L'amour et la haine
On dit souvent qu'entre l'amour et la haine, il n'y a qu'un pas. Combien ont franchit ce pas ? Il est impossible de connaître le nombre exact de personnes qui, subitement, ont laissé la colère faire place à la tendresse. A quel point cette distance est-elle faible ? Lorsque cette question se pose, une autre surgit... L'amour n'était-il pas là depuis le début ? La haine a-t-elle simplement existé ?
Le retour dans la salle commune des Serpentards fut plutôt morose pour Drago. Le silence qui régnait dans les couloirs, pendant que les élèves marchaient cote à cote, attestait du sentiment que tous ressentaient. La peur. Crabbe et Goyle ne cessaient de frissonner, ce qui provoquait régulièrement un haussement de sourcil narquois de la part de Drago. Ridicule. Amusé du comportement de ses congénères, Drago se dit que Pansy, qui était effrayée pour un rien, devait être complètement paniquée. Drago la chercha du regard. Il ne la trouva pas tout de suite car elle était en retrait, chose étrange étant donné ses habitudes plutôt extraverties. Son nez porcin était légèrement plissé. Son regard vide était fixé sur un point au loin et sa bouche entrouverte fit comprendre au jeune homme qu'il se produisait un fait hors du commun. Pansy Parkinson pensait (bien que cela se produisait rarement, en général, lorsqu'elle prenait le temps de mettre une réflexion en place, celle-ci se révélait globalement satisfaisante). Pour que Pansy se mette à réfléchir, il fallait que quelque chose la perturbe. Que des événements la surprennent. Quelle soit perdue. Ou qu'elle soit énervée.
Bien sûr pour elle, tout avait toujours été simple. Née de deux parents sorciers... Sangs-purs depuis des générations... Tout ceci faisait d'elle une personne qui ne craignait ni le mal, ni le bien. Pour elle, tout avait toujours été clair : les sangs purs sont respectés par tous les autres. Parce que les sorciers qui n'ont rien de particulier ont peur. Leur terreur est presque palpable. Une horreur insidieuse, qui prend à la gorge et qui finit par étouffer celui qui la ressent. Leur peur les mène par le bout du nez. Elle les englue dans l'asservissement. Ils n'ont jamais plus d'autres choix que de s'incliner et de faire ce qui leur est demandé. Tout ce qui leur est demandé. Parfois, plus rien n'a d'importance pour eux. Seul compte le fait qu'ils doivent obéir, pour se préserver. La peur. La peur qu'un jour, un sang pur éminemment respecté soit contrarié par l'insignifiance d'un de ces sorciers. La peur que ce même sang pur soit de mèche avec le lord noir et qu'il orchestre la mort d'un ridicule petit magicien dont les origines sont impures. Et qu'alors, par le simple fait de son désir, une vie soit enlevée. Une vie soit détruite. Réduite à néant. Mais quand les rôles sont inversés ? Pansy n'aimait pas qu'un sang de bourbe l'effleure. Parce qu'elle le trouvait sale. Impur. Elle avait le sentiment que sa peau d'albâtre était couverte d'immondices. Mais maintenant ? Maintenant qu'il y avait ce virus... Cette maladie... Maintenant c'était elle qui avait peur qu'un sang de bourbe orchestre la mort d'un merveilleux et précieux sang pur.
Arrivé dans la salle commune des Serpentards, Drago fut extrêmement reconnaissant à Pansy d'être effondrée par la nouvelle de la mort de Violette. En effet, après avoir franchit le portrait en vacillant, elle éclata en sanglots entrecoupés et couru vers son dortoir, trébuchant sur le tapis. Le son de ses sanglots disparu alors peu à peu, laissant Drago dans un intense état de calme et de plénitude. Ses jérémiades avaient tendance à agacer fortement le jeune homme, surtout lorsqu'elle s'adressait à lui d'une voix mielleuse pour lui réclamer des attentions qu'il n'avait absolument pas envie de lui céder. Les femmes... Débarrassé de sa bruyante amie, Drago fit signe à Crabbe et Goyle de le laisser seul. Ils se retirèrent aussitôt, après avoir regardé Drago avec ferveur et aussi, il faut bien le dire, avec un soupçon de niaiserie. Évidemment, pour le jeune homme, c'était assez simple. Ces deux imbéciles lui obéissaient comme s'il était lui-même lord Voldemort. Oh, pour Drago, un jour, sa puissance dépasserait celle de celui-dont-on- ne- doit-pas-prononcer-le-nom. Cependant, pour le moment, il avait d'autres préoccupations. Des préoccupations, qui étrangement, dépassaient sa soif de pouvoir infinie et son égoïsme latent.
Se laissant tomber sur un siège particulièrement mou et confortable dans un coin de la pièce, Drago détailla son environnement. Les murs de pierre froids laissaient transparaitre l'humidité qui commençait à percer dehors depuis que l'automne s'était installé. Les quelques élèves encore présents dans la pièce se serraient les uns contre les autres et chuchotaient doucement en lançant de temps à autre de regards suspicieux autour d'eux. Des regards de serpents. Les tentures vertes et or pendues aux murs couplées avec la lumière acide des torches produisaient une teinte bleutée qui donnaient l'impression à Drago d'être un poisson dans un aquarium géant. Soupirant, il ferma ses yeux fatigué. Une mèche blonde glissa doucement sur son visage, mais il ne chercha pas à la remettre en place. Il se contenta de placer ses fines et blanches mains de chaque coté du fauteuil, sur les accoudoirs. La fraîcheur du lieu lui faisait du bien. Il n'avait jamais tellement apprécié le chaud. Ça lui rappelait trop ce qui se dégage d'un corps humain lorsque l'on s'en approche d'un peu trop près. La chaleur humaine.
Malgré les événements qui se tramaient, il n'avait pas peur. Il se contenta de réfléchir vaguement et de se souvenir du visage de Violette Desjardins. Une petite blonde. De grands yeux bleus. Souvent une longue natte qui descendait dans son dos. Un air un peu coincé. Un sourire pincé. Des belles mains. Un menton plutôt proéminent. Des joues rouges comme des pommes. Alors qu'il commençait à somnoler, l'écho des pleurs de Pansy, provenant du dortoir des filles, le fit sursauter. Il fronça les sourcils et poussa un soupir.
« Je ne pourrais jamais dormir... Ces femmes... Toutes les mêmes. Toujours trop sensibles. Toujours en train de se plaindre, de pleurer. Toutes sauf... Sauf elle. Elle, cette fille. Elle n'est pas une fille comme les autres. C'est LA fille. Hermione. Je déteste l'aimer. Comment est ce qu'on peut perdre la maîtrise de soi à ce point ? Je n'ai jamais voulu avoir de sentiments pour elle. A aucun moment je ne me suis laissé aller. Je n'ai jamais fait que l'insulter, que la regarder d'un air méprisant. Parce qu'elle mérite d'être méprisée. A quel moment ais-je commencé à aimer son visage ? Quand ais-je commencé à détailler ses mimiques ? Depuis quand ? Ça me torture... Quand bien même je voudrai la haïr, je ne peux pas... Quand je la vois je ne peux pas m'empêcher d'avoir envie... Envie de la toucher, de sentir sa peau... Alors même que je me moque d'elle ouvertement, quand elle baisse les yeux et qu'elle rougit... J'ai envie de la mordre. Comment ais-je pu tomber aussi amoureux ? Tout ce qu'elle me fait ressentir... J'ai envie de la gifler à chaque fois que je la vois... Pour la punir de ce qu'elle provoque en moi. Elle n'a aucune idée, aucune, de ce qu'elle me fait. Elle ne sait pas à quel point elle me fait souffrir. A quel point je l'aime. Tout ce désir... Comment puis-je désirer une femme aussi sale ? Et puis... Qu'est ce qu'elle ressent pour moi elle ? Elle me déteste. Elle ne déteste personne plus que moi. Je la répugne. Quand elle pose ses yeux sur moi, je peux voir que je lui donne envie de vomir. Et ça me donne envie de rire. De la toucher alors qu'elle n'a pas envie. J'ai l'impression d'avoir une emprise sur elle. Oui, je pense préférer sa haine plutôt que d'oser songer qu'elle puisse m'ignorer totalement. Et plus elle me crache ses mots au visage, plus est en colère contre moi, plus je la veux. Je veux la posséder... Elle me rend... Complètement fou. Et pour l'avoir à moi maintenant... Pour pouvoir la toucher... Lui faire mal... Lui faire du bien... Avec toute cette histoire de maladie... Je vais devoir mourir pour la toucher. Si je pose ma main sur elle, je peux tomber malade et finir comme cette fille de Serdaigle. Le pire dans tout ça, c'est que je serai près à mourir pour elle. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment. Je voudrai la haïr et je ne peux pas. »
Las de ces pensées qui le torturaient, Drago se leva d'un bond, renversant au passage un garçon de première année qui le regarda d'un air terrifié. Il quitta la salle commune pour se réfugier dans le dortoir des garçons, non sans continuer de pester tandis qu'il montait l'escalier en colimaçon.
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