Chapitre 3
La répétition ne dura pas beaucoup plus longtemps cette après-midi-là. Ils jouèrent le désespoir de Don Juan deux fois de plus avant que Styles les libère. Il s'était penché vers l'orchestre en une légère révérence après leur premier essai. « Beaucoup mieux, » avait-il dit, gravement. Puis il leur avait souri, ses yeux brillant, alors qu'il levait ses bras pour recommencer. « Pas de pression ou quoi. » Et le rire qui suivit allégea l'atmosphère lourde dans la salle. Leur seconde répétition s'était mieux passé que la première.
Louis pouvait la sentir autour de lui, cette sorte de remontée merveilleusement contrôlée d'une puissance émotionnelle qui renforçait tout, résonnant dans l'unique note tenue qui avait pour but de transmettre l'étendue dévastatrice de la désolation de Don. Il l'entendit soulever la musique, mais il s'en sentait destitué, isolé par sa distraction. Tout ce dont à quoi il pouvait penser était la mauvaise interprétation que Harry avait eu de son amusement, la façon dont la déception momentanée avait traversé son visage puis avait doucement laissé place à de la résignation, comme s'il n'aurait pas dû s'attendre à mieux venant de la part de Louis. Comme si rire de cette façon était quelque chose en harmonie avec le caractère de Louis ! Les doigts de celui-ci continuèrent de bouger rapidement et avec précision sur le manche de son violon, son jeu aussi parfait que d'habitude, mais c'était machinale. Louis n'arrivait pas à se laisser aller dans la musique. Il n'arrivait pas à s'engager totalement, pas avec ce ridicule malentendu suspendu au-dessus de sa tête. Il avait besoin de s'expliquer.
Apparemment, il a l'impression que je suis un genre de psychopathe sans cœur, pensa Louis alors qu'il rangeait Thunder après la répétition, détendant son archet avec deux mouvements rapides du poignet et tirant sur la fermeture de la protection de l'étui peut-être un peu trop fort que nécessaire. Ses yeux étaient braqués sur Harry, qui se tenait toujours à côté de son podium et était entouré par une petite foule de personnes qui étaient rassemblées pour poser des questions. Stupide Eleanor, rouspéta Louis, déterminé à attendre que tout le monde parte pour éclaircir les choses avec Harry, le plus tôt possible.Comment quelqu'un qui fait partie du monde artistique depuis aussi longtemps peut-il encore avoir un gaydar aussi foutrement nul ? Il fit semblant de mettre de l'ordre dans son dossier à partition alors que la foule autour de Harry se réduisait. Une fois qu'il ne resta plus que Gerald Courtenay (qui devait très probablement casser les oreilles de Harry à propos du fait que les altos étaient, encore une fois, méprisés d'une façon horriblement blessante) Louis décida de commencer à avancer, attrapant son étui et faisant plusieurs petits pas dans leur direction.
Il fit presque un bond d'un mètre de haut et il poussa définitivement un cri dépourvu de dignité quand il sentit quelqu'un tirer brusquement sur sa manche.
« Excuse-moi. » L'assistant de Styles (Liam Price ? Liam Payne ?) se trouvait derrière lui avec un air penaud. Il leva une main comme s'il pensait que Louis pourrait l'attaquer. « Je ne voulais pas te faire peur. »
« Ça t'aurait tué d'appeler mon prénom une ou deux fois avant de m'accoster ? » demanda Louis, irrité que son plan d'action soit interrompu.
Le visage de Liam, peu importe quel était son nom de famille, se fronça d'agacement. « Je t'ai appelé au moins six fois, d'accord Tomlinson ? J'ai quelque chose à te dire. »
« Oh, » dit faiblement Louis, regardant par-dessus son épaule vers là où Gerald Courtenay avait commencé à gesticuler de façon plutôt animée à quelques centimètres de Harry. Louis fut surpris ; Harry semblait plus amusé qu'il n'avait l'air effrayé. « Désolé... Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? » Il se retourna vers Payne, clignant des yeux.
« Eh bien, je sais à quel point t'es réticent à regarder ton Outlook... »
Louis hocha de la tête, regardant à nouveau par-dessus son épaule alors qu'il n'écoutait plus Liam. Il jura entre ses dents. Harry Styles avait enroulé un bras autour des épaules de Courtenay et il le guidait vers la porte sur le côté de la salle, tous les deux rigolant de bon cœur.
« Merde, » chuchota Louis. Il leva un doigt devant Liam alors qu'il les suivait du regard. « Je – je reviens tout de suite. »
« Ça ne prendra qu'une seconde, Tommo ! C'est à propos de demain ! » cria Liam après lui. « Regarde ton Outlook, s'il te plaît... » fut la dernière chose que Louis entendit alors qu'il ouvrait lourdement la porte donnant sur l'entrée Ouest.
Elle était déserte, évidemment.
« Putain. » Il fit un tour sur lui-même, cherchant des indices pour savoir dans quelle direction ils étaient partis. Il n'y en avait pas.
Une demi-heure plus tard, il était affalé dans un siège du métro, serrant Thunder contre son torse et bouillonnant, mal à l'aise et pas content. Il avait été voir dans le bureau de Styles à St Luke's puis il avait parcouru tout le chemin jusqu'au Barbican pour vérifier également là-bas – il n'y avait eu absolument aucun signe de lui à ces deux endroits. Louis tourna sa tête vers l'avant du wagon, fixant par la fenêtre alors qu'il essayait de regarder plus loin que son reflet et de distinguer les murs du tunnel.
Demain. Il en parlerait à Styles demain. Il devait juste attendre ; il avait seulement à le faire pendant une nuit.
Pourquoi t'en fais une aussi grosse affaire ? se demanda-t-il, fixant ses propres pupilles alors que le train franchissait une partie particulièrement sombre du métro. Le nœud d'anxiété dans son estomac se resserra en réponse et une horde d'images qu'il avait tenté d'oublier envahirent sa tête. Tellement de regards déçus. Louis ferma les yeux, rapidement, fermement. C'est toujours mieux de ne pas se poser directement des questions, surtout quand vous connaissez la réponse mais ne voulez pas l'admettre.
Putain. Il serra Thunder un peu plus contre lui, comme un ours en peluche à la forme bizarre. Je n'ai rien à me reprocher, vraiment. Ses yeux se rouvrirent et il grimaça à la lumière forte et peu flatteuse du wagon de métro. Oui, bon boulot, Louis, comme d'habitude. Mens-toi toute la nuit, c'est ce que tu fais de mieux. Rien à te reprocher du tout. Un sentiment désagréablement familier de dégoût de l'inonda, s'installant et faisant comme chez lui – le genre où il espérait avoir un cerveau totalement différent venant d'une personne totalement différente, une qui avait des souvenirs totalement différents parce qu'elle aurait fait des choix de vie totalement différents et meilleurs. Putain. Peut-être que c'était seulement une nuit, mais ça allait probablement avoir l'impression d'être trois semaines.
Il avait raison, évidemment. Lorsqu'il fut une heure du matin, Louis avait toujours le même cerveau, malheureusement, et il ne le laissait pas s'endormir. Tous les horribles souvenirs à l'intérieur le maintenaient éveillé. Eh bien, c'était une combinaison entre les souvenirs, l'air sec et chaud dans sa chambre, à présent, terrible et son pouls, à laquelle il ne semblait pas pouvoir échapper malgré le nombre de fois où il s'était tourné dans son lit. Quelle que soit la façon il positionnait sa tête sur son oreiller, il y avait un battement dans ses oreilles : lub-dub, boum-boum, boum-boum. Harry Styles, Harry Styles, Harry Styles.
Le visage de Harry Styles à la répétition, son air déçu. Blessé – c'est le mot. Harry avait été blessé par lui cette après-midi. Louis le savait. Et couché dans son lit avec son visage enfoncé dans l'oreiller, la nuisance qu'était ses battements de cœur dans les oreilles, il ne pouvait toujours pas arrêter d'y penser. Même si ça n'avait pas été son intention, c'était quand même horrible. Ça n'avait certainement pas aidé Harry à arrêter de se sentir mal, et ça n'empêchait définitivement pas Louis de se souvenir de toutes les fois où ça avait été son intention. Parce qu'il y avait eu plein. Des souvenirs horribles à l'intérieur de son cerveau de toutes les fois où il avait intentionnellement blessé Harry Styles. Il avait reconnu ce regard cette après-midi parce qu'il en avait déjà été la cause avant, délibérément. Il l'avait causé sur une version plus douce et plus ronde de son visage. Harry avait été un garçon si adorable à cette époque, si gentil. Le bas ventre de Louis se serra à cette pensée, un frisson illégal le parcourut contre sa volonté. Il le réprima rapidement, avec un grognement misérable. C'était la culpabilité qui le gardait éveillé. C'était principalement ça. C'était complètement ça.
« T'as été à Interlochen pendant trois étés entiers ? » lui avait demandé Eleanor avec une incrédulité horrifiée, ses yeux écarquillés d'effroi, sa tête se secouant doucement de gauche à droite. Ça s'était passé quand ils venaient de devenir partenaire de pupitre, quand ils apprenaient à se connaître. « J'arrive même pas à l'imaginer. J'peux même pas – j'ai connu beaucoup d'environnements compétitifs toxiques dans ma vie, évidemment, mais deux semaines là-bas et je m'arrachais les cheveux par touffes. » Elle avait frissonné. « J'ai toujours une réaction négative aux bracelets de l'amitié, Louis. C'est viscéral ; c'est quelque chose de viscéral. »
Louis sourit dans son oreiller et roula ses yeux aux souvenirs. Eleanor. Elle pouvait dramatiser de façon tellement exagérée, mais au moins elle était assez amusante à ce sujet. Ils avaient ça en commun. (Louis n'avait pas envie de vivre dans ce monde ennuyeux sans hyperbole. Préférerez-vous être ami avec une personne qui geignait parce qu'elle était coincée dans la queue du bureau de poste pendant quarante-cinq minutes ou quarante-cinq mois ? La réponse semblait claire.) Elle exagérait au sujet d'Interlochen, en quelque sorte. Ou elle en ignorait les bons côtés. C'était grisant, d'être le meilleur des meilleurs musiciens de son âge, d'être déjà bon et de devenir de plus en plus meilleur, d'expérimenter l'adrénaline de donner une performance réellement accomplie. Mais la pression, bon Dieu. Ce n'était pas pour tout le monde.
C'était viscéral, cependant. C'était la vérité. Louis semblait seulement pouvoir se souvenir d'Interlochen avec tout son corps, tout à la fois, et presque jamais délibérément. En se trouvant à l'angle d'une rue près de Hyde Park au début du printemps, en sentant l'odeur persistante d'un type très spécifique de boue âcre dans l'air, il remonterait soudainement dans le temps dans une cabane servant de salle de répétition au milieu des bois après une averse (où il avait embrassé Ally McKenna parce qu'il savait qu'il était supposé en avoir envie et il s'était ennuyé comme un rat mort en le faisant). Allumer un cierge magique à la Saint-Sylvestre le ramenait au 4 juillet aux Etats-Unis, le croassement des grenouilles après la tombée de la nuit à côté du lac. Les moustiques et les pieds nus, les chevilles sales. En étant assis dans une chaise de jardin bon marché lors d'une garden-party, il aurait l'impression d'être sur un siège de l'Interlochen Bowl à la place, il se souvenait de la façon dont le maillage en métal laissait toujours une marque à l'arrière de ses cuisses. Les performances au milieu de l'été ; la voix de sa mère faisant écho dans son esprit. « Qui était ce jeune homme au violoncelle ? Il a un son tellement mature... tellement expressif. » Le pire de tout, réellement, fut cette fois où il avait entendu les premières notes du Boléro à un concert de charité dont il n'avait pas pris la peine de vérifier le programme. Il avait senti ses paumes devenir instantanément moites alors qu'il bougeait inconfortablement dans son siège, sa poitrine se serrant. Le Boléro.
*
Le temps que Louis parcoure tout le chemin jusqu'à Dogwood (ndlt : ce sont des espèces d'arbres appelées cornouiller en français), son polo bleu clair réglementaire du camp était tâché de sueur – le bas de son dos, sous ses aisselles, il y avait même une ligne de long de son plexus cœliaque visible à travers le tissus. Louis n'était quelqu'un qui transpirait beaucoup, en règle générale, mais il avait fait tellement chaud et humide ces derniers jours qu'à chaque fois qu'il sortait d'un bâtiment, c'était comme s'il portait l'air en guise de sweat-shirt humide. C'était plus qu'un peu inconfortable.
Louis savait qu'il ne devrait pas être surpris. La même chose s'était produit l'été précédent ; une chaleur étouffante surplombant le camp pendant presque une semaine et demi à la mi-juillet, avant qu'un énorme orage débarque finalement et casse la chaleur. Il souhaitait juste s'en être souvenu alors qu'il poussait Robbie Hahn de son chemin et jetait son sac de marin à travers la Cabane Dogwood pour clamer le dernier lit du haut disponible lorsqu'ils étaient arrivés. Il était presque mort, étouffé par la chaleur, dans ce même lit la nuit précédente, il avait eu si chaud et été tellement fatigué que sa jambe gauche n'avait pas cessé de tressauter dans ses draps emmêlés
La chaleur monte vers le haut, espèce de génie, se réprimanda-t-il alors qu'il se traînait péniblement en haut des marches menant au porche de la cabane, sa paume glissant sur la rambarde en pin rugueux.
Pas que les autres personnes dans la cabane n'avaient réellement été en mesure de dormir correctement, dans un lit du bas relativement plus frais (légèrement moins chaud, plutôt) ou dans celui du haut. Nope, pas quand la chaleur semblait empirer l'horrible statut de ronfleur de Robbie au même degré que la température. Robbie avait une déviation de la cloison, alors ce n'était pas vraiment juste de se plaindre mais évidemment, Louis le faisait quand même.
« Je suis presque certain que ça serait considéré comme un homicide justifiable à ce point, » avait-il finalement geignit, un peu après minuit quand les respirations régulières et rendant fou de Robbie semblaient devenir de plus en plus fortes avec chaque expiration consécutive. Tout le monde avait ri dans une sorte de solidarité misérable après ça. Eh bien, tout le monde à part Robbie, qui dormait de toute évidence.
Dogwood. Louis était évidemment coincé dans cette cabane pour son dernier été ici. Celle qui était la plus loin du campus, la plus petite et sans air conditionné. Le seul aspect avantageux que Louis avait réussi à identifier était qu'elle lui donnait l'occasion de faire des blagues sur des érections canines quand il le voulait (ndlt : Dog = chien, wood = érection). « Je retourne à la Red Rocket » étant l'une de ses préférées. (ndlt : red rocket est une expression utilisée pour parler d'une érection canine)
« Ah, Louis. Super ! » dit Marcus alors que Louis laissait la moustiquaire de la cabane claquer derrière lui. « T'as le dernier ! Q-Time, tu te souviens ? »
Louis roula ses yeux. Il avait espéré qu'ils commenceraient sans lui. Genre, dans le meilleur des cas, ils auraient peut-être eu complètement fini au moment où il aurait fait tout le chemin entre la cabane de répétitions, la salle climatisée où était entreposée son violon et Dogwood. De cette façon, il aurait pu se coucher sur son lit de misère, fermer ses yeux et visualiser son solo dans une des compositions de Mendelssohn, jusqu'à ce que ce soit l'heure du dîner. Les difficultés de Louis pour dormir rendait, encore plus dur que d'habitude, le fait de se détendre au sujet de sa performance du weekend à venir. Ça et le fait que sa mère serait là.
« Vous aurez encore une demi-heure de libre avant le dîner, Tommo, promis, » dit Marcus, lui souriant d'une façon entendue et irritante.
Marcus Dewitt était le moniteur de Dogwood. C'était un joueur de trompette trapu qui venait de quelque part dans le Midwest des Etats-Unis, qui n'était pas Chicago ni Interlochen dans le Michigan, alors comme si Louis allait savoir où exactement. Il était à l'Ecole de Musique de Eastman, ce qui était impressionnant, mais Louis trouvait qu'il était un peu rabat-joie. Il portait des Birkenstocks et racontait que la musique n'était pas une compétition, c'était une collaboration, et il les forçait également à faire des activités pour créer des liens dans la cabane approximativement tous les douze minutes.
Louis roula à nouveau ses yeux, soupirant alors qu'il s'affalait dans le cerclé formé sur le sol par le reste des campeurs pour le Q-time. Il s'assit lourdement à l'un des seuls endroits vides, à côté de Harry Styles. Il se décala maladroitement pour lui laisser plus de place, rougissant et recoiffant timidement ses cheveux (qui avaient été encore plus en désordre que d'habitude à cause de l'humidité) tandis qu'il baissait son menton pour cacher un bouton de la vue de Louis. Ce dernier roula simplement encore plus ses yeux.
« D'accord ! » dit Marcus, s'asseyait également dans le cercle et calant le muscle d'un mollet surdéveloppé sous l'autre. Il tapa dans ses mains et les frotta l'une contre l'autre, comme s'il était impatient de commencer.
Le Q-Time de Dogwood était l'activité préférée de Marcus. Ça regroupait à la fois « Question Time » et « Quality Time, » ce que Louis trouvait plutôt à vomir. Tous les soirs, pendant les deux heures de libre avant le dîner, Marcus posait une question à toute la cabane puis ils répondaient chacun à leur tour et écoutaient ce que disait les autres (en espérant déclencher une discussion positive qui mènerait à ce que chacun se fasse confiance et d'autres choses semblant tout autant écœurantes au sujet de sentiments et d'amitié).
Louis détestait ça, naturellement.
Marcus sourit à tout le cercle, ses longs cils blonds formant un tas aux coins. « La question du jour est : Quel morceau que vous n'avez jamais joué voudriez-vous le plus interpréter ? »
Louis grogna intérieurement, n'ayant aucune réponse lui venant facilement. Il se pencha en arrière sur une main, aérant subtilement son polo avec l'autre, le décollant de son ventre. Il détestait avoir des petites marques de sueur le long de plis sur son ventre quand il s'asseyait.
« Je vais commencer, » continua Marcus. « C'est un peu de la triche, puisque je l'ai déjà joué – »
« Oh, alors t'as le droit de tricher, hein ? » demanda Louis, ses sourcils haussés. « Nous aussi ? »
Marcus rigola. « Absolument pas ; vous devez tous vous en tenir strictement à la question posée, pas de déviation ou de marge de manœuvre autorisées. »
Harry gloussa et regarda Louis par-dessous sa frange, ses yeux brillant, pressé de voir comment il allait répondre. Tous les garçons le regardaient à présent. C'était une position familière. S'il y avait une chose que Louis aimait au sujet Dogwood, à part les blagues, c'était le fait qu'il pouvait très souvent être entouré par une cour parce qu'il était le meilleur à tout ce qu'il faisait ; au violon, au football (« soccer » ici, roulement d'yeux), bronzer, porter le polo bleu clair réglementaire du camp – tâché de sueur ou non. Et être drôle. Louis était définitivement le meilleur à ça.
« Faites ce que je dis, pas ce que je fais ? » demanda-t-il avec un sourire en coin. « C'est comme ça, alors ? » Autant Louis pensait que Marcus était un abruti, autant il avait un certain sens de l'humour.
« Oui, exactement, Tommo, » dit Marcus, souriant toujours. « Ça te dérange si je continue ? »
Louis haussa simplement des épaules pour acquiescer, s'éventant avec son haut.
« Ce que j'allais dire, avant d'être si rudement interrompu, » continua Marcus, ses yeux brillant, « c'est que j'ai déjà joué La Bannière Etoilée plusieurs fois, à de nombreux de match de basketball au lycée et tout, mais mon rêve précis serait de l'interpréter avant un match des Packers. De préférence pendant les play-offs, mais je me contenterais de ce que je pourrais avoir. »
Louis sentit Harry bouger à côté de lui, excité. Harry était le bébé de la cabane, âgé de quinze ans, et il était surexcité à propos de tout, y compris suivre Louis partout dans le camp.
« Au Lambeau Field, hein ? » demanda Harry, se penchant subtilement en avant dans le cercle, incapable de contenir son enthousiasme. « C'est là qu'ils jouent ? A Green Bay ? »
Marcus sourit, hochant de la tête. « Ouep. Je n'étais pas sûr que tu t'en souviendrais. »
« Bien sûr, » dit radieusement Harry, tel un fayot.
Louis roula à nouveau ses yeux. Il le faisait toujours beaucoup de fois pendant le Q-Time. Il le faisait toujours beaucoup avec Harry dans le coin.
Il se perdit dans ses pensées alors qu'ils faisaient doucement le tour du cercle, ses doigts bougeant sur un manche invisible alors qu'il jouait le mouvement Allegretto du Mendelssohn dans sa tête. Il avait fait des erreurs pendant toute l'après-midi, même si ça avait été irréprochable pendant les deux semaines précédentes, et la régression le rendait légèrement nauséeux à cause de l'inquiétude.
« Louis... » dit Marcus.
« Hm ? » La tête de Louis se releva brusquement, ses mains s'immobilisant.
« C'est à ton tour. »
« Ah. » Louis plissa son visage, réfléchissant. « Euuh, Carprice No. 24 de Paganini. Je suppose. »
« Une raison particulière ? » l'invita à continuer Marcus, après une longue pause.
Louis haussa ses épaules. « J'sais pas. J'veux dire, c'est le plus difficile. Alors. Je veux être capable de le jouer. »
« Quelque chose d'autre ? D'autres raisons ? »
« Est-ce qu'il y a besoin d'autres raisons ? » claqua Louis, n'ayant pas l'intention de le dire sur un ton aussi sec.
« Nope, » répondit Marcus, les yeux un peu écarquillés alors qu'il appuyait un peu sur le 'P' puis il tourna vers Harry.
« Et toi, petit H ? »
Louis avait l'intention de se perdre à nouveau dans ses pensées, de retourner à son Allegretto, mais quelque chose dans la façon dont Harry Styles bougea à côté de lui, mal à l'aise d'avoir l'attention de tout le monde, rendit ça impossible pour lui de le faire.
« Euh, » dit timidement Harry, jouant avec un fil de son short en jeans, ses joues prenant une jolie teinte rose. Harry était toujours un peu nerveux avant de donner sa réponse pendant le Q-Time, comme s'il craignait que tout le monde le juge. Ce qu'ils faisaient, s'ils écoutaient réellement. Mais sa nervosité irritait quand même Louis, peu importe si elle était justifiée. C'était juste une autre chose à son sujet qu'il lui faisait rouler des yeux. La plupart des choses au sujet de Harry semblait l'agacer, en fait. Comme, particulièrement la façon dont il rougissait quand il répondait, à chaque fois, tel un chérubin. Louis détestait tellement ça. Ça tordait et serrait quelque chose en lui et il devait faire un gros effort pour étouffer le sentiment, le bannir comme quelque chose de reconnaissable. Ça lui donnait cette envie bizarre d'étouffer également Harry.
« Je suppose... » continua Harry, sa voix lente et sérieuse comme d'habitude. Il repoussa sur le côté ses boucles gonflées à cause de l'humidité, puis sur son front, encore et encore dans un mouvement nerveux.
« Tu supposes... » dit Louis avec un ton de meneur, sa voix au bord de l'arrogance, essayant d'encourager Harry à simplement donner sa réponse. Ça amusa la majorité des autres garçons, mais pas Marcus, qui lui lança un regard noir. Louis roula juste à nouveau ses yeux.
« Euh, je... je pense depuis un certain temps maintenant que j'aimerais bien jouer le Boléro, » lâcha finalement Harry, dans une précipitation presque incompréhensible, « parce que, genre – »
« Qu'est-ce qu'il y aura ensuite à ton hypothétique concert, hein ? » demanda Louis, avec un reniflement sarcastique. « Ah que vous dirai-je maman ? »
Harry devint rouge tomate aux paroles de Louis, rougissant encore plus aux rires qui éclatèrent.
« Louis, » dit sèchement Marcus.
« Le Boléro, vraiment ? » se moqua Louis, ses yeux écarquillés, sa tête inclinée vers l'arrière d'incrédulité. « Tu vas défendre ce choix ? »
« Je – je sais... je sais que c'est un peu répétitif... » bégaya Harry, ses doigts tremblant là où ils étaient posés sur ses cuisses pâles, juste au-dessus de ses genoux.
« Oh, juste un peu, » dit Louis avec un hochement de tête condescendant.
Harry se tut, mordant sa lèvre.
« Qu'est-ce qu'il y a dans ce morceau qui donne envie de le jouer, Harry ? » demanda gentiment Marcus, après avoir foudroyé Louis du regard. Il était réellement intéressé par la réponse de Harry, d'une façon dont Louis savait qu'il ne l'avait jamais été par la sienne.
Les yeux de Harry se posèrent sur Louis puis il les détourna rapidement avant de continuer, son rougissement revenant à cause de leur contact visuel.
« C'est juste que, » commença-t-il d'une petite voix, « j'ai beaucoup lu au sujet des motifs rythmiques ces derniers temps. Genre. Genre pas seulement dans la musique. Genre, le solfège ou quoi, mais, » il éclaircit sa gorge, « mais genre aussi par rapport aux histoires ? Genre, la façon, euh, la façon dont certains récits se répètent encore et encore. Les mythes ? En quelque sorte, j'sais pas. Et je pensais... genre avec le Boléro, on a les mêmes, euh. Les mêmes accords et les mêmes rythmes, encore et encore, et ça monte en puissance. Alors genre, c'est en quelque sorte comme... en quelque sorte comme ce genre d'histoires. Comme si vous mettez la bonne, euh. Comme si vous mettez la bonne émotion, ou genre différentes émotions, dans chaque répétition, le morceau pourrait être joué de façon à ce que chaque répétition fasse ressentir une toute nouvelle chose, même si en fait c'est la même... »
« C'est une idée assez intéressante, » dit doucement Marcus, après un moment. Il était impressionné. Louis pouvait le voir sur son visage.
« Merci, » dit doucement Harry, jouant encore un peu avec son short, probablement au bord des larmes. Cette idée mit irrationnellement Louis en colère.
Quel bébé, pensa-t-il, secouant sa tête, davantage irrité par le pincement lointain de culpabilité qu'il ressentit en lui avant de le faire rapidement disparaître. Le Boléro. Le putain de Boléro. Il savait qu'il n'allait pas être capable de laisser passer ça.
Et il ne le fit pas. Pas pendant les deux semaines qui suivirent. Louis ne cessait de fredonner la musique, réussissant à faire en sorte que les autres garçons de Dogwood se joignent à lui quand il pouvait. « Baaa-ba-da-da-da-da-da-dut-da-da-dahhh... » Derrière Harry dans la queue pour se servir des céréales au petit-déjeuner. Juste avant que ce soit le tour de Harry de tirer dans le ballon au kickball. Doucement, d'un ton moqueur, après que Harry ait joué un solo particulièrement difficile pendant une répétition.
Louis ne semblait pas pouvoir se lasser de la façon dont ça troublait Harry. La façon dont ses joues devenaient rouges à coup sûr, d'un léger rose à un rouge flamboyant, alors que ses grandes mains pâles d'enfant repoussaient sa frange pour masquer son embarras, ses dents tirant sa lèvre inférieure.
Jusqu'à un jour, vers la fin du camp, quand Louis avait été assailli par un feu d'artifice digestif après que son estomac n'ait pas trop apprécié un sloppy joe. Il était coincé dans les toilettes de Dogwood depuis des heures et il priait pour avoir sa dernière récidive afin de pouvoir reprendre ses répétitions. Soudainement, il entendit la porte de la cabane claquer et le bruit de quelqu'un grimpant dans un lit.
« Maman, non... c'est juste que... ils me détestent ici. » C'était Harry au téléphone avec sa mère. Il finit sa phrase avec un chuchotement, sa voix chancelante et étouffée, presque comme s'il ne voulait pas que sa mère l'entende – comme s'il ne voulait pas le dire à voix haute. Puis, après une pause, « Si, ils me détestent ! Tu ne sais rien ! Tu ne sais comment c'est... »
Louis écouta le reniflement. Ça continua pendant suffisamment longtemps pour qu'il commence à se demander si Harry était toujours au téléphone, ou s'il avait simplement commencé à pleurer dans son oreiller. Louis pouvait à peine entendre le son des doux sanglots de Harry par-dessus le battement de son propre cœur.
« Ouais, d'accooord, » finit par dire Harry, fâché et un peu agressif. « Je t'aime aussi, et je sais qu'il reste qu'une semaine, alors je vais rester, mais je veux juste dire que c'est horrible, parfois les adultes forcent les enfants à faire des choses parce qu'elles sont supposées être 'amusantes.' D'accord ? Genre, je ne pense pas que ça ait particulièrement été amusant ; ça a surtout était une torture... Et puis, peut-être que je suis devenu légèrement meilleur au violoncelle, que j'ai parfois l'occasion de manger des chamallows et je suppose que les chansons autour du feu de camp ne sont pas les pires. » Il finit la dernière partie avec un rire larmoyant, et Louis se sentit soudainement au bord des larmes, recroquevillé dans sa cabine de toilettes dégoûtante en pensant à ce pauvre garçon étant capable de rigoler comme ça avec sa mère, même s'il était contrarié. Même si Louis lui avait foutu la honte.
Louis ne taquina plus jamais Harry Styles au sujet du Boléro.
*
La sonnerie du réveil de Louis fut source de confusion. Ça n'avait aucun sens. Il était trop tôt, c'était trop rapide, il faisait toujours trop noir dehors ; il s'était endormi beaucoup trop récemment pour qu'il sonne déjà. Son corps était trop douloureux. Il était trop fatigué. Son cerveau n'avait simplement pas envie de se réveiller. Pas déjà, s'il vous plaît. La sonnerie du réveil était horriblement insistante, cependant, et elle semblait devenir de plus en plus forte. Louis roula sur le dos avec un grognement, admettant finalement sa défaite et cherchant à tâtons son téléphone pour pouvoir l'arrêter. Evidemment, il gâcha sa tentative d'appuyer sur répéter quand il réussit à le trouver, ses doigts encore endormis et inutiles lui désobéissant et arrêtant complètement l'alarme à la place. Il devait se lever immédiatement s'il ne voulait pas se rendormir accidentellement pendant des heures.
Merde, pensa-t-il, toujours étendu sur le dos, flânant simplement encore un peu, ses yeux légèrement clos. Il prit une profonde respiration, puis une autre. L'air chaud et sec de la pièce était dur dans ses narines. Il détestait le matin. Styles.
Il balança ses pieds par-dessus le côté du lit et en descendit, trébuchant à l'aveugle vers la salle de bain. Le plus tôt il en aurait fini avec ça, le mieux ce sera.
Harry venait de tourner au coin du Jerwood Hall après la répétition du matin quand il percuta Louis Tomlinson. « Oof, » grogna Harry alors que leurs corps entraient en collision, chaud l'un contre l'autre pendant un moment avant que Louis se dégage et recule, vérifiant de façon méticuleuse l'étui son violon pour voir s'il y avait de dommages.
« Enfin, » souffla-t-il, exaspéré et repoussant sa mèche de devant ses yeux. « Qu'est-ce que tu faisais là-dedans, t'admirais l'architecture ? »
« Je revoyais encore cette dernière section, » bégaya Harry, reprenant consciemment un autre rythme et observant Louis. « Je la visualisais. »
« Tout seul ? »
« Oui... » Harry fronça ses sourcils. « Tu m'attendais ? »
Louis se balança d'un pied à l'autre et sembla mal à l'aise pendant un instant, avant de faire un hochement de tête. « Oui. Je voulais te dire quelque chose. »
Harry mordit sa lèvre, laissant apparaître un petit sourire plein d'espoir sur son visage. Louis évitait de croiser son regard. « Vas-y alors, Tomlinson. » Il balança une de ses hanches sur le côté, posant une main dessus et attendant.
Louis soupira comme s'il était un lycéen en cours de maths qui était obligé de présenter ses excuses à son professeur pour avoir parlé sans permission. Ses mots furent prononcés rapidement, les uns à la suite des autres. « Je voulais juste que tu saches que je me moquais d'Eleanor hier, pas de ton histoire. D'accord ? Alors au cas où tu pensais que je me moquais de toi. Ce n'était pas le cas. »
Le sourire de Harry devint plus grand, et il ne put pas échapper à la sensation chaleureuse qui bouillonna dans sa poitrine. Il avait légèrement été ennuyé par la réaction de Louis, la veille, si désinvolte alors qu'il venait juste de prendre ce qu'il avait l'impression d'être un risque énorme et de se confier à ses collègues au sujet de quelque de très personnel. Quelque chose que Louis, particulièrement, aurait dû comprendre... (Eh bien, d'accord, peut-être que Harry avait été plus qu'un peu ennuyé. Peut-être que ça avait légèrement été comme un coup de poing au ventre. Peut-être qu'il s'était senti à bout de souffle, et peut-être qu'il n'avait pas cessé d'y penser depuis lors. Appuyant sur l'ecchymose.)
Louis rougit un peu, jouant avec son écharpe. « Donc. Je suis désolé. »
« Excuse acceptée, » sourit Harry, une bonne humeur étrange se répandant à travers son corps. « Cependant, pourquoi tu te moquais d'Eleanor ? »
Louis ricana, relevant enfin son menton pour croiser le regard de Harry. Ses yeux étaient tellement bleus... « Eh bien, tu venais juste de raconter cette histoire incroyablement privée, et genre, tu l'as mis en rapport avec la musique. De façon très efficace, pour être honnête ; je pense que tu nous as donné une toute nouvelle façon de voir Don Juan. » Il éclaircit sa gorge et baissa à nouveau ses yeux, comme s'il n'était pas supposé se livrer autant. « Mais tout ce qu'Eleanor a retenu était qu'elle n'arrivait pas à croire que t'étais gay. »
Harry laissa échapper un fort éclat de rire et claqua une main gantée sur sa bouche. Il contracta sa mâchoire, baissant ses doigts depuis le coin de ses lèvres alors qu'il secouait sa tête. « Non. Vraiment ? »
Les épaules de Louis commencèrent à tressauter avec son rire silencieux. « Elle était tellement déçue. »
« Elle croyait que j'étais hétéro ? »
Louis se mit à rire aux éclats alors qu'il hochait vigoureusement de la tête. « Complètement. J'suis presque sûr qu'elle avait prévu de te séduire. »
Harry était presque à bout de souffle, pas certain de ce qui était aussi hilarant, mais sentant la douleur bouillonnante de la guérison dans son ventre. Il était presque sous l'effet de cette interaction inattendue avec Louis, le voir sourie comme il l'avait fait avec Gladys et Niall au pub – avant que Harry ne se montre.
« Est-ce qu'elle croit aussi que t'es hétéro ? »
Louis laissa échapper un vrai rire et ils repartirent tous les deux dans un fou rire, s'appuyant contre le mur, leurs épaules se touchant à peine alors que leurs respirations étaient haletantes. Harry regarda vers Louis. Ils partagèrent un rapide contact visuel, Harry essayant de lire les motifs changeants dans les yeux de Louis, puis le moment fut fini. Louis toussa et se redressa. Il y eut une sorte de pause maladroite. « Eh bien... » dit-il.
« Tu veux qu'on partage un taxi ? »
Louis bafouilla. « Quoi ? »
« Pour la séance photo. » Harry jeta un coup d'œil à la grosse montre qu'il portait à son poignet gauche. « On va finir par être en retard. » Il commença à marcher d'un pas rapide, trop préoccupé par l'heure pour remarquer que Louis devait faire deux fois plus d'effort pour le suivre.
« Quelle séance photo ? »
« Liam ne te l'a pas dit ? Le premier round de promo pour la saison ; on va être sur des affiches et ces courriers qu'ils envoient à ceux qui ont des abonnements saisonniers. Ça a été avancé à aujourd'hui parce qu'on a des répétions par groupe cette après-midi, à la place d'une grande répétition. »
« Des répétions de groupe que certains d'entre nous doivent diriger. »
Harry baissa légèrement les yeux puis les tourna vers sa droite, essayant de ne pas recommencer à rire à la moue de Louis, son air têtu. « T'as un costume, hein ? Parce que le mémo disait... »
« Harold, » l'interrompit Louis, sa voix dégoulinant de supériorité, « je suis le premier violon de l'Orchestre Symphonique de Londres. J'ai toujours un costume à portée de main. Laisse-moi juste trois minutes. »
« D'accord. »
Ils se séparèrent pour que Harry puisse récupérer la housse à vêtement qu'il avait prudemment rangé dans son bureau ce matin. Il ne s'habillait pas souvent de façon formel – il tolérait à peine de ne pas porter son jeans usé assez longtemps pour diriger les répétitions, mais jusqu'à présent, il avait fait l'effort de se conformer au code vestimentaire de l'OSL – mais Harry appréciait assez son costume. Il y avait un sentiment d'occasion qui venait avec le fait de s'habiller sur son trente-et-un, et Harry avait toujours aimait attendre avec impatience les occasions. Les dîners de Noël, les bals à l'école, les soirées d'ouverture. (Il savait également qu'il était beau en noir.) Il tapota tendrement son costume alors qu'il passait la porte de St Luke's, faisant attention à ne pas laisser traîner le bas de la housse dans la boue de l'allée pavée.
Louis était déjà sur le trottoir devant l'église, en train d'héler un taxi et avec une housse noire similaire à la sienne drapée sur son bras droit. Il était également en train d'envoyer un message et hocha laconiquement de la tête alors que Harry lui tint la portière du taxi pour qu'il puisse grimper à l'intérieur.
Harry était sur le point de se glisser après lui quand une voix cria, « Attendez ! » C'était Liam Payne, se ruant hors du bâtiment avec un tas de papier oscillant serré contre son torse.
« Un moment, s'il vous plaît, » dit Harry au chauffeur. Louis ne sembla pas le remarquer, toujours entièrement absorbé par son téléphone.
« Désolé, » souffla Liam. « Je suis terriblement en retard ; je suis à la fois en charge de nouvel emploi du temps final et aussi en retard pour ça – ah ! Ce n'est pas plaisant. Oops. » Il s'assit lourdement dans le taxi et ferma la portière, poussant accidentellement Harry contre Louis.
« Ne sois pas aussi impertinent, Styles, » marmonna Louis, levant son regard puis le tournant vers Liam. « Oh, Pine, » dit-il. « Content que t'aies pu te joindre à nous. »
« C'est, euh – »
« Transvision Studios, s'il vous plaît, » dit Harry. « Liam, l'adresse ? »
« C'est vrai, oh, » il fouilla dans ses papiers, plissant désespérément des yeux. « 102 Geffrye Street, Shoreditch. C'est bon ? »
Le chauffeur acquiesça et se mit en route. Ils furent silencieux, collés cuisse contre cuisse à l'arrière du taxi, le seul bruit étant le doux bruissement de la pile interminable de papiers de Liam et le tapotement rapide des doigts de Louis sur l'écran de son téléphone. Harry essaya de ne pas secouer sa jambe, son genou dans un drôle d'angle et beaucoup trop conscient d'à quel point il était pressé contre le flanc de Louis.
« Ugh, non, » grommela Louis. « Tu ne peux pas jouer tout ce truc aussi doucement ; ce n'est pas comme ça que la mémoire musculaire fonctionne. Fais cinq mesures à la fois. »
« Tu microgères ton pupitre de loin ? »
« Je suis en charge d'eux, non ? » claqua Louis, ses yeux totalement concentrés et son index bougeant avec une précision expérimentée sur le petit clavier. « Et je briefe juste Eleanor, c'est tout. Je lui donne quelques directions. C'est genre, de la normo... gérance. »
Harry poussa un petit soupir d'acquiescement et détendit ses larges épaules contre le siège rembourré, appréciant avec culpabilité la sensation d'être serré entre deux corps masculins et la douce vibration du taxi. Sa housse et celle de Louis étaient posées sur leurs genoux comme une couverture chaude. Harry ferma ses yeux, sûr à seulement soixante-quinze pourcent qu'il ne s'endormirait pas avant d'arriver.
« Alors de quoi êtes-vous responsable, M. Payne ? » demanda-t-il, pour se distraire. « Vous allez nous dire quelle pose prendre ? Ou êtes-vous notre maquilleur ? »
Liam toussa. « J'assure la liaison, » dit-il. « Grimmy – euh, M. Grimshaw a une vision. Et c'est quelque chose de spécifique. »
« Laisse-moi deviner, » le coupa Louis, verrouillant son téléphone et le glissant dans la poche de son manteau. « Ça va être, Harry se tenant droit, sa baguette à la main, dans une série de portraits avec tous le premier soliste de chaque pupitre et leur instrument. Des costumes et des robes noirs sur un fond blanc immaculé. »
Liam fronça ses sourcils. « Eh bien... oui... »
« J'en étais sûr, » déclara Louis. « Exactement la même chose que les trois dernières années. » Il soupira. « Debout à côté de Valery, sourire, retenir sa respiration. Au moins, Styles ne sent pas le poisson. »
Les yeux de Harry s'ouvrirent promptement. « Est-ce que tu viens d'insulter Valery Gergiev ? »
Valery Gergiev est un génie, » dit vivement Louis. « Et il a une forte odeur de poisson. »
« On dit que l'huile de poisson est bonne pour le cerveau, » intervint Liam, mettant finalement ses papiers en ordre.
« Ne lui donne pas d'idées bizarres, s'il te plaît, Liam. Personnellement, je déteste les fruits de mer. Souviens-toi, Styles, la corrélation n'implique pas la causalité. »
Harry rigola alors que le taxi s'arrêtait devant ce qui semblaient être plusieurs garde-meubles abandonnés avec des portes de garage industrielles. L'air apporta une odeur de poubelle lorsqu'ils sortirent du véhicule (Liam payant le chauffeur à la hâte) et ils regardèrent les alentours. Il se trouvait que Geffrye Street n'était pas réellement une rue, mais plutôt une ruelle.
« C'est ici ? » Louis plissa son nez. « On n'a pas travaillé avec Portraits Professionnels de Londres l'année dernière ? Ils étaient basés dans la City... »
« Ils ont aussi augmenté leurs prix, » dit Liam, « depuis que l'une des cousines Middleton a commencé à travailler pour eux l'automne dernier. Et l'orchestre avait déjà décidé d'utiliser une partie des fonds supplémentaires... quelque part d'autre... » il toussa nerveusement, et Harry baissa son regard vers le sol, grattant ses bottes sur le trottoir. Il savait que son salaire était considérable. Il savait également que Grimshaw le considérait plus comme un investissement promotionnel qu'un investissement artistique.
« Quelqu'un de la famille Middleton, hein ? » Louis haussa un sourcil. « Qui a été dans les magazines people, je suppose ? Qu'est-ce qui arrive à ce pays... »
Il s'éloigna vers la petite plaque où il était écrit TRANSVISION STUDIOS – 3EME ETAGE, son étui à violon niché de façon protectrice sous l'un de ses bras et la housse avec son costume drapé par-dessus l'autre.
« Bien, » Liam fit un geste vers l'avant. « C'est parti pour le show, alors, Maestro ? »
Harry hocha de la tête et se retourna pour suivre Louis dans le bâtiment délabré en brique rouge tombant en ruine. Il pouvait sentir le Regent's Canal à quelques rues d'ici, et il entendait le cri des mouettes au-dessus de sa tête. « Shoreditch est sans aucun doute agréable à cette période de l'année, » dit-il, essayant de faire la conversation à personne en particulier. Louis n'avait pas attendu pour leur tenir la porte. L'intérieur était un couloir mal éclairé qui menait à un ascenseur monte-charge, des tâches humides sur le sol. Liam semblait de plus en plus nerveux.
« Transvision Studios, hein ? » lui demanda Harry, un sourire aux lèvres pour montrer qu'il ne faisait que le taquiner.
« Ils sont très fortement recommandés, » déclara Liam, tordant un de ses poignet avec anxiété. « Soi-disant assez 'hip.' Je crois, à en juger par leur site, qu'ils font beaucoup de projets avant-gardistes. Pour, genre, des magazines féministes et tout. Il y avait pas de mal de personne nu dans leur portfolio. »
Ils venaient juste de rattraper Louis, qui attendait impatiemment à l'entrée du monte-charge.
« Des séances photos tout nu ? » dit-il sur un ton de plaisanterie. « Le petit Harold devrait se sentir parfaitement à l'aise. »
Harry sentit presque son visage rougir avant de saisir ce que Louis venait de dire, puis il y eut un bruit métallique venant de la porte et il fut tiré à l'intérieur de l'ascenseur par Liam. Il y eut un silence maladroit alors qu'ils montaient les trois étages, Harry appuyant le bout de sa botte en daim dans la texture en relief de la plate-forme en acier. Alors Louis avait jeté un coup d'œil à l'article d'Esquire. Intéressant.
Très intéressant.
La porte du monte-charge s'ouvrit à nouveau sur un espace énorme, aménagé en studio et avec de magnifiques moulures au plafond. Plusieurs fenêtres en demi-lune se trouvaient au niveau du sol et montaient jusqu'au niveau de la taille, donnant vue sur les alentours et le canal à proximité. Les murs étaient en briques brutes et au sol se trouvait un parquet vernis. Une petite femme, habillée avec un tailleur-pantalon noir, portant des lunettes noires épaisses et dont les cheveux étaient tirés en arrière dans un chignon sévère, était en train d'ajuster la lumière à l'autre bout du studio, où un grand fond blanc avait été installé. Liam se précipita immédiatement vers elle et se présenta alors que Louis s'éclipsait dans une petite pièce adjacente avec sa housse à vêtement.
Harry fit un signe de la tête aux autres premiers solistes qui étaient déjà là et s'étaient déjà changé dans leurs tenues de soirée. Maria Santiago-O'Brien se tenait dans un coin, une main sur le manche de son violoncelle, portant un élégant châle et parlant aimablement avec Zayn Malik. Nathan Sugiyama et Janet Ingersoll erraient également dans le studio, Janet soufflait dans son anche comme si elle était ici pour jouer à la place de poser. Gladys Howard était magnifique dans une longue robe noire avec des perles. Elle venait juste de finir de se faire maquiller au fond du studio quand Harry la salua.
« Ravi de voir quelqu'un fier de son instrument, » dit-il, regardant vers son cor d'harmonie, qui avait récemment été poli et qui brillait. Il n'avait rien à voir avec celui bosselé et rayé de Niall. Ça n'avait jamais semblé lui importait le montant qu'il devait dépenser pour un nouveau cor – trois semaines après l'avoir acquis, l'instrument serait amoché.
« N'insulte pas M. Horan devant moi, Harry Styles, » dit Gladys en agitant un doigt, repoussant une boucle grise derrière son oreille. « Je ne l'autoriserai pas. »
Harry grogna. « Mais, vous l'insultez tout le temps ! »
« C'est différent, » répliqua-t-elle, retenant un sourire. « Je suis son aînée. Et il insiste sur le fait que les bosses ajoutent de la texture. »
« De la texture. » Harry haussa sceptiquement ses sourcils.
« Chacune sont faites dans le but d'améliorer la qualité du son de l'instrument. »
« C'est une bonne chose que vous êtes tous les deux assis dans le fond, » dit Harry en souriant. Il n'essaya pas de cacher son amusement alors qu'il escortait Gladys pour regarder la photographe installer son matériel. Liam virevoltait partout, pointant les filtres et les modificateurs de lumière en demandant à quoi ils allaient servir.
« M. Styles, » appela-t-il soudainement, « vous n'êtes pas encore habillé ? Vous êtes dans toutes les photos. »
« Le vestiaire est... » Harry était sur le point de dire « occupé » mais lorsqu'il se retourna pour faire un geste vers la pièce, Louis Tomlinson en sortit et sa voix se tut. Il avait déjà vu Louis dans un costume, dans des vidéos sur Youtube qu'il avait regardé – et re-regardé – au nom de recherche professionnel. Mais ça avait été Louis sur un petit écran, la moitié basse de son corps coupée par la caméra ; c'était Louis en chair et en os, ses lunettes pliées dans sa poche, ajustant sa cravate blanche et se recoiffant dans le miroir à côté de la chaise réservée au maquillage. Ses yeux étaient bleus comme les glaciers, les angles pointus de son visage beaux et légèrement féeriques. Il était magnifique.
(Et Harry ne pouvait pas vraiment voir en dessous de la queue de pie de sa veste, mais il savait que Louis avait toujours ces incroyables fesses sur lesquelles il avait passé de longues nuits à fantasmer lors de son adolescence.)
« Allez-y, » Liam le poussa doucement dans la direction du vestiaire. « Votre costume et un peu de maquillage et on sera prêt. »
« Prêt. Ouais. » Harry hocha de la tête et essaya de se concentrer pour mettre un pied devant l'autre. Il sortit seulement de son état second quand il fut seul dans la petite pièce sombre, nu à l'exception de son sous-vêtement et avec une jambe dans le pantalon de son costume. Il était attiré par Louis Tomlinson. Très, très attiré. Genre, presque putain de désespérément attiré.
Je suppose que certaines choses ne changeront jamais.
« Bien ! Quand est-ce que je me déshabille ? » demanda Louis à la photographe quand Harry réémergea, parlant fort, sa voix résonnant contre le plafond incurvé. « Parce que j'ai entendu dire que les musiciens classiques nus faisaient fureur aux Etats-Unis. Gladys, tu crois que mon violon sera suffisant pour tout couvrir ? Je ne peux pas le garantir ! »
Harry sentit le rougissement remontait à nouveau le long de son cou, alors que presque toutes les personnes présentes dans la pièce se mirent à rire et à jeter des coups d'œil vers lui de façon entendue. Oui, pensa-t-il alors qu'un sentiment familier de légère humiliation s'installa en lui, déterrant de vieux souvenirs. Certaines choses ne changeront vraiment jamais.
« M. Styles, commençons par vous et Mme Howard. »
Harry laissa une maquilleuse appliquer un peu de fond de teint sur son visage, puis il fut conduit jusqu'à devant le fond blanc. Il tint sa baguette avec raideur devant son torse, comme indiqué, Gladys se tenant près de lui, juste derrière son épaule gauche avec son cor d'harmonie.
« Des visages sérieux, s'il vous plaît, » dit Liam. « Votre posture, Harry. »
Harry racla sa gorge et se tint plus droit, laissant les coins de sa bouche se baisser et décontractant ses joues pour avoir une expression neutre. Il pensa au fait de diriger Don Juan lors de la premier au Barbican, invoquant l'intense concentration nécessaire pour diriger un orchestre afin d'aboutir à une performance harmonieuse. La photographe les prit sous différents angles, changeant les objectifs de son appareil à un moment. Le dos de Harry commença à être douloureux quand Liam appela Nathan Sugiyama.
Ils répétèrent les mêmes séries de photos avec chacun des solistes, Gladys jouant un peu le solo paisible pour cor venant de la Symphonie N°5 de Tchaikovsky pour les aider à se détendre. Harry ressentit un soupçon de nostalgie quand Maria Santiago-O'Brien arriva avec son violoncelle – ça lui manquait parfois d'avoir constamment son propre instrument dans les mains et entre les jambes, façonnant des phrases riches avec son archet. Mais en renonçant à l'implication directe, il avait gagné en compétence... Maintenant, il était responsable de l'élaboration d'un programme entier, tous les morceaux qu'un orchestre interpréterait – non, auxquels un orchestre donnerait vie.
C'était un travail important et il aimait le faire. Parfois, il avait l'impression qu'il était né pour faire ce travail.
« M. Malik, s'il vous plaît. »
Harry sourit à Zayn alors qu'il arrivait devant le fond. Ils firent une brève fausse bataille avec sa baguette et l'un des maillets des timbales de Zayn avant que Liam appelle à « un sens des gravités, s'il vous plaît ; l'OSL n'est pas un orchestre de gamin de douze ans. » Harry ne connaissait pas encore très bien Zayn Malik, mais la rencontre qu'ils avaient eu plus tôt dans la semaine avait été l'un de ses plus agréables. Il pouvait dire que Zayn était cool et prêt à prendre sa direction au sérieux, tout en étant complètement dédié à son travail, et ils avaient un peu formé un lien supplémentaire en comparant leurs tatouages. Il était également exceptionnellement beau. (Harry ne pouvait jamais s'empêcher de remarquer ce genre de choses.)
« Plus près, s'il vous plaît. Rapprochez-vous. »
Zayn avança dans le dos de Harry, se retrouvant juste derrière son épaule, son maillet contre son torse en écho avec la position de Harry avec sa baguette. La photographe commença à prendre des photos, et du coin de l'œil, Harry remarqua Louis se tenant sur le côté. Il était en train de parler avec Janet Ingersoll (une autre de ces conversations animées et pleines de gentillesse que Louis semblait toujours être en train d'avoir avec les autres) mais, à présent, il observait attentivement Zayn et Harry, un petit froncement sur son visage.
Un frisson parcourut le corps de Harry alors qu'il sentait les yeux de Louis sur lui. Il essaya de l'ignorer, se tenant aussi droit qu'il pouvait, son visage impassible alors que la photographe finissait rapidement la série.
« D'accord, » cria Liam, et il vérifia quelque chose sur un porte-bloc. Harry prit son temps pour s'éloigner de Zayn, curieux de voir si Louis le remarquerait, si son expression changerait. Elle devint plus marquée ; les yeux bleus perçants de Louis vinrent à la rencontre de ceux de Harry pendant une seconde puis son visage devint à nouveau illisible. Il hocha de la tête et dit quelque chose à Janet, n'ayant jamais perdu le fil de sa conversation avec elle. Harry se sentit embarrassé.
« Tomlinson, à toi. »
Et, bien. Ça allait être au tour de Louis d'être collé à son dos. Parce que c'était ce pour quoi ils étaient là. Harry se tint avec raideur alors qu'il attendait que Louis sorte son violon et vienne devant le fond, prenant des goulées d'air peu profondes. Il sentit le plus petit des effleurements provenant d'un vêtement dans le bas de son dos, et la respiration chaude de Louis contre son cou.
« T'en as pas trop marre ? »
Harry lutta pour garder son visage immobile alors que la photographe prenait quelques clichés. « Ça va, » marmonna-t-il à travers ses dents serrées.
« Je suppose que t'es habitué, toi la grande star d'Hollywood. »
« Pas vraiment. »
Louis se tenait juste assez loin de Harry pour qu'ils ne se touchent pas. C'était, en quelque sorte, même encore plus affolant, cette presque-sensation, que lorsqu'ils avaient été collés l'un à l'autre dans le taxi ; Harry était distrait, sa tête n'était plus tout à fait là. Le froncement de la photographe s'approfondit alors qu'elle bougeait autour d'eux, n'obtenant de toute évidence pas la photo qu'elle voudrait. Quelque chose n'allait pas.
Elle baissa finalement son appareil. « Cette pose ne fonctionne pas, » dit-elle.
« Non, non, » protesta Liam en souriant. « La pose est parfaite ; c'est exactement ce qu'on veut. Je suis sûr que vous avez quelques prises utilisables à présent... »
Mais la photographe l'ignora alors que Harry s'écartait rapidement de Louis, reconnaissant de pouvoir à nouveau respirer normalement.
« Je veux essayer quelque chose comme une sorte de confrontation, » dit-elle, agitant vaguement sa main entre Harry et Louis. « Il y a... de la qualité. Je ne suis pas sûre de ce que c'est, mais j'ai envie de l'explorer. » Elle claqua ses doigts. « Un fond noir, s'il vous plaît. »
Deux de ses assistants retirèrent rapidement le fond blanc et le remplacèrent par un qui semblait être fait avec une sorte de velours sombre et riche. Liam leva un doigt en signe de protestation, mais il fut repoussé. Il se tint à l'écart et les regarda, impuissant, alors que Gladys passait de Tchaikovsky à L'appel du cor de Siegfried par Wagner.
« Je veux des spots derrière eux, » continua la photographe, « et je veux capturer un peu de ce grain dans l'air. »
Harry n'avait pas remarqué que l'air était granuleux. Il se redressa, balançant nerveusement son poids d'un pied à l'autre, essayant de ne pas regarder Louis. Il avait juste vraiment envie d'en avoir fini. Il avait envie de retourner dans son bureau douillet de St Luke's. La performance impromptue de Gladys lui donnait de nouvelles idées pour les cors d'harmonie dans Don Juan, et il avait besoin de prendre des notes avant d'oublier.
Puis il avait prévu de rentrer chez lui, prendre un bain et se masturber jusqu'à l'inconscience.
« D'accord, » dit la photographe en tapant dans ses mains, sortant Harry de sa rêverie. « Maintenant, je veux que vous vous regardiez. »
Elle guida les épaules de Harry pour qu'il soit de profil, en face de Louis et le regardant dans les yeux. Il tressaillit quand le spot aveuglant s'alluma à sa gauche.
« Vous vous opposez, » dit-elle, alors qu'elle commençait à prendre quelques clichés d'essai, « mais vous n'êtes pas ennemis. Vous vous défiez... » Harry déglutit. Une légère sensation de picotement parcourut tout son corps et il se demanda s'il avait l'air aussi mal à l'aise qu'il en avait l'impression. Louis maintenait facilement son regard, un petit sourire en coin sur son visage. « ... mais à la place de vous démolir, vous inspirez l'autre à atteindre de nouveaux sommets. »
« Ça semble cochon, » dit Louis en souriant.
« Pas autant qu'aller sur Internet regarder des photos de ton collègue nu. » Harry n'était pas sûr d'où ça venait ; cette voix profonde ne sonnait pas comme la sienne. Mais Louis pâlit pendant une seconde, ses lèvres s'ouvrant légèrement sous la surprise. « C'est assez pervers, en fait, Tomlinson, » ajouta-t-il dans un murmure.
Cette fois, ce fut Louis qui rougit.
« Levez votre baguette, » ordonna la photographe. « Comme vous l'avez fait tout à l'heure, quand vous vous amusez avec le joli cœur et ses maillets. »
Harry suivit son instruction.
« Et vous, levez votre archet. C'est un duel. »
Harry et Louis se regardèrent droit dans les yeux, aucun d'eux ne cédant. Leurs doigts serraient autour de la baguette et de l'archet. Harry sentit son sang lui monter à la tête alors qu'ils se fixaient, pensant à comment, depuis qu'il avait commencé à l'OSL, Louis l'avait fait se sentir jeune, indésirable et dépassé par les événements. Il se demanda brièvement si Louis avait voulu faire tout ça, ou si c'était seulement une habitude malsaine.
« Magnifique, » marmonna la photographe, bougeant autour d'eux alors qu'elle prenait des photos. « Tellement intime. »
Le cœur de Harry martela sa poitrine. Il avait trop chaud, se sentait exposé, mais il ne brisa pas le contact visuel. Puis, rapidement et assez subtilement, Louis inclina son poignet et fit doucement glisser le bois dur de son archet le long de la baguette de Harry. Le bois trembla dans sa main alors que Louis le caressait, et Harry haleta presque. Le contact était tellement doux, envoyant un frisson d'excitation le long de son bras et dans tout son corps. Personne d'autre ne sembla le remarquer. Il mordit sa lèvre, son regard se baissant vers l'archet de Louis puis remonta vers ses yeux, où il pensa voir une lueur éphémère et espiègle de flirt.
« C'est dans la boîte ! » cria la photographe, et des applaudissements éclatèrent de toutes parts. Les mains de Harry tombèrent le long de son corps, tremblant légèrement. C'était du flirt. Etait-ce du flirt ?
Louis s'éloigna pour ranger son violon, agissant comme si rien d'extraordinaire s'était passé. Mais ce n'était pas un accident. Harry savait à quel point Louis avait du contrôle sur son poignet ; il jouait aussi d'un instrument à cordes. Il prit une profonde inspiration et se retourna pour s'adresser à Liam.
« Vous n'êtes pas obligés d'utiliser celles-ci, » dit-il. « Elle a en pris avec la pose que Grimshaw voulait. »
Liam fronça ses sourcils, réfléchissant. « Non, » dit-il. « J'veux dire, je vais devoir les montrer à Grimmy mais... elles sont assez bonnes. Il pourrait bien les aimer. »
Harry hocha de la tête et s'éloigna ; confus et bizarrement sous tension. Il ne prit pas la peine de se rechanger, attrapant simplement son manteau et sa housse avant de monter dans l'ascenseur. Je l'ai imaginé, pensa-t-il, testant une stratégie de déni alors qu'il descendait les étages tout seul.J'ai dû l'imaginer. Sinon le reste du monde est insensé. Louis Tomlinson ne flirterait pas avec moi. Ha, ha, arrête d'être ridicule, s'il te plaît. Arrête d'être ridicule. Concentre-toi juste sur ton programme. Trois semaines. Encore trois semaines jusqu'à Don Juan
Harry grogna, se sentant toujours nerveux lorsqu'il ouvrit la porte et traversa le couloir pour se retrouver au soleil. Il se demanda à quelle distance se trouvait la station de métro la plus proche. Il était sur le point de sortir son téléphone quand une vieille bagnole familière arriva et se gara.
« Haz ! »
« Nialler, » le visage de Harry s'étendit avec un énorme sourire. « T'es venu me chercher ? »
Niall pouffa de rire, luttant pour baisser la vitre collante. « Genre. Gladys et moi sortons pour un dîner entre partenaire de pupitre. »
« Où ? » Harry se pencha en avant pour jeter un coup d'œil à l'intérieur de la voiture de Niall. C'était une vieille Vauxhall Astra datant du début des années 2000, le pare-chocs arrière attaché avec de la corde et un des phares hors d'état. Des miettes, d'anciens programmes de l'OSL et des emballages de nourriture jonchaient l'intérieur, qui avait vaguement l'odeur de chips de maïs et d'huile de moteur.
« Désolé, j'ai juré de garder ça confidentiel. Ne pense même pas à demander à te joindre à nous. »
« Ce n'était pas le cas. » Harry haussa ses sourcils, remarquant que Niall portait un pull-over à la place de sa casquette. « T'es ravissant... »
Niall hocha de la tête, souriant. « Pour regarder, c'est gratuit, Styles, mais si tu veux toucher, tu vas devoir payer. »
Harry grogna alors que Niall commençait à caresser sa manche.
« Je suis sérieux. C'est du cashmere. »
« Niall, » Harry lécha ses lèvres et se pencha en peu plus en avant, ne sachant pas très bien ce qu'il voulait demander. « Est-ce que Louis a déjà – »
Il fut coupé par le bruit de la porte s'ouvrant et des éclats de voix derrière lui. Il se redressa et se retourna pour voir Louis en tête d'un groupe de personnes qui sortait du bâtiment. Il souriait à quelque chose que Gladys venait de dire, ses yeux se plissant aux coins et sa tête rejetée en arrière dans un rire éclatant. Et c'était vraiment comme ça que Harry se souvenait le mieux de lui à Interlochen – au centre d'un groupe d'amis rigolant, tandis que Harry regardait de loin.
Niall se pencha par la fenêtre et siffla d'un air approbateur. « Gladdo, t'as été chez le coiffeur ? »
« Tu remarques toujours, » dit Gladys en souriant, glissant dans le siège passager et posant son cor d'harmonie à l'arrière. Les perles de sa robe tintèrent lors qu'elle se retourna et ferma la porte derrière elle.
« Hé, Horan, j'utilise mes privilèges de premier violon pour réquisitionner ton véhicule ; tu peux me déposer chez moi avant d'aller faire vos activités bizarres de joueurs d'instruments à vent ? » Louis passa rapidement à côté de Harry et entra dans la voiture. « Je t'aime. » Il passa ses mains autour de l'appui-tête et pinça les deux joues de Niall.
« Tu m'aimes seulement pour mes roues, Tommo, arrête de faire semblant. » Niall repoussa les mains avides de Louis et essaya d'avoir l'air sévère. « Bye, H. »
« Au revoir... »
Harry leva sa main pour faire un signe indifférent alors que Niall repartait, le laissant coincé au milieu d'une phrase. Tout le monde était parti – même Liam avait trouvé quelqu'un pour le ramener. Alors Harry sortit son iPhone et afficha une carte de Londres, trébuchant accidentellement sur ses propres pieds alors qu'il commençait à marcher vers le sud. Il y avait seulement quelques pâtés de maisons jusqu'à la station de métro la plus proche. Le vent de février fouettait ses oreilles et Harry grelotta, entendant vaguement les rires d'un groupe d'adolescents vêtus de jeans et fumant au coin d'une rue alors qu'il passait. Il se rendit compte qu'il portait toujours son costume.
Seul et pas à sa place, encore une fois. Ce n'était pas ce qu'il avait imaginé. Pas à Londres.
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