CHAPITRE 1 - ELLE
Chapitre 1
Selena
Avril 2015
☆☆☆
Je pensais que ce serait une bonne journée aujourd'hui. Il faut croire que le destin s'amuse à mettre des obstacles sur mon chemin pour mieux m'achever. Je me suis pourtant réveillé ce matin avec cet agréable sentiment et quand je suis sortie de chez moi, j'ai eu la chance de ne pas croiser mon concierge et j'ai même trouvé un billet de un dollar par terre.
Pourtant, quand cette femme face à moi me tend mon CV, un sourire hypocrite aux lèvres, je comprends que je me suis complétement gourée. Cette journée est horrible.
Elle fait mine d'être désolée mais je ne suis pas dupe et je comprends très bien qu'elle est loin de l'être. Je le vois très bien à son petit sourire narquois.
— Je vous remercie, passez une bonne journée, je dis sans reprendre pour autant mon CV.
Je déteste faire mauvaise impression et je me dois de rester polie et courtoise. J'ai besoin de ce job. C'est vital.
Je tourne les talons, réajuste la bretelle de mon sac à main sur mon épaule et part en direction de la porte de ce salon de coiffure réputé.
— Mademoiselle Suarez ?
Je me retourne, espérant que la responsable du salon ait soudainement changé d'avis. Je pivote rapidement sur moi-même et me tourne vers elle, un large sourire aux lèvres.
— Vous avez oublié vos clefs de voiture.
Mon sourire s'efface aussitôt. Je m'empresse vers son comptoir et saisis mes clefs d'une main ferme. Je souffle un merci puis sors du salon, encore plus accablée.
Dehors, le soleil tape toujours autant. Il faut dire que le présentateur du journal télévisé nous a annoncé le week-end le plus chaud de la saison, enregistrant un pic-record de chaleur depuis plus de quarante ans.
Je jette un dernier coup d'œil derrière moi. Quelle idée ai-je eu de postuler à ce poste dans le salon de coiffure le plus réputé de la ville ? Je croyais quoi ? Cette femme m'a vu venir à des kilomètres. Elle a dû voir une pauvre fille se pointer dans le meilleur salon de la ville, réclamant un poste alors qu'elle a autant de fric dans sa poche que d'expérience sur son CV. Je devrai me frapper tellement je suis pathétique.
Je sors de mes pensées quand je rencontre un corps dur et que mon sac à main tombe à mes pieds, son contenu se renversant sur le trottoir.
— Vous pourriez faire attention, m'aboie un homme.
Je plisse le front et le regarde s'éloigner avant de m'abaisser et ramasser mes affaires. Je le vois longer le trottoir puis entrer dans le salon de coiffure, habillé dans un costume qui a dû coûter aussi cher que l'équivalent de mon loyer annuel. Il ne m'a même pas jeté un regard. A croire que je suis transparente. Je peste intérieurement contre ce crétin et fourre rapidement mes affaires dans mon sac à main.
Ce n'est pas ma journée. J'aurais mieux fait de restée coucher. Mais il est impossible pour moi de m'apitoyer sur mon sort. On compte beaucoup trop sur moi pour que je me laisse abattre.
Je m'empresse de rejoindre ma voiture et constate avec horreur qu'un agent est en train de me verbaliser. Non, ce n'est définitivement pas ma journée. Je cours jusqu'à lui, préparant mentalement tous les arguments possibles et inimaginables pour éviter cette contravention. Vu sa mine refrognée, je sens que je vais devoir pleurer misère et sortir les grosses larmes.
— C'est bon, Monsieur l'agent ! Je suis là !
L'homme lève les yeux de son carnet de contravention et me regarde avec dédain.
— Ouais ? Et ?
— Et vous n'êtes plus obligé de...
— Trop tard ! me dit-il.
Il m'offre un sourire hypocrite et coince sa contravention derrière l'essuie-glace de ma voiture sans me quitter des yeux. Il s'éloigne de moi alors que je récupère l'amende. Il ne m'a même pas laissé le temps de dire quoi que ce soit et son attitude m'a laissé penaude.
Je monte dans ma voiture, sans y jeter un œil. Je ne préfère pas me déprimer encore plus en voyant le montant de la nouvelle tuile qui m'est tombée dessus. J'en ai suffisamment comme ça !
Je tourne la clef dans le neiman de la voiture et je dois insister pour que cette saloperie se décide enfin à démarrer. Cette poubelle roulante ne va pas tarder à me lâcher dans les pattes, ce qui ajouterait un nouveau problème en plus de ceux que j'accumule. Je n'ai pas les moyens de m'acheter un désodorisant à voiture alors une nouvelle voiture, c'est impossible.
Une fois engagée sur la route, je me laisse aller à mes pensées, me disant que cette foutue journée ne peut pas être pire. Parfois, j'aimerais être suffisamment folle pour avoir le courage de braquer une banque. Je partirais d'ici, de cette ville et je filerai aussi loin que possible de Miami. Je me verrais bien sur une plage de sable blanc, à l'autre bout de la planète, à siroter des cocktails toute la journée en ne pensant à rien d'autre qu'au diner du soir et du maillot de bain que je mettrais le lendemain.
Arrivée devant l'immeuble de mon appartement, je ne prends pas la peine de verrouiller ma voiture. Elle ne se verrouille plus depuis bien longtemps et personne ne serait assez fou pour essayer de voler cette épave. Je prends mon courrier dans ma boîte aux lettres, salue Madame Garcia, ma voisine du premier et grimpe les deux étages en silence, espérant ne pas tomber sur le concierge de mon immeuble. J'ai deux mois de loyer de retard et vu comment c'est parti, il n'est pas prêt de voir son argent.
J'entre dans mon appartement, essoufflée. Depuis le salon, j'entends le générique d'un dessin animé et me dirige lentement vers ce son qui me fait penser à lui.
Allongé au sol, Sam est concentré sur sa feuille, un pastel vert à la main. Il tire la langue en baladant son crayon, coloriant ce qui semble représenter de l'herbe. Je reste un instant à l'observer. Il est magnifique. Ma plus grande fierté. Ma seule fierté en réalité. Et je remercie chaque jour Dieu de l'avoir à mes côtés.
Je toque sur le bâti en bois et la tête de Sam se tourne aussitôt vers moi. Dès qu'il me voit, son visage s'illumine. Je suis prête à parier que j'ai le même visage. Il lâche son pastel et saute sur ses pieds pour courir vers moi.
— Maman ! dit-il, joyeux.
Je m'abaisse aussitôt et il me saute au cou. Je m'enivre de son odeur et sourit en me disant que l'homme qui partage ma vie est parfait.
— Tu m'as manqué, Maman ! Beaucoup, beaucoup, beaucoup !
Oui ! Parfait !
— Toi aussi, tu m'as manqué mon bébé.
— Je ne suis pas un bébé, réplique-t-il, boudeur.
— Pardon ! Mon petit homme, je rectifie pour lui faire plaisir.
Toujours accroché à mon cou, mon fils me dépose une série de bisous humides sur la joue et me serre le cou, heureux de me voir. Au bout d'un moment, il me relâche et je me relève.
— Où est Lola ? Je demande.
— Dans la cuisine.
Je lui souris mais il est déjà retourné à son dessin. Je pénètre dans la cuisine et vois Lola, concentrée sur ses exercices de maths.
— Salut ! Je dis
— Oh ! Salut Selena, me dit-elle en souriant.
— Ça va ? Sam a été sage ?
— Oui. Comme d'habitude. Un vrai petit ange.
Je souris. J'aime quand les gens me disent que j'ai un petit garçon sage et poli. Ça me réconforte dans l'idée qu'il y a au moins une chose dans ma vie que je n'ai pas loupée.
— Il a pris ses médicaments ? Je demande
— Oui, oui.
Elle se lève de sa chaise, abandonnant son stylo et ses devoirs et s'approche du placard de la cuisine. Elle sort un des flacons de médicaments et me dit en grimaçant :
— Il n'en reste plus beaucoup. Il faudrait que tu retournes à la pharmacie.
Mon sourire s'efface aussitôt. Déjà ? J'ai l'impression d'y avoir été il y a deux jours. Je me reconcentre sur Lola qui referme ses cahiers et livres qu'elle fourre dans son sac.
— Oh ! Et son inhalateur refait des siennes !
— D'accord. Je vais regarder ça.
Je n'ai pas vraiment le choix. Sam a autant besoin de son inhalateur que l'homme a besoin de se nourrir. Et puis, ce n'est pas comme s'il y avait un charmant papa pour le faire. Je suis seule. J'ai juste Sam. Et j'ai dû apprendre à me démerder avec le temps.
— Tu te rappelles que je vais au ciné ce soir ?
— Oui, oui.
— Tu es sûre ? Je peux annuler si tu as besoin que je garde Sam.
— Non, il n'y a pas de soucis. Je m'en occupe. Vas t'amuser avec tes amis.
Elle me sourit, me souhaite une bonne soirée et quitte la cuisine. Je l'entends saluer Sam depuis le salon.
— À demain le monstre
— À demain Lola.
Je souris. Sam adore Lola. C'est une jeune fille super. Bonne élève, responsable et indispensable à mes yeux. Chaque soir, elle s'occupe de garder Sam alors que je suis au travail. Ça lui permet surtout de s'évader de chez elle, ne serait-ce que quelques heures pour qu'elle puisse être au calme pour ses devoirs. Chez elle aussi, la vie n'est pas facile. Alors elle a trouvé refuge chez moi.
Mais je vais devoir bientôt trouver une autre solution. Lola a décroché une bourse d'études dans une université à Atlanta et dans quelques semaines, elle partira de l'atmosphère néfaste de chez ses parents. Mère alcoolique, père junkie et une dizaine de mioches qui braillent là-dedans. La vie n'est pas simple pour tout le monde.
— Mon poussin, tu te prépares ?
— On va où ? demande Sam en relevant la tête de son dessin.
— Maman doit aller travailler.
— Lola va venir me garder ?
J'attrape les chaussures de mon fils et commence à lui passer. Je galère à faire entrer son pied. Je crois qu'il est temps que je lui en achète de nouvelles aussi. Celles-ci sont officiellement trop petites.
— Non, mon chéri. Lola doit sortir ce soir et elle ne peut pas te garder.
— Pourquoi ?
— Parce que Lola a le droit d'aller voir ses amis de temps en temps.
— Et elle va faire quoi ?
Qu'est-ce qu'il est curieux, ce n'est pas possible.
— Quelque chose qui ne te regarde pas, vilain curieux. Allez, va chercher ton sac à dos. Maman va être en retard.
Il court vers l'entrée, passe difficilement les bretelles sur son dos et je l'aide tout en enfilant mes talons. J'attrape ma mallette et verrouille l'appartement. Je soupire à l'idée de ne pas avoir encore fini ma journée mais aller couper les cheveux des filles me permet de gagner un peu d'argent. Et vu que les pieds de Sam ont grandis, je ne peux pas me permettre de cracher dessus.
Ce soir, je gagnerai soixante dollars ce qui me permettra de payer aussi ma contravention. Moi qui pensais que ce serait pour remplir mon frigo. Il va falloir que je me débrouille autrement.
Quand nous arrivons enfin, je me gare rapidement, en prenant soin de ne pas me coltiner une nouvelle contravention surprise. Ce n'est pas le moment de rajouter un autre problème à tous les autres. J'en ai suffisamment. Bien trop.
Je fonce dans la ruelle et entre par l'entrée de service. Je longe le long couloir plongé dans le noir, ma mallette en main et la main de Sam dans l'autre. Je passe discrètement devant le bureau du manager, qui est occupé à compter une épaisse liasse de billets contenant suffisamment de fric pour régler toutes mes factures du mois. J'arrive à peine dans la loge des danseuses que Sam lâche ma main et s'empresse de grimper sur Becky.
Becky est ma sauveuse, mon pilier. Sans elle, je ne serais sûrement pas là où j'en suis. J'aurais sûrement confié mon fils aux services sociaux et j'aurais sûrement fini prostituée ou camée. Voire les deux.
— Oh ! Mais c'est le petit homme de ma vie !
— Oui, dit Sam, un peu timide.
J'ai toujours eu des doutes mais je crois que Becky est le premier coup de cœur de mon fils. Je trouve ça mignon. Il lui saute au cou et se blottit contre elle.
— Salut ma belle, me dit-elle.
Je lui fais un petit signe de la main et me positionne derrière elle. Je caresse ses longs cheveux blonds avant de prendre une brosse et de les démêler.
— Mais dis donc, toi, dis-moi la vérité. Tu t'es fait tout beau pour venir voir Tatie Becky !
— Oui. Et regarde comment je sens bon.
Il tend son cou à Becky qui s'empresse de fourrer son nez. Elle en profite pour le chatouiller en lui soufflant dans le creux de son cou et Sam rit aux éclats. Quand je le vois comme ça, je me dis qu'il est heureux et que le peu que j'arrive à lui apporter le satisfait. Les enfants sont parfois si simples à contenter.
Sam a toujours été un petit garçon attachant, et ça depuis qu'il est né. Du haut de ses cinq ans, il est vif, intelligent et s'intéresse à tout. Il est très curieux, un peu timide mais n'hésite pourtant pas à aller accoster les gens dans la rue. Tout le monde le trouve mignon, ce qui me remplit de fierté. Et oui, je fais partie des mamans qui bavent littéralement devant leur progéniture.
— Eh oh ! La Terre appelle Selena ! me fait Becky en claquant ses doigts devant mes yeux.
Je reporte mon attention sur elle. Elle me sourit, malicieuse.
— Tu étais en train de penser à ton prince charmant ? rit-elle.
En quelque sorte ! Mon fils est mon petit prince.
— Quel prince ? Celui qui me décevra, comme ils le font tous si bien ? Je dis, légèrement agressive.
Becky roule des yeux. Ma meilleure amie fait partie des amoureuses de l'amour, comme j'aime les appeler. Le principe est simple : elle tombe amoureuse toutes les deux heures et à chaque rencontre, elle se voit déjà mariée, filant le parfait amour avec son prince charmant. Soit elle est folle, soit elle regarde trop de dessins animés. Moi, j'ai fait une croix sur les hommes depuis bien longtemps. Depuis lui.
Je préfère ne pas lui laisser l'occasion de me relancer sur le sujet. Becky ne cesse de me dire depuis quatre ans que je devrais rencontrer quelqu'un. Tomber amoureuse.
— Tu devrais rencontrer quelqu'un. Tomber amoureuse.
Je ris intérieurement. Je connais ma meilleure amie par cœur. Même ses répliques.
— Je suis déjà amoureuse.
Ses yeux se relèvent et elle croise mon regard à travers le miroir. J'affiche un petit sourire quand elle se retourne rapidement.
— Attends, attends. Tu as rencontré quelqu'un ? Depuis quand ? C'est qui ?
Je souris encore plus, me retenant de ne pas exploser de rire. Elle pousse un petit cri de joie et frappe dans ses mains plusieurs fois en sautillant sur sa chaise. Sam rit devant son comportement, bien qu'il ne semble pas comprendre grand-chose.
— Qu'est-ce qui la rend aussi heureuse ? J'entends derrière moi.
Je me retourne et vois Amber entrer tel un boulet de canon dans la loge. Elle dépose un baiser sur ma joue et attrape Sam dans ses bras.
— Coucou mon amoureux !
— Coucou Tatie Amber.
Sam parsème de bisous la joue de mon autre amie alors que je sors ma paire de ciseaux de ma mallette.
— Alors ? fait Amber en se laissant tomber devant sa coiffeuse.
Becky sourit à pleines dents et me fixe dans le reflet du miroir.
— Selena est amoureuse, dit-elle, joyeuse.
— Non ! Lâche Amber, abasourdie par sa révélation.
C'est à son tour d'afficher un grand sourire.
— Eh bien, Alléluia ma sœur ! J'étais à deux doigts de t'emmener dans un couvent.
— Tu m'étonnes ! J'avais peur qu'elle ne revoie plus le loup avant... En fait, j'étais persuadée qu'elle ne le reverrait plus jamais de sa vie.
Les pestes ! Tout ça parce que je ne suis pas une fille légère, elles pensent que je finirai vieille fille.
— Bon, dis-nous tout ! demande Becky
J'hoche la tête, bien décidée à me venger de leurs paroles qui m'ont légèrement blessée. Les deux filles miaulent entre elles, impatientes d'avoir les derniers potins.
— Qui est ce ?
— Tu l'as rencontré où ?
— Il est riche ?
— C'est un bon coup ?
Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Vu comment elles me cuisinent, je ne suis pas prête de leur dire le jour où je rencontrerais quelqu'un. Je regarde mes deux amies et ne peux m'empêcher d'éclater de rire. Elles se regardent, ne comprenant pas ma réaction.
— Putain mais c'est qui ? Lâche Amber, impatiente.
— Ok, je vous raconte. Je l'ai rencontré il y a un peu plus de cinq ans maintenant.
— Oh ! J'adore quand deux personnes se revoient après plusieurs années, c'est comme dans les films d'amour. C'est si romantique, fait Becky.
Becky soupire d'aise alors qu'Amber grimace. Elles reportent leurs attentions sur moi.
— Dès que je l'ai vu, j'ai eu le coup de foudre pour lui.
— Oh, putain ! C'est trop mignon. Et on le connait ? demande Becky.
J'hoche la tête et je vois que mes deux pestes préférées sont au summum de l'excitation.
— Qui c'est ?
Je finis par baisser mon regard vers Sam, allongé sur le sol, qui s'amuse à imiter un accident entre deux de ses petites voitures. Mes amies tournent la tête vers mon fils et Amber laisse échapper un juron. Je la sermonne du regard.
— Petite peste ! Tu nous as fait croire que...
— C'est vous les pestes à dire que je finirai vieille fille ou dans un monastère.
— Ne te vexe pas, Selena, mais tu ne penses pas qu'il est temps que tu trouves quelqu'un et que tu lui file la clé de ta ceinture de chasteté ?
— Amber a raison. Il te faudrait un homme qui t'aimera pour ce que tu es, qui aimera Sam et qui t'aidera avec lui, dit Becky.
— Et s'il a un gros portefeuille, qu'il a un corps d'Apollon et qu'il sait utiliser sa queue, tu auras décroché le gros lot ma belle, renchérit Amber.
Je souris en secouant la tête.
Autant Becky est une éternelle romantique, prête à tomber amoureuse à chaque coin de rue, autant Amber est une femme qui aime le sexe et la compagnie des hommes et qui l'assume. Je ne dis pas que c'est une salope, je n'ai jamais aimé ce terme. Disons qu'elle est une femme moderne, qui vit avec son temps et profite des joies de la vie. En réalité, je l'admire pour ça. Pour moi, c'est juste impossible. Ma dernière relation m'a tellement traumatisée que je ne suis pas sûre de vouloir risquer de tenter l'expérience à nouveau.
— Non, sans rire, Selena. Tu mérites de trouver quelqu'un d'aussi bien que toi. Un homme qui se réveillerait chaque matin en se disant qu'il a de la chance de t'avoir, dit Becky
— Qu'est-ce que tu peux être naïve, ma pauvre, fait Amber, navrée. Et dans ton monde enchanté, le mec sait où est le panier à linge sale et fait de bons petits plats tous les soirs ?
— Bah ouais, répond Becky en haussant les épaules.
Amber met une frappe derrière la tête de Becky qui laisse échapper une plainte.
— Réveille-toi, ma belle. Un mec comme ça, ça n'existe pas. Alors arrête de le chercher. Non, ce qu'il faut pour Selena, c'est un bon mari qui la couvrira du besoin, elle comme Sam.
— Mais pourquoi tu dis ça ? Tu crois que Selena va vouloir se remettre sur le marché si tu dis des choses pareilles.
— C'est un conseil. Je la prépare à tomber sur un salop qui se foutra d'elle et...
Je secoue la tête. Avec ces deux folles, c'est toujours comme ça. Quand il est question de savoir si je dois refaire ma vie, elles m'ignorent complètement. Elles devraient se recycler dans une agence matrimoniale. C'est sûrement pour ça que je ne cherche pas à trouver quelqu'un. Je ne supporte pas qu'elles veuillent contrôler ma vie. Je suis bien seule, je n'ai pas besoin d'un homme. Juste besoin de mon petit homme.
Ma tête se tourne vers la porte et Tony passe la tête dans l'encadrement de la porte. Il paraît surpris de me voir ici et ne daigne même pas me saluer.
— Ah ! Ça tombe bien que tu sois là ! dit-il sans introduction.
Je ferme les yeux, préparée à ce qu'il va m'annoncer.
— Jody n'est pas là. Elle est malade. Tu la remplaces.
Et merde !
— Je suis en off ce soir, je dis en donnant un dernier coup de ciseaux aux cheveux de Becky. Et j'ai mon fils.
Tony tend le cou et voit Sam, toujours occupé à jouer avec ses petites voitures. Il est imperturbable dans ses cas là.
— Putain ! Vous me faites chier à ramener vos mioches quand vous êtes de service.
— Je te répète que je ne travaille pas ce soir, je râle.
— Ouais, mais tu es là, donc ça veut dire que tu as sûrement besoin de fric sinon tu ne trainerais pas ici. Prépare-toi. Tu rentres en scène après Becky.
Il ne me laisse pas répondre qu'il a déjà tourné les talons. Je souffle de rage. Je me fais avoir à chaque fois.
Becky me sourit, désolée alors qu'Amber se lève de son siège. Elle nous souffle un baiser et quitte la pièce.
— J'ai Sam, je souffle. J'en fais quoi ?
Becky se tourne vers moi.
— Pas de soucis. Avec Amber, on le surveillera.
Je finis par opiner.
Avec elles, Sam est entre de bonnes mains. Elles sont géniales avec lui et j'ai une confiance aveugle envers mes deux meilleures amies.
Je pose ma paire de ciseaux et m'installe devant ma coiffeuse, résignée. Je prends un pinceau et commence à me maquiller. Je déteste mon boulot. Mais sans lui, je ne pourrais pas payer les médicaments de Sam.
Une fois maquillée, Becky me tend mon « uniforme » alors qu'elle quitte la pièce à son tour. J'observe Sam. Il est tellement concentré qu'il n'a pas remarqué que Becky et Amber sont parties. Je me déshabille rapidement et enfile cet uniforme que je déteste tant.
Depuis le couloir, j'entends déjà la musique du show de Becky. Je prends une grande inspiration en me disant que dans quelques minutes, ce sera mon tour. Amber revient dans la loge et me sourit, satisfaite.
— Vas-y ma grande, dit-elle. Je surveille ton petit homme.
J'attrape ma perruque blonde et lui sourit, plus pour me donner du courage que pour la remercier. Je sors à mon tour de la loge, longe le couloir et arrive en coulisse. Tony tourne la tête dès qu'il me voit.
Alors que mon regard est fixé sur la scène, aucun de nous ne parle. La salle est pleine, rien d'anormal pour un vendredi soir. L'ambiance est déjà survoltée et je sens ma gorge se nouer à l'idée que dans quelques secondes, ce sera mon tour. Dans quelques secondes, ce sera sur moi que seront braqués tous ses regards. Le trac m'envahit, comme à chaque fois que les dernières notes de la musique du show de Becky se font entendre. Je tourne alors ma tête vers Tony.
— Je te préviens, je veux être payée dès que je sors de scène.
Il opine d'un signe de tête.
— Et je veux du cash, je lâche.
Becky sort à ce moment de la scène en souriant.
— Ils sont chauds ce soir ! dit-elle toute joyeuse avant de partir vers les loges.
Tony profite qu'elle passe devant lui pour lui claquer les fesses. Je déteste quand il fait ça et je l'esquive toujours quand c'est ma sortie de scène. Il reporte son attention sur moi et finit par hocher la tête.
— Ok. Allez, va les éblouir, Shania !
☆☆☆
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