Chapitre 10
Harry détestait son nouvel appartement à Berlin. Il le haïssait carrément. Le salon était trop petit, les plafonds étaient trop hauts, les poignées de porte modernes et fonctionnelles frôlaient l'idiotie et, surtout, il n'avait pas son violoncelle. Il faisait les cent pas dans la cuisine depuis quinze minutes, marmonnant à quel point il ne l'aimait pas et tirant sur ses cheveux, depuis qu'il était allé chercher son courrier. Depuis qu'il avait ouvert une lettre en particulier.
Si c'était arrivé par email, Harry supposait qu'il aurait pu l'ignorer. Il ne l'aurait probablement même pas remarqué. Le message se serait certainement perdu au milieu de toutes les autres notifications, alertes Google et sollicitations qui s'entassaient quotidiennement dans sa boîte de réception. Il l'aurait supprimé sans l'ouvrir et ça aurait été le plus judicieux.
Mais, évidemment, c'était arrivé par la poste à la place. Une enveloppe de couleur crème et bien épaisse avec son nom et son adresse écrits à l'avant dans une calligraphie de toute beauté. Harry avait passé ses doigts sur l'adresse de l'expéditeur, tout aussi belle, à l'arrière avant de l'ouvrir, se demandant comment Diversey-Petersheims savait où il habitait. Il n'avait laissé aucune adresse de transfert à Grimshaw ; ça devait venir de Niall.
Il y avait une invitation pour un gala de charité pour l'Orchestre Symphonique de Londres dedans. C'était un événement spécial se passant dans deux semaines dont les bénéfices seraient reversés au programme de développement musical pour enfants à St. Luke's. Taggie et Petey l'organisaient depuis des mois et elles avaient envoyé l'invitation personnellement, sachant à quel point la cause tenait Harry à cœur. Il tenait fermement le faire-part dans sa main gauche alors qu'il faisait les cent pas dans sa cuisine.
Retourner à Londres. Retrouver Louis...
Harry jeta un nouveau coup d'œil au papier, à la magnifique écriture de Petey. Les douces lettres courbées semblaient exprimer la chaleur de sa personnalité et il ressentit un nœud serrer son estomac, causé par le mal du pays. Il devait se rappeler que Londres n'était plus son chez lui, et il fut dangereusement proche des larmes.
L'orchestre souhaite également vous inviter au concert donné le soir suivant comme invité spécial. Je pense que vous serez ravi d'apprendre que Louis Tomlinson va à nouveau jouer en solo – le concerto pour violon n°1 de Bruch ! Taggie et moi sommes vraiment pressées de l'entendre.
Le cœur de Harry se serra de jalousie à l'idée de quelqu'un d'autre dirigeant Louis. Il roula des yeux et déglutit l'énorme boule dans sa gorge.
Comme si j'étais la seule personne qui l'aurait dirigé le reste de sa vie, si on était resté ensemble, pensa-t-il, son visage rouge d'embarras. Il tira sur le col de son haut et attrapa une bière dans le frigo. Je me suis dupé tout seul en pensant que c'était quelque chose de spécial, de toute façon. Glorifiant ce qu'il y avait entre nous comme si c'était une sorte de dialogue permanent plein d'émotion. Comme un tordu. Je suis un tordu en manque d'affection.
Il ferma ses yeux, grimaçant lorsqu'il décapsula de la bouteille. Le visage radiant de Louis lorsqu'il avait regardé Harry après leur dernière performance ensemble apparut derrière ses yeux.
Louis Tomlinson. Pourquoi. Comment... Étais-je réellement seul dans tout ça, depuis le début ?
« Je ne peux pas y retourner, » annonça-t-il à lui-même après avoir bu une première grosse gorgée. « Je ne peux pas. Je ne – je ne veux pas y retourner. »
C'était un mensonge, majoritairement. Autant l'idée de revoir Louis le rendait vaguement malade, autant c'était l'idée de ne pas y aller du tout qui le rendait fou.
Si seulement j'avais Letitia.
Harry ne s'était pas rendu compte à quel point il comptait sur son violoncelle pour se déstresser jusqu'à ce qu'il déménage à Berlin, sans elle. Si Letitia avait été avec lui, il aurait joué à la place de faire les cent pas, déversant toute sa frustration et ses émotions conflictuelles dans un simple mais agressif morceau de musique. Il se serait laissé aller dans la musique jusqu'à ce que son subconscient ait réglé son problème pendant que son cerveau se reposait. Ce n'était pas une option pour le moment. Ça ne faisait qu'une semaine et demi, mais son violoncelle manquait à Harry comme un membre fantôme, sa main se refermant occasionnellement autour d'un archet qui n'existait pas.
Si je retourne à Londres, je pourrai retrouver mon violoncelle, rationalisa-t-il, alors qu'il posait sa bière à moitié finie et la lettre froissée de Petey sur le plan de travail, cherchant frénétiquement ses clés. Il devait sortir du pire appartement jamais loué par un humain, dès que possible. Il avait besoin d'air. Ça ne serait pas seulement par rapport de Louis. Ce n'est pas seulement par rapport de Louis ; ma vie ne tourne pas autour de Louis... Plus – plus maintenant.
Il repéra finalement ses clés sur la table basse du le salon, il les attrapa et enfila ses bottes. Il claqua la porte de son appartement derrière lui avant de descendre les escaliers en courant et de sortir de l'immeuble.
L'air de fin d'après-midi était agréable, et Harry prit plusieurs profondes respirations en marchant. Il essaya de se souvenir ce qu'il aimait tellement au sujet de Berlin, remarquant qu'il vivant dans une rue incroyablement sympa, avec des arbres tout le long et que la température était absolument parfaite. Il aimait Berlin. Vraiment. Il ne devrait pas avoir besoin de ou vouloir retourner à Londres, il ne devrait pas avoir envie ou vouloir revoir Louis Tomlinson.
Est-ce que tu pourrais supporter de le revoir sans être capable de le toucher ? lui demanda une voix sombre et familière alors que Harry attendait impatiemment à un feu de croisement, traversant la rue puis tournant à gauche sur Bergmannstraße. Le pourrais-tu ?
Ça avait été l'une des choses les plus difficiles à gérer pour Harry, l'une des choses qu'il n'arrivait toujours à croire totalement – le fait qu'il ne toucherait plus jamais la peau de Louis. Qu'il ne se serait plus jamais autorisé à prendre le corps léger de Louis dans ses bras et de le serrer contre lui, peu importe à quel point il désirait le faire, peu importe à quel point il avait l'impression qu'il allait mourir s'il ne faisait pas. Il ne passerait plus jamais son pouce sur l'éventail de cils de Louis, ni ne le tiendrait contre lui. Harry devait accepter le fait qu'il avait embrassé Louis pour la dernière fois et il ne l'avait pas su à cet instant-là. Merde, la dernière fois qu'ils s'étaient embrassés ! A chaque fois qu'ils s'étaient embrassés ! Ça avait dû signifier quelque chose de très différent pour chacun d'entre eux, à chaque fois, et Harry avait été tellement aveugle.
Putain. Je l'aime toujours. Je le veux toujours, tellement. Je dois arrêter ; je dois cesser ça. C'est terminé. Je dois l'accepter.
Florian vivait seulement à six pâtés de maisons de l'appartement de Harry, dans le même quartier de Kreuzberg. C'était là où il comptait aller à l'origine, mais il se retrouva à marcher jusqu'à la Potsdamer Platz à la place, ayant besoin de temps pour réfléchir. Il leva les yeux sur les magnifiques façades en verre des bâtiments lorsqu'il y arriva, tournant en rond alors qu'il appréciait la taille du ciel. Tellement grand au-dessus de lui, même dans une ville aussi large. Et pourtant.
Heimweh, Sehnsucht, Liebeskummer. Londres. Louis. Schade. Schade für dich.
(ndlt : Le mal du pays, Le désir, Le mal d'amour. Londres. Louis. Dommage. Tant pis pour toi.)
Il secoua la tête et se dirigea doucement vers la Brandenburger Tor (ndlt : la Porte de Brandebourg). Il se tint sous la porte et regarda la beauté de l'Unter den Linden (ndlt : « L'allée des tilleuls ») à l'Est, levant les yeux vers la rue et souhaitant avoir à nouveau vingt-deux ans. Comme la première fois qu'il avait vécu à Berlin. Vingt-deux ans et surexcité par la vie à Berlin et toutes les personnes s'y trouvant. Il avait acheté un maillot pour femme de Mesut Özil ridiculement serré dans une petite boutique sur ce même boulevard, l'avait mis puis il avait pris le métro jusqu'au Hackescher Markt pour regarder la finale de l'Euro avec Flo et ses amis, dans le fond d'un pub plein à craquer. Il avait eu l'impression de réellement avoir sa place ici. Comme s'il était un adulte avec sa propre vie indépendante. Qu'est-ce qui pourrait être mieux que ça ? Le Harry Styles de vingt-deux n'aurait même pas pu imaginer une peine de cœur de ce genre. Il avait trop aimé le monde et il avait été tellement sûr qu'il l'aimait en retour.
Louis Tomlinson, pensa-t-il, la douleur presque constante s'intensifiant derrière son sternum. Pourquoi ne m'aimes-tu pas ? Pourquoi n'y arrives-tu pas ? »
Harry prit un chemin sinueux pour retourner au Kreuzberg, regardant les vitrines des magasins sans voir quoi que ce soit dedans et s'arrêtant pour boire une bière dans deux endroits différents sur la route.
Je ne veux pas y aller. Je ne peux pas, se dit-il, alors qu'il quittait le second café. Je ferai un don et dirai à Taggie et Petey que je ne pourrais pas m'y rendre. Je n'irai pas. C'est une mauvaise idée. Je fais des progrès... je vais simplement rester ici.
Il arriva finalement dans la rue de Florian en milieu de soirée, l'angle parfait du soleil couchant rendait tout mieux que ça ne l'était, tout semblait avoir une couleur miel doré et être beau alors qu'il avançait. Il frappa à la porte de la maison de ville de Flo deux fois puis attendit.
« Harry ? » demanda Florian après avoir ouvert la porte. Il essuya ses mains sur le tablier noué autour de sa taille, il était probablement en train de cuisiner le dîner quand Harry l'avait interrompu. « Alles ok ?» (ndlt : « Tout va bien ? »)
Harry mordit sa lèvre par-dessus un demi sourire penaud et crispé et regarda Florian droit dans ses yeux brun pleins de chaleur. Il haussa ses épaules.
« J'ai besoin que tu viennes à Londres avec moi, s'il te plaît, » fut tout ce qu'il dit.
Louis regarda à travers le Jerwood Hall vers l'endroit où sa mère se trouvait au milieu de la salle. Son verre de vin blanc était sur la table haute à côté d'elle, une main lâche autour du pied. Ils étaient parmi les premiers à être arrivés. Jay insistait toujours pour être pile à l'heure. Arriver en retard n'était pas une option, pas à un événement aussi huppé que celui-ci. Louis savait qu'elle aimait bien se familiariser avec le paysage, repérer où se positionner pour soigner son relationnel avant qu'il n'y ait trop de monde. Il ne lui en tenait pas rigueur. En fait, normalement, il prenait plaisir à l'observer en action, appréciant la manière habile et enthousiaste avec laquelle elle faisait le tour de la salle. Elle était très bonne dans son travail, et se faire des relations lors d'engagements sociaux, comme cette collecte de fonds, jouait un grand rôle là-dedans. Cependant, Louis n'avait pas été capable de ressentir beaucoup de joie dans quoi que ce soit, ces derniers temps. Alors ce soir, il espérait surtout qu'arriver tôt signifiait qu'ils partiraient tôt, mais il savait que ce ne serait très probablement pas le cas.
Il soupira et attrapa son scotch sur bar, bougeant jusqu'au bord de la salle pour s'appuyer contre le mur et observer de là. Il dut lutter contre l'envie de poser le verre froid contre sa tempe, comme s'il était une sorte de détective privé alcoolique travaillant sur une affaire non-résolue dans un film noir. Il avait toujours mal à la tête en ce moment, il ne semblait pas réussir à émerger du brouillard d'épuisement et de tristesse dans lequel il était plongé depuis que Harry était parti pour Berlin. La peur résignée qu'il ressentait pour son solo du lendemain ne faisait qu'empirer les choses.
Louis sirota son scotch en observant Nick Grimshaw lorsqu'il s'approchait de sa mère et la saluait avec un baiser sur la joue. De plus en plus de monde commençait à entrer dans la salle, à présent, et il savait qu'elle s'attendait à ce qu'il se mette à l'aider. Bientôt, il devrait aller se tenir à une proximité idéale, attendant à une distance prudente jusqu'à ce qu'elle ait suffisamment parlé de lui en bien, puis il interviendrait au bon moment pour charmer les personnes avec qui elle parlait, une petite étincelle dans les yeux. Il ressentit un peu ressentiment à l'idée de sourire pour elle quand il n'avait envie de sourire pour personne. Quand ce qu'il voulait réellement était qu'elle lui demande ce qui n'allait pas et qu'elle le prenne dans ses bras pendant qu'il pleurait. Elle ne le ferait pas, il le savait. C'était juste comme ça.
Il rigola tristement dans son verre, pensant à quelque chose que Lottie avait dit la dernière fois qu'il l'avait vu, un peu plus d'un an d'auparavant. A peine sortie de l'université, elle partit au Japon pour enseigner l'anglais avec son petit-ami américain qu'elle avait rencontré en étudiant à l'étranger. Elle était restée chez Louis la nuit avant son vol ainsi lui et Niall l'avait conduit à l'aéroport dans la matinée.
« Je me suis rendu compte que c'est juste une mauvaise idée de parler à Maman de tes petits problèmes, » avait-elle dit lors du dîner autour de sa table de cuisine, rigolant et jouant avec l'étiquette de sa bouteille de bière après qu'ils aient parlé de la famille pendant un moment. « J'veux dire, tout ce qu'elle fait c'est d'essayer de te dire comment les régler. Et ce n'est pas ce que tu veux, tu vois ? Pas venant d'elle. Ce que tu veux vraiment c'est chouiner et te plaindre et qu'elle te dise 'c'est bon, tout va bien, ne t'inquiètes pas'. »
Louis avait ri sous cape à la prise de conscience alors qu'ils secouaient tous les deux leurs têtes et dirent, à l'unisson, « Elle ne le fera jamais. »
Ça avait été étrange pour lui, et en quelque sorte magiquement amer, de découvrir que sa sœur avait réussi à devenir une adulte perspicace et équilibrée tandis qu'il ne l'était pas encore.
« Merde, » marmonna-t-il, prenant une autre gorgée de son scotch lorsque des larmes menacèrent de lui piquer les yeux. Lottie avait beaucoup plus de confiance en elle qu'il n'en avait jamais eu. Il y avait un air ouvert et confiant sur son visage qui rendait Louis si fier et si protecteur envers elle en même temps. Comme Harry, pensa-t-il, se maudissant à nouveau, son cœur se gonflant d'amour. Harry avait également cet air.
Il s'écarta brutalement du mur et se mit à se diriger vers Jay, contournant les tables et les gens, ayant soudainement le besoin désespéré d'une distraction pour éloigner ses pensées. Il ne pouvait se permettre de penser à Harry, pas dans un endroit comme le Jerwood Hall. Tout ici ravivait des souvenirs ; c'était déjà si douloureusement évident que Harry n'était pas présent. Louis pouvait passer la soirée à l'aveugle. Il était allé à des réceptions pour l'orchestre depuis des années, et il pouvait encore le faire ce soir. Même si ça signifiait utiliser son sourire ressemblant plus à une grimace, lorsqu'il fit semblant pendant une conversation sur la voile avec Charles Frasier-Lind durant presque une bonne heure, il pouvait le faire.
Il se trouvait que du diabète équin avait été diagnostiqué au poney de polo de la petite-fille de Charles et, vingt minutes plus tard, Louis ne suivait plus leur conversation au sujet des dangers du diabète et de l'importance d'avoir un animal pendant son enfance. Il était sur le point de faire une remarque sur à quel point les gens, qui pensait que les animaux ne ressentaient aucune forme d'émotion, étaient ridicules quand il entendit le rire.
Louis se figea. Les cheveux dans sa nuque se dressèrent et un coup de jus remonta le long de sa colonne vertébrale alors que son estomac tomba hors de son corps.
Il l'entendit à nouveau, derrière lui, à sa gauche. Profond mais haut perché, si distinctif.
Le rire de Harry. Harry est là ? Harry est là.
Louis déglutit fortement et cligna des yeux en direction de Charles Frasier-Lind, regardant droit vers lui. Sa bouche était devenue tout sèche et son cœur battait à la chamade dans sa poitrine. Heureusement que Taggie Diversey avait repris leur conversation, parce que Louis avait totalement perdu le fil. La présence de Harry Styles derrière lui était le centre de toute son existence. Il savait que le rire venait de lui, il en était persuadé, mais il devait quand même vérifier. Il ne put pas s'en empêcher.
Il racla ses dents sur sa lèvre supérieure lorsqu'il tourna sa tête d'environ trente degrés vers sa gauche pour tenter de regarder nonchalamment par-dessus son épaule. Il grimaça dès que ses yeux se posèrent sur Harry, et il retourna immédiatement sa tête.
Merde. Merde. Merde.
Il n'avait regardé que pendant une fraction de seconde, mais Harry était aussi beau que d'habitude. Il était élancé dans son costume foncé, un léger sourire chaleureux sur son visage. Il semblait heureux.
Louis allait s'effondrer sur le sol et mourir à cause de toute la haine qu'il ressentit envers lui-même.
Il prit une profonde respiration, essayant de calmer son cœur et ses pensées qui allaient à toute vitesse. Evidemment que personne n'avait pensé à lui dire que Harry revenait. Evidemment qu'il ne l'avait pas su. Louis ne parlait même plus à Niall. Personne d'autre savait qu'ils avaient couché ensemble. Il se tortilla, mal à l'aise, sentant une sueur froide sur sa peau en dessous de sa chemise.
« Louis ? » Il réussit à entendre une voix lointaine, celle de sa mère. Elle posa une main sur son avant-bras. « Louis, chéri, tu peux aller me chercher un autre verre ? »
Il la regarda avec un air absent, s'étrangla avec sa respiration puis acquiesça, émettant un son approbateur. Au moins ça lui donnait une chance de se reprendre. Il marcha jusqu'au bar dans un état second, sentant la présence de Harry derrière comme une étrange démangeaison extrasensorielle dans les nerfs de son cou.
Ce ne fut qu'une fois qu'il eut commandé le Pinot Grigio de sa mère et qu'il revint vers elle avec son verre, qu'il vit que Harry n'était pas venu seul. Il avait amené Florian Weil avec lui.
Louis se sentit étrangement calme au début, s'arrêtant net et regardant Florian et Harry de l'autre côté de la pièce alors qu'ils racontaient quelque chose à Niall et Gladys. Avec tous les gestes et les rires qu'il y avait, ça semblait être à propos de quelqu'un à vélo se faisant attaquer par un oiseau. Louis déduit cela d'une façon détachée, grattant son sourcil avec la main qui ne tenait pas le verre de vin. Il n'avait même pas remarqué qu'il ne respirait plus.
Le grand et talentueux Florian Weil avec son beautiful boy. Avec Harry.
Il ne percuta pas avant de voir Florian poser une main pleine de douceur dans la nuque de Harry à la fin de l'histoire. Et Louis se brisa.
Il posa le verre de sa mère sur une table avant de s'enfuir par la porte arrière de la salle, se mettant presque à courir lorsqu'il atteignit le hall désert. Il prenait de profondes respirations saccadées mais aucun n'air n'entrait ; il devait aller aux toilettes. Il allait vomir.
Il souffrait presque constamment depuis plusieurs semaines, mais ça n'avait jamais été aussi viscéral, dévorant et intense. Louis ressentait la douleur si profondément, comme si elle était dans sa moelle osseuse.
Mon beautiful, beautiful boy, pensa-t-il avec un sanglot étranglé en entrant brusquement dans la dernière cabine des toilettes humides. Il se pencha par-dessus la cuvette, crachant dedans et luttant pour retrouver le contrôle de sa respiration. Je l'aime tellement.
Tout ce à quoi il pouvait penser était les mains de Florian sur le corps de Harry, bougeant sur la peau douce comme du velours de son torse. Il n'arrivait pas à arrêter d'imaginer clairement Florian en train de tendre une main pour prendre en coupe la mâchoire de Harry, caresser sa joue avant de se pencher en avant pour l'embrasser. Non. Rien n'allait. Rien du tout. C'était atroce.
Louis s'appuya contre le carrelage sale du mur et il se laissa glisser contre jusqu'à se retrouver assis par terre, l'envie de vomir lui étant heureusement passé. Sa gorge était toujours serrée à cause de l'émotion, de chaudes larmes coulant sur ses joues. Il enfouit sa tête dans ses mains, incapable d'arrêter l'assaut de pensées misérables.
Est-ce que Harry répondait au contact de Florian de la même façon qu'à celui de Louis ? Est-ce qu'il bougeait toujours pour aller à sa rencontre ? Est-ce qu'il frissonnait et se tortillait de cette façon si parfaite en dessous de Florian, lui faisant un grand sourire ? Est-ce que Florian était aussi attentionné qu'il devrait l'être avec Harry ? Est-ce qu'il aimait Harry autant que Louis ? Était-ce même possible ? Est-ce que – putain – Harry aimait Florian en retour ? Est-ce qu'il aimait le corps de Florian de la même façon révérencieuse qu'il semblait avoir aimé celui de Louis ?
Louis faillit à nouveau s'étouffer, grognant dans ses mains alors que les souvenirs l'envahissaient. Harry l'embrassant lentement le long de sa colonne vertébrale, suçotant tendrement sa peau avant de le regarder comme s'il était quelque chose de précieux. Il avait regardé Louis comme s'il l'aimait.
Putain. Putain. Louis frappa sa tête contre le mur de frustration et de désespoir. Harry. Harry l'avait peut-être aimé et Louis avait été trop foutrement effrayé pour réellement y croire ou l'accepter. Pas assez de confiance en lui et trop faible. Et maintenant, il est trop tard. T'as tout ruiné. C'est trop tard ; tu l'as perdu.
Il passa les cinq prochaines minutes à prendre de profondes et lentes respirations avant de se sentir suffisamment bien pour se mettre debout. Quand il se releva, ses jambes tremblotèrent et il se glissa hors de la cabine, se dirigeant vers les éviers pour se passer un coup d'eau sur le visage.
« Bon Dieu, » dit-il avec un grognement sans humour lorsqu'il vit son reflet dans le miroir. Son costume était tout froissé, ses yeux rouges et sa peau étrangement pâle sous sa barbe. Il avait l'air aussi pathétique qu'il se sentait. « T'es un vrai désastre. »
Il n'eut pas d'autre choix que de retourner à la fête ; sa mère était probablement déjà en train de se demander où il était. Il soupira, défroissa sa veste de costume et dépoussiéra son pantalon.
S'il vous plaît, pensa-t-il, avant de sortir des toilettes avec les mains tremblantes. Je vous en prie, laissez-moi passer cette soirée sans me ridiculiser. S'il vous plaît.
Ça allait être une soirée encore plus longue qu'il ne l'avait pensé à l'origine.
Il y eut un entracte entre Les Variations Enigma d'Elgar et le concerto de Bruch, la dernière œuvre de la soirée, sans doute pour donner à Louis un peu plus de temps pour se préparer mentalement pour sa performance solo. Harry et Florian se dirigèrent vers le hall du Barbican pour boire rapidement un verre une fois que les lumières furent rallumées.
« Très fashion-forward (ndlt : avant-gardiste), Styles, » dit Florian, souriant alors qu'il tirait légèrement sur le foulard de Harry pendant qu'ils attendaient dans la queue pour le bar. Il exagéra sa prononciation de « fashion-forward » comme il le faisait habituellement quand il testait un nouveau mot en anglais sur Harry.
Harry rigola et retira la main de Florian. Il pouvait se souvenir d'un temps où Florian avait fait la même chose en s'exerçant à prononcer des phrases vitalement importes comme « over the shoulder boulder holder(1), » « spoiler alert(2), » « these are not the droids you're looking for(3), » « what's cookin', good lookin' ?(4) » et « idk, my bff, Rose(5). » Harry adorait taquiner Flo à ce sujet, même si son anglais était infiniment meilleur que le désastre pathétique qui constituait l'allemand de Harry. Florian ne semblait pas s'en soucier.
(ndlt : (1)c'est une expression pour parler de la poitrine d'une femme, en France, on dirait simplement 'les lolo'
(2) Alerte spoiler
(3) Ce ne sont pas ces droïdes-là que vous recherchez – référence à Star Wars
(4) c'est une phrase pour draguer, du genre 'ça va, beauté ?' ou 'Quoi d'beau, beauté ?'
(5) J'sais pas, ma meilleure amie pour la vie, Rose – référence à une pub AT&T un fournisseur de services téléphoniques aux USA)
« Est-ce que tu vas me dire que mon ex-petit-ami est un psychique, ensuite ? » demanda-t-il, souriant en coin alors que Flo commandait leurs bières.
Florian jeta sa tête en arrière et laissa échapper un rire éclatant, poussant Harry à l'épaule. « Hau ab ! » (ndlt : « Va te faire foutre »)
Quand ils s'étaient rencontrés, lors du premier passage de Harry à Berlin, Florian l'avait emmené passer une soirée très alcoolisée pour briser la glace. A la fin, ils s'étaient entassés dans un box avec un dossier haut fait de bois foncé, buvant ce qui devait être leur neuvième bière de la soirée alors que Florian racontait à Harry comment il avait dû rompre avec sa dernière petite-amie, parce qu'elle s'était révélée être une « psychique » et il n'arrivait plus à le supporter. Ça avait plongé Harry dans une grande confusion jusqu'à ce qu'il réussît finalement à comprendre que Florian avait voulu dire « psychopathe. » Ils en avaient beaucoup ri puis Harry avait fait remarquer gentiment, mais avec une extrême ivresse, que ça donnait l'impression qu'il était assez insensible et peut-être un peu sexiste, surtout parce que Florian la définissait comme étant une « psychique » à cause de ses fréquentes crises de larmes. Florian avait dû apprécier l'honnêteté de Harry, car ils étaient incroyablement proches depuis.
Harry ressentit un peu de nostalgie lorsqu'ils s'éloignèrent du bar. Il venait juste de plaisanter en évoquant une vieille blague chère à leurs cœurs ; il n'avait même pas voulu que ce soit une référence à Louis. Cependant, maintenant qu'il l'avait dit, il s'était emmêlé dans un autre nœud de pensées douloureuses sur la nature de leur relation. Il n'avait jamais eu le cran de dire à Louis que, dans sa tête, il avait pensé à lui comme son petit-ami... qu'il avait eu envie de le dire au monde entier.
« Il ne l'est pas, tu sais, » dit doucement Florian, après qu'ils furent restés silencieux pendant une minute.
Harry haussa ses sourcils, clignant lentement des yeux.
« Louis, » expliqua Florian, même s'il savait que Harry avait déjà compris à qui il avait fait allusion. Ses lèvres se courbèrent légèrement. « Ce n'est un vrai 'psychique'. »
Harry laissa involontairement échapper un petit rire nerveux et déglutit fortement, haussant des épaules et fixant sa bière.
« Je ne lui ai pas parlé depuis des années, et je l'ai seulement vu de loin, hier soir... » continua Florian, prenant une gorgée de son verre, « mais il – il ne ressemblait plus trop à Snoby Amati, de ce que j'ai vu. »
« Flo, » dit Harry avec un grognement, ses joues roses. Il était touché que Florian soit aussi diplomate au sujet de Louis, malgré ses doutes, parce qu'il savait que Harry l'aimait toujours.
Putain. Ça avait été tellement dur de revoir Louis. Ça avait même été encore plus dur de le regarder sur scène et ne pas être là-bas avec lui. La plus profonde envie de Harry était toujours d'aller vers lui, de vouloir être près de lui. Après tout, Louis était encore, comme toujours, la plus belle chose qu'il n'ait jamais vu.
Florian le regarda avec des yeux pleins de prudence. Il prit une inspiration comme s'il était sur le point de dire quelque chose mais, ensuite, il secoua sa tête.
« Quoi ? » demanda Harry, souhaitant que son cœur ne se soulève pas avec une sorte étrange d'espoir. Mais ce fut le cas. Evidemment que ce fut le cas.
Florian soupira. « Je ne sais pas si ça va te permettre d'aller mieux – » Il s'arrêta, apparemment incertain. Il secoua à nouveau sa tête avant de continuer. « Du coup, je ne sais pas si je devrais te le dire... Mais je pense qu'il va mal aussi, Harry. »
Harry hocha de la tête, sa poitrine se serrant tandis qu'une vague d'adrénaline le traversa. Il mordilla sa lèvre inférieure d'inquiétude et laissa traîner ses yeux sur le sol. Il avait été très conscient de la présence de Louis la veille, conscient au point où il savait que Louis l'avait également été à son sujet, qu'ils avaient tous les deux suivi les mouvements de l'autre à travers la salle alors qu'ils gravitaient l'un autour de l'autre, sans n'avoir aucun contact. Louis avait été silencieux, en retrait et presque nerveux. Harry avait essayé de son mieux de ne pas lire quoi que ce soit dans son comportement, mais la vérité était que Louis avait semblé triste, et Florian l'avait également remarqué.
J'aimerai pouvoir lui parler, pensa Harry, serrant le verre en plastique dans lequel se trouvait sa bière. Juste pour éclaircir les choses, une fois pour toute. Peut-être juste lui dire. Lui dire une fois. Une seule fois. Ce que – ce que je ressentais. Ce que je ressens. Avoir une explication... Il ne savait pas s'il serait assez courageux pour ça, cependant. Il avait déjà à peine réussi à revenir à Londres.
« Merci d'être venu avec moi, » murmura-t-il, alors que les lumières clignotèrent pour signaler qu'ils devaient retourner dans la salle pour le reste du concert.
« Pas de quoi, » dit Florian, serrant l'épaule de Harry et fronçant sévèrement ses sourcils, comme s'il ne voulait pas qu'il pense que ça avait été un fardeau pour lui.
Harry continua à serrer et desserrer ses poings tandis que lui et Florian rentraient dans le Barbican Hall avec le reste des spectateurs. Il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir de la nervosité pour Louis. Il travaillait toujours tellement dur. Il était si talentueux ; il méritait toute l'attention qu'il commençait à recevoir.
Harry se tendit légèrement, son rythme cardiaque accélérant quand Louis arriva sur scène. Il était aussi magnifique que d'habitude, mais cette fois d'une manière hantée, presque tragiquement séduisante, ses pommettes étaient encore plus prononcées que normalement. Il avait l'air dur et déterminé, tout en angle. Les mains de Harry tremblèrent lorsqu'il applaudit. Son anxiété augmenta encore quand les applaudissements cessèrent et que la maestro leva ses bras pour indiquer que ça allait débuter. Il mordit l'intérieur de ses joues et ferma ses yeux.
Ça commença.
Louis était techniquement parfait pendant les deux premiers mouvements, le Vorspiel et l'Adagio, mais la distance émotionnelle de son jeu rendait Harry nerveux sur son siège, incapable de rester immobile. Il s'assit sur ses mains pour s'empêcher de faire quelque chose d'absolument ridicule, comme essayer de communiquer avec Louis en le dirigeant depuis le public. L'inciter, avec le mouvement de ses bras, à ressentir la musique, la ressentir et l'exprimer comme Harry savait qu'il en était capable. Florian ne cessait de lui jeter des regards inquiets du coin de l'œil.
Où es-tu ? pensa Harry, alors que l'adagio terminait. Où es-tu passé, Louis ?
Il ressentit le danger imminent dès que le second thème du dernier mouvement commença. Louis avait joué la mélodie initiale et plus énergique de manière efficace et puissante, mais avec le même détachement émotionnel que pour le reste de l'œuvre. Dès qu'il commença le second thème – le plus lent et le plus romantique des deux – les émotions de Louis se dissipèrent enfin, révélant le même éclat incroyable qu'il avait démontré quand il avait joué le Dvořák.
Les yeux de Harry s'ouvrirent brusquement et il fixa le violoniste sur la scène. Louis avait réellement été présent pendant tout ce temps, se rendit-il compte avec un sursaut. Ça avait été la racine du problème. Louis avait été incapable d'abandonner ce contrôle et de laisser la musique l'envahir. Maintenant qu'il s'était finalement laissé aller, Harry fut saisi par la peur incroyable de voir Louis foncer droit vers le désastre. Il avait peur qu'il ait laissé sa mémoire musculaire et émotionnelle prendre le dessus, au point où il n'était plus réellement présent mentalement. Que Louis revienne inévitablement à lui et ait totalement perdu le fil de la musique, que son corps soit trop en avance par rapport à sa tête. En décalage. Que cette hauteur émotionnelle vertigineuse soit insoutenable.
Attention, chéri. Fais attention, s'il te plaît.
Les doigts de Harry serrèrent fermement l'avant-bras de Florian sur leur accoudoir en commun, son autre main venant couvrir sa bouche.
Il y eut un faux départ, un soubresaut, une note loupée qui fit remonter le cœur de Harry dans sa gorge avant que Louis retrouve brièvement la mélodie. Mais ensuite, tout fut fini. Louis la perdit, cette fois totalement et définitivement. Son archet glissa maladroitement sur ses quatre cordes avant de retomber mollement contre son flanc.
Le public resta dans un silence stupéfait. L'orchestre continua à jouer pendant plusieurs mesures alors que Louis fixait d'un air absent la foule, aveuglé probablement par les lumières. Il avait l'air choqué et désolé, presque comme s'il ne savait pas où il était.
Louis, oh, Louis.
Louis s'enfuit de la scène.
Harry fut à peine conscient de ce qu'il se passa ensuite. L'orchestre avait dû arrêter de jouer à un moment. Il avait dû y avoir une exclamation collective et un brouhaha de conversation confuse autour de lui, mais pour Harry tout ceci n'était qu'un bruit blanc sans importance.
Je dois le retrouver. Je dois le retrouver, fut tout ce à quoi il pouvait penser.
Harry se leva de son siège avant même de pouvoir totalement comprendre ce qu'il s'était passé.
Louis savait qu'il marchait, mais il ne pouvait pas sentir ses jambes bouger. Il entendit l'orchestre s'arrêter progressivement de jouer derrière lui, dans la confusion, les cordes grinçant, les cuivres grognant comme un troupeau de vaches abasourdies, alors qu'un bassoniste continua de jouer après que tous les autres se firent silencieux. Il traversa rapidement les ailes, repoussant avec son épaules les lourds rideaux noirs et essayant de faire taire les bavardages qui tourbillonnait dans la salle. Les gens chuchotant, des questions étant posées haut et fort. Louis se dirigea vers la porte des coulisses, Thunder tremblant dans ses mains, et il la referma au moment où Lucinda Price commença à s'excuser dans le micro.
« Mesdames, Messieurs... »
Il s'enfuit dans le couloir avant de pouvoir en entendre plus. Oh mon Dieu. Oh, putain. Louis pouvait sentir son pouls palpiter dans son cou alors qu'il se balançait sur ses pieds, posant une main sur le mur pour se reprendre. Un sanglot déchirant lui échappa, mais sa gorge était sèche et lui fit mal. Merde. Pourquoi je ne peux pas... Harry... Ses yeux s'humidifièrent soudainement, son visage se décomposant alors qu'il parcourut le couloir jusqu'à arriver dans un petit placard de conciergerie. Il s'enferma à l'intérieur et s'assit lourdement sur un seau en plastique retourné, les jointures de ses doigts effleurant l'arrière lisse de son violon. Putain, putain. C'est fini. Il s'étrangla presque lorsqu'il le réalisa, toutes ces années, toutes ces années gâchées. Le gâchis des trois dernières semaines sans Harry, ce qu'il semblait être une tragédie encore pire que ces deux décennies et demi de répétition, de sacrifice et de dévouement à un instrument qui ne pourrait jamais l'aimer en retour. C'est fini, pensa-t-il à nouveau. Je suis fini.
Louis pleura, berçant son violon. Il retraça ses courbes avec le bout de ses doigts, essayant de se souvenir de la sensation de la peau de Harry. La courbe en bas de sa colonne vertébrale, celle de ses douces lèvres. Ses clavicules tatouées. Mais tout ce qu'il pouvait toucher était le bois dur, et tout ce qu'il avait était sa carrière. Il allait devoir quitter l'OSL, évidemment. Il trouverait un autre boulot, quelque part, probablement dans le fond d'un orchestre médiocre près des harpistes et des cloches tubulaires, mais il ne serait plus jamais premier violon. Il ne jouerait plus jamais un autre solo. Même si Grimshaw voulait qu'il reste après ça, il savait qu'il ne pourrait pas.
Pas sans Harry.
Louis prit une respiration saccadée, sentant un poids dans sa poitrine et se sentant un peu encombré d'avoir pleuré. Il avait presque envie de rire à l'absurdité de la situation – il avait eu tellement peur de perdre son habilité musicale, de perdre sa position en faveur d'Eleanor, qu'il avait craquait et dit la pire chose possible au pire moment possible. Et il avait perdu Harry à la place. Harry, qui avait réussi à amener quelque chose en lui que Louis avait abandonné l'espoir de trouver depuis des années. Mon Harry.
Il étouffa un autre sanglot, parce que Harry n'était plus son Harry. Il était avec Florian maintenant et qu'ils s'appartiennent de la même façon céleste, mais incroyablement physique et tangible au possible, dont Louis avait appartenu à Harry, ou non, il n'avait plus aucun droit. Son travail consistait à présent de prendre du recul. C'est le mieux, et le meilleur, qu'il puisse faire.
Louis sentit son cœur se briser à nouveau, la douleur dans ses os s'accroissant jusqu'à ce que son corps entier devienne la crête blanche et mousseuse d'une vague de douleur émotionnelle, plus forte que tout ce qu'il avait connu auparavant. Harry... Bon Dieu, il était dans le public. Louis cessa presque de respirer. Je me demande à quel point il a honte de moi. Parce que maintenant – maintenant il le voit enfin. Il est obligé de le voir ! Que je suis un musicien médiocre qui a juste réussi à mener tout le monde en bateau, pendant un moment, et que je ne suis pas assez bon pour lui. Dans aucun univers, je pourrais être ce qu'il mérite. Louis tremblait ; il essayait de se calmer. Même si je n'avais pas été horrible, il aurait fini par me quitter. Je ne suis pas suffisant.
Ça ne ressemblait pas au genre d'auto-apitoiement que Louis avait parfois l'habitude de ressentir, appuyant son menton sur ses genoux dans le noir et imaginant que quelqu'un (d'habitude sa mère) se disputait avec lui, lui disant que non, non, il avait tout faux. Il était mieux que médiocre. C'était une personne adorable. C'était un violoniste génial qui méritait toute la confiance qu'on lui avait accordé. Mais,
Je ne suis pas assez bien pour lui. Je ne l'étais pas à dix-sept ans, et je ne le suis pas à trente ans. Cette déclaration ressemblait à un fait. Froid et dur, une boule dans sa gorge. Personne ne fit apparition dans l'imagination de Louis pour dire quelque chose de différent. Il l'avait prouvé, après tout. Encore et encore.
Louis resta là, incapable de bouger. Sa poitrine se serra, sa respiration erratique et douloureuse ; il n'arrivait pas à arrêter de pleurer. Sa respiration sifflante et ses halètements se mélangèrent à l'odeur des produits d'entretien et Louis souhaita pouvoir vivre ici pour toujours, tout seul dans le noir. C'était sa place. Son diaphragme commençait à lui faire mal, sa gorge lancinante alors qu'il essuyait son nez avec la manche de son costume.
Il entendit toquer à la porte.
« Louis ? » dit une voix étouffée.
Le cœur de Louis s'emballa alors qu'il essayait d'être silencieux. Il ne voulait voir personne dans cet état. Il ne pouvait pas. Surtout pas – pas...
« T'es là ? Louis ? » La voix avait un accent irlandais. Louis se détendit un peu, sentant la panique le quitter alors qu'il s'effondrait sur ses genoux.
« Ouais, » dit-il d'une voix rauque. « S'il te plaît, ne rentre pas. »
« D'accord. » Il y eut une pause. Louis pouvait sentir la présence de Niall de l'autre côté de la porte, il pouvait voir l'ombre de ses pieds. Il se sentit étouffé par ça. Niall ne lui avait pas parlé depuis deux semaines, pas depuis l'incident au Old Red Cow. Louis ne savait pas pourquoi il était là, pourquoi il était venu le chercher dans un placard.
« Est-ce que t'es malade ? » demanda Naill.
« Non, » répondit Louis, un peu brusquement. Il couvrit un autre sanglot avec une toux, se demandant misérablement s'il y avait une façon de pouvoir disparaître.
« Tout le monde se demande... » dit Niall. « On – on est tous très inquiet pour toi, mec. »
« Va t'faire. » Louis se sentait affreux, mais il n'avait rien d'autre à perdre, réellement, et pas d'autre façon de s'exprimer. Merde, il ne s'était jamais bien exprimé, hein ? Jamais. Pas avec des mots, pas avec... il serra plus fermement son violon contre lui et essaya de respirer normalement.
« Non, j'vais pas me faire foutre, » soupira Niall. « Et je suis désolé d'avoir été un connard avec toi. Pas que tu ne le méritais pas. »
Louis réussit à laisser échapper un rire. « Je sais, » dit-il d'une voix étouffée. « Crois-moi, Horan, je sais exactement à quel point je l'ai mérité. Je le mérite toujours. »
« Bien. » Niall s'appuya contre la porte et Louis ne se sentit plus aussi étouffé qu'avant. « Tu n'as pas envie de... j'sais pas, parler ? Sortir de là et d'aller boire un verre. »
Louis grogna. « Non. J'veux dire... je suis désolé. J'ai juste envie de rentrer chez moi. Je veux rester assis dans ce putain de placard jusqu'à ce que tout le monde soit parti puis je veux rentrer chez moi et ne plus jamais revenir ici, ne plus jamais revoir aucun de vous de toute ma vie. »
Niall rit sous cape. « Tu vois, je savais que t'étais un vrai peureux. »
« Oui, t'es très intelligent. »
Ils tombèrent ensuite dans un silence agréable, brisé seulement par une autre crise d'hoquet et le bruit de Louis reniflant doucement. Son cerveau était déjà devenu de la bouillie – c'était ce que ça semblait être, du moins, comme si toutes ses pensées étaient peu enthousiastes et incohérentes. Il voulait juste rentrer chez lui et mourir. Mais il avait également envie de rester dans ce placard pour toujours ; il ne voulait que personne ne le voit. Et en dessous de toute la fatigue et l'embarras, son cœur se serra douloureusement.
« Lou, » dit doucement Niall, une note d'inquiétude dans sa voix habituellement joyeuse. « Harry vient vers moi. »
« S'il te plaît, n-ne lui dis pas que je suis là, » murmura Louis. « Je – s'il te plaît, je ne peux pas. » Ses mots étaient écorchés et désespérés. « Pas maintenant. Je sais que je suis un lâche, mais s'il te plaît, Niall. »
Puis il entendit la voix de Harry de l'autre côté de la porte, cette faible diphtongue traînante, et il ferma ses yeux, respirant difficilement. Il retint des larmes silencieuses en écoutant.
« Est-ce que t'as vu... Est-ce que tu sais, euh... » Harry déglutit, et Louis pouvait presque le voir se balancer d'un pied à l'autre avec incertitude, croisant ses mains derrière son dos, ses longues jambes aux genoux cagneux et ses pieds tournés en dedans.
« Je le cherche aussi, » dit Niall. « Il semble avoir fichu le camp. »
« Est-ce qu'il – » La voix de Harry monta un peu haut dans les aigus et se mit à trembler alors que Louis grimaça. Il sentait la morve et l'eau salée sécher sur ses joues, de nouvelles larmes coulant dans les sillons déjà présents. Entendre le désespoir de Harry envoya une douleur à travers son cœur. « Est-ce qu'il va bien, Niall ? Est-ce qu'il allait bien ces derniers temps ? »
Niall ne dit rien. Louis se demanda s'il était en train de secouer sa tête, ou de baisser ses yeux. Harry comprit le message, cependant.
« Euh, » commença-t-il. Louis l'entendit remuer et tousser contre son poing. « Si tu le vois, tu pourrais lui dire que je... »
Louis cessa de respirer. Il y avait un poids énorme sur sa poitrine ; ses poumons étaient écrasés.
« ... Peu importe, » dit finalement Harry. « Laisse tomber. »
Puis il s'éloigna ; Louis pouvait entendre les petits talons de ses bottines résonner dans le couloir. Il laissa échapper une grosse bouffée d'air et inspira à nouveau immédiatement, ses narines se dilatant. « Oh mon Dieu. »
« Je pense que tu devrais lui parler, Louis, » dit doucement Niall, sa tête contre la porte. « Tu devrais aller le retrouver. Arranger les choses. »
Louis secoua sa tête, reniflant et essuyant ses yeux gonflés. « Il n'y a rien que je puisse faire pour tout arranger, » murmura-t-il. « J'veux dire... Je vais trouver une façon de lui présenter mes excuses, j'espère. Un jour. Si j'arrive à trouver le – » il rigola faiblement. Il pensa à Florian, à Harry qui avait eu l'air très heureux avec lui lors du gala de charité. La dernière chose qu'il voulait faire était de marcher sur les plates-bandes de qui que ce soit. Harry méritait d'être heureux.
« Mec, je pense vraiment que – »
« Je mourrai avant de le blesser à nouveau, Niall, » dit Louis. Et c'est tout ce à quoi ça se résume, hein ? Maintenant, en fin de compte. « Je ne peux pas prendre ce risque. » La voix de Louis était ferme pour la première fois depuis le début de leur conversation. Sa tête en bouilli s'était finalement accrochée à une idée réelle et notable, et il n'allait pas la lâcher.
« Oh, » murmura Niall. Louis l'entendit prendre une profonde respiration. « D'accord. Est-ce que tu veux que... »
« Pars, s'il te plaît, » dit Louis. « Ça va aller. J'ai juste besoin de... »
« Ouais. » Niall parla doucement, donna deux petits coups réconfortants sur la porte puis Louis put l'entendre s'éloigner.
Il s'accroupit à nouveau, se sentant étouffé, faible et plein de morve. Son violon était sur cuisse, un petit peu mouillé à cause de ses larmes. Louis pensa vaguement que ça ne devait pas être bon pour lui, pour le bois centenaire. Je m'en fous, se dit-il fermement. Qu'il aille se faire foutre. Que toute la famille Amati aille se faire foutre, l'artisan aussi et la musique encore plus. Quelques secondes après, il soupira et retira sa veste de costume, tirant le bout rigide de la manche de sa chemise par-dessus sa main pour pouvoir essuyer avec douceur l'instrument avec le coton doux.
« Je déteste le fait que je t'aime, » marmonna-t-il.
Il faudrait probablement un moment pour que tous les spectateurs curieux quittent le hall d'entrée. Sans parler des collègues fouineurs de Louis qui avaient accès à tout le bâtiment et qui allaient certainement traîner dans le coin, avec une fausse nonchalance, pendant plus longtemps que d'habitude, espérant l'apercevoir. Commérant les uns avec les autres. Échangeant des théories. Louis grogna. Il se demanda si l'OSL allait devoir rembourser les tickets. Bon Dieu, quel bordel.
Mais c'était du bordel dont il commencerait à s'occuper le lendemain. A présent, il attendait.
*
« Louis William Tomlinson, où penses-tu aller comme ça ? As-tu déjà répété ton Csárdás ? »
« Euh... » Louis se tint maladroitement au milieu des escaliers, des tâches d'herbe sur ses genoux et des brindilles dans les cheveux, des chaussettes sales dépassant et retombant sur ses baskets. Sa mère le regardait sévèrement depuis la porte de la cuisine de leur petite maison à Doncaster, les mains sur ses hanches, ce qui n'était jamais un bon signe. « Je l'ai répété hier, » dit-il avec un haussement d'épaules, sentant ses joues commencer à chauffer. Il sut dès que les mots eurent quitté sa bouche que ça n'allait pas être une réponse acceptable.
« Et tu penses que c'est suffisant ? » demanda Jay. Elle avait l'air tourmentée et épuisée, préoccupée par des choses auxquelles Louis ne voulait pas vraiment penser. Il ressentit une petite inquiétude impuissante.
« Euh... » Il utilisa un de ses orteils pour gratter une piqûre de moustique sur son autre cheville. « ... non ? Mais je suis sorti seulement quelques heures ; tous mes copains allaient au parc pour jouer au foot, et... »
« Tous tes copains ne sont pas toi, Louis. Ils n'ont pas ton potentiel ; ils n'ont pas ton talent. » Jay s'approcha de lui et serra la rampe de l'escalier, le regardant. La déception dans sa voix était palpable même si elle était mélangée à de l'espoir et de l'amour, une féroce envie de voir son fils réussir. « Ils peuvent se permettre de perdre une après-midi parce qu'ils n'ont rien de mieux à faire. Mais tu es destiné à de grandes choses. Tout ce que tu as à faire, c'est de t'appliquer. Tu dois t'appliquer, chéri, tu m'écoutes ? »
Louis soupira et hocha de la tête, puis il baissa le regard vers ses mains. Ils avaient déjà eu cette conversation avant et maintenant que les disputes avec son père s'aggravaient, il ne voulait pas contrarier sa mère. Il ne le voulait vraiment pas. Il savait tout ce qu'elle avait sacrifié pour qu'il puisse prendre des cours, sans parler de son violon. Et il aimait vraiment le violon, il aimait ça encore plus que le foot, plus que n'importe quoi. La culpabilité le submergea et il se promit (pour la cinquième fois) de faire mieux. D'être meilleur pour elle.
« Maintenant, je veux que tu montes dans ta chambre et que tu répètes pendant une heure entière. Fais en sorte de mériter de ton dîner. Tu as ton récital ce vendredi, tu te souviens, et tu dois être parfait pour impressionner M. Hall. »
Il hocha de la tête. « Oui, Maman. »
« Ensuite, après le dîner, tu iras t'assoir et tu m'écriras une rédaction d'une page sur pourquoi c'est important de répéter tous les jours. Pas de temps en temps. Pas la plupart du temps. Mais tous les jours. »
« D'accord, » répondit-il d'une petite voix puis il monta péniblement en haut avec des pas lourds.
Pourquoi Est-Ce Important De Répéter TOUS Les Jours
de Louis William Tomlinson
C'est très important de répéter tous les jours parce qu'en répétant tu peux devenir meilleur pour jouer de ton instrument. Si je ne répétais jamais mon violon, je ne saurais pas les différentes positions et comment faire des liaisons et des stackatto ou tous les doigtés. Mon professeur m'a appris ces trucs pendant mes leçons mais ensuite je dois m'entraîner beaucoup à la maison comme ça je pourrais les faire tout seul et c'est pourquoi c'est très très important de répéter. Maintenant je peux les faire, mais je sais que je peux les faire mieux si je m'aplique.
Je vais m'apliquer. Je vais répéter tous les jours même s'il fait beau dehors et même les dimanches (mais j'irai à la messe avec toi aussi parce que c'est seulement une heure) parce que j'ai besoin d'honorer mon potentiel. Je promets de répéter tous les jours à partir de maintenant et je serai parfait pour impressionner M. Hall. Je le promets VRAIMENT, Maman. Je vais travailler les trilles aussi. Je promets de répéter même quand c'est mon anniversaire et Noël.
*
Louis ne savait pas combien de temps était passé quand il se releva finalement, étirant ses articulations et faisant craquer son dos. Il n'avait pas entendu qui que ce soit dans le couloir depuis un moment – peut-être que la voie était enfin libre. Ou peut-être qu'il sortirait du placard pour tomber sur un peloton d'exécution. Dans tous les cas, son énergie normale lui revenait, le poussant à bouger. Il devait ranger Thunder ; il devait rentrer chez lui. Il ne pouvait pas rester dans ce flou pour toujours.
Prudemment, Louis ouvrit légèrement la porte. Le couloir était désert, les lumières tamisées. « Dieu merci, » chuchota-t-il.
Il rejoint les backstage sur la pointe des pieds, là où il avait laissé son étui à violon vide, et il le retrouva sur deux chaises pliantes, exactement là où il l'avait posé. Rapidement et silencieusement, il remit Thunder dans le doux écrin de velours et l'enferma, décidant de le prendre à la maison pour la nuit, ainsi il pourrait encore répéter le Bruch dès l'aube – au cas où il avait une seconde chance de le jouer. Louis soupira. Il espérait... Eh bien, il n'était plus sûr. Il n'avait pas arrêté d'y penser dans le placard, et il n'était pas certain de pouvoir à nouveau monter sur la scène du Barbican.
Mais, au moins, répéter était quelque chose qu'il savait qu'il pouvait faire.
Le cœur de Louis remonta dans sa gorge à chaque fois qu'il tournait dans un coin, mais il ne vit personne dans les coulisses ou dans le labyrinthe de couloirs qui menait à l'entrée. Il garda sa tête baissée, priant que tout le monde soit parti et qu'il puisse sortir tranquillement pour héler un taxi. Je vous en prie, faites que le hall d'entrée soit vide, pensa-t-il alors qu'il s'approchait de la porte. Je vous en prie, faites qu'il soit grand, vide et sombre.
Sa main se tendit pour attraper la barre de la porte quand il entendit des voix. Deux voix, qui lui étaient intensément familières. L'une grondait comme un orage lointain, basse et délibérée ; c'était la seconde fois ce soir qu'il l'écoutait à travers une porte. L'autre était aiguë, vive et ressemblait beaucoup à la sienne. Il s'arrêta.
« Je ne peux pas dire que ce n'était pas mémorable. Ce n'est pas le genre de mon fils de donner un concert ennuyeux, au moins. » C'était sa mère qui parlait. Elle essayait de paraître agréable devant Harry, Louis pouvait le dire, mais il y avait un ton forcé dans ses mots, un rire faux qui sonnait horriblement familier. C'était de cette façon dont il se retrouvait à parler parfois, lorsqu'il était sur ses gardes.
« Louis n'est rien d'autre que mémorable, » dit doucement Harry. Avec prudence. Il y avait également un ton défensif dans sa voix, se rendit compte Louis. C'était quelque chose qu'il avait beaucoup entendu lorsqu'ils étaient ensemble.
« Le Bruch était un bon choix pour lui, » continua Jay. « Ce qu'il ne faut vraiment pas faire, c'est lui donner une œuvre méditative ; vous savez, lui demander de transmettre une vraie émotion. J'ai bien peur qu'il n'ait jamais réellement saisi comment le faire. » Elle se mit à rire et fut sur le point de dire quelque chose d'autre mais elle se coupa. « Taggie, Petey ! » cria-t-elle. Louis ferma ses yeux alors qu'elle saluait les Diversey-Petersheims un peu trop jovialement.
Il y avait d'autres portes par lesquelles il pouvait se glisser. Pendant un moment, il pensa à s'en aller.
« Oh, Jay, » dit l'une d'elle. Louis ne pouvait pas dire laquelle ; il ne les connaissait pas assez bien. « As-tu vu Louis ? Pauvre petit. »
« Quelle horreur, vraiment » renchérit l'autre. « Je me sens tellement mal pour lui. »
« Je suis sûre qu'il va bien, » répondit Jay avec désinvolture. Elle parlait trop vite, essayant désespérément de colmater l'échec de Louis avec des tas de mots dits à la légère. Comme s'il était un trou dans le mur de sa vie dont elle avait honte, et qu'elle avait besoin de se distancer de lui. « Il a toujours été capricieux, » dit-elle. « Il a toujours un peu été une drama queen – surtout quand il était plus jeune. » Elle soupira et Louis l'imagina hausser des épaules de l'autre côté de la porte, une expression sur son visage disant 'Eh bien, j'ai fait de mon mieux.' Puis elle gloussa à nouveau. « La seule partie d'une carrière solo qu'il a réussi à avoir, c'est d'être une diva. »
Le souffle de Louis se coupa lorsqu'il entendit un éclat de rire mal à l'aise venant du groupe – mais pas de Harry. Peut-être qu'il était parti. Louis appuya sa tête contre la porte. Il étouffait dans son col amidonné, de la sueur humidifiant ses aisselles, sa peau le démangeant. Maman, grogna-t-il intérieurement. Ça suffit.
« Mais il est si talentueux, votre fils, « dit Petey ou Taggie. Elles pensent probablement que c'est ce qu'elle veut entendre. « Nous savons tous à quel point il est talentueux. »
« Soyons honnêtes, cependant, » répondit doucement Jay. « Il n'est vraiment pas fait pour ce genre de chose. Il n'a pas ce truc... en plus, vous voyez ce que je veux dire ? Ce facteur X. J'ai bien peur qu'après ce merveilleux coup de chance qu'a été le Dvořák, les gens n'aient pas été sincères avec lui. Ils lui demandent des choses qu'il ne peut pas donner. En tant que mère, c'est ce qui m'inquiète. »
« Eh bien... » Louis pouvait dire que les deux autres femmes ne savaient pas comment répondre. Sa mère était probablement en train de leur sourire de façon désarmante. Elle voulait, si désespérément, ne pas apparaître biaisée, définitivement pas auprès de personnes dans l'industrie et habituellement pas non plus en privé. Elle refusait de se laisser berner en ce qui concernait Louis, pas même un petit peu. Elle n'est jamais simplement fière de moi. Nope. Elle a toujours quelque chose à critiquer.
« Il n'est pas comme Harry, ici, » dit Jay dans sa voix vive et sonnant fausse. « Tu es une star née, n'est-ce pas ? Tu charmes tout le monde depuis le berceau, je parie. One ne peut pas être tous comme ça ; je déteste les mères qui se dupent toutes seules en pensant que leur progéniture est spéciale. Non, Louis a toujours été un peu trop sérieux, un peu trop assidu. »
Louis entendit Harry éclaircir sa gorge, profondément dans sa poitrine. (Alors il n'était pas parti...)
« Il est dur avec lui-même. »
La respiration de Louis se coupa, son cœur battant douloureusement derrière ses côtes alors qu'il fondait contre la porte. Harry était juste là, de l'autre côté. Je t'aime, chéri. Putain, je-je veux... Louis mordit sa lèvre pour s'empêcher de dire les mots à haute voix. Il avait toujours peur, et l'image de la main de Florian dans la nuque de Harry passa derrière ses yeux.
« Hmm ? » demanda Jay. Il y avait une note de scepticisme automatique dans son ton.
« Il est incroyablement dur avec lui-même, » dit Harry. « Et, euh, personnellement, » il se racla la gorge pour s'adresser à tout le groupe, « je pense que toute personne qui fait réellement attention à Louis ne considérerait pas le Dvořák comme un coup de chance. C'est genre... C'est plutôt comme une promesse réellement merveilleuse d'à quel point il pourrait être génial, s'il reçoit le soutien approprié. Il est déjà incroyable. Je pense qu'il a, parfois, juste besoin d'un peu d'aide pour le voir. »
Il y eut un moment de flottement et la tête de Louis se mit à tourner. Il avait l'impression d'être en suspension au-dessus du sol, vaseux et les jambes flageolantes pendant un instant.
« Soyons réaliste, cependant... »
« Non, je le suis, » insista Harry. « Je suis réaliste. » Sa voix était dure, plus basse et plus ferme que d'habitude. Louis sentit un frisson le parcourir ; c'était presque la même façon dont il lui avait parlé dans son bureau après la première performance de Don Juan, et oh mon Dieu... « Vous faites comme si ce que vous dites n'est que du bon sens, vous montez ce spectacle parce que vous essayez de sauver la face, Jay, mais en attendant, vous êtes la seule qui ignorez ce qu'il y a juste devant vous. Louis est spécial. C'est un musicien de classe mondiale. C'est la réalité. Il est incroyablement... Bon Dieu. Si vous ne croyez pas que votre fils est capable d'exprimer de l'émotion alors, de toute évidence, vous ne le connaissez pas aussi bien que vous le pensez. »
Puis il s'éloigna dans le hall d'entrée, ses pieds frappant le tapis rouge assez bruyamment pour être entendu. La main de Louis trembla contre le bois. Son corps semblait galvanisé et faible en même temps, ses nerfs hurlant, sa tête douloureuse à cause de battements étouffés. Il était totalement drainé émotionnellement, il avait juste envie de se laisser glisser au sol, d'étreindre ses genoux et pleurer. Harry Styles...
Louis entendit des murmures derrière la porte – sa mère, Taggie et Petey discutant de la sortie de Harry, trop doucement pour qu'il puisse comprendre tous les mots. Il les laissa disparaître au second plan et, à la place, il se souvint de quelque chose que Harry lui avait dit chez lui, juste avant de partir pour de bon. Louis était en train de regarder une tâche foncée sur son canapé à ce moment-là, il n'avait pas pu regarder Harry, non, je n'aurais pas pu supporter de le voir, je pensais qu'il ne me choisissait pas... A la place, il avait observé attentivement le tissu tâché, essayant de se souvenir s'il avait renversé de Guinness ou du Pepsi dessus.
Il ne pouvait pas revoir dans sa tête le visage de Harry à ce moment-là, mais maintenant ses mots lui revinrent.
« Je veux tellement être à tes côtés, tout le temps. »
Louis l'avait entendu et il s'était demandé ce que ça signifiait réellement. Comment Harry pouvait-il vouloir être à ses côté s'il déménageait de l'autre côté du continent ?
« Et peu importe les efforts que je fais, tu ne me veux pas à tes côtés. »
Mais ce qui venait juste de se passer, c'était ce que Harry avait voulu dire. Harry était du côté de Louis, tout le temps. Toujours. Louis avait finalement compris.
« Il pensait que c'était moi qui avais fait le choix, » murmura-t-il pour lui-même. « Il pensait que je ne voulais plus de lui à Londres. »
Putain.
Ses jambes se mirent à bouger et, encore une fois, il ne les sentit pas. Il n'en avait plus le contrôle. Il passa la porte menant au hall d'entrée, regardant frénétiquement autour de lui, suppliant l'univers d'apercevoir des cheveux bouclés et des pieds en dedans. Rien. Juste sa mère, toujours en pleine conversation. Elle le vit, fit un geste avorté de la main et ouvrit sa bouche pour l'appeler, mais il secoua simplement sa tête et passa à côté d'elle, Thunder cognant violemment contre sa cuisse.
Louis se mit à courir alors qu'il s'approchait de la sortie. Peut-être que Harry attendait toujours un taxi. Peut-être qu'il était à seulement à quelques mètres de là, marchant vers le métro. Louis appuya tout son poids contre la porte en verre afin de l'ouvrir et il sortit en trombe dans l'air frais à l'extérieur. La faible lumière jaune se concentrait autour des réverbères. Ses pas résonnèrent sur le ciment alors qu'il se précipitait sur le trottoir puis son cœur cessa de battre.
Harry était là. Il était là, ses boucles retenues par un foulard.
Il était en train de grimper à l'arrière d'un taxi, Florian juste derrière lui, sa main dans le bas de son dos.
Merde.
Les muscles de Louis furent drainés de leur énergie. Des nouvelles larmes lui piquèrent ses yeux secs alors qu'il prenait une profonde respiration et regardait la portière se fermer, les regardait s'éloigner. Harry était avec Florian. C'était trop tard.
Et je pensais vraiment ce que j'ai dit à Niall, se dit Louis. Je ne peux pas risquer de le blesser à nouveau. S'il est heureux maintenant, je ne... je ne vais pas...
Il était censé tourner les talons et retourner à l'intérieur pour parler à sa mère. Mais Louis se retrouva, à la place, à marcher en direction de la station Barbican. Ses articulations lui faisaient mal et la douleur recommençait à palpiter dans sa tête. Il prit le métro jusque chez lui, n'essayant pas de fixer son reflet dans les fenêtres sombres alors que les lumières au sodium passaient comme des flèches entre les stations, les briques se fondant les unes dans les autres à chaque départ et chaque arrêt.
Je dois faire quelque chose, cependant. Je dois faire quelque chose.
Il y avait un rythme là-dedans. Je dois faire quelque chose.
Une mélodie pour violoncelle jaillit soudainement dans la tête de Louis, un visuel de la douce lueur derrière les boucles de Harry alors qu'il se baissait pour entrer dans le taxi. Sa respiration se coupa, ses doigts virevoltant automatiquement sur ses genoux alors qu'il imaginait les notes. Des yeux verts flottèrent hors du tunnel obscur et de nouvelles gammes se suggérèrent d'elles-mêmes. Louis avait l'impression de tisser quelque chose ; il voulait poser ça sur une partition, il avait besoin d'un crayon, putain...
Il loupa presque son arrêt, grimpa les marches à toute vitesse et parcourut en courant les quelques blocs jusqu'à chez lui, haletant fortement dans sa veste trop chaude. Il avait peur d'en oublier une partie, il avait peur de perdre l'orchestration qui se développait comme un fourré derrière le thème principal. Mais tout était encore là, limpide, lorsqu'il se laissa tomber sur la chaise du bureau se trouvant à côté de son lit et il ouvrit un tiroir, cherchant une partition vierge.
Le problème était que c'était trop. Il y avait les boucles de Harry, les yeux de Harry, oui... Et quelque chose d'autre. Une autre mélodie plus haute. Une qui ne suggérait pas une voix basse et rauque, et il n'avait aucune idée d'où ça venait. « Putain. » Louis s'avachit sur les notes écrites à la hâte, frottant ses yeux fragiles à cause de la lumière de sa lampe de bureau. « Qu'est-ce que je vais faire de ça ? »
Il essaya de garder les deux thèmes séparés pendant un moment, il essaya d'ignorer à quel point ils étaient complémentaires. Il était presque minuit lorsqu'il se rendit finalement compte qu'il avait composé un duo.
C'est moi, réalisa-t-il, son bras se figeant au milieu d'une note. Le deuxième thème. Son cœur cessa de battre. Enfin, non... C'est pour un violon, l'autre partie ; c'est tout ce que je voulais dire.
Il essaya de ne pas y penser après ça. Il le laissa juste venir à lui jusqu'à ce qu'il ne soit plus sûr d'où il était, s'il était dans sa propre chambre ou en train de voler quelque part au-dessus d'un océan sombre. En train de voler au-dessus de la Manche. Et tandis que sa tête empêchait cette idée d'entrer dans ses pensées, son cœur battait en rythme avec.
C'est nous. C'est nous.
A un moment, un lever de soleil orange apparut dans le dos de Louis. Il ne le remarqua pas.
Notes:
Mon allemand est toujours aussi approximatif et les quelques fautes dans la rédaction de Louis sont faites exprès.
Concernant les Variations Enigma d'Elgar, le compositeur a dédicacé l'œuvre à ses amis et, sur la partition, chaque variation comporte un surnom ou des initiales devant aider à l'identification du portrait. Voici une citation de Wikipedia sur la variation la plus connue, « Nimrod, » qui est légèrement pertinente par rapport à l'histoire :
Augustus J. Jaeger a été employé comme éditeur musical par le London publisher Novello & Co. Pendant un long moment, il a été un ami proche d'Elgar, lui donnant de bons conseils, mais aussi des critiques dures, quelque chose qu'Elgar appréciait grandement. Remarquablement, Elgar raconta plus tard, à plusieurs occasions, comment Jaeger l'avait encouragé en tant qu'artiste et l'avait stimulé pour qu'il continue à composer malgré les échecs. Le nom de cette variation « Nimrod » se réfère au chasseur mythologique de l'Ancien Testament, Jaeger signifiant « chasseur » en allemand. En 1904, Elgar dit à Dora Penny que cette variation n'est pas réellement un portrait, mais « l'histoire de quelque chose qui s'est produit. » Une fois, lorsqu'Elgar était déprimé, était sur le point de tout abandonner et de ne plus jamais composer de musique, Jeager lui avait rendu visite et l'avait encouragé à continuer. Il avait fait référence à Ludwig van Beethoven, qui avait eu beaucoup de doute, mais avait composé de magnifique musique, encore et encore. « Et c'est ce que tu dois faire, » avait dit Jaeger et il avait chantonné le thème du second mouvement du Sonate pour piano nº 8 de Beethoven « Pathétique ». Elgar révéla à Dora que les premières mesures de « Nimrod » étaient inspiré par ce thème. « Arrives-tu à l'entendre au début ? Juste une allusion, pas une copie. »
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