Chapitre 9

Harry resta assez tard au Barbican ce soir-là, tapant des notes concernant le dernier cycle de concert sur son ordinateur jusqu'à ce la pièce devienne noire autour de lui. Il regarda son téléphone en fronçant ses sourcils après avoir terminé, vérifiant s'il avait des nouveaux messages alors qu'il attrapait son sac et contournait son bureau pour rejoindre la porte. Il espérait en avoir un de Louis, puisqu'il lui avait envoyé un message depuis plusieurs heures pour voir s'il se sentait mieux que la veille. Mais il n'y avait qu'un message plein d'enthousiasme de Niall, acceptant de l'aider à ramener chez lui tous ses cartons le lendemain en échange d'une bière.

Bien sûr, mec !!! :) Pintes !!!!!!!

Rien du tout de la part de Louis.

Harry soupira profondément alors qu'il sortait sur la mezzanine déserte et fermait la porte de son bureau, repoussant un sentiment grandissant de malaise. Ce n'était pas comme si Louis ignorait ses messages.

« Il doit toujours se sentir pas bien, c'est tout... » marmonna-t-il à lui-même, agitant la poignée pour s'assurer que la porte était bien verrouillée.

Ses pensées dérivèrent vers la composition qu'il avait laissé dans la boîte aux lettres de Louis cette après-midi. Il espérait ne pas avoir dépassé les limites et mis Louis mal à l'aise en ayant fourré son nez dedans. Il était complètement perdu dans ses pensées lorsqu'il se retourna pour se diriger vers les escaliers, où il fonça presque dans un Liam Payne arrivant en sens inverse.

« Wow, Maestro ! » dit Liam, stabilisant Harry avec une main sur son avant-bras. Il était arrivé à une certaine vitesse et Harry avait dû se jeter sur le côté pour l'éviter, vacillant sur ses talons. « Je ne vous ai pas vu arriver. Désolé ! »

« 'Y a le feu, Payne ? » demanda Harry avec un petit rire, une fois qu'il avait retrouvé son équilibre. Il se sentit un peu comme un père ringard dès que les mots sortirent de sa bouche.

Liam ne sembla pas s'en formaliser, il secoua juste sa tête d'exaspération et passa une main dans ses cheveux coupés courts, avant de se mettre à parler. « C'est cette réunion avec le conseil d'administration qui n'en finit pas, » dit-il, faisant un geste par-dessus son épaule dans la direction générale des bureaux administratifs avec un roulement d'yeux. « Grimshaw m'a juste envoyé chercher des documents qu'il a oublié dans son bureau. » Il jeta un coup d'œil à sa montre. « Ça m'étonnerait qu'on sorte d'ici avant vingt-deux heures. »

Harry hocha de la tête, son pouls accélérant un peu à la mention de la réunion. Il savait qu'ils devaient prendre une décision à son sujet d'un jour à l'autre, qu'ils étaient probablement en train de le faire à cet instant. Avec un débat s'éternisant, il n'avait pas exactement confiance en une finalité en sa faveur.

La honte envahit Harry alors qu'il se balançait maladroitement d'un pied à l'autre devant Liam, frottant le bout d'une de ses bottes sur la douce moquette rouge du sol de la mezzanine. Il savait que son inquiétude n'était pas entièrement liée à l'issue de la décision, c'était le fait qu'une décision allait être prise tout court. Je dois parler à Louis dans tous les cas, pensa Harry, grimaçant intérieurement à son insécurité et à l'appréhension confuse que l'idée d'une telle conversation lui faisait ressentir. J'aurais déjà dû lui en parler, putain. Depuis des semaines. Des semaines... Il avait utilisé le retardement comme une tactique d'évitement pendant plus d'un mois et il ne pouvait plus se mentir.

Liam devait être en mesure de dire que Harry se demandait dans quel sens le vent allait tourner, parce qu'il se pencha en avant, d'une façon légèrement trop pressée, clairement sur le point de dire quelque chose de confidentiel. « C'est incroyable que ça leur prenne aussi longtemps pour se décider, » murmura-t-il, roulant à nouveau ses yeux. « Et juste entre vous et moi, si ça ne se finit pas par un vote positif en votre faveur... » il regardant d'un côté puis de l'autre pour s'assurer qu'ils étaient seuls avant de continuer, sa voix encore un peu plus basse, « je parie que ce sera la faute de Louis Tomlinson. »

La tête de Harry se releva brusquement, surpris et confus, l'adrénaline parcourant rapidement ses veines comme du poison chaud.

« Quoi ? » réussit-il à dire d'une voix étranglée, son cœur battant violemment contre sa cage thoracique.

« Ouais, » acquiesça Liam, caressant ses lèvres d'agacement avant de continuer. « En fait, Tuner l'a arrêté dans le couloir cette après-midi et lui a demandé son opinion, s'il pensait que vous étiez un bon candidat pour l'OSL. Et Tomlinson a dit non... Il a dit non ! » Liam écarquilla ses yeux d'incrédulité au culot de Louis alors qu'il parlait, secouant lentement sa tête. « J'ai cru que Grimshaw allait l'étrangler. »

Harry fit un petit bruit de détresse, mordant sa lèvre inférieure pour le retenir. Il cligna rapidement des yeux vers Liam, trop étonné pour faire quoi que ce soit d'autre. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Il se sentit déconcerté et désemparé, presque au point de la désorientation, secoué violemment par cette révélation. Son cerveau était fait de coton et il y avait une étrange pensée qui résonnait en boucle dans ses oreilles.

Ça devait être une erreur. Ça devait l'être. Juste un malentendu. Louis ne ferait pas ça, pensa Harry. Il sentit nauséeux alors que quelque chose d'écœurant et métallique envahit sa bouche, son cœur comme une boule de douleur dans sa poitrine. Pourquoi le ferait-il ? Pourquoi ?

« Et après que vous lui ayez offert ce Dvořák, en plus ! » chuchota Liam avec dégoût.

Harry amena une main tremblante à son front et laissa échapper un long soupir, fixant droit devant lui. Il n'arrivait pas à saisir, tout était complètement incompréhensible. Il était encore sonné par tout ça, son esprit était une chose lointaine, son système nerveux en révolte. Tout son corps fut pris d'une sueur froide.

Plus Harry restait silencieux, plus Liam semblait se sentir de moins en moins bien. De toute évidence, il s'était attendu à une plainte partagée au sujet de l'arrogance ridicule de Louis, peut-être une façon de nouer un lien. N'importe qui aurait probablement attendu une réponse verbale quelconque. Particulièrement en étant totalement inconscient du fait que Louis Tomlinson tient mon cœur pathétique dans le creux de sa main.

« Je, euh – » dit Harry, tentant toujours en vain de se ressaisir. « Je – »

Il devait empêcher tout ceci de devenir un désastre. Il ne voulait très certainement pas que Liam Payne comprenne tout. Réussisse à lire en lui. Pas maintenant. Bon Dieu, surtout pas maintenant. Pas si...

Mais.

Il ne ferait pas ça. Je le connais. N'est-ce pas ? Il ne ferait pas ça... Comment pourrait-il ? Je ne peux pas croire qu'il le ferait. Je ne peux pas !

Harry prit une respiration tremblante. Il se sentait toujours aussi désespérément protecteur envers Louis, il était si profondément et éperdument amoureux de lui. Alors, malgré le fait que cela puisse être la fin du monde, il ne pouvait tout simplement pas laisser passer le commentaire mensonger de Liam au sujet du concerto de Dvořák. Il utilisa cette partie désespérée et dévouée de son âme pour finalement retrouver sa voix.

« J'ai peut-être choisi le Dvořák, » expliqua doucement Harry. Il rassembla toute la force qu'il avait pour ne pas trahir le fait qu'il était proche des larmes, s'étouffant presque. « Mais avoir Louis, ici, pour le jouer, c'était ça le cadeau. »

Liam cligna des yeux, son regard inquiet étudiant le visage de Harry comme s'il était en train de chercher la solution à quelque chose. Merde. Il avait probablement juste réussi à empirer la chose.

Harry déglutit fortement puis prit une autre respiration. Il pouvait faire ça, jouer un rôle pour se sortir de ce bordel. Et parler à Louis. Putain, il devait parler à Louis.

« Cela dit, » continua Harry, ignorant la souffrance féroce qui emplissait tout son corps, lui faisant ressentir une douleur sourde, « je suppose qu'on n'a jamais eu une relation de travail particulièrement harmonieuse, hein ? » réussit-il à dire avec un ricanement détaché.

Liam lui fit un petit sourire entendu, la confusion sur son visage se dissipant légèrement.

C'est un mensonge, pensa Harry. C'est un mensonge. Des pointes de douleur provoquées par la peur parcoururent son dos. N'est-ce pas ? Du moins, ça l'est pour moi... Peut-être au début, mais ensuite...

Il stoppa ce train de pensées. Il devait passer à autre chose même si ça le tuait.

« Je ne peux pas dire que je ne suis pas déçu, mais je ne suis pas si surpris, » dit-il. Il garda son ton aussi sec que possible, même si son cœur remontait dans sa gorge alors qu'il mentait.

Liam soupira de compréhension, secouant sa tête. Il pensait clairement à ses propres expériences face à des musiciens prima donna difficile.

Devrais-je l'être, cependant ? pensa Harry, une nervosité néfaste s'installant dans ses tripes. Devrais-je être surpris ?

Ses pensées furent coupées par Liam se raclant la gorge et pointant le couloir en direction du bureau de Grimshaw. « Eh bien, » dit-il, tapotant Harry sur l'épaule, « Je devrais y aller. Désolé d'être le porteur de mauvaises nouvelles, Maestro. Je suis derrière vous. »

Harry fit un petit hochement de la tête pour le remercier puis Liam s'éloigna, son pantalon se balançant vivement.

Harry se retrouva seul sur la mezzanine et prit une inspiration tremblante, une main sur son ventre. Il se sentait exposé et à nu ; même sa peau lui faisait mal.

Il devait parler à Louis, tout de suite.

Moins d'une demi-heure plus tard, Harry se tenait sur le trottoir devant chez Louis avec le cœur lourd, fixant la peinture verte écaillée de sa porte d'entrée. Il avait pris un taxi jusqu'ici, ne prenant pas la peine d'envoyer un message pour prévenir qu'il venait. Il avait supposé que Louis ne répondrait pas, ou qu'il lui dirait que ce n'était pas la peine, et Harry n'était pas sûr duquel était le pire. Il semblait que Louis était chez lui, cependant ; Harry pouvait voir la douce lueur d'une lumière par une fenêtre.

Sa poitrine se serra alors qu'il regardait la petite maison. Il n'avait jamais réellement été à l'intérieur avant, et il ne connaissait sa localisation seulement parce que Niall les avait, tous les deux, raccompagnés chez eux en Astra après un brunch. Le premier arrêt avait été chez Louis. Se souvenir de la façon dont il avait monté les escaliers en courant, se retournant pour faire joyeusement un signe de la main à Harry (son sourire était pour lui, vraiment) rendit la douleur dans son sternum plus vive, se répandant à travers sa cage thoracique.

Merde. Il laissa échapper un rire misérable. Un genre différent d'aigreur cette fois-ci.

Il avait mangé trop de nourriture grasse au restaurant où ils avaient été bruncher ce jour-là et il avait passé le trajet jusqu'à chez lui et plusieurs heures après, à se plaindre à Louis de sa qualité de vie qui s'était nettement dégradée. Mais ensuite, Louis était venu chez lui en fin d'après-midi avec des antiacides. Il avait taquiné Harry au sujet de ce qu'il avait perçu comme une tolérance ridiculement basse à la douleur, mais il l'avait également dorloté jusqu'à ce qu'il se sente mieux, le laissant se coucher sur le canapé avec la tête sur ses genoux, les doigts de Louis caressant doucement ses boucles.

« Je sais que tu te sens mieux depuis des heures, » avait dit Louis avec un sourire tendre, alors que la nuit tombée. « Quel incroyable comportement, Styles, exploiter la situation de cette façon ! Profiter de ma sympathie ! »

Il donna aucun signe que Harry devait réellement bouger, cependant, et ils étaient restés dans la même position, les mains délicates de Louis enfouies dans ses cheveux jusqu'à ce qu'il soit temps d'aller se coucher.

Ça avait été tellement adorable.

Des larmes montèrent aux yeux de Harry à ce stupide souvenir. Il y avait tellement... tellement de stupides souvenirs parfaits.

J'ai le cœur brisé, en fait. Pas des brûlures d'estomac, pensa-t-il niaisement, fixant toujours la lumière à la fenêtre. Un gloussement hystérique s'étrangla dans sa gorge à sa tentative pathétique et légèrement bancale de rendre la situation plus légère. C'est ça, rigole pour ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. (ndlt : jeu de mots en anglais 'heartbreak' = cœur brisé et 'heartburn' = brûlure d'estomac)

Harry était monté dans le taxi plein de colère légitime, prêt à se rendre chez Louis pour demander des réponses, ordonner de savoir si c'était vrai. Lui demander pourquoi, et comment, et pourquoi, et est-ce que je t'ai même réellement connu ?

Maintenant, il était juste effrayé. Si effrayé, si triste et tellement blessé. Il n'était pas prêt à avoir la confirmation qu'il était sûr d'être sur le point d'avoir. Il n'était pas prêt à voir le Louis qui était à l'intérieur de la maison. Il voulait juste se raccrocher au Louis dont les genoux avaient accueilli sa tête et qui avait doucement caressé ses tempes. Harry n'était pas capable de concilier les deux dans sa tête. Il ne voulait pas admettre que l'un d'eux existait vraiment.

Harry essuya les quelques larmes qui avaient coulé sur ses joues, secouant ses membres et se préparant au pire. Il commença à grimper les escaliers.

Comment a-t-il pu ? Comment ? se demanda-t-il, se raccrochant aux derniers vestiges d'espoir. Une énergie nerveuse se réveilla en lui à chaque pas, atteignant un niveau proche de la panique. C'était comme s'il était sur le point de découvrir le résultat d'une audition dont l'enjeu était énorme et qu'il était sûr d'avoir bâclée. Mais cette fois, il ne savait pas quand ni comment, quelles notes il aurait loupée.

Il s'arrêta devant la porte décrépie, tout son corps tressaillant d'anxiété. Il leva une main tremblante, déglutit fortement puis toqua.

Harry baissa sa tête et ferma ses yeux. Il fit un pas en arrière, écoutant le son de pas approchant doucement à l'intérieur de la maison. Son cœur battait si rapidement et avec tellement de force que sa colonne vertébrale lui faisait mal.

Il ne ferait pas ça. Il ne l'a pas fait.

La porte s'ouvrit petit à petit et les yeux de Harry s'ouvrirent à la même vitesse. Le temps sembla se suspendre alors qu'il relevait doucement la tête.

Louis se trouvait dans l'embrasure de la porte, le visage vide et le regardant.

Il l'avait fait.

« Louis. » Le prénom sortit dans un horrible sanglot tremblant et haché, s'arrachant de Harry comme si son âme était venue avec. Il se retourna et fit face à la rue, des larmes floutant sa vision. Il ne pouvait pas regarder Louis une seconde de plus, incapable de réellement comprendre ce qu'il avait vu dans ses yeux bleus pleins de prudence.

Des ruines. Des ruines. Tout était en ruines autour de lui. S'effritant, s'effondrant et se désintégrant alors que la douleur et l'humiliation l'engloutissaient.

C'était pire que ce à quoi il s'était attendu, pire que ce qu'il aurait pu anticiper ou imaginer. C'était globale – tout son corps, chaque fin nerveuse était à nue et faisait des étincelles. Le torse de Harry se balançait légèrement en une trajectoire elliptique irrégulière. Il était presque grisé par la douleur. Ivre et en train de se noyer dedans, ayant désespérément besoin d'air qui ne viendrait jamais.

« Qu'est-ce que tu voulais ? » demanda Louis sans émotion, après un battement.

Toute la colère légitime, qu'il avait ressenti plus tôt, revint férocement en Harry, s'enflammant d'un coup. Le manque d'émotion dans la voix de Louis ayant le même effet qu'une allumette en feu jetée dans de l'essence. Il se retourna avec un regard brûlant.

« Tu te fous de ma gueule ? » réussit-il à cracher à travers ses sanglots. Avant même de se rendre compte de ce qu'il était en train de faire, il avait acculé Louis dans la maison et il le fit reculer jusque dans le salon, tremblant de rage. « Hein ? »

Louis mit rapidement le canapé entre eux, son regard dur et sa mâchoire serrée. Il croisa ses bras sur sa poitrine et ne fit aucun mouvement pour répondre.

Harry se mit à faire les cent pas, secouant ses bras pour évacuer l'excès de colère et essayant de ne pas montrer qu'il était proche de l'hyperventilation. Il s'approcha de Louis après cinq ou six aller-retours, ayant l'intention de foncer sur lui, mais quand il le regarda directement, son envie de lutte quitta son corps. Il n'avait pas l'énergie ; une autre vague de chagrin l'avait submergé. Il prit une respiration hachée, levant une main comme barrière entre eux. Il avait besoin de quelque chose de plus que le stupide canapé de Louis, quelque chose qu'il aurait choisi et non Louis.

« Je n'arrive pas à comprendre, » murmura-t-il finalement, sa voix troublée par l'émotion. « D'où est-ce que ça vient ? Je n'ai pas arrêté de me dire, sur le trajet jusqu'ici, que Louis ne ferait pas ça. Louis ne ferait pas ça. Pourquoi ferait-il ça ? Et je n'arrive pas à comprendre. Je n'arrive pas – » il retint sa respiration.

Louis se déplaça avec un air embarrassé de l'autre côté du canapé, semblant petit, insensible et détaché. Absolument magnifique, malgré tout. Il resta silencieux.

« Parce que je pensais. Tu ne... pas du tout ? Parce que moi, je t'aim – » Harry se coupa. Il ne pouvait se résoudre à le dire, se rendant compte, avec un élan putride de honte, à quel point cet amour n'était absolument pas réciproque pour que Louis en vienne à faire quelque chose comme ça. Il était coupé dans le vif, quelque chose s'était déchiré en lui et il lutta pendant plusieurs secondes pour réussir à respirer à nouveau. La douleur sur le perron n'était que le commencement, apparemment.

« Je suis un tel idiot, » marmonna-t-il. Ses joues étaient rouges de frustration et d'embarras. « Tu m'as fait passer pour un vrai imbécile. »

Le front de Louis se plissa. Il fronça puis haussa un sourcil. « T'es clairement toujours capable de faire embaucher. Donc. »

Harry haleta, ses yeux s'écarquillant et s'humidifiant. C'était comme s'il avait été frappé de plein fouet par le rebondissement d'un thriller médiocre ; son personnage préféré avait été le méchant depuis le début. Comment avait-il pu être aussi aveugle ? Est-ce que je ne le connais absolument pas ?

« Tu vas à Berlin, » dit Louis, haussant ses épaules et se balançant légèrement d'avant en arrière.

« Eh bien, ça semble être ma seule option, de toute façon, » dit Harry, trop choqué et contrarié pour dire quoi que ce soit de plus.

« Ouais, » dit Louis, le seul signe d'émotion chez lui fut un léger tremblement dans le muscle de sa mâchoire. « Donc. J'veux dire, je ne suis pas sûr comment tu peux faire comme si cette histoire entre nous était réellement sérieuse, en premier lieu. » Il fit un geste entre eux avec un mouvement désinvolte de son délicat poignet.

« Oh, je vois, » dit Harry d'une voix rauque, serrant et desserrant son poing pour se distraire de la douleur brutale dans son cœur. « Alors... alors tu agissais juste en accord avec ce que tu croyais être au mieux des intérêts de l'orchestre, hein ? »

Louis haussa ses épaules.

Tout le corps de Harry s'affaissa et il baissa les yeux vers ses chaussures, se sentant toujours aveuglé et déconnecté. Il souhaitait que quelque chose en lui s'endurcirait face à Louis, mais ce ne serait pas le cas. Peut-être que ce ne serait jamais le cas. Ce n'était pas le pire. Il pourrait aimer Louis pour le reste de sa vie et Louis ne le laisserait jamais entrer dans sa vie, pas complètement. Jamais. Il se sentait tellement démoralisé, vaincu et faible.

Quand il releva la tête pour parler à nouveau, il y avait des larmes chaudes coulant sur son visage. « Je ne te comprends pas, » dit-il d'une voix étranglée, secouant sa tête. « Je veux... Je veux tellement être à tes côtés, tout le temps. Et peu importe les efforts que je fais, tu ne me veux pas à tes côtés. Tu ne me laisseras pas l'être. Tu me repousseras toujours. Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à apprendre de mes erreurs. » Il s'étrangla sur les derniers mots.

Louis baissa les yeux, le regard fixé sur le canapé devant lui. Il n'initia aucun contact visuel et il ne dit pas un seul mot.

« Bien, » dit Harry. « Bien. » Il secoua sa tête. « Au revoir, Louis, » chuchota-t-il avant de retourner dans le hall d'entrée de Louis et de sortir hâtivement.

*

Harry se débrouilla incroyablement bien pour arriver à Heathrow à temps pour prendre son vol pour Berlin. La seule raison pour laquelle il n'allait pas louper son avion était parce que Niall lui avait envoyé des messages de rappel sur la réalité des vols internationaux depuis le milieu de la matinée.

10 :25 J'espère que t'as fait tes bagages, Hazza. Tu ne peux pas partir si tu ne l'as pas fait !!!!

11 :15 Il faut arriver 2h en avance pour les vols internatiooooonaux. Ne sois pas en retard.

12 :30 T'as fini tes valises ? Ouvre ton sac, mets-y des sous-vêtements.

12 :45 N'oublie pas de prendre en compte le temps de trajet en taxi jusqu'à l'aéroport, mec !!!!! :)

12 :46 J'sais que t'as dit que t'avais besoin de personne pour t'emmener à LHR mais est-ce que quelqu'un vient te chercher au Flig Garten ???

Harry céda finalement et lui répondit, même s'il savait que Niall avait voulu l'appâter avec son allemand ridicule et il faisait juste son jeu.

12 :47 Flughafen

12 :47 Et non.

12 :47 Mais ça ira.

Harry sortit de son loft en chancelant cette après-midi-là, avec seulement un pauvre sac en toile et un sac à dos comme bagages. Il était obligé de laisser son violoncelle derrière lui cette fois-ci, puisqu'il n'avait pas pu réserver un billet en plus pour elle sur son vol. Il essayait de se remonter le moral à ce sujet en se disant que ce serait plus simple pour trouver un taxi. Ce qui se trouva être vrai, Dieu merci, parce que malgré le harcèlement incessant de Niall, Harry était déjà en retard de vingt minutes sur ce qu'il avait prévu pour passer les contrôles de sécurité à temps.

C'était agréable, que Niall soit d'un tel grand soutien depuis que la chose se soit produite. Même si Harry n'arrivait pas à en parler ouvertement. Et même si, parfois, la gentillesse de Niall mettait Harry encore plus au bord des larmes qu'il ne l'était déjà, c'était toujours un tel réconfort, de l'avoir auprès de lui en tant qu'ami.

Harry était presque sûr que Niall avait été capable de dire que quelque chose n'allait pas à la seconde où il était arrivé dans son bureau de St. Luke's pour l'aider à faire ses cartons, comme ils l'avaient prévu.

« T'es pas partant pour aller boire un coup ce soir, hein ? » avait-il demandé, après qu'ils eurent fini de décharger le coffre de la voiture et monter les cartons dans le loft de Harry ce soir-là. Niall s'était appuyé contre l'Astra, les chevilles croisées, son regard doux posé sur Harry.

Harry avait mordu sa lèvre pour s'empêcher de pleurer puis avait secoué doucement sa tête.

« Très bien, » avait dit Niall, agrippant sa nuque et fronçant ses sourcils. « Fais-moi savoir si t'as envie de parler, d'ac, Hazza ? »

Harry avait simplement hoché de la tête, incapable de parler alors que Niall lui avait donné une tape sur l'épaule. Il était monté dans sa voiture puis était parti. Harry s'était tenu sur le trottoir et l'avait regardé prendre le premier tournant, puis il était monté dans son appartement et avait pleurer jusqu'à ce qu'il s'endorme enfin.

C'était essentiellement ainsi que les choses se passèrent depuis une semaine et demie. Harry passait son temps à errer dans un étourdissement détaché, comme un zombie, soit en pleurant soit sur le point de le faire. Il était totalement dévasté et indéniablement triste. La douleur s'était installée comme un joug autour de son cou et il l'emportait partout avec lui, tout le temps. Elle ne disparaissait jamais réellement, elle variait seulement en intensité. Il ne semblait même pas pouvoir y échapper en dormant. C'était bien pire qu'une simple déception amoureuse ; Harry avait bel et bien le cœur brisé. Il savait que, pour la première fois dans sa vie, il éprouvait un vrai et profond chagrin. Niall avait semblé le ressentir aussi.

C'était pour cette raison qu'il était venu aider Harry à nettoyer son bureau au Barbican, sans même qu'il ne lui demande, après que l'offre de l'OSL tomba officiellement à l'eau. Et pourquoi, à la place de la grande fête que Harry savait qu'il aurait normalement prévu, Niall avait amené Harry dans un restaurant chinois en guise de déjeuner d'au revoir, juste tous les deux. Et pourquoi il avait envoyé des messages à Harry pendant toute la matinée, l'encourageant à faire le nécessaire pour prendre son vol, en essayant de le faire rire et juste, plus généralement, en lui faisant savoir qu'il serait toujours là si Harry avait besoin de lui. Harry lui en était reconnaissant.

La vue de Londres qui défilait par les fenêtres du taxi se flouta alors que des larmes coulaient des yeux de Harry, pour ce qu'il semblait être la centième fois de la journée. Il regrettait de quitter Niall, d'autant plus qu'il était un ami exceptionnel, mais la vérité était qu'il y avait qu'une seule raison pour laquelle il avait été si peu disposé à prendre son vol, pour laquelle il s'était mis en retard de façon plus que déraisonnable ou rationnelle. La seule et unique raison pour laquelle son cœur battait de plus en plus vite à mesure qu'il se rapprochait de l'aéroport. Ça y était. Il dut étouffer un sanglot alors qu'il prenait pleinement conscience de la situation, cette tristesse toujours présente en lui s'intensifiant à son maximum. C'était comme si son cœur allait se déchirer. Il ne voulait toujours pas que ça se finisse.

Louis Tomlinson.

Louis Tomlinson.

Respire profondément.

Respire profondément.

La voix de sa mère dans sa tête était la seule chose qui l'empêcha de se ridiculiser entièrement sur la banquette arrière du taxi.

Respire profondément.

Harry avait eu plein de temps seul depuis ce soir-là chez Louis, plein de temps pour réfléchir à tout ça, pour s'attarder dessus à en devenir obsédé, et il n'arrivait toujours pas à trouver une solution à tout cette histoire. Il n'arrivait pas à comprendre ce qui avait été de travers et comment il avait pu aussi mal interpréter la situation. Il n'arrivait pas à comprendre la froideur dans les yeux de Louis, la distance maintenue prudemment et intentionnellement qui semblait si éloignée du Louis Tomlinson dont il était tombé amoureux. Son appartement était devenu un trésor empoisonné plein de souvenirs auparavant tendres. Des rires et de douceur, la main de Louis dans sa nuque. Je suis tellement désolé en ce qui concerne le Boléro, Harry. Je – Je suis désolé pour tout ça.

Harry soupira et serra ses poings, sentant ses biceps se tendre alors qu'il donnait un petit coup dans le vinyle du siège du taxi. Il doit avoir ressenti quelque chose. Je le sais. Il a ressenti quelque chose, hein ? Mais pourquoi ? Pourquoi... ses pensées étaient bloquées sur ses doutes tournant en boucle.

Il ne pouvait pas s'empêcher de penser à ce qu'il se serait passé s'il n'avait pas croisé Liam Payne sur la mezzanine ce soir-là. Est-ce que ça aurait été mieux ? Est-ce que ça aurait été moins douloureux de ne jamais avoir su ce que Louis avait fait ? Est-ce que Louis lui aurait sagement suggéré d'aller à Berlin après que Harry eut proposé de rester même s'il n'avait plus de travail à Londres ? Parce que c'était ce que Harry aurait fait. Il aurait eu envie de rester avec Louis, quoi qu'il en soit et peu importe où. Est-ce que Louis l'aurait laissé tomber aussi facilement ? En laissant subtilement entendre qu'il n'y avait aucune raison valable à Harry de rester à Londres, pas d'après lui, de toute façon ? Dans son cœur, Harry n'arrivait pas entièrement à croire que Louis aurait fait ça, mais au fond de lui, c'était ce dont il avait eu si peur depuis le début. Le rejet.

Rejeté par Louis Tomlinson, encore une fois.

Harry avait juste eu la preuve qu'il avait eu raison, mais il ne parvenait pas à se débarrasser de ce vague sentiment angoissant que ça avait été, en quelque sorte, une prophétie auto-réalisatrice. Il se sentait encore plus désespérément déprimé lorsqu'il pensait à comment ils s'étaient rarement disputés, lorsqu'ils s'étaient finalement mis ensemble. Une voix terrible et insistante dans sa tête ne cessait de dire, Vous ne vous disputez jamais parce que vous ne parlez jamais réellement, pas des choses importantes. Vous ne parlez jamais, ça signifie que tu ne le connaissais pas réellement, hein ? Jamais. Pas du tout.

Si, je le connaissais ! voulait-il crier. Je le connaissais ! Je le connais ! Mais il n'était pas certain que ce soit la vérité.

« Quel terminal ? » demanda le chauffeur alors que Heathrow se profilait à l'horizon, sortant Harry de ses pensées.

« Cinq, » dit Harry, mais sa voix sortit trop faiblement pour être entendue, bloquée par l'émotion. Il éclaircit sa gorge et essaya de nouveau. « Cinq. »

Et puis, il se retrouva à l'intérieur du Terminal Cinq, clignant des yeux vers le tableau des départs, cherchant le vol de 16h50 de la British Airways pour Berlin Tegel. Il était bien à l'heure. Harry allait devoir s'enregistrer.

Une semaine s'était passé depuis que Harry avait quitté Londres, et Louis était habillé de façon présentable. Ses cheveux étaient lavés et coiffés. Il s'était rasé ce matin, sans se couper et s'était rappelé de mettre du déodorant. Ses chaussettes étaient assorties. Il était dans une salle de répétition au sous-sol de St. Luke's à 7h30, travaillant assidûment sur une nouvelle musique pour la cheffe d'orchestre invitée, Lucinda Price. Les notes vibrèrent de son violon avec confiance et résonnèrent entre les murs insonorisés du petit espace, roulant et s'effaçant l'une sur les autres, comme des vagues. Il était le premier violon de l'Orchestre Symphonique de Londres.

Il avait l'impression d'être une merde humaine.

Pas qu'il s'autorisait à être affecté par tout ceci. Maintenant que Harry était parti, maintenant qu'il l'avait laissé pour des pâtures plus vertes et moins compliquées (l'Allemagne), Louis pouvait finalement se concentrer. Il pouvait à nouveau se retrouver dans la musique. Dans son emploi du temps de répétition, qu'il s'était juré de tripler.

Il fronça ses sourcils. Alors pourquoi j'ai l'impression que ce que je joue sonne robotique.

Ce n'est rien, se dit-il. J'suis juste rouillé. J'ai juste besoin de me détendre.

Louis eut un flash de Harry se penchant vers lui, rouge et sexy avec ses boucles en sueur tombant sur son front, fredonnant alors qu'il utilisait deux doigts pour préparer Louis. « Hang loose... Hang loose... » (ndlt : « Détend-toi ») Il s'était mis à glousser ensuite, glissant un troisième doigt en lui, et Louis avait jeté un bras sur son visage. « Idiot, » avait-il marmonné avec tendresse. Mais Harry avait continué à chanter.

« Go with the tide and I'm-a take care of you. » (ndlt : « Laisse-toi aller avec la marée et je prendrai soin de toi. »)

Louis chancela, ses doigts se crispant sur son archet. Harry avait fait partie de sa vie – il avait fait partie de sa vie et il était parti. Voilà tout. Il était temps de travailler. Il prit une profonde respiration et tourna la page de sa partition. Il allait reprendre ce qu'il faisait avant. Ce qu'il faisait avant était très bien. « Harry a choisi, » marmonna-t-il pour lui-même comme un mantra. « C'était le choix de Harry. Harry a choisi Berlin. Harry a choisi. Harry a choisi. » Et ce que j'ai dit au conseil n'a fait aucune différence.

Il entendit toquer à la porte. Louis regarda sa montre avant de se retourner – il était encore tôt, presque huit heures. Il posa prudemment son violon dans son étui et passa sa tête dans le couloir. « Nicholas Grimshaw, » dit-il. Bon Dieu, même sa voix sonnait morte.

« Louis Tomlinson, » répondit Nick. « On doit parler. Puis-je... ? » Il se fraya un chemin jusque dans la minuscule salle de répétition, un dossier plein à craquer sous un de ses bras.

« Bien sûr... » dit Louis, ses sourcils haussés alors que Nick essayait de se mettre à l'aise sur une chaise pliée et à moitié cassée. Ses genoux noueux touchaient presque Louis, qui se tenait avec embarras au-dessus de lui contre le mur opposé. Il ne pensait pas avoir déjà vu le directeur général dans le sous-sol de St. Luke's. Il ne s'accordait pas vraiment au décor.

« Vous n'avez accepté aucune de mes demandes de rendez-vous sur Outlook, » dit Nick avec un froncement. « C'est pour cette raison que je suis venu vous trouver en personne. »

« Désolé, je – »

Nick leva ses mains, le dossier tombant sur ses genoux. « Pas que je m'attende à ce que vous, les musiciens, alliez vérifier vos emails ; vous êtes toujours en train de répéter quelque part, ce qui est probablement mieux comme ça. C'est comme essayer de rassembler des chats... » Il soupira. « Bref. »

« Nick, » le coupa Louis, « je suis désolé de ce que j'ai dit à Dennis Turner. Je sais que vous essayiez de me faire dire tout le contraire... » Il mordit sa lèvre et roula ses yeux vers le tapis, fixant le bout des chaussures vieillottes de Nick.

« Non, non, » Grimshaw balaya ses excuses d'un geste de la main. « Vous n'avez fait que dire la vérité. Honnêtement, c'était un peu inapproprié de ma part de vous coincer de cette façon pour vous demander ça. La majorité des membres du conseil cherchaient une excuse pour ne pas investir cet argent dans le salaire de Styles. Même si vous aviez dit ce que je voulais entendre, ils auraient trouvé quelque chose d'autre. Non, ce n'est pas à ce sujet. »

Louis s'affaissa un peu de soulagement, ses muscles se détendant légèrement alors qu'il était toujours sur les nerfs. Ce n'est pas de ma faute, pensa-t-il, avec un zeste d'indignation légitime. Vous voyez ? Ce n'est réellement pas de ma faute. Il serait parti à Berlin dans tous les cas. Ça aurait été fini, de toute façon. Il ajouta cette nouvelle information à sa réalité prudemment construite, celle qu'il s'était construit dans le métro deux semaines et demi auparavant, lorsqu'il était rentré du Barbican après sa conversation avec le conseil. Il serait parti quoi qu'il arrive. C'était la seule chose à laquelle il avait pensé lors de sa confrontation avec Harry, la seule chose qui lui avait permis de garder un visage impassible, même si son cœur était en train de se briser. Tu me quittes dans tous les cas. Dans tous les cas, t'as choisi de me quitter.

« Bien que ce soit dommage, parce que Harry a clairement laissé entendre qu'il aurait été plus que heureux d'accepter une place permanente à l'OSL. Il n'arrêtait pas de parler d'à quel point il adorait Londres. A quel point il avait envie de rester... je suis sûr que si le poste lui avait été proposé, il aurait refusé celui de Berlin en un clin d'œil. » Nick continua à voix basse et avec un sourire en coin. « Entre nous, je pense qu'il voyait quelqu'un. »

Il n'y avait plus d'air. Il n'y avait plus d'air dans la pièce. Les pensées de Louis s'envolèrent. Son monde explosa et se reforma une seconde après, dans de nouvelles formes terrifiantes. Il ferma ses yeux pendant un instant, il avait l'impression de ne plus pouvoir bouger. Il n'arrivait pas à réagir. Et Nick se mit simplement à rire.

« Mais là n'est pas la question. Vous êtes de toute évidence content de le voir partir, et j'avoue que ça me facilite un peu la budgétisation de la prochaine saison. »

Louis voulait que Grimshaw aille directement au but. Ou était-il juste venu ici pour arracher le cœur de Louis de sa poitrine et lui fourrer dans la gorge ? S'étouffer avec son propre cœur – c'était ça, merde, c'était ça qui se passait. Louis n'arrivait plus à respirer. Il sentait son torse se lever et se baisser rapidement, paniquant (c'était ce qu'il avait voulu éviter avec les chaussettes assorties, le rasage, en s'habillant et en répétant) alors qu'il essayait d'inspirer. Pourquoi Nick n'avait-il pas remarqué le manque d'air ? Louis était en train de s'étouffer avec le vide. Ses mains se mirent à trembler ; il chercha immédiatement Thunder, ne voulant pas le laisser tomber – oh, il était juste là-bas dans son étui...

« Une chose est devenue claire à la suite de cette affaire avec Styles, c'est que l'OSL a besoin de jeune étoile brillante. »

« Euhm ? » réussit à dire Louis de façon étouffée. Il pouvait dire qu'il agissait bizarrement ; il pouvait presque se voir s'agiter, respirant profondément. Mais Nick continua de parler.

« Oui, quelqu'un pour qui tout le monde sera excité. Quelqu'un pour Internet, si vous voyez ce que je veux dire ; quelqu'un pour construire un battage médiatique, quelqu'un de... sexy. »

Alors, Nick avait interrompu sa répétition matinale pour l'informer que Harry Styles avait été sexy. Ça doit être le fond du baril, pensa Louis, avec une nouvelle vague de panique. Ça doit l'être, juste là, juste maintenant. Soit c'était ça, soit il tombait lentement vers des profondeurs qu'il n'avait jamais imaginé de sa vie.

« On pense que cette personne pourrait être vous. »

Louis cligna des yeux. « Q-quoi ? » Il transpirait ; il pouvait sentir les tâches humides sous ses aisselles. Il pouvait entendre ses petites respirations bizarres résonner contre les murs de la salle de répétition, et il se sentit tellement, tellement exposé. Comme un ver sur un hameçon – une petite chose dégoûtante qui se tordait de douleur. Il ne comprenait rien.

« La jeune étoile brillante ! » Nick tapa joyeusement des mains. « Vous êtes toujours jeune et avez... » Il fit un geste de la main en direction du visage de Louis, « une belle gueule. Le conseil d'administration pense que, grâce à la performance du Dvořák du mois dernier, nous pourrions vous promouvoir comme artiste solo. En commençant par un autre concerto ; nous avons pensé que celui de Bruch serait un bon moyen de débuter. Un autre troisième mouvement distinctif et plein d'énergie, n'est-ce pas ? Comme le Dvořák. Et ensuite, nous pourrons commencer à parler de contrat pour des albums... »

La tête de Louis flotta. Il toussa et appuya sa tête contre le mur, clignant des yeux, confus, à la lumière fluorescente vacillante. Une carrière solo. Des albums. De la reconnaissance. Nick était toujours en train de foutrement parler.

« ... et la presse s'est complètement chié dessus à votre sujet, pardonnez-moi l'expression. Nous avons des contacts en relation publique et nous pensons qu'il est probable que nous puissions sortir quelques articles. Pleins de flatterie. Une grosse promo... »

C'était ce qu'il avait voulu. Si vous aviez demandé à Louis cinq mois plus tôt ce qu'il voulait, cette scène était plus ou moins ce qu'il aurait décrit. La chance de se faire un nom, de devenir le prochain Joshua Bell. Louis se sentit curieusement distant à toute cette situation, comme s'il était dans un rêve et qu'il se regardait, observait Nick sortir des feuilles de papier de son dossier et les tendre à Louis, continuant de parler de l'Opération Tomlinson.

« Et bien sûr, on croise les doigts, le Dvořák devrait être sur votre premier album. Les gens en parlent encore. Nous devons frapper le fer tant qu'il est encore chaud... »

Sa voix s'estompa à nouveau. Louis essaya de lire le bout de papier que Nick lui avait donné. Il réussit à enregistrer quelque chose à propos de comment il devrait vraiment, vraiment, vérifier son Outlook plus souvent parce qu'il était sur le point d'être inondé de rendez-vous. Il travaillerait étroitement avec Liam Payne à ce sujet. De grandes choses, Louis ! De grandes choses ! Eh bien, je vais vous laisser. Je suis sûr que vous voulez passer quelques appels.

Mhmm, » acquiesça Louis, un peu absent. « Merci, Grimshaw. » C'était tellement injuste. Il n'avait pas de mots pour décrire à quel point tout ceci semblait injuste.

Puis Nick partit. Louis se retourna et se laissa tomber dans la chaise pliante avec un petit soupir, passant ses doigts dans ses cheveux, étirant la peau de son front lorsqu'il appuya sa tête dans ses mains et il fixa le sol. Tout son corps tremblait encore, recevant des petits piques de douleur alors qu'il réussit finalement à saisir ce que Nick avait dit plus tôt.

Harry voulait rester... Eh bien, si c'était le cas, pourquoi n'avait-il rien dit ? Louis se souvint de l'expression blessée sur son visage quand il était venu chez lui et avait commencé à crier. Cet air de trahison totale dans ses yeux. Il était en colère contre moi pour l'avoir discrédité devant le conseil ; je comprends, pensa Louis pour lui-même plutôt prudemment. Il s'accrochait à cela comme étant la raison principale de la douleur de Harry, des larmes qui avaient coulé sur ses joues. Mais il est parti, et il serait parti dans tous les cas. Et maintenant, tu obtiens ça.

« Ce n'est pas ma faute, » marmonna Louis, obstinément. Sa voix était faible, cependant. Comme s'il n'y croyait pas vraiment. « Je n'ai rien demandé. J'veux dire, c'est ce que je voulais... Je devrais être heureux ! »

Il se demanda avec qui il argumentait.

Louis se leva. Il commençait à fulminer, la colère l'envahissant en même temps qu'un sentiment de culpabilité persistent et déchirant. « Pour l'amour de Dieu, il aurait fini par partir, de toute façon ! Il a choisi. Je n'ai rien faire. Rien. Ce n'est pas ma faute. Grimshaw l'a dit. Il a dit qu'ils ne lui auraient probablement pas proposé le poste... »

Putain. Louis ferma sa bouche et zippa l'étui de son violon. Il rassembla ses partitions et sortit précipitamment de la pièce. Il monta les escaliers si rapidement que ses cuisses brûlèrent et sa tête tourna légèrement, arrivant dans la cour verdoyante derrière l'église, où les jonquilles étaient toujours en fleur. Malik était en train de fumer sa cigarette du matin ; Louis tendit sa main sans dire un mot et reçut une cigarette. « Bon petit homme, » marmonna-t-il, et Zayn hocha juste silencieusement de la tête.

Une fois allumée, Louis s'éloigna et sortit son téléphone avec des doigts tremblant. Il appuya sur ses contacts récents et choisi le nom tout en haut de la liste.

Ça sonna pendant un long moment. Puis,

« Bébé ? »

Louis prit une inspiration saccadée. C'était toujours plaisant d'entendre cette voix, même si parfois... « Salut, maman, » dit-il d'une voix étouffée. Il jeta un coup d'œil vers Zayn, qui détournait délibérément le regard, feignant d'être absorbé par les bourgeons verts des rosiers. Louis se glissa au coin de l'église dans l'ombre sous la corniche.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda-t-elle. Il pouvait entendre des femmes rigoler dans le fond, et le tintement de couverts. Sa voix était saccadée, son ton légèrement pas sincère. Il était clairement en train de la déranger pendant un brunch ou quoi. Classique. Bien. Louis ne put pas retenir le petit rire jaune qui jaillit de lui.

« Je viens juste d'avoir un rendez-vous avec Nick Grimshaw... »

Quand son ton changea quelques minutes plus tard, Louis essaya de ne pas être déçu. Il savait ce qui comptait pour elle, ce qu'elle voulait.

Il souhaitait seulement pouvoir dire la même chose pour lui-même.

Harry leva les yeux sur la célèbre façade en forme de mât de la Berliner Philharmoniker, pliant ses doigts et respirant un air légèrement mêlé à l'odeur de friture. Il devait aller trouver son bureau. Puis il devrait remplir des papiers, et après il aurait sa première rencontre avec l'orchestre. Il essaya de ne pas penser à ce qu'il allait leur dire. Il allait probablement bredouiller quelque chose dans son allemand horrible, dont il ne souvenait qu'à moitié, pendant un moment, jusqu'à ce qu'il s'embarrasse suffisamment.

« La maison, » dit-il. Il fixa la salle de concert, se priant de le ressentir. « La maison. » Ça allait être son chez lui pendant un long moment, et les gens qu'il était sur le point de rencontrer seraient sa famille. Finalement, tout le reste disparaîtrait dans un lointain souvenir – comme d'autres lointains souvenirs – et il serait complètement présent. Ici. A Berlin. Il ferma ses yeux et essaya de l'imaginer.

Juste à cet instant, son téléphone sonna ; il avait reçu un email de Niall. Ce fut donc un vrai briseur d'humeur.

Harry, mec, je vais lui parler. Ne fais pas semblant de ne pas savoir de qui je parle. Il est peut-être le plus gros idiot dans cette situation, mais tu dois aussi te rendre compte qu'il n'est pas aussi fort, indépendant et autant au-dessus de tout ça qu'il prétend l'être. D'accord ??? Gladys envoie ses salutations. Bois une pinte de Bitburger pour moi. Tout va s'arranger.

Harry grogna bruyamment et appuya sur son bouton de verrouillage, son écran devenant noir et froid. Des larmes lui piquèrent les yeux, merde, et il avait pensé qu'il ne lui en restait plus aucune. Il mordit sa lèvre et baissa son regard vers la couleur d'un bronze étrange de la Philharmonie, appuyant le bout de son pied sur le trottoir avec sa botte en suède. Il retraça un vieux chewing-gum encore et encore alors qu'il luttait pour ne pas pleurer. Louis n'est pas indépendant, bien. C'est clairement pourquoi il a dit à Dennis putain de Turner que je n'étais pas un « bon candidat » pour l'OSL, parce qu'il veut que je reste, que je prenne soin de lui et lui fasse des pancakes au petit-déjeuner pour le reste de sa vie. Logique.Harry prit une respiration saccadée. Il avait l'impression de ne pas être en mesure de se maîtriser pleinement, pas depuis cette conversation avec Liam Payne au Barbican, qui avait eu lieu une vie et un continent auparavant.

« Qu'est-ce que tu m'as fait, Louis ? » chuchota-t-il. Ses mains étaient fermement jointes dans son dos, son corps raide. Il n'allait pas encore laisser tout ça l'envahir. Il n'allait pas avoir l'impression de – ugh, non, il n'allait pas refaire la même crise que dans l'avion, qui avait terminé avec Harry entouré par trois hôtesses de l'air lui donnant délicatement des petites serviettes pour essuyer ses yeux. Il n'allait pas penser à la peau de Louis. Sa belle peau dorée ou son sourire. Ou de comment il avait réussi à trouver comme taquiner Harry de la bonne façon. Juste suffisamment pour l'exciter un petit peu, juste pour l'embarrasser légèrement, mais pas au point où Harry ne pourrait pas voir la tendresse rayonnant de lui à travers ses yeux bleus étincelants. Beautiful boy, mon beautiful boy. Avoir l'impression que Louis le trouvait attachant était la meilleure sensation. Et puis, pour une raison inconnue...

« Bon Dieu, qu'est-ce que tu m'as fait ? »

Harry prit une profonde respiration, voulant à tout prix la stabiliser. A cet instant, il sentit une main sur son épaule et il mourut presque de peur.

« Hallo, Harry ! » C'était Florian Weil, posant son étui à violon par terre et ouvrant ses bras en grand pour avoir un câlin. Harry se laissa aller dedans et soupira profondément. Au moins, il avait un ami ici. Un Niall remplaçant. C'est ce que je vais dire quand je répondrai à son email. Il pouvait presque entendre Niall éclater de rire depuis Londres.

« Herr Weil ! » dit-il avec son meilleur accent allemand. « Wie geht's ? Es ist schön dich wiederzusehen !» (ndlt : « Monsieur Weil ! Comment ça va ? ça fait plaisir de te revoir ! »)

Florian se détacha de l'étreinte et lui sourit, ses yeux foncés cherchant son visage. Harry se souvint de la grande aide qu'il avait été la dernière fois qu'il s'était retrouvé seul et s'était senti perdu à Berlin, presque six ans auparavant. Il l'avait aidé à corriger gentiment son allemand, il lui avait montré la ville, conscient que Harry était le genre de personne qui avait besoin d'être un peu materné, même à l'âge adulte. Florian était juste une personne très gentille. Son sourire amicale se transforma doucement en un froncement lorsqu'il aperçut les yeux rougis de Harry et sa peau tachée de larmes. « Est-ce que ça va ? » demanda-t-il, basculant dans son anglais presque parfait. « T'as pas déjà le mal du pays ? »

Harry essaya de ne pas penser à comment Louis l'aurait taquiné sur le fait qu'il traînait de façon flagrante et qu'il parlait avec le trottoir, s'il l'avait trouvé comme ça. Hors de contrôle, Styles. Ou quelque chose du genre. A la place, il tenta d'apprécier la préoccupation amicale de Florian.

« Je, euh... » répondit-il avec une voix tremblante. Il laissa échapper un rire faible, qui ressemblait plus à un geignement puis il roula des yeux. « Oh, je ne vais t'embêter en te faisant écouter mes lamentations au sujet de mon cœur brisé. »

« N'importe quoi ! » déclara Florian, attrapant son violon et accrochant son bras à celui de Harry. « Allons trouver un endroit où manger et s'assoir, et tu me raconteras tout. Tout, » répéta-t-il d'un ton ferme, pointant un doigt vers Harry. Son visage montrait toute sa détermination, ressemblant à un aigle, mais ses yeux bruns étaient chaleureux. Harry s'installa contre lui alors qu'ils se promenaient à travers le Tiergarten, heureux d'avoir au moins un contact humain, même si c'était bizarre et anormal de marcher comme ça avec quelqu'un d'aussi grand.

« Du bist der beste, Flo, » soupira Harry. « Mais t'as vraiment aucune idée dans quoi tu t'embarques. Au fait, ils font toujours ces döner super gras par ici ? Ceux avec la sauce piquante ? » (ndlt : « Tu es le meilleur, Flo » « kebabs »)

« Elle coulera bientôt sur son menton. Super scharf, je te le garantis. » (ndlt : « super forte »)

Harry regarda sa montre – il avait encore environ une heure avant qu'il ne doive absolument être dans son nouveau bureau, empêtré dans la paperasse. « D'accord, » dit-il. « Je pense que ça me va. » C'était une sensation étrange, après avoir passé une semaine et demi au lit dans son appartement londonien à jongler entre les mouchoirs et les films tristes à un rythme alarmant. Il aurait vraiment dû passer ce temps à mettre en vente son loft... (ou en faisant correctement ses bagages...) Mais il se disait qu'il n'avait pas besoin de le vendre. Pas dans l'immédiat, et peut-être que Gemma pourrait l'utiliser dans le futur si, un jour, elle déménageait de façon permanente à Londres. C'est juste du bon sens.

« Comment va Anja ? » demanda-t-il tout d'un coup, se donnant mentalement un coup de pied au cul d'être une telle épave humaine abjecte, qui avait oublié de demander des nouvelles de la petite-amie de Florian.

« Oh, » répondit Florian avec un grand sourire. « Wunderschön. Elle est enceinte. » (ndlt : « Merveilleusement bien »)

Harry s'arrêta au milieu du chemin et le regarda avec la bouche bée, ouvrant à nouveau ses bras en grand. « Flo ! » cria-t-il. « Merde, félicitations. Glückwünsche ! » Ils s'étreignirent et Harry arriva même à laisser sortir un rire sincère alors qu'il sautillait avec excitation. Florian avait été un fêtard notoire quand Harry avait vécu à Berlin, toujours partant pour un flirt en étant bourré ou un collé-serré obscène avec ses divers groupes d'amis. Il savait qu'il y avait eu des rumeurs intéressantes, mais malgré les spéculations persistantes sur sa sexualité, Harry était presque sûr que Florian était hétéro. Et maintenant, il avait finalement trouvé quelqu'un avec qui se poser.

Le cœur de Harry se serra. Moi non. Je n'ai pas ça. Il se sentit soudainement proche des larmes.

« Putain, » souffla-t-il, alors qu'il brisait leur étreinte. Florian se moqua de lui, un gros rire grave qui ne ressemblait en rien à celui de Louis, Dieu merci. « J'veux dire, » Harry toussa, « euh, pour quand c'est prévu ? Est-ce que vous savez si c'est ein Jung ou ein mädchen ? » (ndlt : « un garçon ou une fille ? »)

Ils parlèrent encore un peu de la grossesse. Anja devait accoucher dans quatre mois, en septembre, et le bébé était un garçon. Florian aimait le prénom Lukas, mais Anja penchait plus pour Moritz. Quand ils eurent leurs döner pleins de sauce et emballés dans du papier aluminium, ils trouvèrent un banc sur lequel s'asseoir et Florian commença à poser des questions à Harry.

« J'ai payé ton repas, » dit-il. « Maintenant rembourse-moi en m'en disant plus sur la personne qui t'as mis dans cet état. Qui dois-je tuer ? »

Harry fit un petit sourire, sa bouche pleine de viande, de légumes et de cette délicieuse sauce piquante. « C'est euh... » il déglutit. « Louis Tomlinson. »

Florian grogna, recrachant presque une partie de son döner. « Tomlinson ? Ce petit... »

« Hééé, » intervint automatique Harry, fronçant ses sourcils de façon tempétueuse.

Florian roula ses yeux et se recula. « D'accord, mais raconte-moi tout rapidement avant que je ne fasse d'autres jugements. »

Harry marmonna et débita la majorité de l'histoire – laissant de côté les détails les plus intimes, tout en faisant passer clairement le message, alors que Florian était assis à côté de lui, mâchant et hochant de la tête pensivement.

« Je vais l'empaler avec mon archet, » grommela Florian. « Directement à travers son petit cœur froid. Tu sais qu'on l'appelait 'Snobi Amati' ? » (ndlt : les Amati sont une famille de luthiers italiens et Louis joue avec l'un de leurs violons -si je me souviens bien)

Harry grogna et soupira, léchant une goutte de sauce sur son poignet avant de faire une boule avec le papier aluminium vide et de le jeter dans une poubelle. « Je ne le savais pas, mais je veux bien le croire, » dit-il sèchement. Il ressentit une envie soudaine de protester pour dire que le cœur de Louis n'était pas froid, que c'était une personne merveilleuse ; qu'il était tellement beau, qu'il était...

Je dois vraiment arrêter de me duper, cependant. Il m'a blessé et ce n'est pas acceptable. Il m'a blessé. Parce que c'est ce que Louis Tomlinson fait. Harry laissa échapper une respiration saccadée, voulant que son corps cesse d'être douloureux. Et pourtant, quelque part en lui vivait le petit espoir que Louis avait fait ça pour une raison qui avait, au moins, un peu de sens. Que Harry n'avait pas réellement tout mal interprété. Que Louis était effrayé, ou qu'il avait été manipulé d'une manière ou d'une autre, que des terroristes avaient posé un pistolet sur sa tête et que... C'est là que ses théories commençaient à devenir ridicules. Putain, pensa Harry. Pourquoi ? Il n'arrivait absolument pas à comprendre. Mais il s'en foutait de moi. Il s'en foutait. N'est-ce pas ?

« Je dois arrêter de me berner, » dit-il à Florian alors qu'ils se levaient et se dirigeaient à nouveau vers la Philharmonie, supprimant le reste de ses pensées. « J'ai juste l'impression que j'avais ces œillères pendant toute notre relation. Je pensais que c'était quelque chose de complètement différent de ce que ça avait dû réellement être. Ça me rend un peu fou, pour être honnête. J'étais tellement déconnecté de la réalité que je ne me suis pas rendu compte que... »

« Il doit avoir une queue vraiment géniale, » dit Florian.

Harry grogna simplement et le frappa à l'épaule.

*

Plus tard, alors qu'il se tenait sur un podium devant l'orchestre Philharmonique de Berlin, il eut une étrange sensation de déjà-vu. « Guten Tag, » commença-t-il. « Danke, dass Sie mich hier eingeladen haben. » (ndlt : « Bonjour. Merci pour votre accueil. ») Il observa tous les visages souriants, la plupart d'entre eux inconnus. Aussi inconnus que Gerald Courtenay, Gladys Howard et Zayn Malik l'avaient été pour lui quelques mois auparavant. Ça avait été si agréable d'apprendre à connaître toutes ces personnes, d'avoir des conversations et de nouer des liens d'amitié et... Ne pense pas à lui. Le cœur de Harry se mit à battre à la chamade, et il balança son poids d'un pied à l'autre, baissant le regard vers ses bottes pendant un instant avant de dire, « Désolé, je suis vraiment nul en allemand. »

Tout le monde rigola. Harry sourit. Juste comme son premier jour à Londres.

Alors pourquoi n'arrivait-il pas à croire que ce serait la même ?

La tête de Louis palpitait alors qu'il s'appuyait au-dessus de son lavabo. Sa gorge était douloureuse ; il venait juste d'avaler à sec deux aspirines et il redoutait déjà le reste de la journée. Il était six heures moins le quart. Il devait répéter toute la matinée puis mener la répétition de sa section, juste avant une séance avec tout l'orchestre dans l'après-midi. Ils allaient répéter le Bruch pour la première fois. Il ferma la porte-miroir de son meuble et fixa son reflet.

Il avait l'air débraillé. Ses yeux étaient rouges et sa barbe repoussait, ses cheveux était en bataille. C'est supposé être le moi non-distrait.

Il ne dormait pas suffisamment, c'était tout. Pas depuis... Louis soupira. Harry Styles. Pas depuis que j'ai dormi dans ce stupide lit trop douillet. Ça commençait à le rattraper. Il se pencha en arrière et fit craquer sa colonne vertébrale, grattant légèrement son ventre avec une main alors qu'il essayait de se réveiller. C'est le problème avec l'insomnie, pensa Louis. T'es tout le temps réveillé, mais pas totalement. Pas suffisamment pour te sentir vivant.

Il réussit, quand même, à prendre une douche et manger deux toasts avant de passer la porte de sa maison. La station de métro semblait bizarrement silencieuse, comme si tout le monde s'était barré à Brighton pour profiter du temps doux du mois de juin ; il n'y eut aucune mélodie pour lui dans le métro de 6h14. Louis se força à monter les marches de la station Barbican en décidant d'apprécier, au moins, la sensation du soleil sur son visage, mais il commença à cligner des yeux dès qu'il émergea sur le trottoir. Ugh. Pathétique.

Quand il s'enferma finalement dans une petite salle du sous-sol de St. Luke's, ses membres étaient lourds et sans inspiration. Il joua le Bruch deux fois – il l'avait déjà mémorisé, grâce à son nouveau planning de répétition amélioré – et il ne ressentit absolument rien. Il pouvait à peine se souvenir de comment il l'avait joué, ni même quoi il avait joué. Son cerveau semblait délavé, comme un vieux tee-shirt bariolé après un trop grand nombre de lessive. Confus et terne, avec du gris vaseux partout. Et froissé, pensa-t-il en appuyant sur les rides aux coins de ses yeux, lorsqu'il aperçut son reflet dans un miroir fissuré au-dessus d'une fontaine à eau, lors de la courte pause qu'il s'autorisa.

Il rangea Thunder et traîna des pieds pour aller déjeuner vers midi, pas sûr d'où ni de ce qu'il avait envie de manger. Il arpenta les rues autour de l'église, tournant à gauche et à droite, traversant des rues au hasard avec des personnes qui marchaient avec un but en tête. Et il finit par se retrouver devant les portes en chêne verni du Old Red Cow. Eh bien. Un burger n'est pas la pire des idées. Evidemment, dès qu'il entra dans le pub sombre et presque désert, il repéra une casquette familière assise au but.

Ce n'était qu'il avait évité Niall. C'était juste qu'il... avait été trop occupé, ces derniers temps, à rattraper son retard dans ses répétitions. A s'assurer qu'il restait au sommet professionnellement. Mais Niall n'avait également pas cherché à le voir. Il ne lui avait pas proposé de le ramener chez lui, ni invité pour jouer aux fléchettes avec Gladys. Ce n'est pas grave, cependant, essaya de se rassurer Louis, alors qu'il se tenait toujours à l'entrée en pleine hésitation. Il est juste... occupé aussi, probablement.

« Tu entres ou tu sors, mec, prend une décision ! » Louis sursauta à la voix grave du barman et il finit par entrer, laissant la lourde porte se rabattre derrière lui.

Niall se retourna pour voir sur qui l'employé avait crié, et il se mit à froncer des sourcils.

« Euh, » commença Louis. Il n'avait pas sûr d'avoir déjà vu Niall autant en colère. C'était troublant ; ça changeait entièrement son visage.

Niall roula simplement des yeux et tira le tabouret à côté de lui avant de se retourner vers la pinte de bière qu'il était en train de boire. « Viens donc, Tommo. Espèce de sombre crétin. »

Louis s'approcha doucement du bar et s'assit avec un soupir plein de réticence. « Salut, » dit-il.

Ils restèrent silencieux pendant vingt bonnes secondes alors que Louis faisait semblant de regarder le menu, tout en jetant des petits coups d'œil vers Niall et en observant son expression têtue et paisiblement furieuse. « Alors... »

« Comment ça se passe avec Le Bruch ? » demanda abruptement Niall, prenant une gorgée de sa bière sans regarder Louis.

« C'est horrible, » marmonna Louis. Il tapa le menu plastifié contre le bar puis le posa, écartant ses doigts alors qu'il jouait avec l'un des bords. « La vraie merde. »

« Je voulais avoir une conversation avec toi, » dit Niall. « Au sujet de Harry. »

« Quoi Harry ? » Louis pouvait entendre sa voix devenir plus aigüe et plus serrée, trop rapidement sur la défensive mais hors de son contrôle. Ses mains tremblèrent. Elles étaient fermes sur son violon mais agitées partout ailleurs, jamais normales. Bon Dieu, il était tellement fatigué. Il marmonna alors qu'il regardait ses doigts se crisper. « J'veux dire, il est à Berlin, alors... »

« Je sais ce que t'as dit à Dennis Turner, d'accord ? »

Louis fit de petits bruits impuissants. « Je – »

« Je sais aussi que tu couchais avec Harry, alors ne me mens pas sur le fait que ce n'était pas personnel. » Niall se tourna sur son tabouret, regardant enfin Louis. Merde. Merde, merde. Louis ne pouvait pas le regarder dans les yeux, se flétrissant sous son regarder et sentant les cheveux dans sa nuque se dresser. Il lutta pour respirer normalement.

« Ecoute, » dit-il d'une voix étouffée. « Grimshaw m'a dit que ça n'avait fait aucune différence. Le conseil d'administration ne voulait pas lui proposer ce poste. Et il allait partir dans tous les cas, Niall. Ce n'est pas – ce n'est pas ma faute. »

« Oh, espèce de gros débile. Qui se soucie du foutu conseil ? » Niall posa brusquement sa pinte vide et se leva, glissant ses Ray-Bans et mettant son sac sur son épaule. « Ce qui importe c'est que tu l'aies dit, en premier lieu. Et je ne sais pas pourquoi, mais je suppose que ça a quelque chose à voir avec le fait que tu sois un lâche. »

Louis déglutit le nœud dans sa gorge. L'excuse, qu'il s'était construit dans ce siège en plastique dur du métro et à laquelle il s'était accroché comme à un radeau, était en train de voler en éclats. Niall avait raison, évidemment ; il avait terriblement raison et Louis était une grosse merde. C'est ma faute. C'est ma putain de faute. Pas que Louis avait ignoré jusqu'à présent que c'était sa faute, au plus profond de lui, il l'avait su. Mais il ne l'avait jamais laissé faire surface, il l'avait repoussé et avait empilé plusieurs couches de déni par-dessus. Il s'était prié d'oublier la façon dont Harry l'avait regardé, l'amour et la douleur sur son visage, comme si ça ne s'était pas produit. Comme si ça avait réellement été que du sexe.

Il ne pouvait plus rester stoïque. Et il se trouva à nouveau dans le hall d'entrée du Barbican, de nouveau dans les instants après que les membres du conseil d'administration se furent éloignés de lui, quand il s'était demandé Qu'ai-je fait ? et qu'il n'avait eu aucune réponse. Il n'en avait toujours pas.

Niall en avait une.

« Dans tous les cas, il serait resté pour toi. T'as ruiné ça, Tomlinson. Tu l'as brisé. Toi. » Niall tourna ses talons et s'éloigna avec un seul soupir exaspéré, laissant Louis totalement figé au bar.

Quelle grosse merde je suis, pensa Louis, son visage s'affaissant alors qu'il l'enfouit dans ses bras. Sa joue était appuyée contre le menu plastifié collant, des larmes coulant dessus. T'as même pas eu la décence de prendre tes responsabilités.

Il avait une répétition dans vingt minutes. Il avait un concerto solo à jouer. Il ne savait pas ce qu'il allait foutrement faire.

Notes:

La chanson que Harry chante à Louis dans le bref flashback où il le doigte est de Alabama Shakes.

Mon niveau d'allemand s'arrêtant à chanter en yaourt les chansons de Tokio Hotel, certaines de mes traductions peuvent être plus qu'approximatives (oui, même en m'aidant de google trad...).

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top