Chapter.setTitle("seul contre tous")
J'ai passé le reste du vol entre le sommeil et la peur de voir Nikolay s'énerver une fois de plus. 50% fatigué, 50% stressé, 100% en danger constant. Nous avons atterri sur une sorte d'île paradisiaque. Le sable est chaud, l'océan bleu lagon, le ciel dégagé et le soleil imposant. Des hôtesses - probablement des androïdes elles aussi - nous ont accueillis avec un collier à fleurs et un cocktail servi dans une noix de coco poilue. Je l'aurais bien bu si mon ventre n'avait pas été pas aussi retourné. Je ne sais pas si c'est à cause du vol ou de cette raclure de Nikolay. Probablement un peu des deux, je pense.
Si je n'étais pas non plus entouré des pires psychopathes, je passerais sûrement le meilleur moment de ma vie. Je connais pas mal de monde qui vendrait sa mère pour passer ne serait-ce qu'une minute ici. Tout cet argent gaspillé à maintenir cette île dans le luxe et l'opulence, alors qu'on pourrait l'utiliser pour les plus démunis. Ça me débecte.
– Ne vous inquiétez pas messieurs, nous dit Nikolay, vos maisonnettes sont climatisées !
– Me voilà ravi, s'exclame Michael en essuyant son front déjà trempé de sueur.
Deux grands gaillards portent ma valise de réparateur et l'amènent vers un petit cabanon à l'écart des autres. Étonnement, les voir armés ne me choque pas, mon état de stress doit déjà avoir atteint son niveau maximum.
– C'est là-bas que tu logeras, me dit alors une jeune femme à ma droite.
Je ne l'avais pas vu arriver, depuis combien de temps est-elle là ? Elle est charmante, mais porte un costume noir et une jupe relativement courte. Quelle drôle d'idée avec cette chaleur. S'ajoutent à cela ses cheveux coupés courts et droits, le tout lui donne un air strict et potentiellement barbant.
Elle tapote sur une tablette en verre semi-transparent. Je vois mon nom apparaître, puis d'un geste rapide de son doigt, elle le fait glisser en dehors de l'écran. J'aperçois brièvement la liste des invités, des personnes toutes aussi connus les unes que les autres. Du grand banquier jusqu'au plus véreux des avocats, tout le gratin sera présent sur cette île. La jeune femme plaque soudainement son terminal contre son torse avant de le mettre en veille.
– Mallory, je suis la maîtresse des lieux, se présente-t-elle assurément en me tendant la main.
– Phil, répondé-je simplement en lui rendant sa poignée.
– Ah c'est donc toi le réparateur.
J'acquiesce.
– Très bien, alors suis moi tu vas avoir du boulot, me dit elle en me tirant par le bras. Ça ne te dérange pas que je te l'emprunte, mon petit Nic' ?
– Fais comme bon te semble Mallory, mais il s'appelle reviens ! rétorque-t-il d'un rire gras. C'est le meilleur que j'ai, alors ne me l'abîme pas.
Je me laisse traîner par Mallory et jette un œil à Annaëlle. Elle garde la tête baissée et l'espace d'un court instant nos regards se croisent. Peut-être que je sur-interprète, mais j'ai l'impression qu'elle essaye de communiquer avec moi. Je profite de ma main libre pour m'emparer de mon datapad.
– Tu fais bien de le sortir, m'annonce mademoiselle stricte, j'ai une demi-douzaine d'androïdes qui sont HS. Tu vas pouvoir me dire ce que tu vas en faire.
Rien ne s'affiche. Je suis quelque peu perplexe.
On arrive enfin devant un petit hangar et elle ouvre la porte rouillée. Des androïdes démembrés, posés vulgairement les uns sur les autres, traînent au fond du bâtiment. Mallory s'avance à l'intérieur, je lui emboîte le pas. La chaleur est écrasante. Ma guide ne cesse de parler tout en donnant des coups de pied dans les carcasses d'androïdes. Je ne l'écoute qu'à moitié, quand soudain, ma tablette s'allume. Je suis encore connecté à Annaëlle et mon cœur s'arrête de battre quand je lis distinctement sur l'écran : "Philippe, aidez-moi, s'il vous plaît". Je relis un millier de fois ces quelques mots, tant ils me paraissent surréalistes. Alors que je devrais apercevoir des données brutes, ou encore ce mystérieux flot de caractères incompréhensibles, je me retrouve face à un appel à l'aide, clair et distinct.
– Qu'est-ce qu'il y a ? me demande Mallory en se retournant vers moi. Quelqu'un est mort ?
Mallory se saisit alors de mon datapad et me l'arrache des mains. Je suis bien trop choqué pour pouvoir réagir à quoi que ce soit et reste tétanisé par la peur. Elle passe frénétiquement ses yeux de l'écran à mon visage empli de panique.
– Ce... ce n'est pas... ce que tu crois, bégayé-je précipitamment.
– Ne me dis pas que-
– Vraiment, non !
– C'est bien avec l'androïde de Nikolay que tu communiques ? Qu'est-ce que tu essayes de faire ?
– Rien ! Vraiment, je ne fais rien !
Mon mensonge est tellement minable qu'elle n'y croit pas un seul instant. Elle plonge sa main dans sa veste et dégaine son arme de poing. Bordel de merde, pourquoi tout le monde est à cran ici ?!
– Écoute moi bien petit, me menace-t-elle de son pistolet, ici tu es chez moi. Ces clients-là me sont très chers et si tu essayes de faire quelque chose de stupide, réfléchis y à deux fois.
– Laisse moi t'expliquer. Nikolay veut que je programme une nouvelle fonctionnalité pour son androïde, mentè-je, et là je suis en train de la tester, c'est juste ça !
Mon mensonge à l'air cette fois-ci plus convainquant puisqu'elle abaisse son arme. Elle reste méfiante, mais me tend mon datapad. Mon cœur bat la chamade et j'ai le souffle court. Ça relèvera du miracle, si je ne meurs pas avant la fin de cette semaine. J'ai l'impression que tout le monde veut ma mort sur cette foutue île !
– Ce n'est pas contre toi, continue-t-elle en rangeant son pistolet. J'ai misé toute ma vie sur cet endroit et ces gens-là, aussi connards qu'ils sont, me rapportent gros. Alors tant que tu es ici, tu respectes les règles. Mes règles, suis-je claire ?
– Très !
– Et une fois parti, tu feras ce que tu voudras d'elle.
Je comprends mieux comment elle a pu s'élever dans la société pour atterrir dans cet endroit. Elle a de la poigne et un sacré caractère. Tout ce qu'il faut pour survivre et réussir de notre temps.
– Sache que s'il y a le moindre problème entre toi, le minable réparateur, et eux, le choix est vite fait. C'est beaucoup plus simple de faire disparaître un corps qu'une vingtaine, conclut-elle d'un clin d'oeil malicieux.
Je comprends bien son message. Ici, je suis seul, et personne n'hésitera à m'éliminer si besoin est.
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