Je marche dans le froid. Je suis glacée; je dois absolument me réchauffer quelque part, mais pas question que je rentre.

Je regrette de m'être comportée comme je l'ai fais avec Matthieu. Il ne doit rien comprendre... cependant lui aussi n'avait pas à s'énerver ainsi.

Pourquoi pas aller chez Ethan? De là où je suis, sa maison doit se trouver à dix petites minutes de marche.

Je cours un peu les premiers mètres pour aller plus vite et tenter de réchauffer mes muscles.
Mon téléphone se met tout à coup à vibrer dans ma poche. Sans regarder le numéro qui s'affiche, je décroche et démarre, essoufflée, d'une petite voix:

« Al...allô?

– Chloé?

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
Pourquoi il m'appelle? Il ne m'appelle jamais, d'habitude... puis je viens de lui gueuler dessus...

Je me râcle la gorge. Je déteste la situation dans laquelle je suis. J'ai juste envie de recommencer à zéro, et que Jessica ne soit jamais venue. L'inviter à rester chez moi n'aura pas été une bonne idée, définitivement.

– Oui? je sors d'une petite voix.

– Tu peux rentrer? Maintenant...s'il te plaît.

Je n'ai même pas le temps de répondre qu'il a déjà raccroché.

Je m'arrête au milieu du trottoir, perplexe. Que faire?

Peut-être que je devrais retourner. J'espère juste qu'il n'est plus fâché. Le ton de sa voix était indéchiffrable.
À vrai dire, si je ne veux pas geler sur place dans les minutes qui suivent, je ferais mieux de rebrousser chemin.

**

Au bout d'une petite vingtaine de minutes, je suis devant chez moi. Je suis morte de froid, et si je ne reçois pas vite un peu de chaleur, cette expression n'en sera plus une.

Je toque à la porte. Je ne sens plus mon nez, et j'ai mal aux mains tellement j'ai froid. J'ai l'impression que si quelqu'un tire sur un de mes doigts, il se détachera sans aucun mal. Berk.

Quelques instants plus tard, la porte s'ouvre, laissant apparaître Matthieu. À la vue de la couverture enroulée autour de ses épaules, je ne réfléchis pas et me précipite vers lui, pour me jeter dans ses bras. Je me blottis contre lui et il met un temps à rabattre la couverture dans mon dos et passer ses mains autour de ma taille dans un geste plutôt indécis.

Je laisse échapper un soupir de soulagement. Enfin de la chaleur! Ce que ça fait du bien!

Je réalise finalement ce que je viens de faire et la position dans laquelle nous sommes. Je ne bouge pas d'un pouce et hume son odeur. Je crois qu'être dans ses bras est pour moi la meilleure sensation au monde.

J'ai une violente envie de le prendre par le cou et de l'embrasser. Pourquoi est-ce si dur de résister?

Il finit par me repousser doucement.

– Non! dis-je sans faire attention. Je me rattrape: "Euh, je veux dire...la couverture...je gèle. »

Et je repasse mes bras autour de son cou et enfouis ma tête au creux de sa nuque.

Il me soulève délicatement de terre et me porte jusqu'au canapé, où il s'assoit et me dépose sur ses genoux, sur le côté, mes jambes étalées sur le canapé.

Je resserre la couverture autour de nous, avant de me râcler la gorge, soudain mal à l'aise.

J'ai le malheur de croiser son regard qui me fixe intensément. Mes joues s'enflamment quand je remarque que ses yeux dévient vers mes lèvres.

Il ne t'aime pas, arrête. Pense à autre chose. Ne t'enflamme pas.

Mais c'est tout bonnement impossible.

Il passe doucement une main sur ma joue.

Pitié! Il veut me rendre folle!

Au prix d'un effort incommensurable, je détourne le regard.
Sa main glisse le long de ma joue pour venir se nicher sur mes hanches.

« Je ne vais plus voir Jessica.

Je lève subitement les yeux, prise de court.

– Hein?

Il répète lentement:
– Si ça te dérange, je ne verrai plus Jessica.»

J'ai les joues rouges. Je bafouille piteusement:

– Mais, non...n'importe quoi...tu peux la voir, je ne vais pas t'interdir...j'ai pas mon mot à dire, la-dedans...d'ailleurs, je suis désolée pour tout à l'heure... »

Il me sourit légèrement et se penche dangereusement vers moi. Si ma cage thoracique n'explose pas dans les secondes suivantes, je peux m'estimer heureuse.

Puis, je me dis, pourquoi me priver? Pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout? Je n'ai rien à perdre...enfin, si, lui.

Je craque, pose mes mains sur ses joues, me penche pour rompre la barrière de quelques malheureux centimètres qui séparait nos lèvres, et...

« Coucou! »

La voix de mon père nous fait tous deux sursauter en même temps. Par réflexe, je me redresse précipitamment et m'éloigne de Matthieu en titubant.

Nous nous regardons brièvement avant que mes parents ne fassent irruption dans le salon.
Ma mère est pâle.

– Tout va bien? m'informé-je, inquiète. Comment ça se fait que vous soyez de retour si tôt?

Au fond de moi, j'ai envie d'ajouter: "Vous venez de tout gâcher."

J'essaie de ne pas penser à ce qu'il aurait pu se passer s'ils n'étaient pas rentrés à ce moment-là. C'est bête, mais j'ai l'impression que Matthieu en avait lui aussi envie...

– Ta mère a fait un petit malaise au bureau, rien de grave, mais elle a besoin de repos. Je l'emmène dans sa chambre. On a ramené Kath aussi au passage, pour lui éviter de rentrer en bus du collège.

La tête de ma sœur apparaît derrière la porte, ses éternels écouteurs vissés sur les oreilles.

Je n'arrive pas à croire que, dans plus ou mois deux mois, nous serons trois enfants dans la famille! Enfin, quatre si l'on compte Matthieu.

Ce dernier, d'ailleurs, s'affiche soudain derrière moi et pose ses mains sur mes épaules dans un geste tout à fait décontracté. Mon cœur s'affole mais je reste immobile, figée sur place.

– Stéphanie va au lit, annonce mon père, et moi je prépare des cookies, ça vous dit? Vous m'aidez, bien sûr, ajoute-t-il. »

J'acquiesce, un peu à contrecœur. Papa se dirige à la cuisine et, par miracle, Kath décide de s'y mettre aussi et lui emboîte le pas.

Matthieu descend alors ses mains jusqu'à ma taille et me murmure à l'oreille:

« On reprendra ça bientôt. »

Puis il dépose un baiser furtif sur ma joue et s'en va.

Je reste interdite quelques instants, seule dans le salon, encore parcourue de frissons.

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Désolée pour le retard! J'espère que ce chapitre vous aura plu même s'il est légèrement plus court que les autres :)