Chapitre 29

Morgan,

La salle d'interrogatoire est un modèle du genre : murs gris, néons blafards, une table métallique au centre. Le décor parfait pour une scène de film noir. J'ai presque envie de faire une blague sur la froideur de l'endroit, mais même moi, je sens que l'ambiance n'est pas propice à ça.

Je suis attaché, les poignets menottés de part et d'autres de la chaise. Le métal froid me mord la peau, mais franchement, c'est le cadet de mes soucis. La douleur sourde de mes côtes brisées et le goût métallique du sang dans ma bouche sont bien plus intéressants. Pourtant, malgré tout, un petit sourire traîne sur mes lèvres. Je sais que cette situation est désespérée, mais bon, c'est un peu mon créneau, non ? Je fais des conneries, je me mets dans des situations impossibles, et ensuite, j'essaie de m'en sortir avec un brin d'humour et beaucoup de chance.

La porte s'ouvre avec un grincement lugubre. Deux silhouettes se découpent dans l'encadrement. Je reconnaîtrai cette démarche froide et calculée entre mille. Diamond entre la première, suivie de son père, cet homme qui pourrait tout aussi bien être un iceberg tant il dégage une froideur inhumaine. Elle porte une robe noire, simple, mais élégante, et son visage est un masque impassible, glacial. Rien à voir avec la Diamond que j'ai connue, celle qui laissait parfois filtrer des étincelles d'émotion à travers ses sarcasmes bien aiguisés. Non, là, elle ressemble à une statue, figée dans une expression neutre. Elle est à nouveau sérum, je n'en ai pas le moindre doute.

Je l'observe attentivement, cherchant un signe, une brèche dans cette façade de marbre. Mais rien. Ses yeux sont vides, et cela me pince le cœur plus que je ne veux bien l'admettre. C'est comme si tout ce que nous avions vécu ensemble n'avait jamais existé. Comme si j'étais un étranger.

Son père prend la parole, sa voix glaciale résonne dans la pièce.

— C'est terminé pour toi, Morgan. Tu as commis assez d'erreurs, et cette fois, tu ne t'en sortiras pas. Ta sentence sera exécutée sous peu.

Il lâche ces mots comme s'il parlait d'une tâche quotidienne banale, du genre « Je vais acheter du pain ». Rien dans son ton ne laisse place à la pitié ou à l'hésitation. Il est venu ici pour une chose, et une seule : m'annoncer ma fin.

Je ne peux pas m'empêcher de rire. Un rire nerveux, presque hystérique, mais il faut bien que je laisse sortir cette tension.

— Eh bien, j'espérais au moins un dernier repas, mais apparemment, même ça, c'est trop demander. Quel service minable.

Personne ne rit, évidemment. Pas même un frémissement de lèvres. Ils me fixent comme on regarderait une mouche gênante qu'on s'apprête à écraser. Super l'ambiance.

— Mais avant cela, tu vas nous dire qui sont tout tes complices et où les trouver !
Je trouve ça demande plutôt pathétique et je ne peux m'empecher de rire de plus belle.

— Vraiment ? C'est quoi cet interrogatoire pourris, va falloir me refaire ça ! Je refuse que mon premier et dernier interrogatoire soit aussi médiocre. J'ai des films sur le sujet à proposer si vous voulez prendre des notes.

Et c'est là que je vois la chose qui me glace le sang. Justin. Il entre dans la pièce, avec son aura d'homme parfaitement modifié, parfaitement riche, parfaitement beau, parfaitement con. Il pose une main sur l'épaule de Diamond, un geste calculé, un geste de possession déguisé en affection. Elle ne réagit pas, mais je vois ce que ça lui coûte. Je souhaite que ça lui coûte. Que cela soit aussi dur à vivre pour elle, qu'à moi d'en être témoin. Mais c'est impossible. Et pourtant j'ai un doute, je la connais assez pour reconnaître ce mince tremblement dans ses doigts crispés autour de son sac à main.

— Diamond, nous allons en finir avec cette histoire une bonne fois pour toutes. Tout cela ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir, je te le promet.

Je serre les dents, luttant contre l'envie de lui cracher quelque chose à la figure. Mais à quoi bon ? Il a déjà gagné, il a réussi à la récupérer, à la faire rentrer dans le rang. Je ne suis plus qu'un chapitre embarrassant qu'il va rayer de son histoire.

Il me fixe, et un sourire cruel étire ses lèvres fines.

— Profite de ces derniers instants, Morgan. Dans peu de temps, tu ne seras plus qu'un souvenir.

Son père est le premier à quitter la pièce sans un mot de plus, comme si je ne valais pas la peine de gaspiller plus de salive.  Jutsin est le second, Diamond, elle, elle ne bouge pas. Qu'est ce qui peut bien se passer dans sa tête ? Est ce que le sérum lui a complétement fait oublier tout ce que nous avons vécu ensemble ?

— Diamond ? Tu viens ? demande Justin.

Elle reste immobile face à moi, sa main serrée sur son sac à main. Elle hésite à peine une seconde avant de répondre à Justin, mais ce court instant est suffisant pour que je perçoive quelque chose. Une fraction de doute peut-être, ou peut-être juste une illusion nourrie par mon propre désespoir. Quoi qu'il en soit, je m'y accroche, parce que c'est tout ce qu'il me reste.

— Va sans moi, Justin. J'ai besoin de quelques minutes avec lui, dit-elle d'une voix glaciale, chaque mot tranchant comme une lame. J'ai besoin de comprendre certaines choses. J'ai besoin de m'entretenir avec l'homme qui a cru pouvoir se servir de moi comme d'un objet bon à être vendu, utilisé, jeté.

Aïe, même sous sérum il semblerait que la pilule de mes mensonges ne soient toujours pas passer. Est-ce que j'ai du soucis à me faire ? Sa voix est teintée de rancœur, un venin qui s'insinue dans chaque syllabe. Une partie de moi espère encore peut-être une trace de ce qu'elle ressentait pour moi, si ce n'est plus, avant que tout ne déraille.

— Tu es sûre ? répond Justin en posant une main possessive sur son épaule.

Elle ne bronche pas sous son contact. Pire, elle ne semble même pas y prêter attention.

— Oui, je suis sûre, insiste-t-elle, son ton laissant entendre que le débat est clos.

Justin soupire, une expression agacée sur son visage parfait. Il jette un regard dédaigneux vers moi avant de quitter la pièce en claquant la porte, nous laissant seuls, Diamond et moi, dans cet espace exigu qui semble se refermer sur nous.

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