Ils me regardent tous deux comme si j'avais déjà accepté leur marché foireux. Je ne sais même pas ce qu'ils veulent de moi. L'homme au bras de fer passe dans mon dos et défait mes liens. Le soulagement est instantané et quelques secondes plus tard, ce sont mes pieds qui retrouvent leur liberté. Tif' sort une cigarette de sa poche puis l'allume. Elle m'en propose une que je refuse.

– Tu ne fumes pas ? me demande-t-elle, surprise.

– Si, mais là non...

Elle souffle une fumée légère, puis me lance un petit boîtier noir que j'ai du mal à rattraper. Qu'est-ce que c'est que ça encore ? On dirait une sorte de traceur. Qu'est-ce qu'ils veulent que je fasse avec ça ?

– Es-tu prêt à te rejoindre à nous ?

Comme si j'avais le choix, quelle drôle de question.

– Écoutez, commencé-je, je ne vous connais pas, je ne veux pas d'ennui, laissez moi juste partir et je ne dirais rien à personne, je vous jure que je serai mu-

– Philippe Edgar, me coupe la parole Tif', tu habites dans les quartiers modestes du secteur cinq, dans un petit appartement de douze mètres carré. Tu travailles en tant que réparateur pour la société beyond humans, depuis maintenant quatre ans. Ils t'ont embauché directement après la sortie de ton école où tu as finis major de promo. Pas d'activité, pas de sport, pas de petite copine... ni de petit copain d'ailleurs, à première vue tu n'es qu'un simple looser, une personne de plus bouffé et réduit en esclavage par le système.

– Merci... rétorqué-je dans un murmure amer.

– Pourtant... tu es quelqu'un de célèbre Philippe Edgard...

– Comment ça célèbre ? Je ne vois pas de quoi vous parlez.

– Ne fais pas le petit modeste mon ami, me dit l'homme au bras de fer. Comme tu as pu le constater, nous savons pas mal de chose sur toi... Tu es peut-être un bon hacker, programmeur, d'ailleurs tu nous l'as bien montré tout à l'heure, mais tu as encore des lacunes Phillipe.

– Je ne vois pas où est-ce que vous voulez en venir !

Mes boyaux se vident et mes poumons se tordent. Ce n'est pas possible, ils n'ont pas pu découvrir ça ! J'étais très prudent, personne ne peut le relier à moi, non ce n'est juste pas possible. Je ne veux pas y croire. Je ne veux pas y croire !

– Je pense que tu commences à comprendre Philippe, ajoute Tif', ou peut-être, devrais-je t'appeler "Codex" ?

Mon cœur rate un battement ou deux. Comment a-t-elle fait pour remonter jusqu'à moi ?! Pourtant je me suis assuré de laisser le moins de trace possible.

– Quand tu n'es pas au travail, tu es chez toi, et tu tiens ce petit blog où tu dénonces et diffames certaines personnalités publiques. Tu as une petite audience, il faut l'avouer. Mais ta cible préférée reste ce bon vieux Nikolay, tu as écrit depuis cette année trente cinq articles sur lui.

– Qu'est-ce qu'il se passerait à ton avis s'il venait à découvrir ta petite activité un jour ? demande la main de fer, rien de bon, je suppose.

– Vous allez me faire du chantage si j'ai bien compris ?

– Non. Nous te voulons à nos côtés, aide nous à faire tomber Nikolay.

– Mais pourquoi moi ?! m'écrié-je.

– Il n'y a que toi qui peut te rapprocher aussi près de lui, et en plus tu vas le suivre pendant une semaine, c'est bien assez pour récolter toutes les infos qu'il nous faut.

– Tu vois, Nikolay traîne dans des affaires louches, détournement de fonds, corruption, drogues, trafic d'humain et ce séminaire sera la bonne occasion pour le prendre la main dans le sac.

– Tout ce que l'on te demande c'est de plaquer ce traceur dans son androïde, cette androïde qui ne le quitte jamais. Rien de plus.

Ils ne me demandent vraiment que ça ? Si jamais Nikolay m'attrape, je suis un homme mort... Mais d'un autre côté, si ce vieux dégueulasse finit derrière les barreaux, tout le monde sera content. Et moi le premier. Est-ce que je peux vraiment leur faire confiance ? Tif' et son ami me regardent, m'analysent. Le silence s'étend, mais n'en devient moins pesant. Elle vient de finir sa cigarette. Je pense que je vais accepter leur marché ridicule. Rien ne m'empêche de jouer un double jeu et de les dénoncer si jamais ça tourne mal pour moi... Je sais ce n'est pas très correct, mais je n'ai pas non plus envie de mourir.

– D'accord, dis-je, je vais le faire.

– Ah ! Je suis heureux de l'apprendre ! s'exclame la main de fer en me serrant dans ses bras.

– Bienvenue dans notre équipe Codex, ajoute Tif' en me tendant sa main.