Chapitre #27

Une semaine est passée. À présent, je suis de retour à l'école.
Je n'y vois ni Dylan ni Matthieu, et c'est pour le mieux; j'ai besoin d'espace et de temps, je ne sais plus vraiment où j'en suis.

Je ne parle presque plus à Matthieu. Je pense qu'il a très mal pris le fait que je sois avec Dylan, même si en réalité cette relation n'existe pas. Il ne daigne plus m'adresser la parole, et passe tout son temps avec Emily.

Oui, il faut le savoir: Emily est toujours là. Ses parents sont venus la chercher, mais elle leur a demandé si elle ne pouvait pas rester un peu ici. Alors, ils ont pris une chambre d'hôtel...et elle est toujours là. Étant donné que le système anglais est différent du notre, elle a actuellement deux semaines de vacances.

Nous sommes mardi. Plus que cinq jours et elle sera enfin partie.
Il faut dire que je ne supporte plus de la voir avec Matthieu — surtout qu'ils ne se gênent pas pour s'embrasser à pleine bouche devant moi.

Avec Dylan... nous maintenons toujours notre fausse relation. Les amis de Matthieu sont au courant mais ont juré de ne pas trahir le secret.

Dylan et moi nous sommes en quelque sorte...rapprochés durant la semaine de vacances. J'ai découvert qu'il pouvait être très drôle, et nous passons du bon temps ensemble.

Puis, de temps en temps, lorsque l'on sait que Matthieu nous fixe, nous nous embrassons.
C'est devenu de moins en moins gênant au fur et à mesure, et maintenant...c'est presque naturel, même si ça me gêne encore de l'admettre.

Honnêtement, Dylan est gentil, mais... Matthieu me manque. J'en viens même à regretter le temps où l'on était méchant l'un envers l'autre; au moins, à cette époque, on se parlait.

Même s'il se comporte en parfait connard, j'aimerais qu'on arrête de se faire la gueule. Je voudrais juste repartir à zéro... mais il n'est pas près de lâcher sa Emily adorée.

Emily, nous nous parlons très rarement aussi. Je ne sais pas quels mensonges mon faux demi-frère a pu lui raconter sur moi, mais elle semble ne pas beaucoup m'aimer. Ça tombe bien, moi, je la déteste. Je ne peux m'empêcher de la voir comme la personne qui a ruiné tout le début de relation qu'on avait commencé à avoir, Matthieu et moi.

Puis, son stupide accent anglais m'insupporte.

Je pousse un soupir de frustration et tente de me concentrer sur les notes du professeur affichées au tableau. Le problème est que je n'ai rien suivi depuis le début du cours, alors je n'y comprends rien.

De plus en plus agacée, je froisse la feuille d'exercices que je tiens dans les mains.
Mon comportement n'échappe pas à Bea.

« Eh, chuchote-t-elle, calme-toi. Si tu veux, je t'expliquerai cette leçon de français plus tard.

– Tu sais très bien que ce n'est pas pour ça que je suis sur les nerfs, Bea, répliqué-je impatiemment.

– Je sais. Mais il faut que tu passes à autre chose. On en revient toujours au même discours: il vaut mieux que tu l'oublies. Arrête le truc avec Dylan, ça ne sert à rien. Ton bad brother est un cas désespéré.

– Arrête de l'appeler mon bad brother! Je déteste ce surnom, arrête de l'employer! sifflé-je. Puis, il vit un peu dans la même maison que moi, on dort un peu dans la même chambre, on se côtoie un peu tout le temps, alors avec tes "oublie-le", tu peux parler! »

Elle fronce les sourcils mais ne répond rien et retourne griffonner sur son cahier.
Je passe une main dans mes cheveux.

« Bea, soufflé-je, je suis désolée.

– Chloé, tu peux plus continuer comme ça! Tu es une bombe à retardement...regarde comme tu es tendue! s'écrie-t-elle — un peu trop fort car le professeur nous lance un regard mauvais. »

Je baisse les yeux, fixant les spirales de la couverture de mon livre.

« C'est incroyable qu'il te perturbe autant, continue mon amie. Il ne te parle plus, et hop, tu dérailles complètement. On dirait que tu es en manque!

– Peut-être que je suis en manque, alors! lâché-je d'un air désespéré. »

Je fais une pause puis reprends:

– Bea, tu sais que je suis toujours honnête avec toi. Alors, je sais que tu n'apprécies pas Matthieu et donc que tu ne vas pas apprécier ce que je dis, mais voilà: il compte pour moi. Je sais que c'est un con et qu'il a tout fait foirer, mais j'arrive pas à me détacher de lui... »

Bea prend le temps de me fixer longuement avant de me répondre:

« Il faut qu'il s'excuse.

– Je sais, tu me l'as répété plein de fois.

– C'est à lui de faire le premier pas, pas toi! C'est lui qui s'est mal comporté... s'il est assez idiot pour ne pas revenir vers toi, alors c'est qu'il n'en vaut pas la peine. »

Les yeux toujours rivés sur mon livre de français, je pince les lèvres.
Il n'est pas revenu vers moi; cela veut-il dire que je ne compte plus?

Cette question me titille depuis un bon bout de temps — est-ce qu'il s'en fout de moi? Vraiment?

Je pensais qu'après tout ce qu'on avait vécu ensemble, il aurait un peu plus de respect. Qu'il tenterait au moins quelque chose pour me récupérer.

Il sait très bien que c'est lui qui a tort dans cette histoire: cependant, il refuse de l'admettre.

Matthieu et son côté têtu.
Matthieu et sa fierté.

« Foutu côté têtu, foutue fierté, marmonné-je. »

Ma meilleure amie garde le silence et retourne rédiger un exercice.

Depuis cette histoire avec Matthieu, mes notes ont chuté. J'ai perdu plus de trois points de moyenne. Pourtant, je fais tout pour réussir; mais je n'arrive pas à rester concentrée plus de cinq minutes. Je ne mets jamais longtemps à décrocher.

Puis cette irritation permanente...j'ai sans cesse envie d'envoyer les gens balader, de les éloigner de moi. Je veux qu'on me fiche la paix, c'est tout. Ou alors qu'on soit de mon avis, ce qui n'est pas du tout le cas.

Tout le monde pense que Matthieu est mauvais pour moi. Toutefois, s'il est vraiment mauvais pour moi, je serais supposée aller mieux sans lui, en ce moment! Or...c'est le contraire. Il est mauvais pour moi, mais dans un bon sens.

— Mademoiselle Chloé, un peu d'attention s'il vous plaît ! m'assène Mr Gilt.

Je ne daigne pas lever le regard en sa direction.

– Chloé, regardez-moi au moins! Avez-vous fait l'exercice que je vous ai donné hier, qui était à remplir pour aujourd'hui?

Je l'observe, perdue.

– Euh...quel exercice?

– Exercice trois page cent-vingt. À ce que je présume, vous ne l'avez pas fait. »

Je me mords la joue; je ne vois toujours pas quel exercice c'est.

« Chloé, c'est la troisième fois que vous oubliez vos devoirs en deux jours seulement: vous connaissez la conséquence. »

Oui, deux heures de colle...
Je le supplie du regard; en vain.

– Vous viendrez travailler deux heures supplémentaires demain après-midi après les cours.

– Mais, monsieur! Je finis à douze heures le mercredi, normalement j'ai toute l'après-midi de libre pour moi!

– Tant pis pour vous, il fallait faire votre travail, vous le savez! »

Je frappe du poing sur la table.
– Monsieur, merde, ça se fait pas!

Le professeur croise les bras sur sa poitrine, agacé.

– Mademoiselle, surveillez votre langage.

– Putain, ça fait chier, vous comprenez pas! crié-je. Vous faites tous chier!

– HORS DE MA CLASSE, MADEMOISELLE CHLOÉ, tonne Mr Gilt. »

Je fourre rageusement mes affaires dans mon sac, le mets sur mon dos et traverse la classe pour sortir en un coup de vent, ignorant le regard pesant des autres élèves de la classe.

C'est lui qui te fait réagir comme ça... c'est n'importe quoi, l'effet qu'il a sur toi!

Je réagis trop excessivement. Je ne peux plus continuer ainsi. Le fait de savoir ça me met encore plus en rogne.

Je suis en rogne contre moi-même, contre Matthieu, et contre tous ceux qui ne comprennent pas que j'ai besoin de lui. Ceux qui ne comprennent pas que, même après tout ce qu'il m'a fait, il a une putain de grande influence sur ma personne.

Je réfléchis à toute vitesse: il me reste, après cette heure de français, une heure d'anglais.
Je peux bien sécher cette matière, cela ne me fera pas de mal.

Il est quatorze heures quarante, je décide donc de rentrer à la maison. Il me semble qu'il y a un bus à 14h44. En me dépêchant un peu, je devrais pouvoir le prendre et arriver vers quinze heures chez moi.

Je sors du bâtiment et, après avoir un peu couru pour rattraper le bus, je suis chez moi.

J'ouvre la porte en poussant un soupir de soulagement; enfin chez moi, pour me reposer. En paix.

– Chloé? Qu'est-ce que tu fais là?

Je lève la tête, surprise.
– Maman...bah, euh, je rentre de cours...

– Tu n'as pas cours jusqu'à seize heures?

Les sourcils froncés, elle m'observe depuis le canapé.

– Le, hem, le professeur est absent, alors je suis rentrée, je mens.

– Mais il est tout juste quinze heures! Chloé, dis-moi la vérité.

– On m'a jetée de cours, avoué-je.

Elle pousse un long soupir en me lançant un regard lourd de reproches.

– Chloé, ça ne va plus du tout en ce moment, tu t'en rends compte? Tes notes, ton comportement... ressaisis-toi! Quel est le problème?

– Rien, rien, je vais faire des efforts, marmonné-je. »

Je m'éclipse rapidement et monte les escaliers en direction de ma chambre.

– Pour ton info, Matthieu est malade, il est au lit ! me crie ma mère du rez-de-chaussée.

Je m'arrête net. Merde...moi qui espérait au moins une heure seule.
Quand lui et moi sommes dans la même pièce, l'atmosphère est très désagréablement tendue, si tendue que ça en devient insupportable.

Je serre les dents et ouvre la porte.
Je tente de paraître nonchalante, mais en vérité je ne peux m'empêcher de jeter un œil à mon faux demi-frère d'un air stressé.

Il est au lit, le nez tout rouge, une montagne de mouchoirs usés au pied du lit.

« Gloé, be zuis balade, gémit-il. Tu beux m'abborder une autre boîte de bouchoirs? »

J'éclate de rire. Je pensais qu'il avait fait semblant d'être malade pour sécher les cours, alors qu'en fait il s'est chopé un sacré rhume...

Je retrouve vite mon sérieux.

– Pour ça tu me parles, hein? Quand t'en as vraiment besoin.

Il marque une pause pour s'injecter du spray pour déboucher son nez.

– Ah, enfin je peux respirer normalement, grommelle-t-il.

Il se redresse et s'assoit sur son lit.

– S'il te plaît. Je suis malade.

– Je vois ça, m'amusé-je.

– Sérieux, fais pas chier! Je suis crevé, je peux pas me lever, et j'ai besoin de mouchoirs...

– Dans tes rêves. Je préfère nettement te voir galérer. Puis si tu me parles comme ça, je vais juste te détester un peu plus.

Il soupire et me lance un regard suppliant. Je m'assois sur ma chaise de bureau et tentant de paraître tranquille et moqueuse alors qu'en réalité je boue de l'intérieur.

Il m'utilise, il ne fait que ça.
J'aimerais pouvoir le détester autant que je le souhaite. Foutus sentiments.

« Je suis désolé, finit-il par lâcher sans me quitter des yeux.

– C'est ça, ouais. Je te crois, bien sûr.

– Vraiment. Je sais que j'ai été con, et que je le suis toujours.

– Je suis totalement d'accord — et là, ce n'est pas du sarcasme.

Il tente de se lever mais grimace et retombe lourdement sur son lit.

« Viens, dit-il en tapotant la place à côté de lui.

– Venir juste à côté de toi et ton corps rempli de microbes en traversant une vingtaine de mouchoirs dégueu rempli de crottes et de morve? Je ne vois pas pourquoi je refuserais, ironisé-je.

– S'il te plaît, articule Matthieu lentement. »

Je lève les yeux au ciel et, poussée par un élan soudain, je prends place près de lui.

Un silence s'en suit.

– Je tiens à toi, tu sais.

Si je n'avais pas tendu l'oreille, je n'aurais probablement pas entendu ces quelques mots, prononcés imperceptiblement, dans un souffle.

C'est la façon dont il le dit qui me fait immédiatement le croire.

– Alors arrête de te comporter comme ça. Tu me fais du mal, et tu le sais, je réponds du même ton.

– C'est plus fort que moi. Plus je te blesse, plus je m'en veux; et quand je m'en veux, je repousse encore plus les gens.

– Apprends à ne plus le faire. Apprends à les laisser s'approcher de toi et t'aider.

Il tourne la tête vers moi mais je n'ose pas le regarder, les joues brûlantes.

– Je suis désolé, répète-t-il. Je veux aussi que tu saches que c'est dur pour moi de m'excuser comme je suis en train de le faire auprès de toi.

– Qu'est-ce qui t'as donné le courage de le faire, alors? demandé-je tout bas.

– Je...je sais pas.

– Si, tu sais. Il doit bien y avoir une raison, insisté-je.

– ...oui, je le sais. Mais je suis pas prêt à le dire maintenant.

Je lève les yeux en sa direction. Il m'adresse un sourire penaud.

– Tu me pardonnes?

Je réfléchis.

– Seulement si tu ne me blesses plus jamais comme ça. Seulement si tu promets de..de ne plus m'abandonner.

– Je te promets. »

Il passe délicatement une main sur mon visage et me plante un bisou sur la joue.

Puis:
– Du coup, je peux avoir ce paquet de mouchoirs, au final?

***

Désolée pour les amateurs de Chloé/Dylan mais ce n'est pas pour maintenant! ;)

J'espère que vous avez aimé !

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