Les apparences sont trompeuses

Poudlard, bibliothèque

Pansy Parkinson n'avait jamais été une grande adepte de la bibliothèque de Poudlard. Elle éprouvait même une aversion qui tenait presque de l'obsession pour ce lieu.

Pourtant, lorsqu'elle poussa les portes de l'imposante pièce, elle sut qu'elle trouverait les réponses qu'elle cherchait dans cet endroit même. Elle inspira de soulagement, et sentit la tête lui tourner. Elle détestait profondément l'odeur des livres. Elle ignorait comment certaines personnes dont elle ne citerait pas le nom pouvait aimer et apprécier un temps soit peu ce parfum. Elle soupira d'exaspération et se dirigea automatiquement vers le rayon « sortilèges », dans un silence oppressant, traînant des pieds avec une grâce peu commune.

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Elle jeta quelques regards inquiets par-dessus son épaule afin d'être certaine que personne ne la suivait. Elle ne voulait pas être découverte en train de flirter avec la connaissance. Ca aurait été une honte. Travailler... Pourquoi faire quand on a le monde à ses pieds ?

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L'exaspération la gagna. Elle se sentait toujours comme vide à un endroit en particulier. Elle ne savait pas à qui poser les questions qui tournoyaient dans son esprit embrumé sans passer pour une folle. Madame Pomfresh l'aurait sans doute auscultée, prédisant une réaction au virus mortel avec une prédisposition aux problèmes mentaux. Le professeur Rogue l'aurait fixée comme si elle était stupide et lui aurait dit qu'elle lui faisait perdre son temps... Et Drago ne lui aurait accordé aucun regard, préférant la laisser se débrouiller toute seule, probablement même se riant d'elle et de sa stupidité.

La seule personne à qui elle pensait pouvoir faire confiance et révéler certaines choses était en ce moment même couchée sur un lit à l'infirmerie. Elle n'avait pas donné signe de vie depuis des jours entiers et était plongée dans un coma si profond que Pansy doutait qu'elle survive encore longtemps.

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L'élève de Serpentard fit de son mieux pour se concentrer sur les lourds volumes soigneusement rangés devant elle et planta ses ongles manucurés dans la paume de sa main. Elle ne devait pas penser à Millicent maintenant. Elle devait avant tout comprendre ce qui était en train d'arriver à son cerveau. De toute façon, elle ne pouvait plus faire grand-chose pour son amie maintenant qu'elle n'ouvrait plus les yeux...

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Jetant un coup d'œil rapide aux reliures de cuir usées, Pansy les énuméra dans sa tête, cherchant obstinément un titre accrocheur qui correspondrait à son problème. Elle lu ainsi : « Sortilèges les plus communs » « Changer le monde en un coup de baguette » « Problèmes conjugaux et solutions pour y remédier » « Expelliarmus, un sortilège de défense pas si innocent » « Résoudre ses problèmes mentaux sans l'aide d'un psychomage » « Histoire des sortilèges en France » « Changer une grenouille en prince, une solution à la déprime ? » « Petits bobos et grosses affections : comment un sortilège peut changer votre vie »...

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Prise d'une soudaine inspiration, Pansy stoppa net ses investigations et saisit le livre dont elle venait le lire le titre.

Il lui parut extrêmement lourd et abîmé et pesa plus qu'elle ne l'imaginait dans ses bras. L'attrait que le lieu avait pour elle en devint encore plus restreint, et elle se dépêcha de parcourir les quelques mètres qui la séparaient de la table la plus proche. Elle voulait à tout prix quitter ce lieu au plus vite. Elle s'installa rapidement une chaise, grognant à cause de la dureté du bois, et ouvrit brusquement l'ouvrage, faisant craquer la couverture.

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Elle ne voulait pas paraître paranoïaque, mais était persuadée que quelqu'un lui avait jeté un maléfice.

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Elle tomba rapidement sur la table des matières, bien fournie, et inspecta avec attention la liste des symptômes qui étaient traités dans l'imposant volume : Les pustules luminescentes, les éternuements à paillettes, les vomissements de limaces intempestifs, les crises de larmes de sang ininterrompues, les pertes de mémoires récurrentes, la sensibilité olfactive démesurée, l' asthme exponentielle, les fourmis dans et sur les pieds à répétition, l'intolérance aux dragées surprise au citron et enfin les démangeaisons sans piqûres aucunes.

Pansy leva le visage du livre après avoir lu deux fois chaque intitulé. Ses yeux n'exprimaient rien, mais si on la connaissait un peu, on aurait pu apercevoir une once de désespoir sur ses traits aristocratiquement déchus. Il n'y avait aucune information intéressante dans ces pages cornées.

Au fond d'elle, Pansy avait l'impression que le vide qui l'habitait n'en finissait plus de se creuser et de prendre une place indéfinissable. L'issue n'était pas loin, et pourtant, elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Il y avait forcément une explication... Et elle devait se trouver dans cette bibliothèque. Où était donc cette fameuse solution qui allait lui permettre de se remettre sur pieds ? D'être certaine qu'elle n'était pas en train de sombrer dans la folie ?

La jeune fille soupira et se leva paresseusement. Ses traits se crispèrent un instant, et son visage livide laissa transparaître l'angoisse qui l'habitait. Elle laissa le livre ouvert à la page du sommaire, et abattue, parcourut une nouvelle fois le rayon « sortilèges ».

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Poudlard, bibliothèque

Hermione et Drago étaient installés à une table au fond de la pièce, comme à leur habitude. Chacun avait apporté ses propres cours et travaux à réaliser. Ils avaient étalés de nombreux ouvrages sur la table et Hermione avait les doigts couverts d'encre. Elle travaillait ardemment sur un projet de défenses contre les forces du mal qui consistait à mettre en œuvre un charme du bouclier automatique, tandis que le Serpentard rédigeait paresseusement huit parchemins sur l'influence des saisons dans l'utilisation de la métamorphose au quotidien.

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Les journées étaient courtes en ce début de janvier, et il faisait déjà sombre. Hermione leva un instant le visage de ses notes, fronçant les sourcils pour y voir plus clair. Les mots semblèrent effectuer une danse particulièrement saccadée devant ses yeux fatigués. Elle sentit un doux mal de tête frapper contre ses tempes. Elle avait sans doute déjà beaucoup travaillé pour le moment. Peut-être devait-elle faire une pause ?

Farfouillant dans ses cheveux désordonnés, elle jeta un regard en coin à Drago, qui ne sembla pas s'en apercevoir. Il était plongé dans une lecture très sérieuse et ses yeux passaient rapidement d'un mot à l'autre. Sa main effectuait un mouvement concentrique sur la couverture du livre à la reliure verte qu'il tenait : s'il stoppait son mouvement, l'ouvrage se mettait systématiquement à hurler à la manière d'un damné.

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Hermione s'appuya un instant contre le dossier de sa chaise et frotta ses yeux endoloris. Elle avait envie de les fermer et devait faire un effort considérable pour empêcher le sommeil de la submerger. Sa respiration était sifflante depuis le début de la journée, et respirer lui demandait un effort considérable. Son nez la chatouilla alors qu'elle cédait enfin à la tentation de clore ses paupières. Elle retint un éternuement sonore et laissa son esprit vagabonder quelques secondes, se remémorant les dernières semaines.

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A la fin du mois de décembre, Hermione n'avait pas vraiment eu envie de fêter la nouvelle année qui s'annonçait. Elle était passée rapidement dans la grande salle le trente et un au soir, sans s'attarder. Elle était vêtue très simplement d'une robe noire qui lui arrivait en dessous du genou. Elle s'était drapée d'un long voile sombre et légèrement transparent. Les robes avaient, une fois encore, étaient métamorphosées par les professeurs Flitwick et Mc Gonagall. Elle n'avait pas cherché à rendre son apparence extraordinaire, étant donné son humeur. Néanmoins, elle avait attiré le regard d'un homme en particulier, sans en avoir conscience... Comme d'habitude.

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Hermione n'avait rien à fêter. La mort de Lavande peut-être ? Ou le fait d'avoir des migraines à répétitions depuis qu'un virus était venu changer sa vie? Quoi que le fait d'avoir la sensation de sentir son monde s'écrouler sous ses pieds aurait pu être une possibilité toute aussi réjouissante.

Elle n'avait pas voulu rester après minuit, et avait violemment refusé l'invitation à danser qu'un Seamus éméché était venu lui proposer. Elle était montée se coucher et avait rêvé toute la nuit que Lavande Brown pleurait en disant que sa robe de soirée s'était décomposée en même temps que son corps.

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A la place de la soirée du nouvel an, Hermione avait préféré utiliser son énergie pour faire des recherches sur le virus. Elle avait décidé de refaire un inventaire de tous les livres de la bibliothèque qui pourraient se révéler intéressants et de les consulter une nouvelle fois, un par un. Elle avait également obtenu du professeur Mc Gonagall une autorisation spéciale pour demander à se faire livrer des ouvrages de chez Fleury et Bott dans un délai assez court et à un tarif réduit. Tous ses bons de commandes avaient été désinfectés par le comité de radiation des virus magiques et ses livres n'étaient pas arrivés tout de suite. Elle avait du attendre une bonne semaine avant de pouvoir les consulter.

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Hermione ne souhaitait pas dire à Drago qu'Harry, Ron et elle travaillaient sur le virus. Elle lisait donc ces livres lorsqu'elle n'était pas en sa compagnie. Le plus souvent, elle s'installait sur son lit et étalait tous les livres dessus, ouvrant des pages, prenant des notes, maugréant lorsqu'elle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait et se couchant tard le soir.

D'autres fois, elle s'enfonçait dans un fauteuil moelleux de la salle commune pour consulter les ouvrages. Elle essayait de les avoir tout le temps sur elle. Elle avait lancé un sortilège de réduction à certains d'entre eux afin de pouvoir les glisser constamment dans son sac de cours.

Enfin, il lui arrivait également de s'installer dans la salle sur demande avec Harry et Ron. Dans ces cas là, elle leur donnait une pile de livres chacun avec une liste de choses à vérifier et à rechercher dans les lourds volumes. Ils passaient souvent de longues heures ainsi, s'abîmant inlassablement les yeux sur des pages racornies dans le silence réconfortant de la salle sur demande.

Hermione avait presque l'impression d'être dans un autre monde, entourée de ses deux amis. Un monde où ils étaient seulement tous les trois, ensemble, passant de bons moments. Seuls les titres accrocheurs des livres la ramenait à la réalité et la faisait réfléchir sur le virus qui sévissait dans l'école.

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Entre autres choses, passer du temps avec Drago permettait à Hermione de penser à autre chose. En effet, elle était tellement obsédée par le virus qu'elle en rêvait même la nuit.

Elle se voyait souvent prisonnière d'une immense boule en verre, tournoyant sur elle-même jusqu'à en avoir le tournis, tandis qu'Harry et Ron la regardait en murmurant de concert : « Tout est ta faute, tu dois vomir ».

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Hermione grimaça en repensant à ce songe révulsant et poussa un soupir à fendre l'âme. Le son qu'elle produisit fut plus audible qu'elle ne l'aurait pensé, et Drago releva la tête de son parchemin. Il afficha un sourire narquois qui s'élargit davantage devant l'air gêné de la Gryffondor.

« Alors Granger, on se plaint ? Ricana-t-il d'une voix traînante, abandonnant momentanément sa lecture.

-Drago, tais-toi un peu tu veux ? Tu n'imagines pas à quel point j'étais tranquille quand tu ne parlais pas. Retourne travailler ta métamorphose... Tu en as besoin. Ca te fera le plus grand bien. Répliqua Hermione avec un regard éloquent.

-Je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi... Ni de personne d'ailleurs. J'estime avoir tout à fait le droit de te pourrir la vie si je pense que c'est nécessaire à mon bien-être. » Répondit calmement Drago, stoïque.

Hermione entreprit de s'agiter sur sa chaise, oubliant temporairement l'histoire du virus pour se focaliser sur son voisin de table qui commençait sérieusement à l'irriter.

« Je vais sévir si tu n'arrêtes pas, Drago. Siffla-t-elle en plissant les yeux.

-Vraiment ? J'en tremble. Je me demande ce que tu m'as concocté... Tu vas m'éternuer dessus ? Je suis transi de peur, Granger. » Répliqua Drago en levant un sourcil moqueur.

Excédée, Hermione songea que le Serpentard méritait une bonne leçon. Elle réfléchit rapidement, échafaudant mille et une possibilités qui pourraient lui permettre de clouer son bec insolent. Finalement, elle décida de faire comprendre le mot « ennuyer » à l'impertinent jeune homme. Elle se pencha en avant et saisit le trousseau de clé de Drago, sous son regard surpris. Elle le fit alors pendre devant le nez du Serpentard avec un sourire radieux et effronté.

« Rend-moi ça, Granger, ne joue pas à ça avec moi ! Il y a les clés du local de Quidditch sur ce trousseau ! Si tu les perds je ne pourrais pas être le capitaine de l'équipe après la quarantaine ! Grogna Drago en tendant une main impatiente.

-Allons, allons Drago ! Il faudrait que tu me promettes d'arrêter de commenter tous mes faits et gestes pour ça. Tu n'as pas l'air prêt à le faire... N'est-ce pas ? Répondit Hermione avec hochement de tête enfantin.

-Granger...

-Malefoy ? Répondit Hermione innocemment.

-Donne-moi-ce-trousseau !

-Euh... Non ! J'ai pas envie... »

Drago étendit alors brusquement le bras, un rictus mi-amusé mi-agacé sur le visage, et saisit le poignet d'Hermione. Cette dernière fit de son mieux pour que les clés ne soient pas à portée du jeune homme. Ils commencèrent à gesticuler. Hermione étouffa un rire.

Le premier depuis des jours.

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Leur posture commençait à avoir une apparence plutôt cocasse, quand, tout à coup, Drago vit les yeux d'Hermione s'agrandir. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. A la place, ses joues prirent une teinte rose soutenue. Sa main trembla sous la poigne de Drago. Elle fixait quelque chose derrière le Serpentard. Ce dernier voulut se retourner et identifier ce qui semblait effrayer la jeune fille.

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Cependant, avant qu'il ait pu faire un geste, il entendit une voix. Sa voix. Elle s'éleva, grave, sévère, impérieuse et menaçante, faisant planer un silence particulier dans la section de la bibliothèque où ils se trouvaient. Le Serpentard se sentit oppressé par l'atmosphère qui régnait et réprima un tremblement qui commençait à agiter sa main droite.

« Drago... Qu'est ce que tu fais avec cette sang-de-bourbe ? »

Drago inspira. Hermione le regarda, interloquée, puis reporta de nouveau son attention sur le père du jeune homme. Elle ne réagit même pas à l'insulte qui avait été prononcée à son égard, trop abasourdie pour savoir comment réagir. Elle se contenta de fixer Lucius Malefoy dont les pupilles grisées, semblables à celles de Drago, vrillaient ses yeux marron et étonnés.

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Drago savait qu'il devait prendre une décision et jouer le jeu maintenant, avant que les choses n'empirent. Son père ne devait absolument pas savoir qu'Hermione et lui se voyait régulièrement. Il devait conserver la confiance que Lucius Malefoy avait en lui. Sinon, il pourrait l'obliger à rentrer au manoir par un moyen détourné... Une cheminée mal réglée par exemple.

Ou pire encore, il pourrait faire en sorte qu'il arrive quelque chose d'irréparable à Hermione.

Dans les deux cas, elle serait dans une mauvaise posture. S'il retournait au manoir Malefoy, il n'aurait plus aucun moyen de veiller sur elle s'il advenait quelque chose de malencontreux dans l'école. Et si quelqu'un s'en prenait à elle...

Il ne pouvait pas permettre qu'une chose pareille arrive.

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Drago tira sur le bras de la Gryffondor et serra son poignet avec force. Aussitôt, la jeune fille grimaça de douleur et tenta de se dégager tant bien que mal en tordant son bras dans tous les sens. Estimant qu'il valait mieux rester discrète sur le fait qu'elle appelait le Serpentard par son prénom, elle grogna :

« Lâche-moi ! Tu me fais mal, Malefoy ! »

Drago ne desserra pas sa prise pour autant et plongea ses iris gris et glacés dans ceux d'Hermione. Elle y lut une froideur dont elle avait presque oublié l'existence. Un frisson parcourut son dos douloureux. Tandis qu'elle faisait de son mieux pour échapper à la main puissante de Drago, la voix de Lucius Malefoy reprit, presque mécanique :

«Drago, je t'ai demandé ce que tu étais en train de faire avec cette... Cette fille.

-Je la torture, pourquoi ? Il me semble que c'est flagrant pourtant. J'ai mes gants en peau de taupe, je ne vois pas pourquoi ça poserait un problème, je suis parfaitement protégé. Je croyais que j'avais le droit de m'en prendre aux créatures pitoyables comme elles. Auriez-vous changé d'avis à ce sujet, père ? Rétorqua Drago avec nonchalance, tenant toujours le poignet d'Hermione avec fermeté.

-Je... Hésita son père, visiblement déstabilisé par l'aplomb du Serpentard. Pourquoi es-tu assis en face d'elle à cette table ? »

Drago eut un ricanement et orna son visage d'un sourire satisfait, tirant un peu plus sur le bras d'Hermione qui se retrouva couchée en travers de la table. Elle siffla une insulte cuisante à Drago qui l'ignora, continuant de discuter tranquillement avec son père :

« Parce que j'étais installé là avant elle, et qu'elle à trouvé bon de s'asseoir en face de moi. Je ne sais ce que vous en pensez père... Ajouta-t-il en fronçant les sourcils, mais il me paraissait important qu'elle comprenne que je n'avais pas à me déplacer. J'étais là avant elle. Et... Elle n'a pas trouvé d'autre moyen que de me contredire. Donc... J'ai décidé qu'elle méritait une punition. »

Drago avait récité ces mots comme une leçon parfaitement apprise et espéra que cela suffirait à calmer les soupçons de son père.

Lucius Malefoy et son fils se dévisagèrent pendant de longues minutes, aussi impassible l'un que l'autre. Drago s'était légèrement tourné pour faire face à son père, tenant toujours le poignet d'Hermione qui grimaçait de douleur mais ne prononçait plus un mot, absorbée dans ses pensées. Puis, brusquement, Lucius Malefoy cilla et détourna ses yeux, portant une attention toute particulière à un vitrail qui représentait un dragon. Drago lâcha alors le bras d'Hermione, et, sans un regard pour elle, se leva paresseusement.

« J'imagine que je n'ai plus rien à faire ici... » Soupira-t-il avec dédain.

Il rassembla rapidement ses affaires, les fourrant dans son sac sous l'œil critique de son père et partit à ses cotés, sans se retourner.

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Les choses auraient pu en rester là. Ca aurait été simple.

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Hermione aurait simplement pu estimer que Drago la détestait comme avant et qu'il était le dernier des imbéciles... Qu'il n'avait jamais eu aucune estime pour elle et ce depuis toujours, qu'il se moquait d'elle ouvertement et qu'il avait fermement pris en main cette possibilité de l'utiliser et de lui faire du mal... Et, bien évidemment, qu'il lui avait parlé simplement dans le but de la détruire après avoir fait en sorte qu'elle s'attache à lui.

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Oui, mais voilà, Hermione avait compris. Elle ne savait absolument pas pourquoi. Elle ne savait pas non plus comment...

Mais elle savait que Drago avait mentit à son père dans son intérêt à elle. Elle sentait qu'il n'avait pas l'intention de lui faire du mal et que s'il avait vraiment voulu la blesser, que se soit physiquement ou psychologiquement, il aurait pu faire bien mieux. Il avait tellement de ressources dans ce domaine qu'il ne pouvait en être autrement. Il ne lui avait pas fait mal volontairement. A la réflexion, même son poignet ne conservait qu'une légère trace rouge. Elle n'avait pas de bleu, ce qui était plutôt inhabituel lorsqu'on prenait en compte la force particulière que Drago avait dans les mains.

Le ventre d'Hermione se serra étrangement.

Il avait mentit à son père. Pour elle. Il avait pris le risque d'être découvert et d'en subir les conséquences. Pour elle.

Il devait savoir que son père pouvait débarquer à tout moment dans la bibliothèque. Et pourtant... Pourtant, il n'avait jamais demandé à ce qu'ils ne se voient plus, il n'avait jamais réclamé à changer d'endroit. Il avait assumé le fait qu'ils se voyaient jusqu'au bout, et il était prêt à l'assumer à sa manière si quelqu'un venait à le découvrir. C'était ce qu'il avait fait.

Et c'est ainsi qu'elle comprit la chose la plus improbable de son existence.

Drago Malefoy la protégeait, elle, Hermione Granger.

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Poudlard, grande salle

Hermione, Ron et Harry étaient assis à la table des Gryffondor. Le rouquin et le survivant discutaient un peu plus que les semaines précédentes, bien que les mots de Ron soient souvent mâchés et indistincts et qu'il ait une forte tendance à éviter le regard d'Harry, qui ne paraissait pas lui en tenir rigueur.

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Hermione, contrairement à son habitude, avait été plongée dans ses pensées toute la soirée. Elle n'avait pas participé à la conversation que ses deux amis avaient lancée sur l'option « voltige » du cours de vol sur balai qu'il serait possible de prendre pour les ASPIC, une fois la quarantaine terminée. Un message d'espoir, avaient dit certains...

Harry était fortement intéressé à cause de ses lacunes en potion, mais également en raison du caractère passionnant que la matière avait pour lui. Ron quant à lui, envisageait plus que sérieusement d'y réfléchir afin de mettre toutes les chances de son coté. Ses difficultés croissantes en divination et son aversion pour les cours de soins aux créatures magiques ne lui étaient, en effet, d'aucun secours.

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Hermione n'avait pas non plus réagit lorsque Ginny était arrivée et qu'elle avait embrassé Harry à pleine bouche sous le regard médusé de Ron qui avait alors fait mine de vomir dans son assiette. Cela lui avait valut une petite tape chaleureuse sur la tête de la part de sa sœur, qui l'avait fait devenir aussi rouge qu'une pivoine.

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En réalité, Hermione n'avait de cesse de penser à la scène qui avait eu lieu plus tôt dans l'après-midi à la bibliothèque. Elle n'osait pas jeter le moindre regard vers la table des Serpentard. C'était la première fois que ça lui arrivait... Et pourtant, elle ne pouvait pas arrêter de voir et de revoir ce moment crucial où elle avait comprit que Drago était en train de la protéger de son père et qu'il mentait pour elle.

Elle n'avait jamais envisagé qu'il puisse ressentir le moindre sentiment de ce genre à son égard, ni qu'il ferait ce genre d'acte pour elle.

En fait, Hermione imaginait qu'il éprouvait sans doute une émotion qui s'apparentait à l'amitié envers elle, et cela lui procurait un certain confort. Elle se sentait rassurée dans sa décision de lui avoir accordé partiellement sa confiance et d'avoir accepté de passer du temps avec lui. Il ne se moquait pas d'elle. Il était sérieux, il respectait ses engagements. Et... Il fallait bien qu'elle se l'avoue, elle n'arrivait pas à comprendre comment elle, Hermione Granger, avait réussit à se faire voir autrement que comme une simple sang de bourbe par le grand et pédant Drago Malefoy.

Pourquoi l'image qu'il avait d'elle avait-elle évolué ? Pourquoi n'avait-il plus cette lueur de dégoût dans le regard quand il posait ses yeux sur elle ? Une légère rougeur vint colorer les joues - déjà rosies par la fièvre - d'Hermione. Elle n'avait même pas fait attention aux modifications de son attitude au cours des derniers mois elle qui, d'habitude, était si observatrice.

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Le comportement d'Hermione n'avait pas échappé à Harry. Il songea qu'il était impératif qu'il lui parle... Les choses commençaient à devenir étrange du coté de son intelligente amie. Cela avait-il un lien avec Seamus ? Il avait entendu des filles discuter d'un prétendu baiser qui aurait eu lieu le soir de Noël... A l'exact endroit où lui et Ginny avaient échangés le leur.

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Hermione avait ainsi arboré un inhabituel regard rêveur une bonne partie de la soirée. Cependant, elle avait daigné relever son visage blafard de son assiette quand Dumbledore s'était levé, l'air grave.

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Et Hermione sut.

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Elle se douta instantanément de ce qu'il allait dire, encore. Il s'agissait forcément de quelque chose qui avait un rapport avec le virus, et il n'était pas possible que ce soit quelque chose de positif. Elle le sentait. Les choses tournaient tellement mal actuellement que c'était obligatoirement un événement négatif.

Un frisson remonta vivement le long de son bras, parsemant sa peau de chair de poule. Elle trembla et repoussa sa chaise loin de la table. Le grincement qu'elle produisit fut à peine perceptible aux oreilles de la jeune fille. Elle se sentait extrêmement mal, comme si elle avait s'évanouir. Harry et Ron, qui se trouvaient à coté d'elle, avaient le visage flouté, comme si ses yeux marchaient mal. Elle avait l'impression de les voir bouger au ralentit.

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Elle voulait se lever, partir. Mais elle en était incapable. Elle n'arrivait plus à bouger. Son regard était fixé sur le directeur de l'école déchue. L'une des plus grandes écoles de sorcellerie, qui aujourd'hui comptabilisait deux morts.

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Elle ne fit aucun geste lorsqu'il agita ses bras d'un air las, embrassant la salle du regard. Elle n'arriva pas à mouvoir ses jambes lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler. Elle resta inerte, impuissante.

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Sa concentration était de plus en plus réduite. Elle ne comprit que la moitié des mots qu'il prononça. Elle n'écoutait que d'une oreille. Pourtant elle perçut, malgré elle, quelques mots qu'elle ne voulait pas entendre. Ils la percutèrent, un peu à la manière d'une claque ou d'un coup de poing.

Au final, cela lui fit presque l'effet d'un électrochoc. Elle avait l'impression que son cœur s'était soulevé de lui-même, dans un bond tragique, avant de reprendre sa place comme si de rien n'était.

L'horreur la submergea en même temps que la fatigue et le doute, la peur. Elle doutait de l'avenir. Elle voulait se battre de toutes ses forces. Elle faisait de son mieux pour lutter.... Mais en cet instant, c'est comme si quelque chose de particulièrement puissant et indépendant de son corps essayait de lui faire jeter les armes. Comme si elle allait abandonner maintenant. Comme si les mots de Dumbledore étaient insupportables...

Aussi insupportables que les grilles du parc, fermées pour les empêcher de sortir vers l'extérieur, autant que ces portes de bois si lourdes et verrouillées, comme si elles n'allaient jamais se rouvrir... Autant que Lucius Malefoy, hautain, plein d'arrogance du haut de sa cupidité et de son sang-pur, déblatérant des mots sans queue ni tête qui venaient s'échouer dans l'esprit embrouillé d'Hermione.

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« Millicent Bulstrode, l'élève de Serpentard qui a contracté le virus il y a quelques semaines, est décédée dans le courant de cet après-midi. Nous n'allons pas pouvoir l'enterrer décemment, bien que nous le souhaitions ardemment. Nous n'avons pas le choix. Deux nouveaux cas de virus se sont déclarés aujourd'hui. La période d'incubation approximative indiquée par les agents du comité de radiation des virus magiques indique que ces deux personnes ont peut-être été contaminées lors de l'enterrement de Mademoiselle Brown. Nous ne connaissons absolument pas les moyens de propagation à l'extérieur de l'école, qui rappelons le, est pourvue d'une barrière magique d'une grande puissance. Je suis navré pour les amis de Mademoiselle Bulstrode, et pour ceux de Monsieur Ardwick et de Mademoiselle wussy. Nous allons redoubler d'efforts en ce qui concerne la sécurité des l'école et la votre. Je vous en prie, soyez prudents... gants en peau de taupe... vigilance... contacts physiques... éviter... »

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Hermione détourna le regard, incapable d'en entendre plus. Elle reporta son attention sur son assiette d'un air éteint. Elle sentit la main d'Harry lui caresser le dos et s'aperçut qu'elle pleurait seulement au moment où elle vit ses larmes s'écraser dignement sur sa tarte à la mélasse.

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Poudlard, bibliothèque

La journée avait été longue pour Pansy Parkinson. Elle avait même été si fatigante qu'elle avait eu des hallucinations, persuadée d'avoir entendu Drago parler lorsqu'elle était dans la bibliothèque. Son ton de voix était reconnaissable entre mille. C'était bien sûr une chose impossible étant donné qu'il nourrissait une aversion particulièrement tenace envers la bibliothèque.

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Exténuée par ses recherches infructueuses, la jeune fille s'était endormie, la tête posée sur l'un des livres qu'elle consultait. Elle n'avait même pas eu le temps d'aller manger dans la grande salle, dans une espèce de caricature un peu malsaine et grotesque d'Hermione Granger. Madame Pince n'allait sans doute pas tarder à la réveiller, étant donné l'heure tardive. D'ailleurs, elle était occupée à fermer une fenêtre.

Le courant d'air que celle-ci produisit en se fermant agita doucement les pages du livre le plus proche de Pansy, tandis qu'elle étouffait un soupir dans son rêve. En y regardant de plus près, l'ouvrage en question était le premier qu'elle avait consulté ce matin là. Il vit ses pages se tourner une à une, avec quiétude, puis rester finalement ouvertes sur un nouveau chapitre dont le titre était « pertes de mémoire récurrentes ». Un sous titre s'affichait en dessous, en lettres dorées, luisant faiblement dans la pénombre : « le maléfice d'oubliettes, des impacts plus profonds qu'on peut l'imaginer sur l'esprit. »

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