Chapitre 58 (en cours de correction)
Une brise. Une douce chaleur qui réchauffe mon corps. Ma respiration tranquille. Le drap frais sous mes doigts. Une odeur de lavande qui flotte dans l'air. Mes sens se reconnectent peu à peu. Dehors, des oiseaux chantent. A travers mes paupières, je commence à percevoir les rayons du soleil.
Mes doigts agrippent le tissu pour m'assurer que je ne rêve pas. Ils le serrent doucement. La force me manque encore. Je me sens si faible. Si l'enfer est ainsi, il me parait bien doux. A moins que ce ne soit une illusion et que bientôt tout disparaitra, laissant place aux tourments et à la souffrance.
J'hésite à ouvrir les yeux. Et si tout s'évanouissait ? Je me sens si bien. Je ne veux pas perdre ce cocon de douceur. J'ai besoin de me reposer. La vie ne m'a pas épargnée. Depuis mon enfance, elle n'a été qu'une succession de mauvais moments, ponctuée par de rares instants de paix.
Luc, Ach. Où sont-ils ? Je les ai perdus. Mon cœur se serre à cette pensée. Les seuls êtres qui ont su m'aimer, que j'ai aimé. Ils m'ont été enlevés. La candeur du moment s'évanouit. Mes mains se crispent sur les draps, contractées en réponse à la douleur de mon âme. Ma gorge se serre. Les sanglots montent malgré moi. Je voudrais hurler ma peine, ma colère.
Je pensais pourtant ne plus avoir la force de pleurer. Je pensais mon âme asséchée. Il faut croire que le désespoir ne vous quitte jamais. Il est accroché à chacune de vos respirations, vous rappelant ce que vous avez perdu. Voilà donc mon châtiment. Revivre ce qu'il me tenait le plus à cœur et le voir disparaitre la seconde d'après. Les démons sont vraiment maîtres en matière de torture.
Ma mâchoire se bloque pour refouler mes larmes. Mais je ne peux arrêter un gémissement qui gronde au creux de ma poitrine. Soudain, une main se pose sur mon front, le caresse tendrement. Elle est douce, chaleureuse. Ses gestes sont aimants, comme ceux d'une mère. Si seulement...
Je me risque à ouvrir les yeux. La pièce dans laquelle je suis est baignée de lumière. La lumière douce du soleil. Un voile blanc flotte au gré de la brise. Cet endroit ne peut pas être l'enfer. Il est bien trop réconfortant. Est-ce le paradis ?
- Bonjour, Ivy. Je suis heureuse que tu ouvres enfin les yeux. J'en connais un qui va sauter de joie.
Lentement, ma tête pivote vers la voix bienveillante qui vient de m'interpeller. Mes yeux ont du mal à s'accommoder. C'est une jeune femme, me semble-t-il. Ses longs cheveux blonds et son sourire me réconfortent. Elle se penche vers moi. Je vois à présent le bleu profond de ses yeux, la finesse de ses traits. Elle me rappelle étrangement quelqu'un.
- Comment te sens-tu ?
J'essaie de lui répondre mais ma gorge est sèche. Seul un râle remonte à la surface. Je déglutis et toussote pour m'éclaircir la voix.
- Ca va.
Juste deux mots, mais ils ont le pouvoir d'agrandir son sourire d'une façon telle que j'ai moi aussi envie de sourire. D'un mouvement chancelant, j'essaie de me relever, mais elle m'en empêche.
- Ne va pas trop vite. Tu as passé beaucoup de temps ici. Laisse-toi le temps de récupérer.
Je la dévisage un peu plus. Rien dans son apparence ne trahirait une quelconque malice. Mon esprit est tellement confus. Enfer, paradis ? Je ne sais plus quoi croire. Je me laisse retomber sur le lit, décontenancée.
- Attends un instant. Je vais le chercher.
Le chercher ? Mais qui ? Qui pourrait bien attendre mon réveil ?
La porte se referme sur elle. Malgré ma faiblesse, je ne veux pas rester allongée. J'ai l'impression que je suis dans cette position durant une éternité. Telle une morte en sursis. Me redresser, c'est comme reprendre le dessus, même si je n'ai aucune idée d'où je suis. La porte s'ouvre de nouveau. La jeune femme revient, accompagné d'un homme. Il est grand, blond, bien bâti. Il se rapproche de moi, s'assoit sur le bord du lit et me fixe intensément. Son visage m'est familier. Il provoque en moi une sensation étrange. Ses mains emprisonnent les miennes d'une manière si naturelle qu'on dirait qu'il a fait cela souvent.
- Ivy. Tu ne peux pas savoir comme je suis heureux. J'ai eu si peur de te perdre.
Cette voix. Ce visage. Mon dieu ! Luc. Mais je croyais... et soudain, tout me revient. Comme un coup de poing dans le ventre. Vif et dur, d'une violence incroyable. Luc n'est plus, Gabriel a pris son apparence. Ach s'est sacrifié. Il a péri de la main de cet être angélique.
Mes mains repoussent les siennes de dégoût. 'Mon geste instinctif et l'expression de mon visage interpellent la jeune femme car elle s'est rapprochée et fronce les sourcils.
- Tu es sûre que ça va bien ? Tu es toute pâle tout d'un coup. Peut-être devrais-tu de te rallonger ?
- Non.
Ma réponse a résonné dans la chambre. Bien plus fort que je ne le voulais. Elle recule face à ma réaction. L'ange et elle échangent un regard. Je crois qu'il essaie de la rassurer.
- Tu peux nous laisser un instant, Maëllie ?
- Bien sûr. Je vais aller prépare quelque chose à grignoter au cas où elle aurait faim.
- Merci, lui répond Gabriel avec douceur.
Elle quitte à nouveau la pièce, me laissant seul avec lui. Un silence s'installe. Son regard ancré dans le mien, nous nous dévisageons. Mon cœur oscille entre la colère et la peine.
- Tu n'es pas Luc... et tu as tué Ach.
L'ange continue à me fixer. Qu'attend-il de moi ? Et qu'est-ce que je fais ici ?
- Je suis désolé que tu es dû subir autant de malheur, Ivy. Le destin ne t'a pas épargné.
- Ce n'est pas le destin, réplique-je, sur un ton acerbe. C'est vous. Les anges, les démons. Vous m'avez manipulé, vous avez tué dans l'oeuf le peu de bonheur que j'avais.
- Je comprends ton amertume et je ne t'en veux pas.
Mes poings se serrent de rage. Comment ose-t-il me parler de la sorte ? Il a contribué lui-même à mon malheur. Je n'ai rien à me faire pardonner. C'est plutôt lui qui devrait me supplier de l'excuser.
- Le temps presse. Je dois te parler avant qu'elle ne revienne.
- Mais qui est-ce ?
- Maëllie, la sœur de Luc.
Mon sang se fige aussitôt. Comment...
- Mais je suis où ?
- Chez les parents de Luc.
- Dans le monde réel.
- Oui.
Mon esprit peine à faire le tri dans mes souvenirs.
- Je ne suis pas morte ?
- Si, mais je t'ai ramené à la vie.
- Pourquoi ?
- Car ton sacrifice devait être honoré et parce que tu as encore un travail à accomplir ici.
- Comment ça ?
- Ivy, ton âme a été purifiée. Hati n'est plus en toi. Tu n'es plus une lycaon. Tu es devenue une humaine, comme les autres. Ou presque. Dieu t'a confié un don pour que tu puisses le servir. A partir d'aujourd'hui, tu seras chasseuse et tu nous aideras à traquer tous les démons qui ont pu fuir le champ de bataille. Voici donc ton rôle, Ivy. Purifier la Terre de toutes les créatures de l'enfer, pour que l'humanité soit préservée, qu'elle puisse vivre enfin en paix.
Sa révélation me fait un choc. Pourquoi ? N'aurais-je donc jamais droit au repos ?
- Elle sait que tu n'es pas Luc.
- Non, et elle ne doit jamais le savoir. Pour sa propre sécurité et pour celles de tous ceux qui l'entourent.
Je prends ma tête entre les mains. Mes oreilles sifflent atrocement. Je n'arrive pas à penser clairement.
- Et Ach ? Où est-il ?
- En enfer. Le vampire a prouvé son amour pour toi en se sacrifiant, mais nous ne pouvions pas le sauver.
- Pourquoi ?
L'ange secoue la tête. Son sourire navré me retourne les tripes.
- C'est compliqué. Dieu a déjà mis en péril l'équilibre des choses en te rappelant à lui. Sauver une deuxième âme était impossible.
J'ai envie de le frapper en voyant son visage compatissant. Celui de mon amour perdu. Dieu m'a sauvé parce qu'il a besoin de moi. Il n'a pas levé le petit doigt pour Ach car il en a rien à foutre. Mais moi oui.
La porte s'ouvre à nouveau. J'observe, muette, l'ange accueillir à bras ouverts ses soit-disant parents, qui sont venus aux nouvelles. Toute cette fausseté, cette gentillesse simulée me donne la gerbe. Je hais les démons, autant que les anges. Nous n'avons aucune valeur à leurs yeux. Mais je ne vais pas me laisser faire. Je veux ma part de bonheur, celle que j'ai amplement méritée.
J'irais chercher Luc, où qu'il soit. Je ramènerai Ach, même s'il est en enfer. Je trouverai bien un moyen. Et qu'importe ce que Dieu ou Lucifer veut, je m'en balance. Il est temps de tous les envoyer se faire voir.
FIN
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