13- Ruby

Je ne vous explique même pas comme je me fais charrier par les gars à la vue de mon accoutrement, mais dieu merci, aucun ne me pose de question. En même temps, je suis assorti aux couleurs de l'équipe, une supporter irréprochable.

L'alarme qui annonce le début de l'échauffement retenti et des bruits de crosses frappées se font entendre. Je frissonne, j'avais oublié cette sensation d'adrénaline que l'on ressent à travers les gradin lorsque l'on voit ses joueurs fétiches passer la porte du vestiaire. Les bulldogs arrivent, et ils s'élancent comme des fous sur la glace. Je repéré immédiatement celui que je redoutais de voir, il est là, et il pratique toujours les mêmes gestes.

Il rentre sur la glace du pied droit et s'élance de deux coups avec le gauche, y tape trois fois sa crosse à un rythme que lui seul connaît et se penche pour toucher la glace de sa main gauche avant de renfiler son gant, puis il s'élance, augmentant sa vitesse à chaque tour jusqu'à ce que le coach les sifflent pour les ramener au point de rassemblement. Au même moment, l'équipe adverse rentre sur la glace pour débuter son échauffement aussi. À cet instant, plus rien ne compte, sauf l'adversaire.

Sherley, le regard rivé dans la même direction que moi, m'attrape la main et me la serre tout en chuchotant :

-Je crois savoir quel est le gars qui te fout en transe.

Je lui fou un coup de coude pour qu'elle se la ferme et elle ne riposte pas. De l'autre côté à ma gauche, Johan me regarde de biais mais continue sa conversation avec Ben. Brice et Thomas, eux arrivent les mains pleines de gobelets de bières, et de sandwichs aux fromages. Nous dévorons pendant le temps de l'échauffement, enfin je me force à grignoter, car le voir glisser sous mes yeux me donne la nausée.

Quand sonne enfin, la fin de l'échauffement et début du match, chaque équipe rejoint son banc respectif. Je suis à tout juste à un mètre derrière lui et derrière le type du magasin, Tecker. Je ne vois pas leurs têtes sous leurs casques mais leurs noms inscrits sur leurs chandails ne peut que me confirmer que c'est bien eux. Ils sont assis l'un à côté de l'autre et se parle, se foutant des coups de crosses dans les tibia en riant. Son rire... une perle sur l'eau qui me brise le cœur encore plus qu'il ne l'était déjà.

Le premier tiers commence, Tecker et lui sont en première ligne. Il récupère le palet et patine vers les cages, mais le #44 de l'équipe des Cyclones arrive à lui récupérer avant qu'il tente un but. Il pivote pour le pourchasser, et Tecker arrive par la droite, offrant à l'adversaire une charge qui ne le démonte même pas, il est costaud le type. Quand sonne la fin du premier tiers, le score est toujours à zéro - zéro pour les deux équipes. Le temps de la pause, chacun retourne au vestiaire, et je me rend compte en le voyant passer la porte que j'étais crispé pendant toutes les vingt dernières minutes qui viennent de s'écouler.

-Ça va ? me demande Johan.

-Ouais, ouais, l'ambiance est cool ici ! Rien à voir avec nos matchs en France.

La fin du match se déroule avec tout autant d'angoisse. Au deuxième tiers, Tecker marque un premier but, assisté par le #76, et le deuxième but et marqué par erreur par l'un des joueurs de l'équipe adversaire. C'est bien notre veine, les Bulldogs mène 7 à 4. Je retrouve pendant cette soirée, tout ce que j'avais tenté d'oublier ses six dernières années, la joie, la chaleur, l'enthousiasme et l'euphorie que procure l'ambiance dans cette patinoire. Je ne sais pas comment j'ai réussi à faire semblant de tout oublier. Les supporter mettent une ambiance de dingue, la foule est survoltée à la vue des dernières minutes du troisième tiers où nous menons avec juste un point d'avance, les Cyclones ayant marqué puis,s'étant rattrapé sur un penalty. Tout à coup, tout le monde se lève, la dernière minute du chrono s'enclenche et il vient de s'emparer du palet. Il est seul, patinant à toute allure vers son but. Un des attaquants des Cyclones, le charge par surprise, collé contre la balustrade, y mène une bataille acharné, lui pour garder le palet, l'autre pour l'en destituer. La défense arrive à la rescousse et il arrive à se dégager toujours le palet en sa possession, ce qu'il se passe après est dingue. Pour la dernière minute les Cyclones ont voulu jouer avec une ligne complète au risque de sortir leur gardien, les cages sont vide, il accélère et frappe.

-Buuuuut !

Toute la foule s'écrie en cœur et moi avec elle. Nous crions, applaudissons et chantons. Ben et Thomas chantonne l'hymne de l'équipe leurs verres de bière en l'air, tandis que Brice et Johan décide de me hisser sur leurs épaules en hurlant leur victoire. Les équipes saluent leurs supporters, se serrent la main entre eux, et chacun retourne aux vestiaires. Je décide d'enlever la casquette de Sherley car il fait tout de même chaud dans cette patinoire couverte et chauffé ! Mais mon alibi avant tout.

-Les filles, un verre au bar ça vous tente ? Ruby tu pourras même avoir la chance de rencontrer certains joueurs !

-Non s'en façon.. je dis immédiatement.

-Oh Ruby allez..., je lui fais les gros yeux mais elle poursuit. Juste un verre, l'équipe n'arrive pas au bar avant une bonne demi-heure, on part avant promis ! me supplie Sherley.

-De toute manière j'ai pas le choix, c'est pas moi qui conduis... je dis désespéré.

Manquerais plus que je le croise là-haut alors que j'ai trimé tout le match pour me cacher putain. Je suis la troupe à contre cœur, me faisant tirer de force par Sherley à qui je fais les yeux noirs. Nous quittons les gradins et descendons les escaliers qui mènent au couloir qui longe la patinoire. Je marche à l'écart, les mains dans les poches, relatant le match dans ma tête. Je l'ai vu, enfin non, je n'ai pas vu son visage mais c'était bien lui. Je suis coupé dans mes pensées par Jo.

-J'aimerais vraiment être dans ta tête pour savoir à quoi tu penses.

-Si tu savais.

-Hey les vendeurs de patins, hurle Brice, bougez-vous, la bière n'attend pas !

Nous passons devant la porte des vestiaires des Cyclones, puis quelques mètres devant moi, à la sortie des vestiaires des Bulldogs, sort un joueur, puis un deuxième. Moi qui espérais braver ce chemin sans encombre c'est louper. Ses gars interpelle Ben et Thomas, et Brice ainsi que Sherley s'arrête également, pour discuter avec eux pile devant la porte des vestiaires. A croire que tout cela est fait exprès ! Je ralenti, un pressentiment s'emparant alors de moi et je vois juste, car en une millième de seconde, mon monde s'écroule. Tecker sort, et m'aperçoit, il me sourit. Je réalise alors, que je n'ai plus ma casquette sur la tête, il me fais un signe de la main et commence à s'approcher. Johan, lui, me bouscule dans le dos et,... il sort.

-Hey mais il me semblait bien avoir remarqué l'équipe du Sportium dans les tribunes ! Ma vendeuse fuyarde est là aussi... commence Tecker un peu trop fort. Kurby ! l'appelle t-il, voilà celle que tu dois remercier de m'avoir vendu cette super paire de Reebok !

Non, non, non....

Il lève la tête, quittant son téléphone des yeux et nos regards se croisent. Il ouvre la bouche, la referme, je recule d'un pas puis deux et..

-Ruby ?

Il vient de prononcer mon nom.

Je me retourne pour m'enfuir en courant mais me tamponne dans Johan qui est toujours derrière moi.

-Pousse-toi ! je lui dis.

Au lieu de ça, il passe un bras autour de mes épaules et dit assez fort.

-Allez viens bébé, on y va, et me chuchote ensuite, joue le jeu.

Je glisse mon bras autour de sa taille et me blottit contre lui, n'osant même pas un regard derrière moi alors qu'il crie une nouvelle fois mon prénom.

-RUBY !

-Sors moi vite de là Johan... je murmure.

-On y va ma belle, on sort.

Cette fois, on peut dire que c'est moi qui fuis mon passé, et comme une flèche, mais en réalité, je crois que la vérité serait beaucoup trop dure à encaisser.

Johan déverrouille sa voiture et nous nous engouffrons à l'intérieur, il allume le contact et déclenche le chauffage, cinq minutes ou personne ne parle, j'ai la tête baissé dans le foulard de Sherley et les mains serrées entre mes cuisses et j'attends qu'il me pose des questions. Mais il n'en fait rien. Je tourne alors mon visage vers lui et observe sa silhouette dans l'obscurité de la nuit. Les mains posés sur le volant, il regarde au loin les gens sortir de la patinoire, quand il se décide enfin à parler.

-Est-ce que tu es venu ici pour ce joueur, Kurby?

-Quoi ? Non ! Si seulement j'avais su qu'il était ici...

-Donc, si je comprends bien, toi, ton caractère, dit-il en me balayant de la main, c'est à cause de lui.

Je ne fait qu'acquiescer dans le noir, sans réponse.

-Et dire que ce gars est mon idole ! il secoue la tête, il vient de baisser dans mon estime.

-Si seulement tu savais, pour moi, ce n'était pas que ça. Il m'a déçu, brisé, et ça se disait être mon meilleur ami, pfff, laisse moi rire !

Je tire sur la malheureuse ficelle de mon pauvre t-shirt qui en perd toute sa couture.

-Attends tu veux dire que ce n'était même pas ton mec ?

-J'aurais préféré figure toi ! Mais non. Ça ne l'a jamais été, pourtant ça aurait été tellement plus facile de le détester après une rupture mais ça....

-Tu l'aimais ?

-Oh Johan... Je croyais que non, je m'étais ancrée cette foutue idée dans la tête pour me soulager, je me disais que c'était tellement plus facile de le haïr, et ça crois moi que je l'ai haïs putain... Mais hier au magasin, quand j'ai entendu sa voix...

-Qu...mais oui ! Je comprends mieux maintenant ta réaction avec tout ce bordel. C'est pour ça que tu t'es barré et a envoyé Sherley à ta place.

-Oui... je ne pouvais pas le voir, qu'est-ce que j'aurais fait ?

Il soupire.

-C'est marrant, il y a plus de deux ans j'étais comme toi. J'veux dire pareil, toi quoi, ton caractère bien pourri et t'es saute d'humeur. Je réalise que quitter Paris pour vivre ici ma fait un bien fou.

-Hein mais t'es pas d'ici ?

-Bah non cruchette, t'as pas remarqué que je n'ai aucun accent.

À y réfléchir, il est vrai que je n'ai jamais fait attention à cela. Je me tourne sur mon siège pour me retrouver face à lui.

-Pourquoi tu es parti ? je change totalement de conversation.

-Deal. Si je te raconte mon histoire, je veux connaitre la tienne.

-De toute manière tu en sais beaucoup trop maintenant et tu m'as aidé à sortir d'ici sans me ridiculiser, alors, d'accord.

-On va chez moi, tu aimes la guimauve ?

-J'adore ! Mais et les autres ?

-Rien à foutre, ils se démerdent, t'façon une fois au bar, on ne peut plus les en décrocher ! T'inquiète pas pour eux, j'ai l'habitude.

-Hééé tu sais que tu me plais en rebelle comme ça ! je dis en riant. Je pourrais te nommer en tant que nouveau best friend.

-Succéder au célèbre Kurby ! Quel honneur !

Je lève les yeux vers le ciel tentant un sourire timide.

-Allez ma belle, allons nous bourrer le bide de cette merde sucrée pour oublier, et déblatérer sur notre passé.

Il m'attrape la main et enclenche la première, nos doigts entrelacés.

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Fin du Chapitre.

Hâte d'avoir vos avis et vos suggestions pour la suite !

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N'oubliez pas -->

Titre qui m'a inspiré pour ce chapitre : Space jam- Let's get ready to rumble 

Mon Histoire écrite en collaboration : INKED MEMORIES.

Twitter : CCycy0209 & ChouStiik

Instagram : labiblio2cycy

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