Chapitre 38 (corrigé)


J'ouvre les paupières d'un coup. Je suis dans un lit. Celui dans lequel je me suis assoupie. Quelqu'un tambourine avec force à la porte. Celle-ci finit par céder sous les coups. Liam débarque, complètement affolé. Il me parle mais je ne l'entends pas. Il m'attrape par les épaules et se met à me secouer avec force. Ce n'est que lorsqu'il m'assène une gifle monumentale que je reprends mes esprits.

- Bordel, Ivy, qu'est-ce qui t'arrive ?

Je le repousse et m'adosse au dossier du lit.

- Laisse-moi tranquille.

Mon ton s'est fait plus tranchant que je ne le voulais. Liam me regarde un moment, hésitant sur la marche à suivre, puis il sort de la chambre en tentant de remettre la porte dans ses gonds. Il grommelle quelques jurons avant de la laisser branlante et de travers. Je sais que je n'ai pas été très sympa avec lui mais j'ai besoin d'être seule pour digérer ce cauchemar épouvantable. Cette saloperie de démon vient de me faire clairement comprendre qu'il n'admettra pas que je revois Luc. Mais mon cœur veut tout le contraire. Plus encore depuis que je l'ai revu, même si ce n'était qu'un rêve.

Un long frisson parcourt mon échine. Je repense à cette vision horrible du corps mutilé de Luc. Mutilé par ma faute. Je veux le voir, mais je ne m'approcherais pas de lui. C'est beaucoup dangereux. Je suis beaucoup trop dangereuse. Il vaut mieux que je parte maintenant. Liam serait capable de m'en empêcher. Il veille un peu trop sur moi. Il semble sincèrement s'inquiéter mais j'en ai assez que tout le monde se préoccupe de mon sort. Luc, Ach et maintenant Liam. Je quitte la maison comme une voleuse, emportant mes affaires et quelques billets qui trainaient.

Je remonte la rue pour me diriger vers une plus grosse artère. Faire de l'auto-stop jusqu'à White Rock risque d'être long, mais je n'ai pas trop le choix. Les autres transports sont hors de prix. Je me poste donc sur le bas-côté et tout en marchant, je lève le pouce bien haut pour qu'il soit visible. Les voitures défilent et personne ne s'arrête. Je perds patience et décide de tenter ma chance un peu plus loin. Tout à coup, une voiture ralentit à ma hauteur, puis se gare quelques mètres plus loin. Je presse le pas pour la rejoindre. Quand je me penche à la fenêtre du conducteur avec mon plus beau sourire, mon visage se décompose aussitôt.

- Alors, tu comptais me fausser compagnie une nouvelle fois, Lycaon ?

Ach me dévoile ses belles canines dans un sourire qui se veut charmeur. Je ne sais que lui répondre ni même comment réagir. Ses yeux glissent sur mon corps et me déshabillent littéralement. Je me redresse instantanément.

- Bon, tu te décides à monter ou tu préfères aller jusqu'au Canada à pied ?

Ma mâchoire menace de se décrocher tellement je suis prise de court. Ach passe le bras par la fenêtre et repousse du bout des doigts mon menton pour refermer ma bouche.

- Dernière invitation, princesse, après je m'en vais.

Je grimace à l'évocation de ce surnom ridicule. Le vampire se met à ricaner, fier de sa blague douteuse.

- Je trouve qu'il te va bien. Tu aimes qu'on te supplie et que les hommes soient à tes pieds.

- C'est n'importe quoi !

- Enfin ! Je croyais que tu avais perdu ta langue. Cela aurait été dommage, surtout pour moi. Tu sais si bien t'en servir.

Je me sens devenir rouge cramoisi, non pas de honte mais d'agacement. Je vais pour lui lancer une pique bien choisie mais je me ravise. Faire le trajet en voiture avec Ach serait quand même plus confortable et sûr. Après avoir soupiré bruyamment pour manifester mon désaccord concernant son attitude, je finis par m'installer à ses côtés. Il redémarre un grand sourire de satisfaction accroché à ses lèvres.

Le paysage défile, change mais je reste toujours mutique. Pas envie de parler ni de revenir sur ce qui s'est passé entre nous. Ach reste aussi muet que moi. Il n'est pas du genre à se confier et à parler de ses sentiments. Ça m'arrange bien. Le vampire roule sans s'arrêter, excepté pour faire le plein. Il n'a pas vraiment besoin de dormir et moi je me contente du siège passager. A chaque arrêt, je m'applique à écrire ma lettre. Celle que je vais glisser dans la boite aux lettres de Luc, sans qu'il ne sache que je suis là. Celle où je lui explique tout.

Tout ce qui s'est passé depuis la dernière fois qu'on s'est vu. Toutes mes inquiétudes à son sujet, me concernant. Tous mes sentiments, pour lui, pour Ach. Tous mes projets, ma rencontre avec mon frère et mon intention de stopper cette folle dingue de Hella. Mais aussi mon refus de le revoir, pour le protéger, pour protéger ceux qui l'entourent. Il faut qu'il sache car je ne le reverrais plus pour le lui dire. Parfois les larmes menacent, mon cœur veut exploser. Je sens le regard de Ach sur moi. Je sais qu'il lit en moi quand j'écris. Mais jamais il n'intervient. Il me laisse faire. Il se contente de temps à autre de me caresser subrepticement l'épaule, d'un geste prétendument involontaire. Mais je sais que c'est sa manière de m'aider.

Après des jours à rouler, nous arrivons enfin à destination. A mesure que la voiture avance dans la rue, mon estomac se contracte. Tout, absolument tout est identique à mon rêve. Les maisons, les haies qui les séparent, le soleil couchant, la brise marine. Mon corps se crispe, les sanglots se bloquent dans ma gorge.

- S'il te plait, Ach, arrête-toi ici.

Il se gare sur le bas-côté, sans rien dire.

- Je préfère qu'on attende la nuit avant d'y aller.

Il ne dit rien et éteint le moteur. Nous restons là, tous les deux, à surveiller cette rue paisible. Mes yeux ne quittent pas la maison que je connais déjà. J'entends sa voix, au loin, même si je ne le vois pas. Le vent se moque de moi en me renvoyant les effluves de son parfum. Mon cœur saigne mais se tait car il sait que c'est la meilleure solution, l'unique pour qu'il ne souffre pas. La nuit daigne enfin arriver. La lune, presque pleine, me nargue comme à son habitude. Je décide de sortir uniquement quand j'entends claquer la porte d'entrée de sa maison et que sa voix n'est plus qu'un filet, un murmure étouffé. Toute tremblante, j'ouvre la portière. Ach me retient.

- Tu veux que j'y aille à ta place ?

Je secoue la tête. Je dois le faire. C'est ma décision, mon fardeau.

- Alors je t'accompagne.

Je n'ai pas la force de lui dire non. Je me contente de l'observer contourner la voiture. Le sang bat dans mes tempes et j'ai du mal à garder l'équilibre. Me voyant vaciller, il passe son bras autour de mes épaules. Son contact me redonne un peu de courage. Arrivée devant cette fichue boîte, ma main refuse de se lever. Bordel ! Je sais qu'en faisant cela, je renonce à lui définitivement. Pourquoi ça me fait tellement mal, putain ? Ach me prend l'enveloppe des mains. Je le laisse faire. Je suis comme anesthésiée. Je la regarde glisser dans la fente et je comprends que c'est fini. Ça y est. Il fait partie de mon passé et jamais il ne reviendra. Je lui ai promis. Aussitôt, les larmes que je contenais depuis des jours déferlent sur mes joues.

Ach me resserre contre lui et nous fait hâter le pas. Il me pousse littéralement à l'intérieur de la voiture avant de démarrer en trombe. Au bout d'une centaine de mètres, il s'arrête et me prend dans ses bras. Je me laisse aller contre son torse, pour tenter d'évacuer cette douleur qui m'étouffe, qui réduit le cœur en miettes. Mais rien n'y fait, j'ai toujours aussi mal. Même ses caresses n'y changent rien. Je sais que ce n'est pas quelqu'un de tendre. Il est brut. Il fait cela uniquement pour moi, mais je n'arrive pas à l'apprécier à sa juste valeur.

Les larmes finissent par se tarir, bien que la peine soit toujours là.

Ach redémarre. Je me laisse couler sur le siège. A présent, je me sens vide. Vide de tout sentiment. Ni tristesse, ni colère, ni peur. Juste vide, le cœur captif d'une prison de ronces qui se resserre à chaque battement. Le monde continue à tourner mais je me suis cloîtrée en moi-même, ressassant sans cesse ces derniers moments. Mes espoirs sont restés dans cette petite ville, enfermés dans une enveloppe blanche. Avec lui, j'aurais pu connaitre l'amour, le pur, celui que toute petite fille rêve un jour de vivre. Celui qui vous garantit un avenir paisible et empli de tendresse. Mais il faut croire que je ne suis pas destinée à ça. Seules les ténèbres m'appellent. Encore et toujours.

Ach nous a trouvé une chambre d'hôtel. Il m'a ramenée jusqu'au lit dans ses bras. Je n'ai pas réagi, je l'ai laissé faire. Puis je me suis roulée en boule et j'ai attendu un sommeil qui ne vint jamais. A présent, le soleil point, paré de ses couleurs pastel. Un tel spectacle devrait m'émerveiller, mais au contraire il me laisse froid. Tout a perdu sa saveur. Les paysages, la nourriture, rien n'a plus grâce à mes yeux. Ach ne sait pas comment me gérer, je le vois bien. Il arpente la chambre de long en large. Il décide finalement de sortir. Je le perturbe. Pour lui aussi, je suis un poison. Quand il revient, je n'ai pas bougé. Je ne sais même pas combien de temps il est parti.

En franchissant la porte, je vois à son regard qui est franchement en pétard.

- Bordel, Ivy ! J'en ai marre de ton attitude. C'est fini avec Luc. Il faut que tu te fasses une raison. Rester dans cet état n'y changera rien. Tu me rends juste dingue.

- Pardon, murmuré-je. Je pourris la vie de tous ceux que je croise. Tu devrais te barrer tant qu'il en est encore temps. Va retrouver Hella, elle sera sûrement moins toxique que moi.

Ach se précipite vers moi, m'agrippe par les épaules et me plaque contre le dossier du lit.

- Tu vas la fermer maintenant ! Tu ne dis que des conneries. Décidément, tu ne comprends vraiment rien.

Ses lèvres s'écrasent sur les miennes, durement, avidement, désespérément.

- Ne vois-tu pas que tu me fais, articule-t-il contre mes lèvres. J'ai essayé, bordel de dieu ! J'ai essayé de t'expulser de ma vie et tu es revenue en force. Tu me balances sous le nez tes sentiments pour ce morveux de chasseur alors que moi... Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas ressenti quelque chose comme cela. Et toi tu veux m'abandonner ? Tu veux m'arracher le peu de cœur qu'il me reste ?

J'écarquille les yeux en prenant conscience de ce qu'il vient de m'avouer. Ach tient à moi. Il m'aime. Et moi, comme une conne, je le rejette, je le torture en ne pensant qu'à moi. Toujours moi, mes sentiments, mes problèmes. Alors que je l'ai embarqué dans ma galère et qu'il m'a suivi sans rien demander. J'aurais pu le laisser tranquille, qu'il puisse reprendre le cours de sa vie mais je suis revenue à la charge. Et encore une fois, il se tient à mes côtés.

- Ma vie n'avait plus de sens sans toi.

Il se laisse retomber sur le lit, la tête basse. Je me rapproche pour prendre son visage entre mes mains et le regarder droit dans les yeux. Ils sont d'un noir profond. C'est lui qui me parle, c'est lui qui m'avoue ses sentiments, et non le démon qui l'habite. Mes lèvres se posent délicatement sur les siennes.

- Pardon. Je m'en veux tellement !

Ach semble hésiter.

- Je suis une abrutie, une abrutie d'aveugle. Tu es là. Et moi, je...

Il ne me laisse pas le temps de terminer. Mon corps bascule et sa bouche part à l'exploration de mes courbes. Ma mâchoire, mon cou, la naissance de mes seins. Rapidement, nos vêtements sont au sol, nos peaux unies l'un à l'autre. Malgré la fraîcheur de ses doigts, ils me brûlent littéralement. Encore et toujours. Je m'embrase sous ses caresses. Je devrais me sentir triste mais quand Ach me touche, j'oublie tout. Il est le pansement de mon cœur, le remède à ma mélancolie. Je ne peux m'empêcher de ressentir cette passion à son égard. Surtout maintenant qu'il s'est ouvert à moi. Même si dans un coin de ma tête, je sais que ce n'est pas ce que je devrais faire ça si je l'aimais vraiment. Je joue avec son cœur, avec son âme.

Ses mains s'impriment dans mon corps et je me laisse envahir par ce torrent de sensations. Ses coups de rein me transportent. Ses râles de plaisir m'électrisent. Il sait comment me déconnecter de mon cœur meurtri, comment rendre mon corps dépendant. Ses doigts s'entremêlent avec les miens et nous ondulons au même rythme. Pour la première fois, je plonge dans son regard et je me rends compte à quel point j'étais à côté de la plaque le concernant. J'en suis surprise, voire effrayée de provoquer un tel sentiment en lui. Je ne suis pas sûre d'en être digne. Sa bouche se pose tendrement sur la mienne.

- Oublie un moment tout ça. Pour l'instant, tu es à moi et rien qu'à moi.

Je lui rends son baiser en signe d'approbation. Ach accélère le rythme, m'emportant dans un délicieux tourbillon de jouissance. Dans un ultime coup de rein, il me rejoint. Nous restons ainsi, l'un face à l'autre, front contre front. Sa main est toujours dans la mienne et ne semble pas vouloir s'en défaire. Cet homme est une vraie énigme. Tantôt froid et arrogant, tantôt passionné et possessif. Maintenant, il se montre tendre. Il roule sur le côté. Je me tourne vers lui, appuyée sur la hanche, le regard détaillant son profil.

- Quoi ? finit-il par dire.

- Depuis quand n'as-tu pas mangé ?

- Depuis notre dernière chasse. J'ai bien essayé aujourd'hui, mais une certaine princesse des emmerdeuses s'est invitée dans ma tête.

Instinctivement, je lui file un coup à l'épaule. Il me sourit. On pourrait presque croire que les choses sont retournées à la normale. Je lui tends mon bras, tout en soupirant exagérément.

- Vas-y. Buffet royal à volonté. Enfin, essaie quand même de ne pas me tuer.

Il seredresse et me regarde avec ses yeux violets. Je me crispe. Décidemment cedémon ne nous laissera donc jamais tranquille. Ses doigts glissent doucementsur mon poignet, caressent le creux intérieur de mon coude. Sa main le tournelégèrement vers lui. La pointe de sa langue vient en titiller les veines, puisdoucement il enfonce ses crocs dans ma chair offerte. Ses yeux me couvent. Jesens déjà l'ivresse me gagner et je me rallonge à ses côtés. Son autre brasvient se glisser sous moi et me rapproche de lui. Sa main monte et descend lelong de ma colonne. Je ferme les yeux et me laisse aller. Morphée finit parm'envelopper de ses doux bras et je me laisse partir au son des gorgées avidesde Ach.     

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