APPAREMENT SE FAIRE heurter par une comète n'était pas une excuse valable pour la marâtre. Si j'arrivais à aller jusqu'à la cuisine et frapper Joséphine pour qu'elle arrête de me câliner, alors je pouvais aller à l'école. Bullshit. C'est ainsi que je me retrouvais à huit heure du matin, en cours de physique, épuisée et chamboulée émotionnellement. Je n'arrêtais pas de penser à cet alien coincé dans ma peau. J'avais l'impression de rêver.

Mamá m'avait clairement fait comprendre qu'elle ne s'inquiétait pas le moins du monde pour ça, et qu'elle allait me faire voir un médecin généraliste. Un médecin généraliste. Mais qu'allait-il faire ? Me prescrire trois jours de repos ainsi que du doliprane ? Ou bien alors appellerait il la police qui elle-même appellerait la NASA et je resterais enfermée dans la Zone 51 jusqu'à ma mort ? La deuxième solution semblait la plus réaliste.

-Mademoiselle Shepherd, on rêvasse ? ricana une voix lointaine.

Je relevais les yeux de mon cahier, quand j'entendis des pas venir vers moi. Une main inconnue -qui devait appartenir au professeur- se saisissait de mon cahier sous mon regard fatigué. Madame Guaïda, qui enseignait la physique, affichait un air indigné et sous le choque en détaillant la double-page, elle la redressa de façon à ce que tout le monde puisse voir l'intérieur de mon cahier et s'exclama de sa voix éraillée.

-Je n'accepte pas ça dans mon cours, c'est compris Mademoiselle ? Vous me décevez beaucoup. Je suis dans l'obligation de vous faire sortir de mon cours. 

Griffonner sur une double-page et voilà ce qui m'attendais. Mes yeux se fermaient tout seuls et ce que disait la professeur ne m'atteignait même pas.

J'étais là sans vraiment l'être. Garett me donna un coup de coude dans les côtes, je grognais et commença à ranger mes affaires dans mon sac, je me levai, les pieds trainant et les paupières papillonnantes.

Je passais devant mes camarades, le tableau, et restais scotchée devant la porte fermée, je n'avais pas la force de l'ouvrir mais comment le dire ? 

-Qu'est-ce qu'il se passe encore ? soupira l'adulte.

Risquer le tout pour le tout, de toute façon j'étais déjà virée.  

-Vous pouvez m'ouvrir la porte s'il-vous-plait ? Je crois que j'ai plus de force à cause de la fatigue.

Pour démontrer la véracité de mes propos, je levai mon bras d'un mouvement lourdaud et faisais comme s'il retombait contre mon corps sous son immense poids.  La classe ricana pendant que la professeur soupirait un "comme d'habitude Eros", que je ne prenais pas en compte. Madame Guaïda me dépassa et ouvrit la porte d'un geste rapide pour me faire m'en aller plus vite de sa classe. Je ne saluais personne et vagabondais dans les couloirs vides pendant un moment. 

Les casiers jaunes. Le sol au carrelage monochrome. Les murs gris. Les néons qui grésillaient au-dessus de ma tête. On dirait une prison. Ou un asile. Je toquais contre la porte ébène du bureau du proviseur en grognant pour saluer la secrétaire qui répondit d'un joyeux "Bonjour Miss Shepherd". J'attendis quelques secondes. Personne ne me répondait alors je posa ma tête contre la porte et ferma les yeux pour les reposer. Pourquoi tout semblait si revenu à la normal ? Je soupirais d'aise, les yeux toujours clos. Ça faisait un bien incroyable. 

Je sentis le vide sous mon front, sans même avoir eu le temps de pousser un cris, mon corps s'étala sur le sol, l'air se propulsa hors de mes poumons et je toussais un peu pour reprendre mon souffle. J'ouvris mes yeux, la première chose que mon regard rencontra est la chaussure cirée d'un homme, je relevais la tête pour apercevoir le directeur, un sourire amusé sur les lèvres.

-Alors Eros, encore des problèmes de sommeil ? 

Il rigola en re-mettant droit son béret noir qu'il ne quittait jamais. So frenchy . Monsieur Utah me tendit sa main mais je me relevais en vitesse en m'écartant de lui. Il fallait assurer une distance de sécurité. L'adulte fit mine de rien et partit s'assoir à son bureau. Je le suivais, ma cuisse me lançait et la douleur revenait en petites vagues assez supportables. Je m'asseyais vite fait dans le fauteuil en cuir noir qui sentait l'intérieur d'une voiture neuve, cette odeur qui me faisait avoir des hauts le coeur pendant les trajets. Mon sac à dos noir reposait sur mes genoux et j'attendais ma punition. Parce qu'évidemment devait venir la punition. 

-Qu'as-tu donc fait cette fois ? commença Monsieur Utah.

-J'ai dessiné dans mes cahiers parce que j'étais fatiguée et que le cours n'était pas intéressant. 

-Toujours aussi direct mademoiselle, il se renfrogna, ce comportement ne me plait pas beaucoup.

-C'est à cause de ma mère, plaignez-vous à elle, je soufflais sur une mèche de cheveux d'un air distrait.

Il soupira et leva les yeux au ciel en m'observant. Je faisais souvent soupirer les gens en ce moment. 

-Eros, tu n'as toujours fait aucun sport depuis ta première année ici ? Il semblait stupéfait.

Mon lycée avait une grande réputation pour ses sports extra-scolaires, nombreux et variés qui offraient beaucoup d'avantages pour les bourses, alors les étudiants en profitaient -presque- automatiquement. Mais je n'avais jamais été intéressée dans aucun sport, ma passion pour la solitude ne m'offrant pas la possibilité de faire une quelconque activité, surtout ceux en équipe, j'eu un frisson de dégoût à cette pensée. Ils devaient souvent se toucher entre eux ( de façon non sournoise ). Et ce n'était pas possible pour moi, seulement dans mes cauchemars, et pour l'instant ils étaient hantés par des insectes bleus.

-C'est excellent alors ! Souriait Monsieur Utah, il manque une place dans notre nouveau club pour qu'il puisse démarrer, je suis sûr que ça va te plaire.

Mes yeux s'agrandissaient petit-à-petit, ce n'était pas possible ! Je retenais mon souffle, mon coeur battait de plus en plus vite pendant que je posais la simple question. Je n'étais pas sportive, ce n'était pas pour moi, je n'avais aucune endurance et si j'avais réussie à m'endormir dans une foret pendant la nuit alors je pouvais très bien m'endormir sur un stade ou sur des tapis.

-Quel club ?

-Escrime !

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Bon au début je me disais que je devais choisir un sport et le truc, c'est que je ne fais pas beaucoup de sport (dédicace à Eros), donc j'ai juste fermé les yeux dans un catalogue d'activités mais juste quand j'allais fermer les yeux c'est venu tout seul. L'escrime. Ouais c'est spéciale, hein, mais j'aime bien c'est gracieux.

Allez kiss les kids.

-Ankh

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