Le journal de David Weis
Quand j'ai commencé à travailler sur le sérum, jamais, je n'aurais imaginé à quel point ma découverte changerait le monde. Un moyen d'améliorer la condition humaine, de supprimer la souffrance émotionnelle, de stabiliser les relations humaines. Mais très vite, mon rêve c'est transformé en un cauchemar dystopique.
Le sérum agit en ciblant directement l'hypothalamus, une région du cerveau responsable de la régulation des émotions, du stress et de l'attachement. En inhibant la production de certaines hormones clés, telles que l'ocytocine, si justement surnommée « l'hormone de l'amour » on empêche la formation d'attachements émotionnels profonds. Cette hormone joue un rôle crucial dans les liens affectifs et l'attachement amoureux. C'est cette inhibition qui donne l'illusion d'une stabilité émotionnelle : plus de jalousie, plus de cœurs brisés, plus de souffrance. C'était tellement simple pour mon putain d'esprit brillant, si simple que j'ai foncé la tête baissée.
Et je peux vous dire que le mur m'a fait terriblement mal.
Je ne suis qu'un scientifique après tout. J'aurais vraiment dû prévoir tout ça ? La tournure des événements. Laissez-moi me dédouaner d'au moins ça, si ça peut me faire plaisir. Sur le plan scientifique, tomber amoureux est une réaction chimique complexe impliquant plusieurs neurotransmetteurs comme la dopamine, la sérotonine et surtout l'ocytocine. Cette dernière, produite en grande quantité lors des moments d'intimité ou de confiance partagée, est responsable de ce sentiment de connexion et d'attachement que l'on éprouve envers un partenaire. Voilà ce que signifient vos putains de papillons dans le bide. Ni plus ni moins qu'une hormone, vous trouvez ça romantique ?
Mais voilà, tout cela n'est qu'une illusion de bonheur. Les patients sous sérum se sentent plus "stables", mais à quel prix ? Ils sont devenus des ombres d'eux-mêmes, incapables d'éprouver des émotions authentiques. L'amour, la compassion, la tristesse, tout ce qui faisait d'eux des êtres humains leur a été enlevé. Et je ne dis pas cela seulement pour ma femme Christine.
Ce que personne n'avait prévu, c'est l'impact à long terme sur l'organisme.
Les premières générations vont connaître un bien-être apparent. Mais à mesure que les doses se seront accumulées et que le sérum sera devenu omniprésent, les effets secondaires commenceront à apparaître. Les cellules du corps humain, sous l'effet prolongé du sérum, subissent une dégradation progressive. Les neurones, privés d'une stimulation naturelle par les hormones inhibées, deviennent plus vulnérables. Le vieillissement est accéléré. Les capacités cognitives diminuent plus rapidement. Mais ce n'est pas tout.
Les tests que nous avons menés démontrent une baisse dramatique de l'espérance de vie sur les prochaines générations. Les enfants nés de parents sous l'influence du sérum, eux-mêmes nés sous cette influence.
J'ai eu beau en parler à mes collaborateurs qui sont bien trop abrutis par mon propre sérum. L'unique question qu'ils se posent est la suivante : vivre peu, mais intelligemment ou longtemps, mais sans réussite ? Ma réponse ne leur a pas plu, vous pensez bien. Me voilà discrédité et mis à la porte de mon propre laboratoire.
Je consacrerai ma vie à essayer de renverser ma création, mais je suis devenu un paria. Même au sein de ma propre famille, je ne suis plus qu'un fou qui radote. Mon épouse m'a quitté, attirée par des ambitions plus grandes, des rêves dopés au sérum. Elle est partie, me laissant seul avec un enfant à élever. Ironiquement, cet enfant que j'ai tenté de protéger à tout prix devra prendre ma suite.
Journal de David Weis
Plus de labo, plus de femme, plus le moindre pouvoir, j'ai créé une forme subtile de destruction lente. Le sérum prépare un futur où les êtres humains seront déconnectés les uns des autres, privés de ce qui les rendait vivants.
Je lis et relis ce journal dans l'espoir de trouver un fil conducteur, une solution. Mais je n'en vois pas, ce sera à mon fils de reprendre ce fardeau.
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