Leucémie
Salut! Moi, c'est Emma, et je vais vous raconter une partie de mon histoire. La partie la moins marrante, en fait.
J'ai 17 ans, j'ai eu une enfance plutôt normale, jusqu'à ce 10 octobre 2010. 10/10/10, comme l'a écrit l'infirmier sur ma perfusion, la première fois que j'ai mis les pieds dans un hôpital. Quelles sont les raisons de mon entrée là dedans? Une fièvre violente, un mal de crâne insupportable, et un corps douloureux, mais à un point! Vous n'imaginez pas. Les médecins ont vaguement cherché, m'ont filé quelques anti-douleurs et antibiotiques, et comme je semblais guérir, hop! retour à la maison.
Pourtant, je n'allais pas réellement mieux. J'étais constamment fatiguée, il m'était devenu impossible de courir avec les autres enfants dans la cour de l'école. J'étais d'une pâleur cadavérique, étais constamment malade, amaigrie. Une angine et une poussée de fièvre plus impressionnantes que d'habitude m'ont à nouveau propulsée aux urgences. Nous étions le 02/01/11. Cette fois, la date n'a fait rire personne. Ni moi, ni mes parents, ni le personnel médical. Lorsque je me suis déshabillée devant ma mère et ce gentil infirmier nommé Lilian, j'ai vu leurs yeux s'agrandir d'effroi. Je me suis observée et ai remarqué qu'il y avait davantage de bleus sur mon corps qu'à l'accoutumée. Mais j'étais une enfant maladroite, pour moi, ça n'était rien de grave.
Je me souviens de cette période, période durant laquelle on a cherché de quoi je souffrais, par bribes, des séquences, des épisodes. Les aiguilles, les perfusions, les prises de sang, les échographies, les radiographies, les IRM, les regards pleins de pitié et de gentillesse des infirmiers, l'inquiétude dans les yeux de Sandrine, la docteur en charge de mon cas, les larmes dissimulées de mes parents. La nourriture de l'hôpital qu'on finit par manger sans même la trouver dégueulasse, la télécommande pour contrôler la position du lit qui m'a amusée pendant quelques heures, le va-et-vient incessant dans le couloir, la prise de température à trois heures du matin.
Enfin, un soir, Sandrine, accompagnée de Lilian, ce jeune infirmier qui m'avait accueillie à mon arrivée, était venue nous apporter le diagnostic.
Leucémie aigueë lymphoblastique. LAL de son petit nom.
Et quel petit nom. Ça m'a rappelé l'histoire de Siméon, dans le livre "Oh, Boy!". Lui aussi, il la chope, la maladie. Et il s'en sort. Alors, je me mets en tête que je serai comme Siméon, mais en fille. Et j'entends des mots. Ça fait comme une chaine, un flot ininterrompu de trucs qui font peur, que je ne comprends pas, pas encore.
globules moelle osseuse traitement chimiothérapie radiothérapie effets secondaires vomissements perte de cheveux et de l'appétit fatigue intense possible greffe bonnes chances de rémission complète
Se battre. Lutter. Résister. Être forte. Courageuse. Résister. Avoir confiance. Y croire. Résister, encore et toujours. On lui fera la peau, à la leucémie.
Les premiers mois de traitement furent terribles, douloureux. L'hôpital était devenu ma seconde maison. Durant sept mois, je ne l'ai pas quitté. Ah, je pourrais vous parler du prélèvement de moelle osseuse, des prises de sang. De la première mèche de cheveux qui reste entre les doigts. De la course pour attraper la poubelle, pour vomir ces trois grains de riz que j'ai réussi à ingurgiter. Des heures passées à dormir pour oublier que je suis faible. Je pourrais aussi vous parler du soutien de mes parents et de leur peur devant mon état, de la gentillesse et de l'efficacité des personnes qui prenaient soin de moi, du sourire rassurant de Sandrine, de la main toujours tendue de Lilian, ses grands yeux verts qui me promettaient que ça irait.
Et puis, un beau jour, je quittes l'hôpital. Pas définitivement, bien sûr, mais je peux retrouver mon vrai lit, dans ma chambre, dans ma maison, certains soirs. Je peux faire ma rentrée au collège à peu près comme tout le monde, mes cheveux massacrés dissimulés sous une perruque que je déteste. Je suis parfois absente, mais je me bats sans cesse pour garder une existence normale. Personne, dans mes camarades ou mes amis, n'est au courant.
Le 24/05/12, on m'annonce que je suis officiellement en rémission complète, mais pas guérie, ça non. Il y aura un suivi régulier durant cinq ans, ensuite nous verrons.
Nous sommes le 01/05/17. Je n'ai pas rechuté. Personne ne sait rien de mes visites à l'hôpital, de ma maladie, de ce que j'ai enduré pour en venir à bout. Parfois, lorsqu'on me demande pourquoi mon sourire disparaît, j'ai envie de répondre que c'est parce que son ombre plane et planera toujours au-dessus de ma tête.
La leucémie.
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