant de début du cours d'histoire. Sa meilleure amie n'arriverait jamais à temps. Alors puisque plus rien n'était intéressant, elle posa son bras contre son bureau et s'en servie comme d'un oreiller pour finir sa courte nuit.
Elle montrait rarement sa fatigue, juste que cette fois-ci, elle en avait marre des cours et attendait vraiment avec impatience d'avoir une semaine de vacances. Seulement, il y avait encore les examens de mi-parcours avant cela. Alors elle soupira et ferma les yeux pour ne plus y penser.
Le professeur était finalement rentré dans la salle et aussi impolie qu'elle voulait l'être, la jeune fille était restée dans sa position, fermant ses paupières et fronçant les sourcils une fois la porte claquée pour réveiller tout le monde. Il semblait bien qu'elle n'était pas la seule à vouloir dormir lors de cette première heure.
« Mademoiselle Song, il serait temps de sortir votre livre pour étudier la page deux-cent-quinze et répondre aux questions posées. »
Elle grommela en ouvrant une seule paupière, voyant la place d'Amber toujours vide. Son expression se ferma, c'était bizarre qu'elle ne soit pas encore arrivée. Qian se releva, sortant son livre de son sac en même temps que sa feuille de brouillon légèrement chiffonnée. Son regard plongea dans celui de l'adulte empestant le café noir et elle lui tendit le papier, un microscopique sourire aux coins de ses lèvres montrant toute sa fierté.
« Puisque vous l'avez déjà fait, vous pouvez faire la 216.
̶ Monsieur. »
Il tourna légèrement les talons pour la regarder.
« J'ai révisé toute la nuit, menti-t-elle sans scrupule, je peux me reposer à l'infirmerie ? Je ne me sens vraiment pas bien. »
Il acquiesça, ne pouvant pas vraiment refuser la demande que son élève lui faisait. Elle retint alors intérieurement son sourire et après avoir fait grincer sa chaise sur le sol en se levant mollement, elle traîna des pieds jusqu'à la porte de la salle de classe. Faignant la fatigue, glissant le dos de sa main sur son front avec son mauvais jeu d'acteur, elle était sortie du cours, victorieuse.
Amber quant à elle, n'avait jamais terminé ses pompes si vite. Elle avait vu Sunyeong, qui était aussi un peu en retard, passer les grilles alors qu'il lui restait encore la moitié de son exercice à faire. La basketteuse redoubla d'efforts et attrapa son sac en se relevant. Elle le glissa sur une seule épaule et s'élança pour la rattraper.
« A ce soir, m'sieur, baragouina-t-elle sans même le regarder. Sunyeong ! s'écria-t-elle en arrivant à ses côtés, viens. »
Elle ne savait pas du tout ce qu'elle était en train de faire, mais puisque les photos allaient sortir, que Jackson allait la prévenir, il fallait qu'elle en profite pour l'approcher. Le garçon manqué n'était pas du genre à sauter sur sa proie à la moindre occasion, mais la plus petite n'allait pas la rejeter alors qu'elle voulait juste parler un peu avec elle.
« Qu'est-ce que tu me veux ? Je vais être en retard à mon cours d'espagnol, pesta la plus jeune en tentant de se défaire de la présence d'Amber.
̶ J'ai besoin de ton aide, viens. »
Le garçon manqué tira la cadette par le bras, le début des cours sonna et Sunyeong soupira en se laissant traîner, de toute façon elle allait devoir chercher un billet de retard chez les surveillants avant de pouvoir assister à son heure d'Espagnol. Enfin, la lycéenne détestait son professeur à l'accent hispanique alors finalement, elle avait envie de sécher toute l'heure.
« En quoi je vais pouvoir t'aider ? demanda-t-elle dans un recoin de la cour où Amber l'avait coincé.
̶ Tu étais ami avec Krystal l'année dernière, n'est-ce pas ?
̶ Oui, mais je ne vois toujours pas en quoi, je vais t'être utile, railla la brune en croisant les bras.
̶ Est-ce que tu sais pourquoi elle ne parle plus à personne ?
̶ Il vaut mieux être seule que mal accompagnée, répondit-elle en haussant les épaules. Elle fait ce qu'elle veut. »
La basketteuse fronça les sourcils et plaqua violemment sa main contre le mur, s'approchant un peu plus de Sunyeong. Cette dernière avala sa salive, c'était bien la première fois qu'elle se retrouvait si proche d'Amber qu'elle voyait pratiquement tous les soirs depuis les gradins du gymnase.
Ses yeux étaient plantés dans ceux de la Coréenne, jamais elle n'avait si bien vu leurs fonds.
« Tu devrais faire la même chose, ni tes "amies", ni ton petit-ami ne te mérite, mais bon, la conseilla-t-elle avant de s'approcher de son oreille pour lui chuchoter la fin de son conseil, tu fais ce que tu veux. »
Qian était accoudée devant la fenêtre, au bout du couloir, à regarder son amie qui discutait avec la copine de son rivale. Amber avait toujours nié quoi que ce soit à son sujet, mais la meilleure élève du lycée n'était pas aveuglée par son dossier scolaire au point de ne rien voir. La basketteuse était amoureuse, ou du moins, avait le béguin pour Sunyeong.
Elle soupira en croisant les bras avant de tourner les talons, comme d'habitude le garçon manqué s'était fourré dans un certain pétrin, puisqu'elle n'allait jamais être acceptée dans son cours d'histoire après tant de retard mais, visiblement, ce n'était plus important. Puisque Qian avait une excuse, elle s'en fichait totalement comme cela ne la concernait pas. Sa meilleure amie était assez grande pour s'occuper de ses problèmes toutes seules.
Ainsi, la demoiselle se dépêcha, traversa le couloir jusqu'à la salle qui l'intéressait et avec une certaine légèreté, elle abaissa la poignée de la porte pour l'ouvrir. Il était très rare qu'elle soit hésitante, mais elle ne savait pas du tout sur quoi elle allait tomber. Puis elle entendit du bruit et une violente secousse la projeta en avant, l'effrayant tellement elle ne s'y attendait pas. Qian fit un petit pas en arrière, son cœur tambourinant dans sa poitrine.
Quelques secondes plus tard, son col empoigné, elle fut happée dans la salle vide, disparaissant du couloir, redevenant enfin vide de toute présence.
« Qu'est-ce que tu fais là ? Quelqu'un t'a vu ? la sermonna Krystal en la plaquant contre la porte, son profond regard plongé sur la Chinoise.
– N-Non... Pourquoi ? », bégaya-t-elle, comme souvent, lorsqu'elle ne prenait pas assez son temps pour dire ce qu'elle pensait.
Krystal fit un pas en arrière, laissant enfin Qian respirer un peu. Elle soupira en glissant sa main dans ses cheveux avant que ses yeux ne plongent dans le regard de la Chinoise sans qu'elle ne le veuille. Soit, ils étaient beaux, mais rien ne pouvait être lu en eux, comme si à la place d'un livre ouvert, ce n'était qu'un vieux grimoire scellé.
« Il y a déjà toutes sortes de rumeurs sur moi, je n'ai pas envie qu'on en rajoute et que tu sois mêlée à n'importe quoi, marmonna la chimiste en retournant derrière la deuxième rangée. J'ai encore pleins de choses à faire en plus et j'ai cours dans moins d'une demi-heure.
– Tu... veux que je parte ?
– Fais ce que tu veux.
– Je vois », répondit-elle en tournant les talons.
Qian était légèrement vexée de la voir aussi peu intéressée par elle. Peut-être parce que la Chinoise était devenue un peu trop obnubilée par Krystal, mais tout ce qu'elle souhaitait était que ce soit réciproque, ou alors c'était simplement sa solution dans sa fiole au-dessus du chauffe ballon qui l'hypnotisait comme une drogue. Finalement, certaines rumeurs pouvaient sûrement s'avérer réelles.
« Ça tient toujours pour samedi, treize heures ? demanda la chimiste avant de remettre ses lunettes de protection.
– Mh, à toi de voir. »
Comme d'habitude, ses répliques étaient donnant-donnant.
La Chinoise referma la porte, glissa ses mains dans les poches de sa veste et traîna tranquillement jusqu'à l'infirmerie pour se coucher jusqu'à son cours suivant. Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour profiter d'un peu de sommeil en plus, mais tant qu'elle était loin de monsieur Kang, son cher professeur d'histoire, tout allait parfaitement bien.
Et c'est en descendant les escaliers qu'elle croisa Sunyeong. Un petit sourire aux lèvres, Qian murmura un petit "salut" à cette dernière avant de tourner en arrivant au rez-de-chaussée vers le couloir où il y avait toutes les salles des professeurs.
« Salut, Qian. »
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