Chapitre 20

Morgan

Je claque la porte derrière moi, les nerfs à vif. Mills est au courant pour Diamond. Ça me fiche un coup, comme un uppercut en pleine poitrine. Toute cette situation, ce foutu merdier, commence à me dépasser. Je rêve de tout lâcher, de prendre Prince et Diamond, et de disparaître. Partir loin, quitter ce jeu qui ne m'apporte rien d'autre que des ennuis et des souvenirs amers.
Mais je ne peux pas. C'est comme si un poids me tirait toujours en arrière, m'empêchant de simplement fuir. Ma famille a déjà tout sacrifié pour défaire ce qu'il a créé. Comment pourrais-je tourner le dos à tout ça, à ce pour quoi mes parents, mon grand-père, ont tant sacrifié ?

Je repense au journal de David, mon grand-père. Ces pages sont remplies de sa folie, de sa descente aux enfers. Il voulait que tout s'arrête, que cette spirale de destruction cesse. Mais au lieu de cela, il m'a légué cette mission, ce fardeau. Sa femme, sous sérum, avait fini par le quitter, choisissant l'ambition plutôt que de rester à ses côtés, le laissant seul avec un enfant à élever. Un fils qu'il a élevé avec une seule mission en tête : détruire ce qu'il avait créé.

Et maintenant, c'est à moi de porter ce fardeau. Mais pour quoi ? Pour voir tout ça se répéter ? Pour finir comme eux, seul et brisé ?

Je passe une main tremblante sur mon visage, tentant de chasser cette fatigue qui me pèse sur les épaules. Je ne peux pas abandonner.

Je prends une grande inspiration et me dirige vers la chambre de Diamond. J'ai besoin de la voir, de m'assurer qu'elle va bien. Après avoir entendu son nom dans la bouche de Mills, c'est devenu une nécessité. Plus que jamais, j'ai besoin de savoir qu'elle est en sécurité.

Je pousse la porte de sa chambre, la trouvant assise sur le lit, ses yeux bouffis de larmes. Une vague de culpabilité me submerge. Voilà ce que ça fait de priver quelqu'un d'émotion trop longtemps. Le jour où ça lui tombe dessus, c'est une véritable explosion en pagaille. Et moi, je suis celui qui l'a plongée dans ce chaos.

— Tu as regardé quoi encore pour avoir une tête pareille ? demandé-je en essayant d'adopter un ton léger.
Elle relève les yeux vers moi, ses lèvres se tordant en un sourire amer.

— Un film passionnant mêlant intrigue politique et trahison ! répond-elle avec une pointe de sarcasme.

— Scarface ? J'essaye de deviner. J'avais jamais vu personne pleurer devant Tony Montana, dis-je en me laissant tomber sur le lit.

— Oh non, Weis, Scarface est le prochain sur ma liste, pour me donner des idées sur comment te plomber ! réplique-t-elle avec un sourire en coin.

Ce nom entre ses lèvres, c'est pire qu'un coup de couteau. Sa voix me devient étrangère, surtout quand elle prononce mon nom, me fige sur place. "Weis". Ce simple mot, mon nom, résonne comme un coup de tonnerre dans ma tête. Elle ne devrait pas savoir. Pourtant, maintenant, tout a changé.

Je me racle la gorge, essayant de ne pas montrer mon trouble.

— Comment ?

— je vous ai suivi.

Cette révélation me glace le sang qu'a-t-elle vu? Pire, qu'a-t-elle entendu ? Je ne sais même plus ce qu'il c'est dis. J'ai l'impression d'avoir été absent un instant de ma propre vie.

— Tu es qui au juste ? Pourquoi le cacher ? demande-t-elle, sa voix plus douce, mais empreinte d'une douleur que je reconnais trop bien.

Je la regarde, sentant cette tension monter en moi. Comment lui dire la vérité sans la perdre pour toujours ?

— Tu n'as jamais demandé, dis-je doucement. À vrai dire, tu n'as même jamais demandé pourquoi nous t'avions enlevée.

Elle fronce les sourcils, visiblement surprise par ma réponse.

— Parce que je pensais connaître vos stupides raisons, réplique-t-elle sèchement.

— Et selon toi, c'était quoi ? insisté-je, curieux de savoir ce qu'elle a imaginé.

— De l'argent ? Une rançon, bien évidemment. Je pensais que vous aviez demandé une rançon à mon père et qu'elle ne tarderait plus à arriver, dit-elle avec une ironie désabusée.

Je secoue la tête, un sourire triste aux lèvres.

— Non, mon amour, ce n'est pas l'argent qui nous intéresse. Ça, ton père nous l'aurait donné bien volontiers. Mais ce que nous lui avons demandé... sache qu'il nous l'a refusé. Il préfère te savoir entre les mains de malfaiteurs plutôt que de nous aider à stopper la propagation du sérum. Aujourd'hui, Mills voulait te récupérer, ainsi que la mission...

À ce moment précis, sa main part toute seule. La gifle résonne dans la pièce, aussi violente qu'inattendue.

— Ne m'appelle plus jamais ainsi. N'ose plus jamais me mentir de la sorte en me regardant droit dans les yeux, crache-t-elle, sa voix tremblante de rage.

Je reste là, immobile, le goût cuivré du sang dans la bouche, sonné par la violence de ses mots plus que par la gifle elle-même. Elle a raison, bien sûr. Je l'ai trahie, même si je ne voulais pas. Mais comment pourrais-je lui expliquer tout ça ? Comment lui dire que chaque jour passé sans lui révéler la vérité me tue un peu plus, que je la perds un peu plus ?

Je me passe une main sur la joue, là où sa main a frappé. La douleur physique n'est rien comparée à celle qui brûle dans ma poitrine. Mais je sens mon ego s'embraser. Il faut qu'elle comprenne, jamais je n'aurais pu lui en parler.

— Ça fait combien de temps que tu joues à ce jeu ? Parce que franchement, tu n'es pas très doué, dit-elle avec un sarcasme glacé.

— Oh, excuse-moi, je n'avais pas réalisé que j'avais kidnappé une experte. La prochaine fois, je te laisserai gérer, rétorqué-je avec un sourire en coin, tentant de détendre l'atmosphère.

Elle ne sourit pas, et je regrette immédiatement. Ses yeux sont durs, froids. Elle est blessée, bien plus que je ne l'avais imaginé.

— Peut-être que tu devrais, réplique-t-elle sèchement.

Un silence tendu s'installe entre nous, lourd de tout ce qui n'a pas été dit. Je me sens démuni, piégé entre mon devoir et mes sentiments. Mais je sais une chose : quoi qu'il arrive, je ne peux pas la perdre. Pas elle. J'aurais dû tout lui dire dès le moment où j'ai senti qu'elle devenait importante à mes yeux. Mais pour des raisons évidente, je ne pouvais pas.

— Diamond, s'il te plait.

Je m'approche doucement d'elle comme on le ferait face à un animal blessé. Un animal qu'il faut encore apprivoiser. Mais elle recule, elle me repousse. Et je vois, la déception noyer ses yeux rougis, les larmes menacer de perler sur ses joues rouges de princesse.

— Alors comme ça mon père a refusé de me libérer, dit-elle soudain, il a choisi le sérum à sa fille.

Sa voix se fait plus douce. Au moins je me sens moins seul. Aujourd'hui, je ne suis pas le seul à l'avoir déçu et trahi.

— Je suis désolée Diamond, je n'aurais pas dû te l'apprendre comme ça. On s'attendait à ce genre de réponse si cela avait été Justin à ta place. On avait prévu de faire pression. Mais toi je ne pourrais jamais permettre que l'on te fasse du mal.

Ce n'est certainement pas la meilleur chose à faire à ce moment précis que de lui avouer que la torture avait été un jour une option, mais je ne veux plus rien lui cacher. Plus jamais.

— Depuis combien de temps le sais-tu ?

Aïe, j'aimerais pouvoir retirer ce que j'ai dis plutôt et mentir une dernière fois.

— Quelques jours.

Elle ne dit rien, mais ses yeux, eux, en disent beaucoup.

— Va t'en.

— Diamond...

— Va t'en.

A ce moment-là, j'aimerais lui dire que je n'ai jamais ressenti rien de pareil pour personne d'autres, que je ferais tout pour elle. J'aimerais la prendre dans mes bras, la rassurer. Lui dire que je l'a choisie plus que tout. Mais ce n'est pas le moment, je le sais. Je me lève du lit. Elle a besoin de son espace, alors je lui donne. A hauteur de la porte je me retourne.

— Diamond, sache que si tu me demandes maintenant de te ramener chez toi, je le ferais sans hésiter.

Je ne sais pas quoi dire de plus. Et elle non plus.
Je tiens à elle.

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