Chapitre 6
On se connaît depuis même pas un mois. Je ne vais pas venir chez lui comme ça, tout de même.
– Désolée Sacha, c'est gentil, mais je refuse.
– Pourquoi ? Ce serait le mieux pour toi. Il verrait que tu dors chez ton petit ami et au moins il ne viendrait pas te harceler chez toi.
– Mais il n'est même pas encore venu chez moi, soufflé-je.
– Ça ne va pas tarder. J'ai bien vu comment il te regardait. J'ai une question d'ailleurs, il a déjà pris des stupéfiants ? me demande-t-il sérieusement.
– Non, jamais. Tu t'imagines bien que s'il en avait consommé dans le passé, lui et moi n'aurions jamais eu de relation.
Sacha paraît sceptique de ma réponse.
– Ça se trouve, il en consomme maintenant. Je reconnais ce type de regard.
— Sacha !
– Bon, tu viens quand même dormir chez moi. Je ne vais pas te laisser seule chez toi, avec un gars qui traîne dans le coin.
– Je suis grande, je sais me débrouiller toute seule. De plus, il faudra bien que je lui parle un jour.
– Te débrouiller toute seule ? Rose, tu n'arrives même pas à gérer les crises d'enfants. Comment veux-tu te débrouiller seule ?
– Je ne viendrai pas chez toi. Point final, conclus-je dans un regard noir.
– Rose...
– Je sais me débrouiller toute seule. Maintenant, arrête. Tout à l'heure, j'avais besoin de ton aide pour me sortir de là, mais désormais, j'y arriverai sans toi. Si je le vois, je lui parlerai et c'est tout. Hors de question que je dorme chez toi, reprends-je sur un ton ferme.
– T'es vraiment énervante. Bon, débrouille-toi avec l'autre. Je verrai si oui ou non, la petite sait gérer ce genre de situation, dit-il avant de se lever.
– T'es vraiment idiot, pesté-je avant de me lever moi aussi et de partir.
**
Ça va faire deux jours déjà que monsieur ne m'adresse plus la parole. Tant mieux, il n'y aura donc aucune confusion sur notre relation par rapport aux autres. Même si nous nous croisons dans les couloirs, il me lance juste un bref regard. Rien de plus. S'il veut se la jouer comme ça, qu'il continue. Je m'en fiche complètement.
– Rosy... dit une petite voix qui me coupe de mes pensées.
Ah oui, mince.
– Désolée, Charlotte ! Vraiment désolée ! m'exclamé-je aussitôt, avant de la faire reculer.
Charlotte a neuf ans et a été admise ici pour une opération du genou. Elle est désormais en fauteuil roulant. Et sans faire exprès, vu que je pensais encore à l'autre idiot, nous avons percuté un mur.
– Je n'ai rien, ne t'inquiète pas, rigole la petite, amusée.
Je m'excuse encore avant de, cette fois-ci, bien veiller à ne pas me prendre de mur. Charlotte veut prendre un peu l'air, je l'emmène donc sur la terrasse principale. Arrivées dehors, je pousse le fauteuil jusqu'à la rambarde pour qu'on puisse admirer la vue. Charlotte me décrit tout ce qu'elle voit, heureuse de prendre ce petit bol d'air frais.
– Et regarde, Rosy ! Il est drôle, ce monsieur ! continue-t-elle en me montrant du doigt quelqu'un.
J'aperçois un homme vêtu tout de noir. Il a un long manteau et des lunettes noires, le regard braqué sur l'accueil de l'hôpital.
– On dirait qu'il cherche quelqu'un. Il n'arrête pas de regarder les infirmières.
Quelques infirmières se trouvent sur la terrasse ci-dessous, en train de faire leur pause. Et c'est vrai que cet individu n'arrête pas de les fixer. L'homme les regarde encore un petit moment, avant de partir.
— Bon, on rentre Rosy ? J'ai faim, reprend Charlotte.
Je souris, puis nous partons quelques secondes après. Charlotte souhaitant manger avec moi ce midi, je l'emmène donc au réfectoire. Mes collèges me sourient quand ils me voient accompagnée.
– Toujours entourée d'enfants, mais jamais entourée de mecs, hein Rose, ricane aussitôt Jean.
Je lui tire la langue puis prends ensuite le plateau de Charlotte. Je suis en train de me servir des petits pois quand une voix me chuchote à l'oreille :
– J'espère que ça va pour toi.
Surprise, je balance ma cuillère de petit pois en l'air, toutes les petites billes vertes roulant sur le carrelage.
– Waouh. Quel effet... reprend cette même voix que je reconnais aussitôt.
Je me tourne donc pour voir Sacha, un petit pois coincé dans les cheveux. Heureusement que personne n'a vu cette scène. Merci au mur qui nous cache des autres.
— Mais t'es malade de me faire peur comme ça ! rouspété-je avant de commencer à ramasser les petits pois.
– Je vais t'aider, attends.
– C'est bon, merci. Je peux me débrouiller toute seule, je suis assez grande. Et ce serait mauvais de voir le futur patron ramasser des petits pois par terre. N'est-ce pas ?
– Je sais que tu es assez grande. Je voulais juste t'aider. Bon, eh bien je te laisse alors.
Sacha prononce ses paroles avec un froid inhabituel. Je lève la tête, le vois donc partir dans la direction opposée. Je ne dis rien de plus et continue à ramasser les quinze petites billes vertes.
**
La journée étant terminée, je pars me changer pour ensuite sortir de l'établissement. Je marche, les yeux rivés sur mon portable, quand j'entends étrangement des pas se rapprocher de moi. Ne voulant pas me retourner, je continue de marcher. Après tout, je ne suis pas la seule à marcher dans cette ville. Non...? Je commence quand même à accélérer le pas, mais j'entends que lui ou elle, fait exactement pareil. Ok. Là, je commence vraiment à paniquer. Soudain, une main m'agrippe le bras. Je laisse échapper un cri, avant de me retourner et de frapper l'individu.
Il laisse échapper un petit gémissement puis des jurons.
Sacha ?
– Et moi qui voulais te faire une surprise. C'est raté, n'est-ce pas, râle-t-il en se massant sa jambe droite.
– Mais tu fais..
– Non je ne suis pas un pervers ou un psychopathe qui te suit. Je t'ai juste suivie pour te ramener ça. Tu l'avais oublié sur la table, me coupe-t-il.
Il me tend ensuite des clés. Ah oui, effectivement. Rentrer chez moi sans mes clés d'appartement, ça risque d'être un peu compliqué.
– Euh oui... Merci, Sacha.
– Tu avais peur de quelque chose pour courir comme ça ?
– No,n de rien. Absolument de rien.
En vrai, j'avais peur qu'il m'arrive un truc. Mais ça, je ne lui avouerai pas, c'est certain. Il me fixe longuement, afin de déterminer si je mens ou non.
– Bon, je dois y aller à présent. Merci, reprends-je pour couper court à ce silence.
Je pars, mais bien sûr, il commence à marcher à côté de moi.
– Euh Sacha ? dis-je avant de me stopper.
– Quoi ? Je vais juste dans la même direction que toi. Rien de plus.
– Tu te moques de moi ou ?
– Jamais, rétorque-t-il en souriant.
Je ne dis rien de plus et continue donc de marcher. Bien sûr, Sacha est toujours à mes côtés. Enfin arrivée chez moi, je me retourne pour le regarder dans les yeux.
– Et tu vas aussi me dire que tu habites ici, c'est ça ?
– Peut-être.
Je ne dis rien de plus face à son sourire enjôleur, et commence donc à taper le numéro pour rentrer dans l'immeuble.
– Rose, attends. Je suis désolé pour ce que j'ai dit il y a deux jours. Je ne voulais pas te blesser.
Je me retourne pour le dévisager. Est-il en train de s'excuser ? Je compte dire quelque chose, mais il continue son monologue :
– Je ne veux pas qu'il t'arrive un truc. Tu sais, je me suis plutôt bien attaché à toi.
Mince. Mon cœur s'est mis à accélérer.
– Ah... Euh c'est gentil... Merci....
Ok. Je ne sais pas quoi dire. Penser que Sacha, mon futur patron, porte de l'affection pour moi, c'est plutôt étrange. Pourtant, ça me fait quand même plaisir.
– Reste quand même sur tes gardes. Cet homme peut revenir quant il le souhaite, continue-t-il en revenant au sujet principal.
Je hoche juste la tête, encore un peu bouleversée par ses paroles d'avant.
– Bon, je vais te laisser maintenant. Bonne nuit.
Il s'avance, puis me... tapote gentiment la tête. Il me sourit ensuite, repart comme si rien ne c'était passé.
– Ah... salut ! reprends-je quelques secondes après.
Ok. Je ne sais même plus parler. Sacha se retourne et me fait signe de la main, avant de repartir pour de bon. Je reste un petit moment à le regarder, avant de décider d'entrer dans mon immeuble. Je viens de m'avachir sur mon canapé, mes pensées encore tournées vers cet homme. C'est bizarre quand même. Il habite dans la direction opposée de chez moi, mais il m'a tout de même suivie jusqu'ici. Cet homme est plutôt mystérieux.
Mais, tiens. Pourquoi ne pas me procurer des informations chez ma meilleure amie ? Elle doit en connaître un paquet sur lui. Ni une ni deux, j'appelle Mya pour qu'elle vienne dormir chez moi. Demain matin nous ne travaillons pas, mais l'après-midi oui. Nous allons donc passer une soirée entre filles, à se raconter les petits potions du soir.
Ça fait déjà un petit moment que Mya et moi, discutons de tout et de rien, autour de nos petits thé aromatisés. Elle me raconte ce qu'il se passe au bureau des secrétaires. Comme quoi certaines filles glissent des lettres sous la porte de Sacha. Voilà. Nous étions donc arrivées sur mon sujet préféré.
– Bon, alors explique-moi. Comment était-il durant son enfance ? questionné-je, ravie d'obtenir des informations sur lui.
– Pourquoi tu veux tant savoir ça ? Tu t'intéresses à lui ? me demande Mya, limite des étoiles dans les yeux.
– Non, ce n'est pas ça. Je veux juste obtenir quelques informations vu qu'il en a désormais sur moi. Ça peut servir un jour.
Mya rigole légèrement, mais décide cependant de me raconter quelques trucs sur lui.
À ce qu'il paraît, durant son enfance, en primaire, il était considéré comme étant le Roi. Tout le monde l'adorait, en particulier les filles. Il était quelqu'un de très intelligent et il adorait jouer de ça. C'était un enfant plutôt calme et sérieux. Il obtenait toujours de bonnes notes et avait un comportement parfait.
Cela m'embête un peu, je l'avoue. Pour l'instant il n'y a pas d'informations croustillantes sur lui.
– Mais il n'a jamais fait de bêtises ? De conneries ? Il ne s'est jamais pris un mur en pleine tête ? Il n'a jamais pleuré car on lui a volé son goûter ? Des trucs comme ça ? Non ?
– Non, il ne me semble pas. On dirait que tu es bien la seule à avoir vécu cela, se moque Mya.
– Sacha était un enfant très calme.
Je laisse échapper un grommellement, signe de ma déception. Je ne saurai donc pas de choses sur lui, ce soir. La soirée continue calmement. Mya me parle de son envie de fonder une famille, me fait quelques réflexions sur mon célibat de longue date... Nous avons fini la soirée à regarder de bons films d'amours, comme on adore. Nous nous sommes d'ailleurs finalement endormies au bout du deuxième film.
Ça fait à peine une heure que Monsieur Diez nous a parlé de cette fameuse fête. Pourtant, l'excitation n'est toujours pas redescendue. Je crois que je suis la seule à ne pas m'inquiéter de quelle tenue choisir ou de quel maquillage avoir. De toutes façons, je ne sais même pas si je me rendrai à cette fête.
– Rose ! crie une petite voix aiguë.
Je me retourne, des petits bras m'enlacent la jambe. C'est la petite Sophie.
– Salut toi, dis-je toute souriante, avant de me baisser légèrement.
Elle me regarde de ses jolis yeux bleus, puis me tire par le bras pour m'emmener dans sa chambre.
Arrivées là-bas, elle me tend timidement une lettre.
– Tu peux lui donner, s'il te plaît ? Je suis trop timide pour ça...
– C'est pour ton amoureux ?
Elle hoche timidement la tête.
– C'est pour Sacha. Tu sais, il passe toujours dans les couloirs avec une femme asiatique...
Oula. Ah ok. Je vois de qui elle veut parler.. De toutes façons, il n'y a pas trente-six Sacha ici. Et je pense que la femme qui l'accompagne se réfère également à Mya. Je suis quand même attendrie que ma petite Sophie veuille donner une lettre d'amour à Sacha. Il fait même craquer les enfants, eh bien...
– D'accord, je vais lui donner. Je reviens, d'accord ? lui dis-je en caressant ses cheveux bruns.
Un grand sourire se dessine sur son visage et elle me pousse ensuite.
– Bonne chance, Rose !
Bonne chance ? Ce serait plutôt à elle que je devrais dire ça. Des couloirs plus tard, j'arrive enfin devant le bureau de Sacha. Je toque donc et entends aussitôt un « entrez ». Je rentre donc, referme délicatement la porte. Sacha est tellement absorbé dans ses papiers qu'il ne prend même pas le temps de lever sa tête. Je m'avance donc, avant de me racler légèrement la gorge. Il fronce les sourcils, mais dès qu'il croise mon regard, un grand sourire se dessine sur son visage.
— Rose. Que fais-tu ici ?
– Une de mes patientes a tenu à te remettre ça, réponds-je avant de lui tendre la lettre qui est soigneusement emballée.
Il fronce les sourcils, puis attrape le papier.
– Je ne pense pas que tu t'intéresses aux jeunes filles, mais prend quand même le temps de la lire. Sophie est trop timide pour te la donner.
— À ce que je vois, toutes les filles m'aiment, ricane-t-il, amusé.
— N'exagérons rien, soufflé-je en levant les yeux au ciel.
Il rigole, puis se décide à enfin lire la lettre. Il la relit au moins trois fois, avant d'exploser de rire.
– C'est méchant de se moquer d'elle, Sacha ! Elle y a mis tout son cœur !
– Je ne savais pas que tu avais ce genre de sentiment à mon égard, tiens.
Il me tend la lettre, que j'attrape aussitôt. Mais qu'est-ce qu'il raconte, encore ? Choquée, je parcours des yeux les quelques mots griffonnés.
| Sacha. Je m'appelle Rose et je suis infirmière ici. Je te vois tous les joures passer dans les couloires. Tu est vraiment très beau, très musclé. J'ai flasher sur toi. Quand je te vois, mon cœur bat fort dans ma poitrinne. Je crois que je t'aime beaucoup beaucoup. Tu veut sortir avec moi, sil te plait ? |
« Je t'aime beaucoup beaucoup », reprend cet idiot de Sacha avant de recommencer à rire.
– Ah mais non, non. Non non ! Sacha, c'est pas...
– Tu veux sortir avec moi, alors ? Il fallait me le dire avant, petite cachotière.
Mes joues commencent à chauffer, gênée.
– Tu rougis pour moi ? Tu es vraiment trop craquante.
Sacha se lève de sa chaise et s'approche de moi afin de me prendre ce foutu bout de papier.
– Donne-la moi, je vais en faire des photocopies. Quand nos enfants nous demanderont comment nous nous sommes mis ensemble, je pourrai leur montrer ça.
– M-mais arrête de dire ça ! répliqué-je en essayant de me cacher avec cette fichue lettre.
Hélas, il arrive finalement à me l'attraper des mains.
– Sacha !
Il tend la main bien haut pour que je ne puisse pas l'attraper.
– Alors je te propose une petite option Rose, annonça-t-il de sa voix craquante. Si tu ne veux pas que cette lettre soit imprimée et malheureusement collée dans tout l'hôpital, tu me dois un service.
Mais je rêve ou il me fait encore du chantage ? Bordel de fleurs.
– Tu n'oserais pas ?
Il hausse les épaules d'un air désinvolte. Ok. Il oserait. Je me fais avoir à chaque fois, bon sang.
– C'est quoi ta faveur ? demandé-je dans un râle.
– C'est simple. Je veux que tu viennes à cette fête que mon père a organisé.
Quoi ? Juste ça ? Même si je n'ai pas spécialement envie d'y aller, je m'attendais vraiment à quelque chose de pire venant de sa part. Il y a un piège ou...
– T'es sûr que tu ne me pièges pas, là ? demandé-je, méfiante.
Il secoue la tête de droite à gauche.
– Quand nous nous retrouverons à cette fête, je te demanderai quelque chose d'autre qui viendra compléter ceci. Car après tout, je ne vais pas te demander que cela.
Ok alors soit j'accepte, soit cette lettre se retrouve placardée dans tout l'hôpital. Mon choix est vite fait.
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