Chapitre 2
– Et pourquoi avez-vous de la crème sur votre visage et dans vos cheveux ? continue-t-elle.
Je détourne vite mon regard du sien pour regarder autour de moi. Ouf. Les jumeaux ne sont plus là. Même si je me trouve dans cette situation à cause d'eux, je ne vais pas les dénoncer.
– J'ai comme on dirait eu un petit accident avec une tarte... réponds-je d'une voix basse.
– Mais ce n'est pas vrai ! Vous ne faites que des gaffes ! Ça fait à peine un mois que vous êtes là et vous avez vu le désordre que vous causez !
Le désordre ? Elle exagère un peu, là. Hélas je ne peux pas riposter. Je tiens trop à mon poste.
– Désolée... soufflé-je bêtement.
– Et pas la peine de souffler. Ce soir vous ferez du travail supplémentaire, réplique-t-elle.
Encore une fois. À la moindre bêtise de ma part, elle adore me faire travailler très tard le soir. Et ça, elle ne le fait qu'à moi. Évidemment.
– Bien, Madame...
– J'espère que votre comportement changera rapidement. Déjà que je trouve que vous n'avez rien à faire ici, alors en plus avec vos bêtises ! renchérit-elle.
– J'ai autant ma place que vous ici, répliqué-je en fronçant les sourcils.
Elle me lance un regard noir avant de s'avancer dangereusement vers moi.
– Vous osez me répondre ?
– Bon ça suffit maintenant, intervient une voix grave.
C'est l'homme airbag qui a prononcé ces mots. À l'entente de sa voix, ma patronne se raidit immédiatement.
– Mademoiselle Anderson, vous retournez à vos occupations, reprend l'homme aux cheveux bruns. Bien sûr, vous resterez ici ce soir et ferez le travail que vous a demandé votre supérieure. Quant à vous Madame Holmes, vous venez avec moi dans mon bureau.
L'air semble soudain se rafraîchir. Ma supérieure reste droite, comme paralysée par ces mots. Cet homme doit être quelqu'un d'important ici. Je ne vois pas d'autre explication plus plausible.
– Vas-y Rose, me chuchote soudainement Mya.
Je hoche la tête avant de prendre le chemin opposé. Mais juste avant de partir, je lance un dernier coup d'œil à cet homme. Étrangement, il me fixe, un sourire en coin.
Il faut absolument que je le demande à Mya. Qui est-il réellement ?
**
PDV Mya
Ça faisait déjà une bonne vingtaine de minutes que Sacha s'entretient avec la supérieure de Rose, une femme que je ne peux pas me voir. Elle fait tout pour nuire à Rose. Si elle fait le moindre faux pas, cette vieille mégère le verra tout de suite et la sanctionnera directement.
Mais heureusement, j'en ai déjà parlé à Sacha. Et tout à l'heure, il a pu enfin voir son vrai visage. La porte s'ouvre enfin, laissant place à une Madame Holmes plutôt énervée. Elle passe rapidement devant moi, avant de s'éloigner de ma vue. Outch. Sacha n'a pas dû être très tendre avec elle. Quelques secondes plus tard, Sacha sort, une main dans ses cheveux bruns. Il soupire, avant de prendre la parole :
– Je l'ai suspendue pendant une semaine. Quand elle reviendra, je verrai si oui ou non elle est apte à rester ici.
Sacha n'a jamais renvoyé personne depuis son arrivée ici. Même s'il n'est pas le patron de cet hôpital, il n'a jamais fait une telle chose.
– Quoi ? Pourquoi tu ne parles pas ?
Je compte répliquer quelque chose, quand plusieurs bras m'encerclent.
– Mya ! Dis-lui de ne pas la renvoyer ! crie une petite voix aiguë.
– C'était pas de sa faute ! S'il te plaît ! renchérit une autre voix, que j'identifie vite comme celle d'Erwan.
– C'est notre faute ! reprennent-ils en même temps.
De quoi parlent-ils ?
Sacha s'avance et les éloigne de moi. Il se met immédiatement à genoux devant eux. Même si Sacha est plutôt rude avec les adultes, il peut être doux comme un agneau avec les enfants.
– Pourquoi vous dites ça ?
– C'est nous qui lui avons lancé la tarte en pleine figure... Mais... mais Rose n'a pas voulu nous dénoncer, reprend Erwan les larmes aux yeux.
– Ne lui faites rien, s'il vous plaît... Tout le monde adore Rose, renchérit son frère, attristé.
Je me disais bien qu'il y avait quelque chose qui clochait dans cette histoire. Même si Rose fait parfois des trucs pas très nets, je la vois mal se balancer elle-même une tarte en pleine figure. Je trouve ça vraiment adorable qu'ils se dénoncent par eux-mêmes. Car après tout, Rose ne dénoncera jamais un enfant. Elle les aime bien trop pour faire ça.
– Les garçons... Rose ne va pas être virée... dis-je avant de caresser les cheveux blonds de Paul.
Sacha, quant à lui, pose sa main sur l'épaule frêle d'Erwan.
– Vous êtes de bons garçons. La prochaine fois, essayez de ne pas recommencer, ça nous éviterait tout ça. Et ne vous en faites pas, elle ne sera pas virée. C'était juste un accident, d'accord ?
Les deux petits hochent vivement la tête avant de le remercier chaleureusement, puis de partir tout heureux.
– Dis donc, cette Rose doit vraiment être aimée des enfants. N'est-ce pas ?
Je lui fais un sourire avant de prendre la parole :
– Depuis qu'elle est arrivée ici, tous les enfants sont heureux. Tu sais, il y avait certains enfants qui avaient perdu goût à la vie, mais grâce à Rose, ils y ont repris goût. Tous les enfants l'adorent. On peut dire qu'elle est comme leur mascotte.
– Je vois. Elle a l'air intéressante.
– Euh Sach...
– Je blague, Mya.
Je râle avant de lui donner une petite tape sur l'épaule.
– Bon, j'y retourne. À toute à l'heure, Sacha.
D'un geste amical, il me tapote l'épaule pendant que je pars de l'autre cotée.
– Ou peut-être que je mens ! s'exclame soudainement Sacha.
Je me retourne et le vois en train de me faire un clin d'œil, avant de rentrer à nouveau dans son bureau.
**
PDV Rose
Et voilà que je me retrouve désormais dans cette salle qui n'est pas du tout chauffée, à ranger des dossiers. Une nouvelle fois, mes collègues se sont bien foutus de moi. Mais on ne change pas les vieilles habitudes comme on dit. La vieille mégère est venue me voir tout à l'heure. Elle était plutôt énervée d'ailleurs, et m'a dit de ranger tous ces vieux dossiers. Le problème étant qu'il y en avait des tonnes.
Étant donné qu'il n'y a personne, je décide d'enclencher la musique de mon téléphone. Je commence donc à chanter et à bouger. Je me crois vraiment dans un clip musical. Bon, avec les vieux dossiers poussiéreux en moins, hein.
Oh putain !
Mon moment préféré est en train d'arriver !
En moins de deux, je monte sur l'unique table et commence à me tortiller dans tous les sens. J'ai pris une boîte de médicaments qui traînait par là afin de m'en servir comme micro.
Je suis à fond dans ma chorégraphie quand j'entends un bruit étrange. Je stoppe net ma musique et observe autour de moi. Soudain, mon regard s'arrête sur une seule chose.
Il y a une caméra.
Là.
Devant moi.
Quelqu'un a donc tout vu. La honte est à son paroxysme, là. Ni une ni deux, je saute de la table, sauf que... Un adorable petit dossier me fait glisser et j'atterris sur le sol.
Et hop.
Une Rose à terre, une.
Je laisse échapper un petit gémissement, avant de laisser place aux jurons. J'ai mal à la jambe, génial. Elle n'est pas cassée, c'est certain ; je pense que c'est juste sur le coup. Il faut donc que j'attende un peu. Je laisse échapper un soupir, avant de me poser les mains sur les yeux. Cette journée est décidément la plus belle que je n'ai jamais eu.
Cinq minutes et des jurons plus tard, la porte s'ouvre d'un coup. J'ouvre directement les yeux pour apercevoir l'homme airbag ? Il me dévisage longuement, un sourire aux lèvres.
Euh.
Pourquoi il sourit ?
Il s'avance ensuite vers moi et pose un genou à terre.
– Comme on se retrouve... dit-il tout souriant.
— Génial...
– Tu, ou je devrais dire « vous », voulez-vous de l'aide ? demande-t-il en me tendant la main.
Je l'aurais bien refusé mais après tout, il fallait bien que quelqu'un m'aide à me relever. Même si c'est cet homme. Je prends donc sa main, mais étrangement un truc pas normal se déclenche dans mon corps. C'est bizarre ça.
– Vous comptez encore me tenir la main longtemps ou... reprend sa voix.
Je sors de mes pensées, les yeux au ciel. Il rigole et je décide enfin de me relever.
– Aïe !
Je le pousse légèrement avant de m'asseoir sur une vieille chaise. Il faut encore que j'attende un peu et la douleur passera. L'homme airbag me fixe, en croisant ses bras sur son torse.
– Voilà ce qu'on mérite quand on danse comme une timbrée.
Ne me dites pas qu'il a tout vu... ?
Je commence à légèrement rougir, gênée.
– Non mais c'est pas ça... Ce n'était pas moi sur la vidéo. C'était... C'était ma jumelle !
Je n'ai pas pu trouver mieux. Bravo Rose.
Même si mon mensonge est nul, l'homme airbag commence à rire. J'aurais trouvé son rire plus qu'adorable dans une autre situation, mais étant donné qu'il se fout clairement de moi, son rire est moche.
– Oh arrêtez de rire, maugrée-je.
Son rire s'amplifie et résonne désormais dans toute la pièce. Sentant que ma jambe va mieux, je décide de partir d'ici. À peine suis-je sortie que quelqu'un crie mon prénom.
– Rose !
Je commence à accélérer le pas quand une main m'agrippe le bras.
– Dis donc, tu t'énerves très vite, reprend cet homme, tout sourire.
D'où il me tutoie encore, lui ? Je retire mon bras de sa main, avant de le fixer.
– Arrêtez de me tutoyer, nous nous connaissons à peine. Même pas du tout, d'ailleurs, répliqué-je sérieusement.
– J'ai bien le droit de te tutoyer, tu sais. Je trouve que c'est beaucoup mieux quand je veux m'adresser à mon personnel.
Je le dévisage de haut en bas, avant de soupirer.
— Vous vous foutez encore de moi, c'est ça ?
Il laisse échapper un petit rire.
– Pas du tout. Je suis très sérieux dans mes propos.
– Je ne comprend rien à ce que vous dites. Vous êtes bizarre...
– Je vois que tu ne me connais pas encore, ricane-t-il. Je vais donc faire les présentations. Je m'appelle Sacha Diez, fils du directeur et bientôt celui qui reprendra cet hôpital.
Je crois que ma tête se décompose littéralement à l'entente de ces paroles. Est-ce une blague ? Il est le fils du directeur ? Et il sera bientôt mon patron ? Il ne manquait plus que ça. Il a bien sûr fallu que je tombe deux fois sur mon futur patron, que je lui tire la langue, que je lui tienne tête... Ma carrière est terminée.
– Tiens. On dirait que tu pâlis. Ça va ? demande-t-il en riant.
Et en plus, il se fiche encore de moi. Il faut que je trouve un échappatoire. M'enfuir. Oui, c'est ça. En moins de deux, je me mets à courir, en essayant de ne pas trop m'appuyer sur ma jambe gauche.
– Mais reviens ici ! s'exclame l'homme airbag, alias mon futur patron.
Après quelques secondes de course, je sors enfin de l'hôpital. J'aurais bien continué à tracer ma route, mais le problème c'est que je suis carrément essoufflée ; je ne peux donc plus courir. Le sport et moi sport, ça fait vingts trois. Clairement.
— Te voilà enfin, reprend cette voix qui me provoque instantanément des frissons.
Merde.
Il est encore là.
Bon Rose, comme dit maman, il faut jouer le tout pour le tout. Je me retourne donc avant de m'exclamer très vite :
-Desoléepouraujourdh'uijenesavaispasquivousétiez,pardonnezmoijevousenprie,jeferaiattentionlaprochainefois,encoredésoléepatroneuh...monsieurDiez.
J'arrête enfin de parler pour reprendre de nouveau mon souffle. Mais à peine ai-je terminé mon discours qu'il se met encore à rigoler.
– Tu es vraiment une fille marrante. Pas la peine de te mettre dans ces états, dit-il entre deux rires.
Quelques secondes plus tard, il s'approche vers moi. Il me tend ensuite la main, de sorte à ce que je la lui serre. Je ne sais pas trop si je dois le faire, mais son petit hochement de tête me fait comprendre que oui. Je tends donc la main pour serrer la sienne. Un petit frisson parcourt mon corps, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs.
– Je ne suis pas encore le patron, tu sais. Appelle-moi simplement Sacha, je préfère cela.
Sacha... C'est plutôt mignon comme prénom. Mais je trouve quand même bizarre qu'il me demande de l'appeler ainsi, alors que dans quelques mois il deviendra mon patron. Enfin, je préfère ceci plutôt qu'un patron sévère.
– Je m'appelle Rose. Rose Anderson. Mais je pense que vous le savez déjà.
Il lâche ensuite ma main, un étrange froid venant y prendre place.
– Tu peux me tutoyer. Je ne suis pas si vieux que ça, tu sais. Tu as quel âge d'ailleurs ? demande-t-il soudainement.
–Désolée mais je ne préfère pas le dire. Même si vous allez bientôt devenir mon patron, j'attends quand même un peu plus avant de dire mon âge à des inconnus. Je dois y aller maintenant, excusez-moi, réponds-je à toute vitesse avant de me détourner de lui et de commencer à partir.
– Je te parie qu'avant demain midi je le saurai ! crie-t-il aussitôt.
Je m'arrête net dans ma marche avant de me retourner.
– Et moi je vous parie que non ! Même si vous êtes le fils du patron, vous n'avez pas le droit de regarder dans les fichiers personnels. Et je n'ai dit mon âge à personne, donc à votre place, je ne parierais pas !
Il est un peu loin, mais j'arrive quand même à percevoir un sourire sur son visage.
– Si je devine ton âge avant demain midi, tu me devras une faveur.
– Vous ne le saurez pas, je vous le dis ! Mais si vous y tenez tant que ça, allons-y. Parions !
Dans quoi tu t'embarques, Rose ? Tout ça pour un âge...
– D'accord ! Si je sais quel âge tu as et que j'ai raison, tu me devras un service !
Je n'ai même pas réfléchi à ce que ce service pourrait être que je m'exclame déjà :
– Ça marche ! Et vice-versa !
Il lève son pouce en l'air, un énorme sourire scotché au visage.
Ça fait déjà une bonne heure que j'ai attaqué le travail. Je suis allée donner le déjeuner aux enfants et ai donc croisé les petits jumeaux diaboliques ; bien sûr, je n'ai pas pu résister à leurs petites bouilles d'anges.
D'ailleurs, j'ai entendu dire que le fils du patron viendrait désormais tous les jours ici. Certains sont plutôt inquiets et stressés, alors que d'autres, comme la gente féminine, sont plutôt satisfaits. Quant à moi, cela ne m'enchante guère, étant donné les malentendus que nous avons rencontré, lui et moi. Hélas, je n'ai pas mon mot à dire sur cela.
Il est déjà neuf heures passées et je dois encore retourner à la cafétéria pour chercher un truc pour le petit Denis. Soudain, entre deux couloirs, je croise Mya. Je lui fais un signe de la main, ainsi qu'un énorme sourire. Elle me rend mon signe, me fait la bise. Tiens, d'habitude elle est en compagnie de l'homme airbag.
– Tu n'es pas en compagnie de l'homme airbag ? demandé-je en arquant un sourcil.
– Mais de qui parles-tu ?
– Je te parle de l'homme d'hier, le fils du patron, Sacha. Tu sais ?
– Mais pourquoi tu l'appelles l'homme airbag ?
– Parce que je suis tombée deux fois sur lui hier et, comme tu as pu le constater, il m'a chaleureusement servi d'airbag.
Mya commence à rire face à mon explication. J'allais répliquer quelque chose d'autre quand une voix se fait entendre :
– Eh bien, l'homme airbag est ici.
Un frisson me parcourt directement à l'entente de cette voix grave. Je me retourne et lui adresse un petit sourire innocent.
– Alors comme ça, tu me nommes l'homme airbag ?
Mince.
– Non, pas du tout. Je n'oserais pas, avec tout le respect que j'ai pour vous.
Je donne un petit coup de coude à ma grande amie, afin que Mya me vienne en aide. Mais au lieu de ça, elle pouffe de rire.
– ROSYYYY ! crie soudainement une voix aiguë.
Ouiiii !
Sauvée par le gong !
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