Chapitre 33
Morgan,
J'ai perdu la notion du temps ici, à force de fixer le plafond fissuré, à me demander si tout ça avait un sens, si ça en a jamais eu un. Chaque heure qui passe me rapproche de cette fameuse "sentence". Ironiquement, je m'y attendais. J'ai toujours su que mon histoire finirait dans une impasse sombre, mais peut-être pas de cette manière. Ma seule satisfaction est de savoir Prince bien loin avec sa jambe cassée.
Mes yeux papillonnent alors que je lutte pour m'éveiller complètement, mon dos endolori par la position inconfortable sur cette chaise métallique. L'air est glacé, chargé d'une odeur de moisi, mais j'y suis habitué. Je me sens comme un vieux lion fatigué, résigné à attendre le coup final, mais incapable de m'empêcher d'espérer un miracle.
Soudain, un jet d'eau glaciale me percute le visage, m'arrachant à mes pensées moroses. Je sursaute, suffoquant et clignant des yeux pour chasser l'eau. Une silhouette féminine se tient devant moi, une expression moqueuse sur le visage.
— C'est l'heure ? dis-je en essayant de reprendre contenance, même si ma voix est encore râpeuse de sommeil.
— Non, j'avais juste envie de voir la gueule que peut avoir un traître à la société, répond-elle d'un ton sec, un sourire sarcastique aux lèvres.
Je la fixe un instant, essayant de comprendre à qui j'ai affaire. Elle porte un tailleur Chanel d'une coupe parfaite, élégant mais strict. Ses cheveux sont impeccablement coiffés, et son regard perçant m'analyse comme si j'étais un insecte sous un microscope.
— C'est fait maintenant, va t'en, grogné-je en détournant le regard, préférant retourner à mon état semi-comateux.
Elle laisse échapper un petit rire méprisant.
— Le grand Weiss... Je pensais que tu serais... moins avachi sur une chaise.
Je tourne la tête vers elle, une lueur d'intérêt éveillée par ses mots. Ce ton acide, ce contrôle parfait de chaque mot. Je la reconnais, et ce n'est certainement pas une bonne nouvelle.
— Vous êtes Madame Perfine ? demandé-je, bien que la réponse soit évidente.
Elle incline légèrement la tête, confirmant mes soupçons.
— Vous êtes un bon observateur. Peut-être pas si inutile que ça, après tout.
— Qu'est-ce que vous êtes vraiment venue faire ici ? Pourquoi une femme comme vous s'abaisserait-elle à venir voir un "traître" comme moi ?
Elle hésite, ses yeux devenant légèrement plus sombres, plus lointains. Un instant, elle ne semble plus être cette figure glaciale.
— Lorsque ma fille a disparu, j'ai ressenti comme un vide étrange, quelque chose que je n'aurais jamais dû ressentir, dit-elle doucement, presque pour elle-même. J'ai eu si peur que j'ai pris plus de sérum, jusqu'à m'en rendre malade. Mais lorsque j'ai repris une dose plus convenable, j'ai commencé à ressentir... Non, en fait, je préfère me dire que c'était juste l'instinct maternel.
Je reste silencieux, mon cœur battant plus fort à l'évocation de Diamond. Le simple fait de l'entendre parler d'elle fait monter une angoisse sourde en moi.
— Et lorsque ma Diamond est revenue... Elle était tellement changée. Mon bébé...
Elle s'interrompt, sa voix tremblante l'espace d'un instant. Que je ne peux m'empêcher de me demander si Diamond va bien. Puis, elle se reprend, sortant un papier en boule de la poche de son veston Chanel et le pose sur la table avec un geste sec.
— Je crois que ceci est pour vous, dit-elle en me fixant avec une intensité nouvelle.
Je fronce les sourcils en regardant le papier froissé.
— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je avec méfiance.
— Je ne suis pas sûre, mais je pense que vous comprendrez. Je l'ai trouvé dans sa chambre.
Elle commence à se détourner, prête à partir. Une question me brûle les lèvres, mais je sais que je n'aurais peut-être pas envie d'entendre la réponse. Pourtant, je ne peux m'en empêcher.
— Est-ce qu'elle m'aime ? demandé-je, la voix pleine d'espoir et de désespoir mêlés.
Madame Perfine s'arrête, puis se tourne lentement vers moi. Ses yeux se posent sur moi avec une froideur calculée.
— Non, répond-elle avec une brutalité qui me coupe le souffle.
Je baisse la tête, le poids de son mot unique s'écrasant sur moi.
— En cet instant, elle n'aime personne, continue-t-elle. Mais je ne doute pas que sans ce sérum, vous auriez été celui qu'elle aurait choisi. Plus même que son père ou moi. En tout cas, certainement plus que ce Justin.
Elle tourne les talons et quitte la cellule sans un regard en arrière. Ses paroles me laissent un goût amer. Un mélange de regret et d'une étrange forme d'espoir.
Mes mains tremblent légèrement lorsque je défroisse le papier. À l'intérieur, une clé métallique tombe sur la table, cliquetant faiblement. Je la fixe, incrédule. Pourquoi diable aurait-elle laissé ça ici ?
Mon regard retourne au papier. Quelques mots y sont inscrits en rouge, griffonnés nerveusement, mon plan, recouverts d'un stylo noir. Une liste écrite d'une écriture arrondie et soignée. La liste débile de Diamond. Elle a pris le temps de cocher chaque moment que nous avons passé ensemble. GHOST.
Je ne devrais pas lire ça, elle n'aimerais pas. C'est un peu comme la trahir de nouveau, mais c'est plus fort que moi. Mes yeux s'attardent sur son numéro un. Tomber amoureuse. Qu'elle a soigneusement coché.
Mon cœur se serre alors que je comprends l'ironie de la situation. C'était son plan depuis le début, non ? Chercher à comprendre ce que signifie vraiment "tomber amoureuse" comme dans toutes ces comédies romantiques. Et quelque part, malgré le chaos, elle l'a fait. Peut-être pas de la manière dont elle l'aurait voulu, mais ça a compté. Pour elle, pour moi, pour nous deux.
Je serre la clé dans ma main.
Mais une chose est sûre : je n'ai pas accepté le destin qu'ils m'ont choisi. Si Diamond a coché cette case, alors je vais cocher la mienne : "La sortir de ce cauchemar." Je me lève, les idées claires, prêt à jouer ma dernière carte.
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