Chapter.setTitle("0 et 1")

Son regard est différent de la dernières fois et l'espace d'un instant, j'en oublie que ce n'est qu'un simple androïde. Ses prunelles sont vivantes et dégagent quelque chose de grand, quelque chose d'humain. Un sentiment fort. Non ce n'est pas de la peur, elle n'est pas dans le même état que la dernière fois. Non ce qu'elle ressent actuellement, c'est de l'angoisse. Tout comme moi. J'ai l'impression que l'on s'observe mutuellement pendant des heures et sans me le dire, je sais ce qu'elle me demande : de l'aide. Tout comme l'autre jour. Je réussis finalement à décrocher mon regard de ses yeux. Je parcours son corps de haut en bas, et me rends compte que son bras droit balance étrangement. Il est brisé. Je le sais à cause des micro-spasmes qui font trembler ses doigts. Nikolay s'interpose alors entre elle et moi puis me glisse à l'oreille :

- J'y suis allé un peu fort ce matin, tu penses que tu peux la réparer dans la voiture ?

- Je vais essayer, rétorqué-je.

Il me donne une tape sur l'épaule puis emboîte le pas. Anaëlle le suit de près et me dépasse sans détourner le regard. Marvin quant à lui me fait un signe de la main, il lève le pouce comme pour me féliciter. Merci Marvin, mais je ne sais pas quoi te répondre. Je me retourne, une très grande limousine nous attendait. Je vois des agents aux uniformes de beyond humans charger mes outils dans le coffre. Quand je m'engouffre dans la voiture, je me sens comme pris au piège, comprimé, claustrophobe. Pourtant, c'est un véhicule spacieux et luxueux, mais je me sens comme emprisonné. Si je fais le moindre faux mouvement, ma vie va s'arrêter d'un coup sec. Et la voiture démarre, je ne peux plus faire machine arrière.

Nikolay s'est installé à mon opposé et se sert déjà un verre d'une boisson rosâtre. Anaëlle attend sagement à ses côtés, ses jambes fines et croisées dépassent de sa robe.

- Nous avons une petite demie-heure avant d'arriver à l'aéroport, fais tout ce que tu peux pour m'arranger ça, m'ordonne-t-il en pointant son androïde du doigt.

Je m'exécute et sors mon datapad. Mes mains tremblent. Je n'arrive pas à me connecter à Anaëlle, je ne la détecte même pas sur mon terminal. Je la regarde, est-ce qu'elle s'est éteinte entre temps ? Non, elle se tourne vers moi. Elle est bien allumée. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je tapote mon datapad et Nikolay me toise d'un regard étrange.

- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il, ton bidule est cassé ?

- Non enfin, je ne sais pas, il est juste un peu...

D'un coup d'un seul, voilà que s'affiche sur mon écran le même flot de caractères aléatoires que l'autre jour. Il défile à une vitesse incommensurable. Je relève ma tête aussitôt vers Anaëlle, est-ce qu'elle va refaire une crise de panique ? Je ne pense pas, son visage est stoïque, je n'aperçois pas d'émotion en particulier. Elle hoche la tête discrètement. Un hochement si subtil que je ne l'aurais pas remarqué si je ne la regardais pas initialement. Quand je repose mes yeux sur mon écran, le flot de caractère s'arrête instantanément, tous les voyants sont au vert, me voilà connecté à elle. Je remarque que de nouveaux fichiers corrompus ont remplacé ceux que j'avais supprimés la dernière fois. Cette fois-ci, je décide de les sauvegarder sur moi. Je les regarderai ce soir en m'assurant de ne pas être surveillé. Anaëlle ne bouge plus, ne me regarde plus, n'a plus rien d'humain dans les yeux.

Le résultat de mon diagnostic confirme mes soupçons. Son bras droit est bien brisé net. Je m'approche d'elle pour examiner son bras de plus près. Sa peau est légèrement déchirée par endroit et pourtant elle garde une drôle de douceur, comment ai-je pu passer à côté de ça alors que je travaille avec ces androïdes depuis longtemps ? J'essaye de me concentrer, de ne pas penser à ça. Je ne crois pas que ça soit une très bonne idée de m'attacher à elle.

Je me rends compte que mon matériel n'est pas à portée de main, alors je vais me contenter de déconnecter tous ses éléctro-capteurs du bras droit. Seuls les androïdes de plaisir possèdent ce genre de capteur qui imite le sens du toucher, toute leur peau en est doté, c'est soi disant pour rendre l'expérience utilisateur plus réaliste. Je ne pense pas que ces androïdes puissent ressentir réellement quoi que ce soit, ils sont juste programmés pour imiter le réel. Une suite de 0 et 1 qui aboutissent à un semblant de quelque chose. Alors que j'arrive dans le menu qui contrôle ses sens, je me rends compte que ses éléctro-capteurs en questions sont tous déjà désactivés. Je ne comprends pas... Les androïdes ne peuvent pas influencer sur leurs paramètres d'eux même, et je suis sûr et certain de les avoir tous activés à ma dernière intervention. Est-ce que ça voudrait dire qu'elle les a désactivés d'elle-même ? Mon cœur se sert et ma respiration s'accélère. Je commence à voir trouble, l'idée est au bout de mes lèvres, mais la raison m'interdit d'y penser. Je réactive Anaëlle, éteins mon datapad et la fixe avec insistance, je ne veux pas rater sa moindre expression.

- Bonjour réparateur, heureuse de vous revoir, me salue elle.

Rien. Son visage est neutre, froid et inexpressif. Son faux sourire d'androïde me glace le sang. À qui ai-je affaire ? Anaëlle ou l'androïde ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top