Morgan,

Un silence lourd s'installe, ponctué uniquement par le bourdonnement des néons. Mon esprit tourne à cent à l'heure, cherchant un moyen de percer cette armure de glace qu'elle affiche. Comment puis-je la faire réagir, éveiller quelque chose en elle, n'importe quoi qui prouverait qu'elle n'est pas complètement perdue ?

— Tu es vraiment revenue à l'état d'origine, hein ? Je suppose que tu devrais me détester.

Elle me fixe, les yeux perçants, et pour un instant, j'ai l'impression de faire face à une statue de marbre. Je me demande à quel point le sérum l'a rendue insensible, ou si au contraire, il amplifie chaque sentiment sombre qu'elle réprime. Peut-être un mélange des deux.

— Tu penses tout savoir, Morgan. C'est ça ton problème. Son ton est indéchiffrable. J'ai l'impression qu'elle a envie de rire. Est-ce que je me fais des idées ?

— Diamond, tu étais ce retournement de situation dans le scénario de ma triste vie. Sérieusement, de tous les plot twists que j'ai eus, tu es sans doute mon préféré. C'était inattendu, c'était intense, et franchement, je ne regrette rien. Même si ça finit comme ça, même si c'est une fin pourrie, je t'assure que ça en valait la peine.

Elle ne réagit pas. Pas un clignement d'œil, pas un frémissement. On pourrait croire que je parle à un mur. Mais je continue, parce que je ne peux pas m'arrêter maintenant.

— Je sais que tu es en colère, que tu te sens trahie. Je le vois, même si tu essaies de tout masquer derrière ce masque de glace. Mais tout ce que je fais à présent, je le fait pour toi. Pour te donner une chance d'avoir une vie normale, loin de ce merdier. J'ai échoué, clairement, mais au moins. Et si c'était à refaire... je le referais. Sans hésiter.

Son regard se pose enfin sur moi, mais il est froid, perçant comme une lame. Un frisson me traverse. Où est passée la Diamond que j'aimais ? Celle qui cachait sa douleur derrière des remarques cinglantes mais qui laissait parfois entrevoir un cœur battant, sensible ? Celle qui m'avait embrassé avec passion, avec rage, juste avant que tout ne s'effondre ?

Elle s'avance vers moi, ses talons résonnant sur le sol comme les coups d'un métronome funeste. Quand elle s'arrête, elle est si près que je pourrais presque sentir son parfum, mais il n'y a rien. Je laisse ma tête tomber en arrière, un rire amer m'échappant. Alors c'est ça, la grande conclusion de mon histoire ? Mourir dans une salle grise, oublié de tous, hais par la seule personne pour qui j'étais prêt à tout sacrifier ?

C'est presque ironique, en fait.

— Morgan, murmure-t-elle enfin, sa voix tranchante.

Je sens son souffle à mon oreille mais je ne peux pas la regarder. Je ne veux pas. Car je sais que je succomberais.

— Regarde-moi. Il y a de l'amusement dans sa voix et je la déteste de jouer avec moi ainsi.

Elle s'assoit à califourchou sur mes genoux, je sens sa robe noire remonter sur ses cuisses.

— Je ne suis pas sous sérum. Regarde-moi.

Ses mots s'enfoncent en moi comme des poignards dans mon cœur. Je veux tellement la croire. Alors, je la regarde. Ses joues sont roses, son souffle saccadé, ses yeux brillants. Sa poitrine est contre la mienne et j'entends son cœur battre plus fort sous mon regard. Je respire enfin.

— Ils n'ont rien voulu écouter. J'ai fait semblant de prendre ma dose ce matin, mais ne t'inquiète pas je ferais ce qu'il faut pour te libérer.

Ses lèvres sont contre ma mâchoire, mon nez dans ses cheveux, je me shoote à son odeur. Cette odeur de vanille qui me fait perdre la raison.

— Dans ma poche, je chuchote sans vouloir perdre le moindre contact de sa peau. Prend la lettre.

Elle se recule et je la deteste de mettre fin si violemment à ce moment de pur bonheur. Je la sens fouiller dans mon jean et en sort l'enveloppe.

— Ça à intérêt à être une putain de lettre d'amour !

— J'espère que c'était sur ta liste. Elle se marre et je sais que j'ai vu juste. Dis-moi maintenant c'est quoi ton numéro un ?

— C'est pas le moment. Toi plutôt, dis-moi dans quel film on est en train de jouer?

— Mission impossible.