La fin de la soirée d'hier s'est déroulée normalement. On était un peu gênés au départ d'être seuls ensemble, mais mes parents n'ont pas tardé à rentrer. J'ai dit que j'avais eu super mal au ventre et que Matthieu était resté pour s'occuper de moi. Pas très convaincant, je sais, heureusement ils n'ont pas insisté.
On a regardé un film en famille puis dîner, et au lit.

Ce matin, il fallait que je retourne en classe. Bea était aussi de retour, à ma grande joie.

Devant le tableau, en cours de maths, je fixe la prof d'un air absent. Apparemment, nous avions une interrogation orale programmée pour aujourd'hui. Bien sûr, je n'ai pas révisé.
Bien sûr, elle a choisi un élève au hasard, et bien sûr, c'est tombé sur moi.
Je ne crois pas à son "hasard". Elle avait deviné que je n'avais pas révisé. En même temps, j'étais absente hier et je n'ai demandé les devoirs à personne.

Je n'ai su répondre à aucune de ses questions. À présent, cela fait quatorze minutes qu'elle m'engueule. Je n'écoute même plus, je regarde discrètement ma montre pour chronométrer combien de temps elle compte me sermonner.

Je pense à Matthieu. Pour changer, tiens.
Ça fait pas mal de temps qu'on ne s'est plus insultés ni disputés. Il est beaucoup plus...attentionné?
Enfin bon, je ne me pose pas trop de questions pour une fois, s'il est comme ça tant mieux, c'est tout bénéfice pour moi.

« Mademoiselle Chloé, vous m'écoutez? crie la professeure avec rage.

– Euh, oui, évidemment. »

Elle prolonge son discours et je replonge dans mes pensées.
Encore cette heure de cours et j'ai fini. J'apprécie particulièrement les mercredis étant donné que je termine à midi trente.
Je fronce les sourcils pour me rappeler quand finit Matthieu; il me semble qu'il sort à 14h. Je profiterai de son absence pour faire mes devoirs, car il ne peut jamais s'empêcher de m'embêter quand je travaille.

Je cligne des yeux lorsque le son continu de la voix agaçante de Mme Solence s'interrompt. Je la fixe, un peu égarée.

« C'est bon, tu peux retourner à ta place, grommelle-t-elle. Cependant la prochaine fois que tu n'apprends pas tes leçons, c'est deux heures de colle!

Je soupire silencieusement et retourne m'affaler sur ma chaise à côté de Tim, mon voisin.
Mme Solence nous a fait un plan de classe, ce qui fait que je ne suis pas à côté de Bea.

Tim est un grand mec qui doit bien me dépasser d'une tête, du style bien baraqué, les cheveux noirs jamais coiffés, de beaux yeux verts.

Néanmoins, Matthieu est toujours plus beau.

Tim et moi, nous nous entendons plutôt bien. Il n'est absolument pas attentif à ce que la prof dit, tout comme moi. On rigole bien en cours et, jusqu'à présent, la prof ne nous a encore jamais fait aucune remarque.

– Pas de bol, elle t'a grillée, me glisse-t-il.

– M'en parle pas, qu'est-ce qu'elle me soûle, soufflé-je. »

Soudain, un papier atterrit sur mes genoux. Je regarde autour de moi et aperçois Ethan qui me fixe. Je lui souris et déplie discrètement la boulette de papier.

«mme solence c'est trop une bouffonne»

Je lâche un rire avant de refroisser le papier. S'il y a une seule personne qui déteste plus que moi cette prof, c'est Ethan.

Je suis très contente d'être tombée dans la même classe que lui cette année. Surtout, je suis contente qu'il soit resté dans ce lycée; il a failli partir rejoindre Matthieu dans son autre école...

Je vérifie l'heure : 12h27.
Encore trois minutes.

La sonnerie finit par retentir. Je sors en trombe de la salle, mon sac sur le dos. Ethan m'attend dans le couloir. Je le rejoins:

« Enfin c'est fini! Je dois passer au casier déposer quelques cahiers, tu m'accompagnes?

– Yep, je dois y aller aussi de toutes façons.

On s'y rend et, tout en fourrant un cahier dans son sac, mon meilleur ami me demande:

– Sinon, comment ça va ces temps-ci avec Matthieu?

– Ça va, mais il a l'air bizarre. D'un jour à l'autre, il a arrêté de m'insulter, par exemple. Puis...enfin, bref.

Ethan me sourit d'un air malicieux.

– Peut-être qu'il t'aime à nouveau.

– Laisse-moi rire! C'est pas possible, point barre.

Pourtant j'aimerais bien...mais je ne veux pas me faire d'illusions.

Je secoue la tête puis m'apprête à partir. Ethan me prend longuement dans ses bras. Au bout d'un moment, je murmure:

– Dis, tu comptes me lâcher un jour?

– Chut, Sacha nous regarde. »

Ah, Sacha...la fille dont Ethan est amoureux depuis le début de l'année. Il fait tout pour la rendre jalouse ou pour qu'elle s'intéresse à lui. Selon lui, ça commence à marcher; selon moi, c'est peine perdue. De plus, elle est en couple...

Je dépose un bisou sur sa joue.

« Allez, je dois y aller, à demain meilleur ami préféré!

– À demain, petite meilleure amie préférée.

Je lui tire la langue. Je déteste qu'il m'appelle "petite". C'est qu'il a pris dix centimètres pendant les vacances d'été, maintenant il fait une demi-tête de plus que moi, et il frime!

Je sors de l'établissement et vais attendre mon bus. En chemin, je croise Bea, à qui je dis vite au revoir (sa mère vient la chercher), et une autre de mes amies les plus proches, Jessica, qui prend le même bus que moi.

– Il est toujours en retard, ce bus! se lamente-t-elle.

Jessica est une très jolie fille. Les yeux blonds, un peu plus petite que moi, et de magnifiques yeux bleus. J'adore ses yeux. Petit défaut; elle ne peut pas tenir plus de deux minutes sans se plaindre.

– Oh, et puis ma mère qui a découvert que je fume! Elle va m'engueuler pendant des heures quand je serai rentrée! poursuit-elle.

– Attends, tu fumes? interviens-je. Depuis quand?

– Un mois, avoue-t-elle d'un air penaud.

– J'y crois pas! Mais tu dois arrêter!

– J'ai essayé, j'arrive pas! Roh, je veux tellement pas avoir à affronter ma mère!

J'ai pitié d'elle et lui propose:

– Si tu veux, tu peux venir chez moi et rester quelques heures.

Son visage s'illumine.

– Oh, super, merci!

Je soupire silencieusement tandis que le bus arrive.
En chemin, elle me parle du gars sur qui elle a un crush, Hugo.
Je ne l'écoute que d'une oreille.

Arrivées chez moi, je déverrouille la porte et on entre dans le salon.

– Hey! fait une voix.

Je fronce les sourcils.
– Matthieu? Tu fais quoi ici? Tu n'es pas censé avoir cours?

– Si, mais on avait sport de 12 à 14h et le prof était absent, alors j'ai pu rentrer direct.

Il me sourit du canapé puis remarque Jessica.

– C'est qui?

– Jessica, mon amie. Jessica, voici Matthieu, mon...demi-frère. »

Jessica lui sourit gentiment et il lui rend son sourire.
Elle doit ensuite aller aux toilettes, je me retrouve donc quelques instants avec mon faux-demi frère.

Il se lève pour se planter en face de moi.

« Tu sais que dans deux jours, c'est les vacances?

– Ah oui...c'est vrai, j'avais complètement oublié!

Enfin un peu de repos.
Un silence gênant s'installe. Pour dissiper un peu le malaise, je questionne:

« Hem...sinon, ça va?

Il hoche la tête et Jessica revient enfin.

– Par contre, dis-je, ça ne vous dérange pas si je vous laisse seuls tous les deux pendant une grosse demi-heure? J'ai plein de travail, les profs sont vraiment lourds en ce moment.

– Pas de problème, tranche Jessica. Je peux juste te parler trois minutes?

Sans me laisser le temps de répondre, elle m'attire loin de Matthieu. Elle démarre, les yeux pétillants:

– C'est quoi ton demi-frère? Un dieu? Mon dieu il est tellement beau! Et tu vis avec un mec comme ça? T'en as de la chance...il est dix fois mieux qu'Hugo! ...dis, ça te dérange pas si je le drague un peu?

Je reste interdite.
Mon cœur se serre. Mon premier réflexe est de dire non, mais je ne peux pas l'en empêcher...Jess' croit qu'il est mon vrai demi-frère. Ce serait bizarre de lui dire "oui, ça me dérange", comme ça.
Tout de suite, je deviens jalouse. J'essaie de trouver une excuse pour l'en dissuader, mais finalement, je réponds d'une voix étouffée:

– Euh, non...si tu veux...

J'aurais dû lui dire que ça me dérangeait! Je me maudis en mon for intérieur.
Matthieu risque de tomber dans le panneau, lui aussi c'est un grand dragueur.

Ok, peut-être qu'il a repoussé Stella, mais ce n'était pas la même chose.

Franchement, je ne le sens pas.

Le cœur lourd, je monte dans ma chambre en traînant mon sac derrière moi. J'essaie de me raisonner; j'ai juste à faire mes devoirs le plus vite possible! Allez, il ne peut pas se passer grand-chose...si?

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