Chapitre 56 (en cours de correction)

Je ne sais pas si c'est la joie ou la terreur qui prend le dessus. L'effarement, sûrement. Quel cruel revirement de situation. L'homme que j'aime, habité par l'archange dont la mission est d'éliminer le démon qui est logé dans mes entrailles.

Mon regard se perd dans les courbes d'un visage que je croyais disparu pour toujours. J'ai envie de hurler, mais tout reste bloqué à l'intérieur. Quand j'irais en enfer, je ne pourrais souffrir pire châtiment que celui que je subis actuellement.

Autant mon amour pour Luc emplit mon coeur, autant la haine d'Hati pour Gabriel vient polluer mon âme. Elle s'insinue dans chaque cellule de mon corps. Mais moi, je refuse. Je refuse de lui faire le moindre mal. C'est juste inconcevable.

J'ai cru le perdre une fois, je ne serais pas encore responsable de sa mort. Mon corps se met en mouvement malgré moi. Je rassemble les forces qui me restent pour lutter. Cela me demande tant d'effort. J'ai l'impression que si je continue, mes os vont se briser, tiraillés par des ordres contraires. Mais mon pas se ralentit.

( - Que fais-tu, humaine ? Tu crois vraiment pouvoir empêcher ce combat ?)

( - Tu ne le tueras pas. Je m'y refuse. Pas lui.)

Un rire rauque remonte de ma gorge et me glace le sang.

- Qu'est-ce qui te rend si joyeux, Hati ? demande Luc, arrivé maintenant à nos côtés.

- L'âme refuse d'abîmer ton enveloppe. Elle croit que l'âme qui y était est encore de ce monde.

Comment ça ? Luc... Ce n'est pas possible. Son visage n'exprime aucun sentiment. Luc, dis-moi que tu es encore là.

- Assez bavardé, démon. Je ne suis pas venu ici pour faire la conversation.

Luc lève une immense épée qu'il pointe dans notre direction. Hati rit de plus belle.

- Vous, les anges, ne savez pas faire preuve de patience ni d'humour. Ressens l'ironie de la situation. Nos hôtes étaient autrefois amants. Même ils s'aimaient. Et nous voilà prêts à déchiqueter leurs chairs, pour nos maîtres respectifs. Les démons ne sont pas les seuls à n'avoir aucune compassion pour les êtres humains.

Hati fait un pas vers l'archange. L'appel du sang est plus fort que ma peine. Mais alors que je me prépare à subir le premier assaut, Ach apparait et s'interpose.

- Pousse-toi, vampire. Ce n'est pas ton combat, réplique l'ange avec calme.

- Il n'en est pas question. J'ai juré de protéger Ivy jusqu'à ma mort et je le ferai.

- Soit, si tel est ton souhait.

L'ange se rue sur lui, lui assène un coup d'une telle violence que Ach est propulsé plusieurs mètres plus loin. Son corps retombe, inerte, au sol.

- Je m'occuperai de toi plus tard. Là, tout de suite, j'ai un combat à mener qui ne peut plus attendre.

- Tu as fini ta petite démonstration, Gabriel. Je vais finir par trouver le temps long.

En guise de réponse, l'ange se lance à l'attaque. Son épée fend l'air en sifflant. Hati évite tant bien que mal. Je ne lui facilite pas la tâche. Ses gestes sont plus lents qu'à l'accoutumée, moins précis. Et inévitablement, il finit par être blessé. La lame entame profondément mon bras droit.

Dans un cri de rage, je recule. L'ange fait de même et se met en garde. Un sourire satisfait s'épanouit sur ses lèvres.

- Pas de chance, démon. Ton hôte n'a pas l'air très coopératif. Contrairement au mien. Luc sait que ce combat doit se faire, malgré les sentiments profonds que lui inspirent Ivy.

- Maudit piaf ! Je suis sûr que tu as choisi cet hôte à cause des liens qui l'unissent au mien.

L'ange se contente de sourire. Son mépris agace profondément Hati, mais mon manque de coopération l'embrase littéralement. Sa poigne vient de nouveau me faire suffoquer.

( Je vais te faire souffrir mille tourments pour l'irrespect dont tu fais preuve, humaine. Tu ne peux rien y faire. Je vais tuer ton cher Luc. Je vais le découper lentement, morceau par morceau. Son corps ne sera plus que chair pendouillante sur son squelette. Et tout cela, par ta faute. Maintenant, profite du spectacle.)

Ange et démon se toisent un moment, se tournent autour. Puis Hati lance l'assaut. Prisonnière de son étau, je n'arrive plus à lutter. Sa hargne est telle qu'il réussit à blesser Luc. La cuisse, le bras, le flanc. Mais l'ange n'est pas en reste. Son épée s'enfonce dans ma chair maintes fois. Nos corps sont aussi meurtris l'un que l'autre.

Je souffre. Plus que je ne pourrais supporter normalement. Mais la douleur la plus grande est celle du coeur. Voir Luc ainsi malmené, blessé liquéfie chaque parcelle de mon âme. Je préférerai mille fois assumer cette douleur toute seule. D'autant que l'issue semble déjà toute tracée. Les deux êtres surnaturels sont de force égale. Le combat ne peut que mal finir.

Soudain, Hati bondit sur Gabriel, mais celui-ci a anticipé, esquive et en profite pour l'atteindre à l'épaule. La douleur est fulgurante, brûlante. Mon corps retombe lourdement sur le sol. Le sang me remonte dans la gorge. Je suis à bout de force. Hati tente de se relever, mais un coup de pied le repousse au sol. Un autre le retourne sans ménagement.

- Encore une fois, Hati. C'est moi qui gagne. Je suis désolé, Ivy. Je sais que tu as tout fait pour le repousser. Sache que l'âme de Luc ira au paradis. Il sera heureux pour l'éternité grâce à toi.

Gabriel écrase avec force mon épaule blessée. Un cri de douleur m'échappe. Hati a perdu, mais il refuse de se laisser faire. Il se débat sous le pied de Luc. A deux mains, l'ange lève l'arme au-dessus de sa tête. Un sourire doux flotte sur son visage. Mon âme s'apaise alors, acceptant son sort. Elle tente même de retenir celle d'Hati pour calmer les soubresauts de mon corps. Mes yeux se ferment, attendant l'issue fatale. La lame fend l'air et s'arrête. Une lourdeur vient peser sur moi, mais pas de douleur. Jamais je n'aurais pensé que la mort était si douce. Bien trop douce.

Mes yeux s'ouvrent à nouveau. Ils rencontrent le violet de ceux de Ach. Quoi ! Que fait-il au-dessus de moi ? Son sourire est étrange. Je ne comprends pas ce qu'il vient de se passer. A chacune de mes respirations, je sens un pointe frôler la peau de ma poitrine.

- J'ai été heureux d'avoir croisé ta route, Ivy. Ma vie était d'une telle tristesse. Tu as su réveiller mon âme endormie. Je t'en remercie. Peut-être nous retrouverons nous en enfer.

Doucement, ses lèvres se rapprochent des miennes pour y déposer un baiser chaste. Mes paupières battent fébrilement. Je tente de saisir la portée des mots qu'il vient de prononcer. Puis, quelque chose change dans son regard. Cette lueur, si intense, s'éteint peu à peu. Sa peau devient grise.

J'ai envie de lever la main pour le toucher mais je n'y arrive pas. Une poussière se détache de sa joue et vient se coller à la mienne. D'une, elle devient des dizaines, puis des centaines. Son visage se décompose peu à peu. Ach se meurt. Il part en poussière. A présent, je réalise. La lame qui m'était destinée s'est plantée dans son coeur. Ach s'est sacrifié pour me sauver. Maintenant, je le perds. Lui aussi.

Unebrise plus forte emporte ce qui reste de lui et je me retrouve seule, face àcette épée meurtrière. 

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