Un étrange hasard de circonstances

Poudlard, salle commune des Serpentard

Drago s'installa à coté de Pansy dans un coin de la pièce. La jeune Serpentard avait les traits tirés et le visage livide. Elle le parcourait de temps à autres de ses doigts fins et glacés. Ces derniers étaient agités de tremblements presque imperceptibles. Son visage fermé n'exprimait aucune émotion, mais ses lèvres étaient pincées dans un rictus indéfinissable. De grandes poches s'étalaient sous ses yeux, lui donnant une apparence cadavérique, tandis que ses cheveux couleur corbeau étaient attachés, ce qui lui dégageait le visage et lui conférait d'autant plus une allure de morte.

La salle commune était presque vide à cette heure avancée de la soirée. Les derniers élèves encore présents dans la pièce planchaient sur un devoir de sortilèges à rendre le lendemain matin. On entendait seulement le bruissement calme des feuilles tournées et le grattement frénétiques des plumes sur les parchemins.

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Pansy ne leva même pas la tête lorsque Drago prit place à coté d'elle. Pourtant, le canapé dans lequel elle était assise s'affaissa légèrement et elle sentit sans peine la chaleur qui se dégageait du corps du Serpentard. Toutefois, elle se concentra obstinément sur un reflet lumineux qu'elle percevait sur le mur. Il était vert et bleuté et se mouvait dans l'obscurité maintenant bien présente. Les ombres projetées par les torches accrochées au mur se reflétèrent un instant dans ses prunelles marron, puis elle ferma les yeux.

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Elle se sentait bizarre, comme s'il lui manquait quelque chose. Le vide l'emplissait.

« Je suis vide. Il n'y a rien. »

Ces mots résonnaient dans son esprit en une douloureuse et incessante litanie. Chaque syllabe portait son poids de sens, son fardeau de mensonge. Elle n'y comprenait rien.

Si on lui avait demandé pour quelle raison elle avait cette sensation, elle aurait probablement refusé de répondre. Cela n'aurait pas été par manque d'explications ou de spéculations. C'était simplement parce qu'elle n'avait pas envie de passer pour une folle. Qui la croirait si elle disait qu'elle avait l'impression d'avoir un trou dans la tête ?

Elle resserra doucement sa cape autour d'elle et frissonna tandis qu'elle sentait que Drago la regardait. Ses doigts furent agités de convulsions pendant quelques secondes. Elle avait envie de vomir et la tête lui tournait.

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En temps normal, la présence et le regard de Drago lui faisaient du bien. Elle avait l'impression fugace d'exister pour lui, d'être vivante. Mais en cet instant, elle éprouvait une sorte de doute envers lui, comme si elle ne pouvait plus lui faire confiance. Confiance par rapport à quoi ? Encore une fois, elle l'ignorait.

Pourtant, Pansy sentait le frisson de la trahison s'insinuer en elle et lui murmurer que le Serpentard lui mentait. Elle avait comme l'impression que le trou béant dans son esprit avait un rapport avec cette impression. Ce trou béant qui était en train de creuser un fossé dans sa poitrine meurtrie.

Drago avait toujours été l'un de ses amis. Elle l'aimait profondément, même encore maintenant, avec cette idée qui la taraudait. Pourquoi aurait-elle pu lui en vouloir ? Pourquoi ne pourrait-elle pas lui faire confiance ?

Elle ne voulait pas devenir folle. Elle ne voulait pas être possédée. Elle voulait être elle. Elle voulait que tout cela cesse. Elle voulait que plus personne ne soit malade dans l'école, pour qu'elle n'ait plus peur de sortir de la salle commune. Elle voulait aller voir Millicent à l'infirmerie. Mais elle avait peur. Millicent était malade. Elle ne voulait pas que Millicent meure. Elle ne voulait pas qu'on sache qu'elle était effrayée. Elle ne voulait pas que Drago en ait conscience et qu'il ne lui parle plus. Qu'il l'ignore.

Elle ne voulait pas que Drago voit le doute sur son visage. Ce doute cuisant qui le concernait. Alors elle préférait faire comme s'il n'était pas là. Peut-être qu'il allait finir par partir ? Elle pourrait aller se coucher. Elle était tellement fatiguée... Et puis cette tâche brillante et ces ombres sur le mur... Vraiment fascinantes.

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Drago resta près d'une heure à coté de Pansy. Il aurait voulu lui parler, mais il ne savait pas quel sujet aborder. Parfois, seule sa présence lui suffisait. Quand elle était calme, elle était de bonne compagnie. Il ne l'avait jamais trop aimée, mais il ne la détestait pas non plus. C'est juste qu'il avait toujours trouvé qu'elle manquait de quelque chose. De maturité. De profondeur. Il ne savait pas trop quoi.

Finalement, il décida de ne rien dire et d'attendre. L'inspiration lui viendrait peut-être plus tard.

Une heure.

Soixante minutes.

Trois mille six cent secondes.

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Elle ne vint jamais.

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Pansy se tourna vers Drago quand il se leva. Il n'avait pas fait de bruit, mais la chaleur de son corps s'était brusquement éloignée de la Serpentard. Leurs yeux se croisèrent un instant avant qu'il ne disparaisse dans le dortoir des garçons.

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Drago fut surprit.

Bien sûr, elle n'avait jamais eu de lueur particulière dans le regard. Mais il fut tout de même étonné de constater à quel point, ce soir là, le regard de Pansy était vide.

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Poudlard, cachots

Harry, Ron et Hermione allèrent en cours de potion, ce jeudi, avec une joie très bien dissimulée.

En réalité, Hermione était paniquée. Elle n'avait pas eu le temps de relire le parchemin sur les dix propriétés des poils de boursouflets qu'ils devaient rendre au professeur Rogue et ne cessait de ronger ses ongles avec acharnement. Elle était tellement obnubilée par son travail imparfait qu'elle avait l'air d'avoir les cheveux encore plus ébouriffés que d'habitude. Ils formaient un halo épais et presque électrique autour de son visage malade.

Par ailleurs, elle avait tellement mal à la gorge que les mots qu'elle prononçait n'étaient plus qu'une succession de grognements rauques plus trolesques les uns que les autres.

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Ron et Harry, avaient, chacun de leur coté, grommelé un vague bonjour à l'adresse de l'autre.

« Au moins, songeait la Gryffondor avec soulagement, ils ne s'ignorent plus. »

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Certains événements avaient cependant montré à Hermione qu'il faudrait un peu de temps à Ron pour accepter la relation de Ginny et d'Harry.

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En effet, elle l'avait déjà surpris dans la salle commune en train de lancer des patacitrouilles sur le couple, caché derrière un fauteuil, alors qu'ils étaient en train de s'embrasser. Hermione avait tapoté sur son épaule d'un air désolé et il avait été particulièrement confus d'avoir été surpris en flagrant délit de lynchage.

Son visage avait prit une expression boudeuse tandis que ses oreilles se coloraient de leur habituelle teinte rouge sang. La jeune fille avait fait de son mieux pour ne pas éclater de rire, tandis que Ginny, confortablement installée sur les genoux d'Harry, croquait dans une patacitrouille en faisant un clin d'œil à son frère.

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Hermione n'ignorait pas que le comportement un peu excessif de Ron auprès d'Harry et de Ginny lui permettait d'évacuer certaines choses et de ne pas penser à d'autres. Elle savait qu'il regardait souvent la tombe de Lavande au travers des vitraux de l'école. Il avait sans doute éprouvé beaucoup d'affection pour elle, et sa perte était quelque chose qu'il lui faudrait quelque temps à accepter. Hermione se dit qu'aller se recueillir sur la stèle de marbre serait peut-être la première chose qu'il ferait quand la quarantaine serait finie.

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Harry, quant-à lui, était toujours extrêmement préoccupé par la maladie qui sévissait dans l'école de magie. Il était intimement persuadé qu'il s'agissait d'un plan du Lord Noir. Cependant, il n'en avait pas reparlé depuis l'enterrement de Lavande, sans doute pour ménager Hermione et pour laisser le temps à Ron de cicatriser un peu... Bien qu'il pensa souvent que la blessure qu'il portait ne se refermerait jamais totalement.

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Hermione avait été surprise de constater les miracles que Madame Pomfresh avait faits sur le visage de Seamus. Il ne conservât que quelques vagues bleus sur la mâchoire qui s'estompèrent rapidement.

L'une de ses dents avait cependant été impossible à réparer. A cause de la violence du choc, elle avait été cassée en deux et la moitié manquante avait disparu dans le couloir où Drago et Seamus s'étaient battus.

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Un matin, Hermione avait aperçut le « cancrelat » expliquer à une fille qu'il était tombé dans les escaliers à cause d'un maléfice du croche-pied. Il lui avait narré sa chute à grand renforts de geste, mimant un spectaculaire roulé-boulé, sans omettre d'ajouter qu'il n'avait presque pas eu mal, malgré les nombreux bleus qui avaient parsemé son corps d'apollon. La jeune fille avait paru impressionnée par son courage et sa ténacité et lui avait proposé en battant des cils de l'aider à retrouver le bout de dent qui s'était cassé.

Seamus avait fixé les mollets de la sympathique jeune fille avec un sourire réjouit avant d'accepter. Hermione avait eu envie de vomir.

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A la fin du cours de potions, la salle se vida progressivement et tous les élèves sortirent dans le couloir par petits groupes, discutant de la potion de régénération sanguine qu'ils avaient concoctée pendant les deux heures. Il s'agissait d'un exercice particulièrement difficile, qui demandait dextérité et concentration. La potion devait avoir une couleur rouge sang, et seule celle d'Hermione se rapprochait de cette teinte. Celle d'Harry était rose et celle de Ron marron. Celle de Neville, quant-à elle, avait été décrétée comme « hautement dangereuse et à possibilité hémorragique » par le professeur Rogue.

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Harry, Ron et Hermione marchaient dans le couloir. Ron maugréait sur l'infime possibilité - qui resterait à jamais méconnue - qu'il avait d'avoir créé une potion de coagulation à la place d'une potion de régénération, quand la jeune fille se frappa sur le front et eut une moue désabusée. Ses deux amis s'arrêtèrent et la fixèrent d'un air interrogateur, tandis qu'elle agitait nerveusement la tête.

« J'ai oublié de parler à Rogue ! Je voulais lui dire quelque chose à propos du devoir qu'on a rendu ! » Articula-t-elle faiblement, d'une voix éraillée.

Ron leva les yeux au ciel, mais sourit timidement à Hermione, et Harry hocha la tête d'un air entendu. Les deux Gryffondor avaient l'habitude de subir des changements d'humeur d'Hermione lorsqu'il s'agissait de devoirs à rendre ou de recherches à faire. Harry jeta un coup d'œil entendu à Ron - le premier depuis plusieurs jours - puis demanda :

« Tu en as pour longtemps ? On peut t'attendre si tu veux...

-Non, c'est bon ! Je pense que ça va prendre au moins un quart d'heure... Le temps que je lui explique certaines choses... Répondit Hermione avec un rictus angoissé.

-D'accord... N'en fait pas trop Hermione. Ajouta Harry en haussant un sourcil. Tu sais que Rogue n'aime pas ce genre de trucs. Euh... On va travailler le... euh... Devoir de divination ! Tu nous retrouves dans la salle commune ?

-Oui ! Je fais vite ! Et... Harry ? Pour la divination... Évite de demander à Fred et Georges leurs parchemins de l'année précédente. »

Harry ne répondit rien et se contenta d'afficher une moue étonnée qui signifiait clairement je-ne-vois-pas-de-quoi-tu-parles. Hermione eut un sourire en coin et leur fit un signe de la main. Elle les regarda disparaitre au coin du couloir, sentant une douleur caractéristique lui serrer l'estomac.

Elle détestait leur mentir...

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A l'instant où ils ne furent plus visibles, Hermione se retourna en tremblant et parcourut rapidement le couloir, passant devant la salle de cours de potion sans y entrer. Elle espérait que Drago prendrait son temps, car c'était pour lui parler et non pas pour discuter avec Rogue de son hypothétique note qu'elle avait laissé en plan ses deux amis...

Les tableaux qu'elle croisa sur sa route lui lancèrent des regards désapprobateurs mais ne firent aucun commentaire, se contentant de la fixer.

Hermione nota mentalement « Regarder dans l'histoire de Poudlard si les tableaux peuvent lire dans les pensées. »

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Les couloirs étaient tortueux et n'en finissaient pas. Hermione eut peur qu'il soit déjà rentré dans sa salle commune. Ses pas se répercutaient et résonnaient faiblement. Elle avait l'impression d'être seule au monde et réprima un frisson qui menaçait de remonter le long de sa colonne vertébrale.

Sans qu'elle sache vraiment pourquoi, elle glissa sa main dans sa poche et resserra ses doigts autour de sa baguette magique. Ses jointures blanchirent sans qu'elle en ait conscience, serrant avec force le bout de bois ensorcelé. Drago tardait à apparaître dans son champ de vision. Où pouvait-il bien être ?

Hermione ralentit le pas, chancelante, et hésita à faire demi-tour. Elle était presque décidée, quand elle aperçut le pan d'une cape disparaitre au coin d'un couloir. Espérant qu'il s'agissait du Serpentard, de préférence peu - voire pas du tout - accompagné, elle trottina rapidement pour le rattraper.

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Elle fut satisfaite de constater qu'il s'agissait bien de lui. Il marchait nonchalamment vers les cachots. Seul. Hermione se demanda par quel miracle Pansy n'était pas pendue à son bras, lui murmurant d'une voix suave des secrets à l'oreille. Cette préoccupation la quitta cependant bien vite lorsqu'elle s'aperçut qu'il se retournait. Il l'avait sans doute entendu arriver.

Leurs yeux se croisèrent. Le visage de Drago resta impassible, jusqu'à ce qu'il lance à Hermione une œillade agacée. La jeune fille éternua vivement et vacilla. Elle savait que Drago ne voulait pas que des élèves les surprennent ensemble et ils faisaient très attention lorsqu'ils se voyaient. Elle avait conscience de son énervement et décida de faire vite. Elle s'approcha rapidement de lui, confuse. Ses yeux vitreux et rougis par la fatigue fixèrent quelques secondes le jeune homme avant qu'elle lance un imperceptible :

« Salut Drago !

-Bonjour Granger... Qu'est ce que tu fais là ? » Répondit aussitôt Drago en grimaçant, comme à chaque fois qu'il entendait son prénom dans la bouche de la Gryffondor.

Cette dernière afficha un petit sourire satisfait puis fouilla dans son sac avant de sortir une plume noire qu'elle fit tourner entre ses doigts fatigués.

« Tu as oublié ta plume à la bibliothèque hier, Drago. Chuchota-t-elle d'une voix enrouée.

-Je pense pas que ce truc vaille la peine de prendre le risque de... Enfin tu vois quoi. Rétorqua-t-il, le visage froid.

-Y'a personne ici, je pense qu'il n'y a aucun risque qu'on nous voit. Et il est important que tu ais tes affaires de cours pour pouvoir travailler ! On a plein de parchemins à rendre et je ne voudrais pas qu'à cause de moi tu n'ais pas la possibilité de rédiger un parchemin !

-Granger, j'ai des centaines de plumes dans mon dortoir, et je peux demander à n'importe qui de me donner la sienne. Répliqua Drago en haussant un sourcil désapprobateur.

-Ah oui... J'avais oublié que tu impressionnes tous tes camarades et qu'ils t'obéissent au doigt et à l'œil ! Je voulais simplement te rendre service... Je m'abstiendrai la prochaine fois. Siffla Hermione.

-T'es insupportable Granger quand tu t'y mets... »

Drago eut un sourire narquois dont Hermione ne comprit pas la signification et attrapa l'objet dans sa main, frôlant au passage de gant de peau de taupe d'Hermione. Il se recula vivement, troublé par leur contact.

« Ne t'inquiète pas, rien ne filtrera. Tu ne tomberas pas malade, soit tranquille. Je fais très attention quand je les mets le matin. » Affirma aussitôt Hermione en plissant les yeux d'un air concentré.

Elle savait que sa maladie pouvait être très contagieuse et, depuis sa dispute avec Ron, avait décidé de ne plus tenir rigueur à ceux qui n'auraient pas envie ou peur de la toucher, qui qu'ils soient.

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Drago eu une sorte de rictus crispé et marmonna quelque chose qu'elle ne comprit pas. Elle crut distinguer «comprend rien » mais n'en fut pas sûre. Il évita son regard pendant quelques secondes avant de lui glisser :

« Merci pour la plume, Granger.

-Mais de rien, Drago.

-Bonne journée, insupportable créature.

-Bonne journée, Drago. »

Hermione esquissa un sourire affaibli au jeune homme et lui tourna le dos.

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Ils allaient partir chacun de leur coté, quand ils entendirent un bruit caractéristique se répercuter dans le silence du couloir. Quelqu'un se dirigeait vers eux. En prêtant l'oreille aux pas qui s'approchaient dangereusement, ils réalisèrent brusquement qu'il n'y avait pas une mais deux personnes qui arrivaient.

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Personne ne devait les voir ensemble.

Sans trop réfléchir, Drago parcourut le couloir du regard et repéra un placard qui se trouvait à proximité. Il ouvrit immédiatement la porte de ce dernier, sous le regard interloqué d'Hermione et y jeta un coup d'œil. Il constata qu'il était remplit de balais et de serpillères à essorage automatique. Amplement suffisant pour les contenir tous les deux.

Il s'y engouffra, trébuchant sur un seau remplit de produit nettoyant de la Mère Gratesec, et tira Hermione par le poignet, la forçant à entrer à sa suite. La jeune fille réprima un cri d'étonnement et se tourna face à lui pour protester. Ses sourcils étaient froncés et son visage empreint d'un agacement non dissimulé. Souhaitant couper court à toute protestation, Drago posa sa main gantée sur la bouche de la jeune fille, étouffant une contestation naissante, et lui chuchota :

« Tais-toi ! Ils vont nous repérer ! »

Hermione ouvrit de grands yeux puis grommela sous le gant du jeune homme. Elle admit cependant qu'il avait raison et décida de ne pas discuter sa décision. Elle posa son index sur la main de Drago, au niveau de sa bouche, pour lui montrer qu'elle était d'accord. Le jeune homme retira doucement sa main, d'un air méfiant, puis lui jeta un regard entendu qui signifiait :

« Tais-toi maintenant. »

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Hermione se tourna à nouveau en direction de la porte du placard et fit mine de s'installer tandis que Drago agitait sa baguette pour que la porte se ferme sur eux. Ils gigotèrent un instant, essayant de trouver une position confortable et Hermione proféra un juron spectaculaire lorsqu'elle coinça son pied dans un seau.

Prenant sur lui pour ne pas rire, Drago l'aida à se dégager en tirant maladroitement sur sa jambe. Il fit de son mieux pour ne pas réfléchir au fait qu'il avait sa main posée sur la cuisse d'Hermione. Enfin, le pied fut extirpé d'un trait, et ils furent légèrement projetés en arrière. Le bruit du choc fut cependant amorti par les bienveillantes serpillères qui avaient été accrochées au fond du placard.

Ils gesticulèrent encore quelques secondes, puis Hermione appuya son dos contre le torse de Drago et ne bougea plus du tout. Les pas avaient cessés et semblaient s'être arrêtés à quelques centimètres du placard.

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Les deux élèves retinrent leur respiration, faisant de leur mieux pour ne pas être repérés. Hermione se frotta doucement contre Drago en essayant de se reculer le plus possible et ce dernier arrêta complètement de respirer. Les cheveux d'Hermione lui chatouillaient le nez et il devait faire de son mieux pour faire abstraction du dos d'Hermione qui n'avait de cesse de s'appuyer sur lui. Il sentit une colère caractéristique l'envahir. Pourquoi ne pouvait-elle pas se décoller de lui ?

Surtout ne pas la toucher.

« Pousse-toi un peu, Granger ! » Siffla-t-il entre ses dents.

La jeune fille essaya de se dégager en grognant quelque chose qui semblait signifier que Drago était un imbécile. Néanmoins, ce qu'elle fit fut encore pire et il dut fermer les yeux. Elle n'était plus appuyée contre lui, mais avait glissé une de ses deux jambes entre les siennes pour se tenir plus droite.

Elle était trop présente. Son parfum était prenant. Il ne sentait plus que ça. Elle était tellement près qu'il aurait pu l'entourer de ses bras, l'attirer à lui et poser sa bouche dans son cou, là où il voyait sa veine qui palpitait furieusement. Elle était vivante. Elle le tentait. Elle le torturait. Elle était complètement inconsciente de l'effet qu'elle lui faisait. Elle était en train de lui montrer un centième de ce qu'il ne pourrait jamais avoir avec elle. Le corps de Drago se tendit davantage lorsqu'elle poussa un soupir et que sa main vint frôler son bras.

Il aurait pu attraper ses doigts entre les siens, retirer son gant, toucher sa peau.

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Il ferma les yeux et fit de son mieux pour ne plus penser à elle. Il lui en voulait tellement d'être aussi tentante qu'il lui asséna, sans vraiment le vouloir, un léger coup avec son poing. Hermione étouffa un cri de douleur mêlé d'étonnement et écrasa volontairement le pied de Drago.

Torture.

Ne sachant plus que faire, le Serpentard essaya de ravaler son ressentiment. Il fallait qu'il pense à autre chose... Il fallait qu'il s'occupe...

Réalisant qu'il pouvait utiliser les deux personnes qui avaient maintenant entamé une discussion devant le placard pour penser à autre chose, il tendit l'oreille, essayant de saisir la conversation qui se déroulait au dehors. Il ignorait qu'Hermione faisait de même, pour une toute autre raison.

La curiosité.

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Les voix, au départ presque inaudibles, semblaient monter d'un ton. Rapidement, il reconnut la voix de Severus Rogue et comprit que la seconde personne était Albus Dumbledore. Son professeur de potion respectait réellement peu de personnes, et Dumbledore faisait partie de celles-ci.

Il saisit quelques mots ça et là qu'il n'arriva pas à relier entre eux.

« Severus... Enfin... Faire attention ! »

« Trop dangereux !... Risque... Mangemorts....»

« Mission... Depuis toujours... Beaucoup trop impliqué ! ...»

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Bientôt, la voix du professeur de potion devint de plus en plus forte et les éclats de voix parvinrent plus distinctement à Hermione et Drago. Il semblait qu'une tension s'était instaurée entre les deux professeurs et que le sujet du désaccord était relatif à un sujet d'une importance capitale.

Hermione s'approcha davantage du bois du placard, collant son oreille contre la paroi pour écouter plus attentivement. Drago se pencha à son tour un peu plus en avant, ignorant les douloureux élancements de son cœur.

La discussion paraissait prendre une tournure de plus en plus mauvaise et les paroles échangées étaient désormais houleuses. Dumbledore avait haussé la voix et son ton était cassant, tandis que Severus Rogue hurlait presque. Drago imagina qu'il devait être en train de faire de grands gestes, comme il le faisait lorsqu'il était en proie à une colère indicible. Après tout, il s'agissait de son parrain, il le connaissait donc un temps soit peu.

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« Vous savez bien que je suis le seul à pouvoir tirer des informations au seigneur des ténèbres à propos de ce virus ! Tempêta Rogue, arrêtant net la réflexion de Drago.

-Enfin Severus, c'est beaucoup trop dangereux ! S'il ne vous en a pas parlé avant, il se rendra compte que quelque chose n'est pas normal dans votre comportement. Lui poser des questions pourrait soulever un doute chez lui. Il pourrait découvrir ce que vous faites pour l'ordre ! S'il lui prend l'envie de lire dans vos pensées...

-S'il lit dans mes pensées, coupa Rogue avec acharnement, il ne verra rien. Je mettrais tous mes souvenirs dans la pensine et je mettrais en place des barrières plus importantes. Je suis un très bon occlumens. »

Il eu un silence plutôt long, qu'Hermione mit aussitôt à profit.

« Non. Ce n'est pas... » Souffla-t-elle a mi-voix. Elle fut interrompue par la main de Drago qui venait une nouvelle fois de lui obstruer la bouche afin qu'elle ne parle plus. Elle le sentit bouger doucement dans son dos et la chaleur qu'il lui procurait s'éloigna un peu. Quelques secondes plus tard, elle sentit son souffle parcourir son cou et remonter jusqu'à son oreille. Elle eut un frisson dont elle ne comprit pas le sens et entendit Drago lui murmurer d'une voix très sérieuse :

« Dumbledore a des capacités d'audition supérieures à la normale. Alors je t'en prie, tais-toi. »

Hermione hocha la tête. Drago relâcha aussitôt sa prise et sa main gantée quitta sa bouche pour retourner près de son corps. Au même instant, Hermione se pencha encore plus en avant dans l'espoir d'en apprendre davantage sur la situation du professeur de potion.

Cependant, elle perdit l'équilibre et commença à glisser. La porte du placard s'entrouvrit légèrement, laissant apparaître le profil du professeur Rogue.

Si les deux protagonistes de la discussion les apercevaient, ils auraient de très gros ennuis.

Ne réfléchissant qu'à moitié, Drago entoura alors rapidement la taille d'Hermione de ses bras afin de lui éviter une chute. La douleur qu'il ressentait au niveau de la poitrine s'intensifia, tandis que la tête commençait sérieusement à lui tourner. Il n'arrivait pas à réaliser qu'il était en train de la toucher, de la serrer dans ses bras et qu'il avait une raison tout à fait valable de le faire. Elle n'y verrait que du feu. En même temps, il la haïssait pour les sensations qu'elle lui faisait ressentir alors qu'il n'en avait aucune envie. Il ne contrôlait absolument pas l'effet qu'elle lui faisait. Il l'aurait bien lâchée dans l'instant s'il n'avait eu la conviction qu'il aurait lui aussi été repéré en quelques secondes.

Elle était légère dans ses bras. Il sentit les muscles de ses biceps se tendre quand la main gantée d'Hermione vint s'accrocher à son poignet pour reprendre un semblant d'équilibre.

C'en était trop.

Il la tira d'un seul coup en arrière, se projetant lui-même vers le fond du placard, pour la seconde fois.

« Fais attention Granger ! » Maugréa-t-il entre ses dents, mécontent.

La jeune fille tourna sa tête vers lui, dans la pénombre. Il pu lire sur ses lèvres un imperceptible « merci » puis devina un « désolée » avant qu'elle ne se tourne à nouveau vers la porte du placard à balais. Il était presque certain de l'avoir vu rougir. Sans doute la peur sur l'instant. Elle agita sa baguette magique dans la pénombre et la porte se referma sur eux sans un bruit, les cachant à la vue des deux professeurs.

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Il souhaitait plus que tout que Dumbledore et Rogue quittent le couloir. Il n'en pouvait plus de sentir Hermione aussi proche de lui. Il ne voulait pas qu'elle s'aperçoive de son trouble ni qu'elle continue de lui faire ça alors qu'il n'en avait pas envie. En outre, il se doutait que la situation ne devait pas être très confortable pour elle non plus mais pour d'autres raisons. Elle devait mourir d'envie de sortir du placard. Leur proximité devait la gêner parce qu'elle détestait être proche de lui.

La réflexion de Drago fut cependant à nouveau interrompue quand le professeur Rogue reprit calmement :

« Vous savez bien qu'on ne peut pas laisser la situation s'envenimer ainsi... Je suis un membre de l'ordre du Phœnix autant que vous. Et pour cela, j'ai le droit de risquer ma vie au même titre que les autres. »

La réponse de Dumbledore fut plus étouffée et plus tranquille. Encore sous le choc de ce qu'il venait d'entendre, Drago se rendit rapidement compte que le directeur et le professeur de potion poursuivaient leur discussion plus pacifiquement et qu'ils s'éloignaient dans le couloir.

Severus Rogue, son parrain et professeur de potion, était un agent double. Il travaillait pour le bien, pour l'ordre du Phœnix. Les convictions de Drago venaient d'en prendre un coup. Ainsi, les gens qu'ils respectaient choisissaient pratiquement tous de risquer leur vie au péril du bien. Pour le bien de tous. Hermione Granger et Severus Rogue. Comment cela était-il possible ? Pourquoi ? Pourquoi risquer sa vie pour des personnes qui ne sauront peut-être jamais ce que vous avez fait pour essayer de les sauver ? Qui saurait que son parrain était pour le bien s'il mourrait en plein milieu de la guerre ?

Comment choisit-on d'être bon ? L'est-on au départ ?

Qui suis-je ?

La question tourna dans l'esprit de Drago jusqu'à devenir une sorte de slogan qui se répéta encore et encore. Pour la première fois de sa vie, pendant quelques secondes, Drago Malefoy envisagea de changer de camp et de faire partie de ceux qui haïssait Voldemort.

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Lorsqu'elle fut certaine que Severus Rogue et Albus Dumbledore étaient partis, Hermione poussa la porte du placard et en sortit prestement, les joues rougies. Elle jeta un regard en coin à Drago, évitant de le regarder dans les yeux. Ce dernier s'extirpa lentement, secouant et époussetant sa robe de sorcier. Il ne lui jeta pas un regard et fixa ostensiblement un point qui se trouvait derrière la jeune fille. Ils laissèrent passer quelques secondes. Enfin, le Serpentard prit la parole d'une voix qui se voulait assurée et prononça :

« On est bien d'accord Granger, on ne parle de personne de ce qu'on vient d'entendre.

-Pourquoi ? Je ne peux pas le dire à Ron et Harry ? Argumenta Hermione, étonnée. Je pense qu'ils pourraient le savoir ! Je ne suis pas obligée de dire que j'étais avec toi et...

-Je pense que si Potter devait le savoir, Dumbledore lui aurait déjà dit. »Avança Drago, très sérieux.

Hermione ouvrit la bouche, puis la referma, mécontente. Elle s'apprêta à le contredire, mais trouva qu'il y avait un fond de vérité dans ses paroles. Dumbledore confiait beaucoup de choses à Harry.

« Il l'apprendra sans doute en temps voulu... » Soupira-t-elle, hésitante, pour se convaincre.

Drago hocha la tête, puis son regard métallique rencontra celui d'Hermione. Un instant, ils ne dirent plus un mot. Enfin, le Serpentard rompit leur contact visuel en lui tournant le dos. Elle l'entendit murmurer :

« Il faut vraiment que j'y aille, Granger. »

Puis il disparut au coin du couloir.

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Poudlard, chambre de Lucius Malefoy

Le père de Drago prit sa tête entre ses mains. Il resta immobile pendant quelques secondes. Ses longs cheveux étaient détachés et vinrent caresser son visage, qui devint moins visible. Il était impossible de discerner la déformation pourtant bien présente de sa bouche, tordue par l'énervement.

Brusquement, il donna un violent coup de pied dans la patte de la table. Cette dernière craqua violemment et s'effondra légèrement sur le coté. Ne prenant même pas la peine de constater les dégâts pour les réparer, le père de Drago se leva et commença à arpenter rapidement la pièce.

Il était très rare que Lucius Malefoy perde son sang froid. A vrai dire, cela ne lui était arrivé que trois fois dans sa vie.

La première fois, c'était quand la médicomage qui avait accouché Narcissa avait fait une erreur qu'il n'avait jamais vraiment comprise et lui avait annoncé que Drago était une « magnifique petite fille ». Elle s'était bien vite ressaisit, mais avait subit une punition cuisante dont elle se souvenait encore aujourd'hui... Lucius voulait vraiment un héritier mâle à cette époque.

La seconde fois, c'était quand il avait apprit que Voldemort était toujours vivant. Il n'avait pas été en colère à cet instant, mais avait faillit s'évanouir. Sa femme se remémorait encore souvent la pâleur de son visage et l'expression de détresse qu'elle avait vu se peindre sur ses traits. Il s'agissait de la seule et unique fois où elle l'avait vu paniquer.

La troisième fois, c'était il y a deux jours, lorsque Pansy Parkinson était venue lui annoncer que Drago était probablement attiré par une sang de bourbe. Et pas n'importe laquelle. La meilleure amie d'Harry Potter, le survivant. Pour cette fois-ci, Lucius était à mi-chemin entre la rage et la peur.

Il était en colère contre son fils, Drago, qui avait osé fricoter et se laisser attirer par une fille comme elle... Mais son estomac se tordait douloureusement à la seule pensée que cette fille puisse faire changer son fils de camp... Et ainsi lui promettre une mort certaine et un avenir désastreux, loin de la noblesse de sang pur dont il était issu.

Il ne pouvait se permettre de laisser les choses se passer de cette manière. Essayant de réfléchir posément, il inspira et frotta machinalement son pied devenu douloureux à cause du choc dans la table.

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Oui... Avant toute chose, il lui fallait s'assurer que Pansy Parkinson avait raison.

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