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Ses yeux me fixaient avec intensité, s'attardant sur les vestiges de mes larmes. Il fit un pas en avant, mais je le stoppais brutalement dans sa marche en prenant la parole.

« Tu me suis? » lui demandais-je sèchement.

Il fronça un court instant des sourcils faisant ressortir ses rides d'expressions.

« Non, pourquoi ferais-je une telle chose? » Il gardait un ton neutre.

« Qu'est-ce que tu fais là alors? » Je restais sur mes gardes malgré le fait que j'avais envie de me jeter dans ses bras et retrouver cette sensation qu'il avait su faire naitre lors de notre premier rendez-vous.

« La même chose que toi, je suppose. » 

Je mordis ma lèvre durement déviant le regard. Je ne savais pas si il disait la vérité, où si ma supposition était vrai. De toute façon je n'avais aucun moyen de vérifier mes dires. Alors je décidais de le croire, lui faisant confiance. Après tout, il avait toujours été sincère avec moi depuis notre rencontre. Peut être même à outrance, mais je ne pouvais l'accuser de mensonge pour autant.

« Une perte récente? » Sa voix était douce et chaleureuse. Elle me donnait envie de me confier à lui, de lui déballer ma vie comme si on était les meilleurs amis du monde.

« Une perte n'a pas besoin d'être récente pour être encore douloureuse. » répondis-je plus durement que je le voulais.

« Tu as raison. »

Je levais le menton, et remarquais qu'il se trouvait désormais devant moi. Une infime distance séparait mon corps du siens. J'avalais difficilement ma salive, et dis ce que je m'apprêtais à dire avant que je ne relève la tête.

« Ça fait un an. » 

Je vis sa mâchoire se crisper alors que de faibles portions de son parfum flottaient près de mes narines, réveillant mes sens endormis.

« C'était quelqu'un de ta famille? » 

Malgré qu'il se montre bien trop curieux à mon goût, je lui répondis.

« Oui, mon frère. Mon frère jumeau. »

Je sentis les larmes remonter à la fin de ma phrase.

« Je suis désolé. »

La seule chose dont j'avais envie c'était qu'il me prenne dans ses bras, qu'il me berce tout près de son coeur et me murmure des paroles apaisantes. Mais bien évidement, je ne pouvais lui demander ce genre de chose.

« Oui, moi aussi. »

« Quoi? » Il fronça des sourcils confus.

« Pour ta perte. »

« Oh. Merci. »

Je le fixais perplexe. Ne se souvenait-il plus qu'il était venu voir un défunt? 

« C'était sympa de te recroiser, Maddy. »

Il allait me quitter comme çà? Aussi rapidement? 

Je sentis mon coeur s'affoler. L'idée que ce moment prenne fin faisait peur à mon organe vital. Et je ne pouvais le blamer pour ça car, je désirais moi aussi passer plus de temps avec Malik.

Il esquissa un faible sourire avant de pivoter et marcher dans la direction opposée à la mienne.

« Attends. »

Il jeta un regard par-dessus son épaule avant de se retourner complètement attendant la suite de ma phrase. 

« Je ne connais même pas ton prénom. » 

« Pourquoi voudrais-tu le savoir ? Je croyais qu'on ne serait plus jamais amenés à se voir? »

Je mordis l'intérieur de ma joue. C'est vrai qu'au début je voulais au plus vite me débarrasser de lui, mais désormais, je ressentais le besoin d'être à ses côtés. Et je ne pouvais combler par autre chose, ou même chasser ce besoin.

« Je le pensais aussi, mais regarde nous aujourd'hui. Il semblerait que le destin ne soit pas du même avis. Alors, je pense qu'il serait bien que je connaisse ton prénom, si jamais on est amenés à se rencontrer une nouvelle fois. »

Il ria légèrement.

« Ou alors, tu veux désespérément savoir mon prénom par ce que je t'obsède. » Il lança avec un sourire au coin des lèvres.

Il ne pouvait pas dire mieux.

« Je pense que tu prends tes rêves pour des réalités, là. »

« Peut-être que oui, peut-être que non. » 

« Tu ne comptes pas me dire ton prénom si j'ai bien compris. » soufflais-je déçu.

« Pour avoir mon prénom, il faut le mérité, ma jolie. »

Bin, voyons!

« Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça. »

Il esquissa un autre sourire avant de se retourner, son dos me faisant face.

« J'espère que le destin te mettra de nouveau sur mon chemin. » Il lança reprenant sa marche. « Ma jolie. » Il rajouta pour me taquiner une dernière fois.

                                                                       ~

« Â demain, Lana! » criais-je à l'entrée de la pizzeria.

« Â demain! » J'entendis sa voix sortir de la cuisine suivit d'un petit rire idiot. J'en concluais qu'elle était encore au téléphone avec son copain.

Jalouse de sa situation amoureuse, je soufflais lourdement. Je rêvais d'être à sa place. D'avoir un petit copain qui serait prendre soin de moi. 

Mais contrairement à Lana, j'étais seule. 

Peut être étais-ce tout simplement parce que je n'étais pas encore prête pour me lancer dans une nouvelle relation? Sans doute.

Je sortis de l'établissement, resserrant ma veste autour de mon corps. J'empruntais la rue Layroc marchant d'un pas lent, profitant de cette nuit illuminée par les étoiles qui brillaient dans le ciel tels des diamants.

En regardant le ciel, je pensais immédiatement à mon frère. Je m'imaginais qu'il était désormais l'une de ses étoiles, et qu'il veillait sur moi de là haut.

Je tournais au niveau de la pharmacie, regardant curieusement à l'intérieur. J'y vis une femme parler avec le pharmacien, lui tendant ce qui devait être sa prescription médicale.

Puis mes yeux se posèrent sur la silhouette d'un homme qui tirait une femme dans une ruelle pendant que celle-ci riait. Encore un couple, pensais-je en faisant la grimace.

Je pestais, contre tous les couples du monde qui me rappelaient ma solitude et continuais ma marche quand soudain j'entendis un cri briser le silence de la nuit. Mon sang se glaça, immobilisant mon corps.

Prise d'un élan d'héroïsme, j'accourus vers l'origine du cri. Je réalisais alors que ce bruit venait de cette fameuse ruelle où l'homme un peu plus tôt avait tirécette femme. 

Les images de ce meurtre auquel j'avais assisté quelques semaines plus tôt me revinrent en mémoire.

Et si c'était encore cette chose?

Je me mordis la joue hésitant sur le fait d'aller voir ce qu'il se passait ou non.  J'étais curieuse de savoir si c'était bien lui. Et si c'était le cas, je voulais en profiter pour m'assurer que mes souvenirs sanglants étaient bien vrais et que je ne les avais pas rêvé.  

Je voulais demander des réponses à cet homme étrange, même si je savais que si j'étais amenée à le revoir j'allais sûrement y laisser ma vie. 

Mais d'un autre côté j'étais effrayée. Qu'est-ce qu'une fille faible comme moi pouvait faire contre un homme comme lui? Comment pouvais-je aider cette femme?

Immédiatement, et raisonnant enfin avec intelligence, je sortis mon portable de mon sac, composant le numéro de la police. Quand j'entendis la voix d'une femme résonner dans le combiné, je pris la parole précipitamment.

« Je crois qu'une femme se fait agresser dans une ruelle de Layroc. C'est juste à côté de la boulangerie, entre la résidence 21 et la boutique "Frame". » J'entendis de nouveau la femme crier de douleur. « Faites vite s'il vous plait! » Je raccrochais aussitôt, et courus à l'intérieur de cette ruelle, balayant mes peurs.

Une vie était en jeu, il n'y avait pas le temps de réfléchir!

Je vis rapidement la silhouette de l'homme se placer dans mon champ de vision, puis celle de la femme. Il l'a maintenait durement contre le mur en briques de la bâtisse et semblait avoir sa main enfoncée dans sa poitrine.

Des flashes de la mort de Kyle m'aveuglèrent, rendant ma vue difficile. Je commençais à m'essouffler alors que je ne courrais plus, les images continuant de défiler à une vitesse folle. Je revoyais Kyle lever la main sur moi, puis la main de l'homme dans sa poitrine, du sang dégoulinant sur son T-shirt et ses yeux vides, perdant de leur luminosité peu à peu. 

Je n'avais rien fait pour Kyle. Je l'avais laisser mourir sans réagir. Et il était hors de question que je fasse la même erreur avec cette femme.

« Arrêtez! » criais-je difficilement, ma voix se bloquant dans ma gorge.

Sa tête se tourna dans ma direction, ses yeux rouges illuminant l'obscurité. 

C'était bien lui.

Il se redressa, enlevant sa main de la poitrine de la femme. Celle-ci, s'écroula contre le sol dans un bruit sourd. Je restais muette, regardant avec effrois l'homme qui se trouvait devant moi, toute son attention portée sur ma personne désormais.

Je pris une grande bouffée d'air rassemblant le peu de courage que je pouvais trouver. Il fallait que je gagne du temps avant que la police arrive. Il ne fallait pas qu'il s'échappe encore une fois.

« Qui êtes-vous? » demandais-je avec assurance.

Il ne répondit rien, me regardant toujours. Puis il se rapprocha d'un pas. Mon coeur fit un bond dans ma cage thoracique mais je restais immobile. Je ne devais pas lui montrer que j'avais peur de lui.

Je vis alors qu'il tenait un coeur dans sa main droite, dont du sang perlait de sa paume à ses doigts s'écrasant contre le sol dans des petites gouttelettes.

Je réalisais alors qu'il n'y avait plus aucun espoir pour la femme qui gisait un peu plus loin.

Un sentiment de tristesse envahi mon corps alors que'il s'approchait toujours silencieusement.

« Qui êtes-vous? » répétais-je plus durement.

Quand il s'arrêta devant moi, je pus voir chaque trait de son magnifique visage. La ressemblance avec Malik était frappante. Tellement que j'avais l'impression de l'avoir devant moi.

Mais je ne pouvais croire que c'était bien lui. Il n'était pas un tueur.

J'osais regarder ses yeux, le défiant. Lui restait calme, affichant un visage neutre.

Soudain, les sirènes de police se firent entendre dans la rue. Je fus soudainement soulagée. 

Ses yeux regardèrent autour de nous alors qu'il s'agitait légèrement. Heureuse de le déstabiliser, je me mis à sourire. Quand il vit mon sourire, il fronça le sourcil et compris que c'était grâce à moi que la police arrivait.

Il se retourna, mis le coeur dans la poche de sa veste, s'apprêtant à partir. Voulant que la police l'attrape, je tendis le bras, saisissant avec force son bras pour l'arrêter dans sa marche.

« Non! » dis-je avec un froncement de sourcil.

Il me regarda curieusement alors que les sirènes se faisaient de plus en plus forte.

Je voyais déjà les lumières bleu et rouge éclairer la ruelle et me sentais plus forte que jamais. Mais aussitôt que ses mains se posèrent sur mes hanches, ce sentiment s'évapora.

Il me plaqua violemment contre son torse, m'emportant dans les airs encore une fois. On arriva sur le haut de l'immeuble. J'eus juste le temps de voir les voitures de police se garer devant la ruelle et des policiers accourir dans celles-ci avant qu'il ne m'emporte sur un autre toit dans un bond incroyablement puissant.

« Lâchez moi! »

Je commençais à me débattre, tapant mes genoux contre ses jambes. Je mis mes mains sur ses yeux, m'efforçant de le déstabiliser et l'aveugler. J'avais conscience qu'en faisant çà, je risquais de nous faire mourir tous les deux, mais j'étais tellement paniquée que je ne voyais pas d'autres moyens pour me défendre.

Je tirais sur ses cheveux - qui étaient étrangement doux - et griffais son cou. Il tentait de me calmer, me guidant loin de la rue Layroc. Après quelques minutes j'arrivais à mes fins, balançant mon pied dans son genou, ce qui lui fit perdre l'équilibre.

On tomba à la renverse sur un toit. Ma tête heurta le sol brutalement, m'assomant sur le coup.

Rapidement, je repris mes esprits et me redressais en grimaçant lentement. Je passais instinctivement ma main dans mes cheveux, et vis du sang sur mes doigts.

Plus loin je vis l'homme se redresser sans aucune blessure. Mon coeur s'emballa alors que ses yeux se scellèrent aux miens.

J'allais regretter mon geste.

Je rampais péniblement vers la porte de secours, mais il me rattrapa aussi vite qu'il avait bondi quelque minutes plus tôt. 

Je commençais à donner des coups de pied dans le vide, voulant me défaire de son emprise. Sa main encercla ma cheville me trainant loin de la porte. Le frottement de mes vêtements contre ma peau me fit lâcher un grognement de douleur.

Je me mis à crier à l'aide, et pleurer en même temps. On comprenait à peine mes paroles, mais les plus important c'était qu'on puisse m'entendre.

Il me redressa légèrement et plaqua sa main pleine de sang contre ma bouche. Une affreuse odeur se rependit dans mes poumons. Je retenu un haut le coeur.

« Ferme ta jolie petite bouche où je te tue. » ll cracha violemment me paralysant.

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