Chapitre 8
Morgan
Rien ne se passe comme prévu.
— Merci d’avoir accepté de bien vouloir te montrer à cette réunion de crise de dernière minute, dit Prince en me regardant avec un sourire narquois.
— C’est pas comme si on habitait la même baraque, je réplique en roulant des yeux.
— C’était ironique, rétorque-t-il. Rien ne se passe comme prévu.
Nous nous asseyons autour de la table branlante de la petite cuisine qui nous sert de centre de commandement.
— Écoute, étant donné que Diamond est la fiancée de Justin, ça pourrait tout aussi bien fonctionner. Après tout, on n’a pas d’autres choix, je propose.
Il soupire. Prince sait que j’ai raison.
— On doit envoyer une lettre au père de Diamond et à Justin directement, j’annonce finalement. Oubli le Durand père.
— Ouais, bonne idée.
— Il va falloir qu’on écrive une nouvelle lettre, vu qu’on change de destinataire. On pourrait commencer par quelque chose de simple, du genre : "Nous avons votre fille. Si vous voulez la revoir, préparez-vous à coopérer." Et puis, on ajoute une preuve, comme la bague.
Il réfléchit un instant, puis hoche la tête.
— Oui, ça peut marcher. On fait comme c’était prévu, une photo d'elle avec le journal du jour.
— Je vais préparer tout ça.
Prince attrape un journal et commence à découper des lettres pour modifier le message, ajoutant une touche de cliché des films de kidnapping. Je le laisse faire, je sais que c’est son atelier favori.
Prince sourit et secoue la tête.
— Nus avons votre fille. Si vous souhaitez la revoir en un seul morceau, vous dvez faire tout ce que nous vous demandon. Nous reculerons devant rien.
Je hoche la tête en lisant par-dessus son épaule. Avant de réaliser :
— Il ne manque pas des lettres là, voire même des mots ?
— Tu chipotes, c’est parfait comme ça, tu crois que c’est simple de trouver toutes les lettres ? Et pour montrer qu’on est sérieux, on ajoute la photo et la bague. Ça devrait les faire réagir.
— Il faut aussi décider comment s’organiser ici, dis-je. Où va-t-elle dormir ? Quelle chambre prendre ?
— Pourquoi on l’a fou pas dans la cave comme on avait décidé pour Justin, on l’a parfaitement aménagé pour éviter les fugues.
Je lui fais les yeux noirs.
— On ne va pas mettre cette pauvre fille dans une cave.
— Sérieux ? Tu te ramollis. Le plan ne change pas, on fait ce qu’on avait prévu.
— Sauf qu’on a pas enlevé la bonne personne.
— Ce n’est qu’un détail. Quand tout ça sera fini, on partira loin d’ici, sans oublier qu’on sera riche !
— Tu sais bien que ce n’est que le début. Je lui rappel.
— Laisse moi rêver.
Je soupire. Je récupère le journal du jour à moitié éventré par mon meilleur ami. Et me dirige dans le salon, suivis de près.
À peine dans le couloir, je sens déjà l’agitation dans la pièce d’à côté. Je pensais qu’elle avait compris qu’elle ne pourrait pas rentrer chez elle par ses propres moyens. Que ferait une fille à papa dans les rues de mon quartier. Se faire kidnapper ! À ce compte-là, elle aurait besoin d’une carte de fidélité. Je me précipite dans la pièce. Nous la retrouvons en train de fouiller dans les étagères, affalé mi au sol mi sur le canapé. Le spectacle est presque comique. Notre salon ressemble à un véritable sanctuaire geek, avec une bibliothèque non pas de livres, mais de films, rappelant les vieux magasins de location de DVD, Vidéo Futur. Les étagères sont remplies de boîtiers colorés, alignés avec une précision maniaque, chaque titre soigneusement classé par genre et année.
— Qu’est-ce que tu fais ? demandai-je, surpris.
— Juste une petite exploration, répond-elle, sans la moindre gêne.
— Très bien, décide Prince. Morgan, tu dormiras sur le canapé pour laisser ta chambre à Diamond. Elle est à l’étage, donc elle ne risque pas de s’enfuir. Et puis au moins, elle arrêtera de foutre le bazar dans nos collections.
— Je n’ai absolument pas l’intention de m’enfuir, annonce-t-elle avec assurance. Vous me ramènerez très bientôt chez moi, j’en suis sûre.
Je lève un sourcil, intrigué par sa certitude.
— Vraiment ? Et si on te gardait un peu plus longtemps ? Juste pour le plaisir, je tente.
— Tu n’oserais pas, dit-elle avec un air de défi.
Prince pose sa main sur mon épaule, je me raidis à son contact, je ne m’étais pas rendu compte que j’étais à ce point sur le qui-vive.
— Sur ce, maintenant qu’on a décidé que je gardais ma chambre, je vous laisse vous battre entre vous, bien à vous, dit-il en mimant un levé de chapeau sur sa tête.
Je me retourne et mon regard tombe sur ce petit bout de femme qui devrait être terrifiée de se trouver aussi loin de tout ce qu’elle connait, mais il n’en est rien. C’est à se demander si le sérum ne retire pas que la perception de l’amour, mais aussi celui de tous les autres dangers. En réalité, le fantasme retombe, confronté à la réalité et au caractère plus que détestable de cette princesse pourrie gâtée. Je soupire intérieurement. Quelle histoire ridicule. Mais peut-être, juste peut-être, il y a quelque chose de plus sous cette carapace glacée. Je me rends compte que je suis curieux d’apprendre, pas à la connaître elle, mais connaître les limites de ce foutu sérum. Que peut aimer une personne qui ne peut aimer ? Le pouvoir, probablement ? Elle est bien plus dangereuse que ne le sont ses deux inexpérimentés et complètement immature de kidnappeur.
Cette pensée me traverse l’esprit alors que je l’accompagne à ma chambre. Elle attrape la jaquette de DVD qui traîne sur mon lit. Ma chambre est un véritable désordre organisé, avec des posters de films et de bandes dessinées couvrant les murs, et une étagère pleine de figurines de super-héros. Elle tient dans ses mains la jaquette d’un vieux classique, "Blade Runner".
— Tu aimes le cinéma ? demandé-je, intrigué.
— J’ai déjà été au cinéma, au Grand Rex plus précisément, répond-elle.
— Voir quoi ?
— Ils repassaient les plus grands classiques, Titanic, dit-elle en haussant les épaules.
— Et qu’as-tu pensé du film ? Sans émotion, je veux dire, insistai-je. Sans amour, on ne peut ressentir de compassion, donc on ne peut se mettre à la place de l’autre, je remarque.
— C’est juste une histoire d’un bateau qui coule, avec beaucoup de cris et de larmes inutiles, répond-elle, indifférente.
Je ris, secouant la tête.
— Continue à me parler de Titanic comme tu le fais, et je pars de ce pas rejouer la scène de la planche histoire de me noyer. Je grimace.
— Alors c’était donc ça ! Il me suffisait de te parler cinéma pour me débarrasser de toi. J’aurais aimé avoir ce genre d’information à notre première rencontre, tu sais, celle où tu as détruit ma robe ? riposte-t-elle.
— Laquelle ? Ne dis rien, de toute façon, elles étaient toutes moches, dis-je avec un sourire provocateur.
Elle plisse les yeux et avance d’un pas, sa voix prenant un ton glacial.
— Tu es vraiment un sale type. Je parie que tu as grandi à regarder ces films en rêvant d’être un héros. Désolé de te décevoir, mais tu n’es qu’un kidnappeur pathétique, incapable de comprendre ce que c’est que de vivre dans le luxe et l’élégance.
Je souris de manière narquoise.
— Et toi, tu as grandi dans un palais doré sans jamais te salir les mains. Désolé de te décevoir, mais ici, tu n’es rien.
Elle croise les bras, me fixant d’un regard perçant.
— C’est ça, continue de parler. Tu te rends intéressant.
— Peut-être que tu apprendras quelque chose ici, loin de ton monde doré.
Elle soupire et tourne les talons, inspectant le reste de la chambre.
— Si tu as besoin de moi, je serai sur le canapé, dis-je en me détournant à mon tour.
— C’est un plaisir de te virer de ta chambre, maintenant va-t'en, rétorque-t-elle, sans même me regarder.
Je rejoins mon “somptueux” canapé, en priant intérieurement pour que son cher papa nous supplie de la récupérer au plus vite. Qui peut bien supporter une fille pareille ?
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