Chapitre 6

Morgan

C'est à ce moment précis que je réalise que nous avons un problème.

— Allez, réponds, dis-je entre mes dents serrées, le téléphone écrasé contre mon oreille.

Prince était tellement pressé de passer à la vitesse supérieure qu'il s'est lancé quasiment seul dans cette mission périlleuse, me laissant en retrait. Sauf que maintenant, je me retrouve face à un Justin qui visiblement n'est pas endormi dans sa chambre comme me l'avait certifié mon super meilleur ami.

— Papa Mike est à votre écoute, plaisante-t-il au bout du fil.

Je perds patience.

— Sors immédiatement de cette chambre !
Le silence.
— Papa Mike !?

— Te ferais-tu du souci pour moi, mon beau brun ?

Peut-être un peu.
— Absolument pas, j'aimerais juste que tu ne saccages pas toutes nos chances sur ce coup.

— Tu ne l'avoueras donc jamais ! Allez, t'inquiète mon vieux, c'est dans la poche. Tout roule comme sur des roulettes, je suis déjà à la voiture.

— Alors là, je demande à voir.

Je comprends facilement que ce qui, pour lui, est dans la poche n'est autre que le Justin toujours en face de moi au bras d'une danseuse du Casino, et ce qui roule aurait dû être son corps endormi dans l'immense housse à contrebasse. Car selon le plan, nous faisons partie du groupe de jazz qui joue ce soir.
Mais évidemment, rien n'est dans la poche et ça ne roule absolument pas. Le plan de Prince manque d'huile.

Je descends dans le parking où seuls les employés ont accès. Je longe les trop nombreuses voitures de collectionneurs avant d'arriver devant notre camionnette pas du tout flippante. Mais si j'avais laissé faire Prince, elle aurait fini par ressembler au van The Mystery Machine, dans Scooby-Doo. Rien de trop voyant.

— Personne ne peut suspecter la Mystery Machine, avait-il osé déclarer.

Prince est adossé au véhicule, mâchouillant sa gomme. En me voyant approcher, il sourit triomphant.

— Allez, on décolle, dit-il en montant dans le véhicule.

— Tu as battu en retraite à temps ! Putain, mais pourquoi tu ne m'as pas appelé immédiatement après avoir trouvé la chambre vide ?

Il me fait les gros yeux, me rappelant de ne pas parler trop fort.

— La chambre vide ? demande-t-il.

Là, je crois que je vais exploser, ou faire une syncope, ou les deux.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Pas ici, chuchote-t-il en me faisant signe de monter dans le véhicule.
Ce que je fais sans grand enthousiasme.

Le trajet vers notre repère à La Condamine, l'un des quartiers les moins riches de Monaco, se déroule dans un silence tendu. La Condamine, avec ses immeubles un peu décrépits et ses rues étroites, contraste violemment avec le luxe ostentatoire du centre-ville. C'est là que nous avons trouvé refuge, loin des regards indiscrets et des lumières éblouissantes des casinos et des yachts.

Prince coupe le moteur, et je vois dans ses yeux que l'excitation de sa mission refuse de le quitter de sitôt. Il descend, je le suis sans rien dire jusqu'à l'arrière du véhicule. Il ouvre le coffre, dévoilant la fameuse housse pour un instrument de musique imaginaire. Il l'ouvre doucement. Et alors finalement, je retire ce que j'ai pu dire plus tôt : c'est à CE MOMENT PRÉCIS que je réalise que nous avons un problème.

Les yeux de Prince s'arrondissent dans leurs orbites, menaçant de les quitter.

— C'est quoi ce bordel ?

Je serais incapable de dire qui a prononcé ces mots, lui ? moi ? Ou peut-être l'ai-je seulement dit dans ma tête, la sidération me laissant muet.

Une silhouette drapée d'un léger tissu de soie rouge est assoupie dans cette housse se trouvant dans le coffre, dans mon coffre. Je l'ai reconnue au premier coup d'œil : cette Diamond endormie semble tellement irréelle, si douce, qu'elle paraît tout droit sortie d'un rêve étrange. Ses cheveux châtains, délicatement bouclés, se répandent sur le tissu, et ses lèvres légèrement entrouvertes murmurent un secret que je ne peux comprendre. Tout cela aurait pu être un rêve tout droit sorti de mon esprit déglingué, cela aurait dû. Mais même si cela est complètement dingue, c'est la vie réelle.

— Elle n'aurait jamais dû se trouver là, se plaint mon ami.
En effet.
— Il faisait tellement noir dans cette chambre.
Je ne dis rien.
— Je crois qu'avec l'adrénaline, j'ai pas vraiment fait gaffe.
Je sens le feu monter en moi, comme un volcan prêt à exploser.

— Fais gaffe à quoi, Prince ? Fais gaffe à qui tu étais en train de kidnapper ? Je fulmine, jamais je n'avais pété les plombs sur mon meilleur ami.

Prince lève les mains en signe de reddition.

— Eh, du calme, Morgan. On va trouver une solution.

Je passe ma main dans mes cheveux, tentant de reprendre mes esprits.

— Oui, la solution, c'est de ramener cette fille là où elle était. Et vite.

— C'est impossible et tu le sais très bien.

Je soupire, sachant que Prince a raison, même si ça me coûte de l'admettre.

— Je te jure, si tout ça, dis-je en faisant de grands gestes vers notre invitée endormie, tourne mal, c'est toi qui finiras dans cette housse à sa place.

Prince esquisse un sourire, visiblement amusé par ma menace.

— Mais c'est que tu me ferais presque peur, beau brun.

Il avance sa main, mimant de replacer l'une de mes mèches derrière mon oreille.

— Argf, et arrête de faire ça ou je te mords.

Je secoue la tête, malgré moi amusé aussi.

— Qu'est-ce que...
Soudain, Diamond gesticule dans son cocon. Dans un sursaut d'effroi, Prince referme le coffre, manquant de peu de l'assommer. Jamais nous n'avions eu aussi peur d'une si jolie fille. Mais pas pour les mêmes raisons.

— Faut rentrer avant qu'elle ne se réveille, donne les clés !

Prince me lance celles-ci.

— On est vraiment des cas désespérés.

— Parle pour toi !

— Tu t'ennuierais sans moi.

— Ma vie serait tellement plus simple, le taquinais-je.

Nous grimpons dans la camionnette, et je démarre en trombe. Le trajet vers notre repère se déroule dans un silence tendu, ponctué par le ronronnement du moteur. Nous roulons à travers les rues étroites, passant devant des immeubles décrépits et des magasins fermés, loin de l'éclat et de la richesse qui caractérisent le centre de Monaco.

Nous arrivons enfin à notre immeuble, et je gare la camionnette dans un coin sombre du parking. Nous descendons et nous dirigeons vers l'arrière du véhicule, où Diamond est toujours assoupie mais commence à parler dans son sommeil.

— On la porte jusqu'à l'appartement, dis-je à Prince en ouvrant doucement le coffre.

— Tu crois qu'elle va se réveiller en cours de route ?

— Espérons que non.

Nous attrapons la housse avec précaution et la transportons discrètement jusqu'à notre appartement. Une fois à l'intérieur, nous la déposons délicatement sur le canapé.

Prince s'assied sur une chaise et me regarde avec un sourire malicieux.

— Eh bien, Morgan, je pense qu'on va devoir improviser.

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